Focus sur le marché du jeu mobile, quel est le processus de fabrication des jeux ?
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Rédigé par Quentin
Le jeu mobile a pendant longtemps été considéré comme un monde à part dans le secteur du jeu vidéo. Encore aujourd’hui, il n’est pas rare de lire ou entendre de la part de joueurs « classiques » sur consoles et PC des commentaires tels que « ce ne sont pas de vrais jeux » ou « encore un jeu mobile, dommage ». Pourtant, on peut en toute logique penser que le mobile n’est pas moins légitime que le PC puisque, comme ce dernier, il cumule un aspect pratique et ludique. Malgré tout le secteur garde encore cette image de « jeu low cost » et très grand public.
Les jeux mobiles sont évidemment à un tournant où il n’est plus question de les ignorer. Si l’on devait faire une chronologie très grossière de ce marché, on peut dire que l’on est passé de l’emblématique Snake sur Nokia 3310 au carton Angry Birds sur iPhone pour finir aujourd’hui avec une large gamme de jeux sur smartphones dont des « AAA mobiles » à l’image de Genshin Impact qui est devenu une sorte de symbole de ces projets mobiles ambitieux. Grâce à des appareils de plus en plus puissants et un réseau qui se développe (l’arrivée de la 5G notamment), cette tendance n’est pas prête de s’arrêter. Découvrez notre dossier exclusif sur le sujet.
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ToggleUn marché qui pèse très lourd
Même les gros éditeurs l’ont bien compris et comptent bien s’implanter sur ce marché juteux quitte à s’attirer les foudres de leurs publics fétiches. L’annonce de Diablo Immortal lors de la Blizzcon en 2018 en est une parfaite représentation qui peut s’appliquer à toute l’industrie. Pour rappel, l’annonce fut sifflée par le public après avoir précisée que rien n’était prévu sur PC suivi d’un « Do you guys not have phones ? » (« mais vous n’avez pas tous des téléphones ? ») qui a mal été accueilli. Ces acteurs historiques veulent ainsi jouer sur les deux tableaux mais ils font désormais très attention à la communication afin de ne pas répéter l’erreur de Blizzard. Il n’est donc pas rare de voir des annonces de jeux mobiles lors de grandes conférences même si celles-ci se glissent assez discrètement entre les gros jeux pour ne pas trop exaspérer une partie des joueurs.
Mais pourquoi se lancent-ils là dedans quitte à endommager leur image ? Tout simplement parce que le marché mobile rassemble un très grand nombre de consommateurs qui dépensent énormément grâce des systèmes économiques bien plus souples et bien moins contestés. Selon Sensor Tower (via Gameindustry.biz), les dépenses des consommateurs dans le monde pour les jeux mobiles ont atteint les 44.7 milliards de dollars rien que pour la première moitié de l’année 2021, soit une augmentation de 17.9% par rapport à l’année 2020 à la même période.
Même si les plus gros marchés restent en Asie et en Amérique du Nord, la France connait une évolution constante du secteur. Selon le bilan du SELL pour l’année 2020, le chiffre d’affaires de l’écosystème mobile atteint 1.426 milliard d’euros, soit une évolution de 16% par rapport à 2019. Même si le Covid-19 a sans doute accéléré cette dynamique en 2020, elle ne date clairement pas d’hier. Parmi cet écosystème mobile, les jeux représentent 43% des téléchargements et 67% des dépenses par rapport aux applications classiques.
Les coulisses de création, l’exemple de My.GAMES
Ainsi, les jeux mobiles demandent de plus en plus de moyens et de stratégies pour se démarquer de la concurrence, et finalement on ne sait que très peu de choses sur les coulisses de leur fabrication. Afin d’en savoir plus, nous avons eu l’opportunité d’interroger Ilya Karpinsky, Directeur Stratégie et CEO de MY.GAMES Venture Capital. L’entreprise édite quelques jeux sur consoles et PC comme Skyforge, Warface ou encore Conqueror’s Blade mais le gros de leur activité concerne clairement les jeux mobiles comme nous l’explique Ilya Karpinsky lorsqu’on lui demande sa vision du jeu mobile aujourd’hui et à l’avenir :
« Les jeux mobiles ont déjà dépassé le marché des jeux consoles et ils seront encore plus en avant dans le futur. Actuellement, les revenus générés par les jeux mobiles de MY.GAMES représentent 78% de nos revenus et cette part augmente constamment, nous sentons un énorme potentiel sur ce segment… Je pense qu’à l’avenir, les jeux mobiles seront essentiellement des jeux Free to Play, et je ne serais pas surpris qu’un jour de gros titres consoles soient portés sur smartphones ».
Concernant ces dernières paroles, c’est en effet une pratique qui s’observe de plus en plus. Les jeux indépendants notamment, et énormément de gros jeux en F2P portés sur mobiles comme Call of Duty, Fortnite, et plus récemment avec les annonces de Valorant et Apex Legends. Pour revenir à MY.GAMES, il est vrai que l’entreprise possède un énorme catalogue de jeux mobiles : Rush Royale, Grand Hotel Mania, American Dad Apocalypse Soon, Hustle Castle ou encore Left Survive.
MY.GAMES regroupe une large gamme de jeux qui parlent aux différents types de joueurs sur cette plateforme allant du simple passe-temps aux titres plus engageants. D’ailleurs pour la compagnie, les jeux mobiles se divisent deux grands segments : les jeux dit casual (pour les joueurs occasionnels) et les jeux « midcore » (qui se situent entre les jeux hardcore et les jeux casual) avec d’autres qui se trouvent au sein de ces deux grand pôles. Nous avons donc posé la question au CEO pour savoir comment il organisait la diversité de l’offre, à savoir ce que l’entreprise recherche chez un jeu :
« Bien sûr, nous recherchons d’abord des équipes talentueuses avec de bonnes idées pour ensuite les épauler dans le processus de développement et les aider à publier leurs produits. Nous ne concentrons pas sur un genre en particulier même si l’on suit avec attention ce que fait l’industrie et les tendances du moment. A MY.GAMES, nous avons de nombreuses équipes avec leur propre expérience et accumulation d’expertise, mais nous sommes toujours dans une optique d’observation afin de nous inspirer et trouver de nouvelles idées. Et une équipe talentueuse avec une idée intéressante est toujours la priorité pour nous. Si l’équipe a un bon produit, quel que soit son stade de développement, et que nous y croyons, nous la supporterons quoi qu’il arrive. Parfois, nous investissons dans des équipes qui ont seulement une bonne idée et rien d’autre. Mais cela s’est finalement transformé en un succès qui a été publié avec notre aide ».
Etant donné que MY.GAMES développent sur tous les supports du jeu vidéo, nous avons demandé s’il y avait des différences entre le processus de création pour un jeu mobile et console/PC, voire même par rapport à un jeu service :
« La principale différence ne réside pas tellement dans le développement mais plutôt dans les spécificités du produit et les caractéristiques de son fonctionnement. Sur les appareils mobiles, il s’agit principalement de F2P, tandis que sur PC, il s’agit de jeux premium, de jeu en tant que service et, encore une fois, de F2P. Nous croyons au modèle GaaS [Game as a service, autrement dit jeu service] et nous développons et exploitons un grand nombre de ces produits. Nous avons un portefeuille de produits sur toutes les plateformes, et grâce à notre écosystème de réseau interne, nous essayons toujours de « sonder » les demandes des utilisateurs et d’expérimenter davantage. Nous avons des studios qui développent des jeux principalement pour PC et consoles, et ils ont une forte expertise dans ce domaine, et il y a quelques autres studios qui sont forts dans les jeux mobiles, mais nous visons toujours un support sur le long-terme. Et à cet égard, bien sûr, les jeux sur console et PC nécessitent plus de ressources. Puisque la différence est en grande partie due aux attentes du joueur vis-à-vis du produit. Pour les jeux mobiles, le gameplay passe souvent au premier plan tandis que les exigences graphiques sont moindres, alors sur PC et consoles, les joueurs attendent aussi des graphismes modernes, un univers bien développé, etc ».
Pour MY.GAMES, et très probablement pour de nombreux autres éditeurs de jeux mobiles, le marché est global. Il n’y a donc pas de public ciblé selon les régions. Ilya Karpinsky nous précise d’ailleurs que leurs utilisateurs se concentrent principalement aux Etats-Unis, en Europe (particulièrement en Allemagne, au Royaume-Uni et en France) au Japon, et en Asie du sud-est.
Le modèle free to play sur mobiles
Les jeux service, et les jeux en free to play (ou encore la combinaison des deux) sont légion sur mobiles car c’est ce qui rapporte le plus, et tous les classements de jeux en gain de revenus nous montrent constamment cette évidence. Les habitudes de consommation ne sont ainsi pas les mêmes. Les F2P sont gratuits sont donc plus facilement accessibles au plus grand nombre, ce qui permet de fidéliser plus de joueurs afin de les pousser à dépenser. Ces microtransactions fonctionnent d’autant mieux quant elles sont diluées via des « petits achats » plus ou moins régulier ou encore via l’utilisation de monnaies propres aux jeux qui font parfois perdre nos repères des valeurs marchandes.
Même s’il y a souvent une part de frustration lorsque l’on s’investit dans ce genre de jeu, beaucoup y trouvent leur compte en les prenant comme des passe-temps gratuit ou peu cher. Toutefois, avec l’habitude, et la concurrence forte, il est parfois difficile de garder un équilibre pour les éditeurs afin qu’un jeu soit profitable mais pas trop avare pour les joueurs. Nous avons demandé aux CEO de MY.GAMES comment la compagnie gérait cette équilibre fragile :
« Evidemment, nous cherchons à monétiser nos jeux sans trop ennuyer nos joueurs. Dans le même temps, la véritable audience payante de nos produits est généralement de 5 à 15% des joueurs. Pour le pourcentage restant, nous utilisons une monétisation via la publicité [ndlr : une petite pub à regarder quelques secondes pour débloquer un bonus par exemple]. En outre, tout dépend de la profondeur de la monétisation. Il existe des jeux où la profondeur maximale est de 500$ par mois et d’autres qui permettent à des joueurs de dépenser plusieurs milliers de dollars par mois ».
« Pour nous, la question ne se pose pas en matière d’équilibre et si nous voulons ennuyer ou non. Ici, la réponse la plus appropriée serait : la profondeur de monétisation que nous sommes prêts à intégrer dans le jeu dépend directement de la quantité de contenu que nous avons créé, ainsi que de la vitesse de sa consommation. Mais encore une fois, jusqu’à 85% des joueurs ne paient rien du tout et se sentent assez à l’aise. Et pour ceux qui paient et sont prêts à payer beaucoup, il y a suffisamment de profondeur de monétisation pour en profiter ».
En effet, il est désormais de notoriété publique que seule une petite partie des joueurs, communément appelés « les baleines« , dépense énormément dans un jeu F2P sur mobile. Ils font plus ou moins vivre le jeu même si la publicité évoquée précédemment reste une part importante. Si l’on met de côté certaines dérives, le modèle est plus ou moins accepté par les utilisateurs. Il n’est pas rare de voir certains joueurs dilapider des fortunes dans ces jeux, parfois même pour faire le buzz.
Certains Youtubers en font même leur business en créant du contenu sur des titres populaires, et dépensent de ce fait de grosses sommes pour proposer ce que d’autres joueurs n’ont pas les moyens de faire. Une pratique qui peut d’ailleurs s’avérer être très dangereuse pour un public plus jeune n’étant pas au fait de toute ces histoire de monétisation, et qui peut vite dépenser bien trop d’argent (notamment sur les jeux type gacha, qui fonctionnent avec des mécaniques de hasard).
Toutefois, malgré ce que dit Ilya Karpinsky, il existe tout de même selon nous un certain équilibre entre « ces joueurs free to play » qui ne payent rien ou peu, et ces fameuses baleines. Les joueurs free to play ont besoin de cette profondeur de monétisation pour avoir un but à atteindre et profiter du contenu financé par les baleines, et ces dernières ont ce besoin de supériorité face aux autres joueurs moins dépensiers. En particulier lorsque ces jeux offrent une dimension compétitive.
Il ne s’agit pas là d’un jugement de valeur concernant la monétisation car ces joueurs sont conscients de cela, et comme dirait Coluche : « il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas« . Il s’agit simplement des standards du marché actuel. Comme pour les MMORPG cette monétisation est amené à évoluer ou se diversifier à l’avenir.
La gestion du développement avant et après la sortie d’un jeu free to play
Du point de vue du développement, il est intéressant de voir comment ces studios, ou éditeurs qui les conseillent là-dessus, gèrent ces free to play. En restant dans le domaine de la monétisation, nous avons demandé à MY.GAMES à quel moment du processus de développement la question intervient :
« Dès le premier jour. Les décisions sur la méthode et les spécificités de la monétisation sont prises avant même le début du développement. Déjà en cours de développement, le type de monétisation FTP est déterminé, car le FTP est un terme assez général en matière de monétisation et il contient un grand nombre de variants. Les utilisateurs sont monétisés via des paywalls, des événements, des promotions ou des consommables. Tout dépend du genre, de la plateforme et des spécificités du gameplay. Tout cela est décidé avant le processus de développement basé sur les décisions du lead designer, du producteur, etc. Mais les spécificités et les caractéristiques de la monétisation dépendent toujours du genre et du style de jeu. Parfois, vous pouvez monétiser le produit plus, et parfois moins. Mais tout cela vient des caractéristiques du genre, pas de nos envies ».
Il va sans dire qu’il est plus profitable de miser sur une monétisation maitrisée sur le long-terme plutôt qu’une stratégie agressive à court-terme. C’est aussi pour ça que les jeux mobiles des grosses structures gagnent du terrain, ils sont plus sophistiqués et savent comment ne pas faire fuir les joueurs avec une monétisation parfaitement intégrée. Ils peuvent même l’adapter par la suite grâce aux données collectées en fonction de l’évolution d’un jeu :
« Vous pouvez toujours augmenter la profondeur de la monétisation, mais vous devez ensuite créer plus de contenu. Ce n’est pas toujours nécessaire, et le faire pour quelques joueurs est inutile. Si cela est demandé, on peut toujours augmenter la profondeur de monétisation ou au contraire la réduire ».
En parlant de contenu, nous avons également demandé comment est géré son apport dans un jeu. Si l’on prend par exemple un cas bien différent comme le jeu-service Marvel’s Avengers, on sait que le manque de contenu sur la durée peut ternir l’image d’un jeu et affaiblir rapidement sa base de joueur :
« Le jeu continue d’être développé et exploité après la sortie et, par conséquent, la production de nouveaux contenus continue : de nouveaux événements, du contenu supplémentaire en jeu, des mécanismes saisonniers et tout ce qui divertit l’utilisateur sur la durée. Bien entendu, afin d’avoir un stock de contenu qui nous permette de produire le suivant, nous prévoyons généralement de 3 à 6 mois à l’avance. Cela vous permet d’avoir toujours du contenu frais qui vous permet de divertir votre public. Mais bien sûr, tout dépend de la spécificité de chaque jeu et de la quantité de contenu requise à l’avance ».
En tout cas, MY.GAMES semble bien connaitre son dossier si l’on en croit les notations et les avis des jeux de la firme sur l’App Store et Google Play majoritairement positifs. Celles et ceux qui se sont investis dans un jeu mobile savent à quel point ces notes sont importantes pour les éditeurs. Elles peuvent même devenir un moyen de pression pour les joueurs si une mise à jour déplait trop à un large groupe. On peut considérer cette pratique comme une sorte de review-bombing pour jeux mobiles. Ces notations sont ainsi très importantes pour ces firmes :
« Oui, c’est important pour nous. Nous pensons que la note reflète la qualité du produit. De plus, elle est importante pour obtenir une mise en avant ou le soutien promotionnel des magasins d’applications ».
Un programme d’accélération issu d’une collaboration
En 2020, Google et MY.GAMES ont lancé un programme d’accélération (ou Game Drive) à destination des studios de développement de jeux mobiles prometteurs. Afin de mieux comprendre comment ces jeunes pousses peuvent se lancer dans l’industrie, nous avons de nouveau interrogé Ilya Karpinsky mais également des développeurs ayant participé à ce programme.
- Pourquoi avez-vous lancé ce programmes d’accélération avec Google ? Qui a initié ce partenariat ?
Ilya Karpinsky : Nous avons initié la chose à MY.GAMES en proposant cette idée de programme. À bien des égards, il est né de notre stratégie principale consistant à soutenir les développeurs talentueux. Notre division d’investissement MGVC (MY.GAMES Venture Capital) est engagée dans la recherche et l’accompagnement de studios de développement. À un moment donné, nous nous sommes rendu compte que l’un des principaux problèmes rencontrés par les développeurs novices au stade du développement initial et du pitch de leurs projets était le manque d’opportunité afin d’obtenir une expertise des principaux acteurs du marché, ainsi que des détenteurs de plateformes. Nos partenaires chez Google ont beaucoup aimé cette idée, et ils nous ont soutenu en nous donnant l’opportunité d’obtenir leur expertise basée sur des benchmarks et l’accès à une énorme base de données.
- Qu’apporte Google à ce programme concrètement ?
Ilya Karpinsky : Google propose aux studios participant à la campagne Game Drive d’obtenir des analyses qui ne sont souvent disponibles que pour les grandes entreprises. Les données et les connaissances sont très importantes dans le processus de développement d’un jeu : hypothèses, benchmark, etc. Et à cet égard, la contribution de Google est vraiment unique, car ils ont une énorme expertise en tant que propriétaire de plateforme.
- Pouvez-vous résumer brièvement les critères de sélection ?
Ilya Karpinsky : Les critères sont un produit de qualité et une bonne idée afin que nous puissions apporter notre aide à un stade de développement précoce à la fois du côté de MGVC et de Google. Nous examinons les produits à partir de leur version jouable la plus minimale, en nous concentrant sur plusieurs éléments : un gameplay intéressant, le design, etc. Pour nous, le degré de préparation du projet n’est pas important. Nous recherchons des équipes talentueuses et un certain niveau de prototype de base grâce à laquelle vous pouvez évaluer le potentiel d’un produit. Il est important que le prototype soit suffisant pour lui donner un retour détaillé. Mais en général, dans le cadre de ce programme, nous sommes prêts à considérer au plus tôt des équipes avec de bonnes idées et des projets.
Lors de la première étape de la campagne, nous avons reçu environ 40 candidatures de développeurs de 16 pays, mais seulement 8 d’entre eux ont été sélectionnés pour participer au Demo Day. Une tâche importante pour nous était d’évaluer l' »intégrité » du produit et son potentiel, même sur la base d’une construction très précoce. C’est généralement une tâche assez difficile, nécessitant une approche visionnaire et l’expertise de deux équipes, mais nous avons tenté d’être le plus attentif possible à chaque candidature.
- A votre avis, quel est le point majeur que les studios maitrise le moins dans le secteur mobile ? Quel genre de conseil donnez-vous par exemple ?
Ilya Karpinsky : Le conseil basique serait que vous devriez vous efforcer de bien comprendre le produit que vous développez. Il est important dès le départ de comprendre ce que vous créez et ce qu’il en résultera. Plus cette compréhension est maitrisée, et plus il sera possible de préparer le jeu à un soft-launch en effectuant les premiers tests et analyses. Mais en général, c’est une question très large. Il ne peut y avoir de conseil unique ici, car souvent les erreurs des développeurs novices dépendent des jeux. Par exemple, si nous parlons de game design, les erreurs les plus courantes peuvent se produire au niveau de la programmation, car un game designer novice peut comprendre ce qu’il veut voir dans le produit, mais ne peut pas toujours comprendre comment cela peut être fait techniquement.
Et vice versa, s’il s’agit au départ d’une équipe technique qui a eu l’idée de concevoir un jeu, il se peut qu’elle ne développe pas correctement le cycle du jeu. En conséquence, ils peuvent faire un bon produit techniquement, mais faire une erreur au niveau de la mécanique du jeu. L’erreur la plus courante est que les développeurs novices commencent à développer un jeu sans comprendre comment leur équipe doit être structurée en fonction de leurs objectifs. Les développeurs novices doivent être sensibles à leurs besoins en termes de ressources humaines et ne pas ignorer la question de la constitution d’une équipe appropriée.
- Prévoyez-vous des modifications ou de nouvelles chose pour cette édition 2021 ?
Oui, nous prévoyons de le faire. Nous fournirons bientôt plus de détails sur la façon dont nous avons modifié la campagne de cette année. Notre objectif principal est d’étendre la campagne à plus de territoires et d’inviter certains partenaires régionaux à participer avec leurs avis d’experts. Par exemple, nous serions heureux de voir Ubisoft ou Focus Home Interactive comme partenaires de cette campagne en France.
Qu’en est-il des studios concernés ?
Le jeu mobile est également un moyen plus accessible pour de jeunes talents d’entrer dans l’industrie du jeu vidéo. Ainsi, des pays où le secteur n’est pas très développé situés en Europe de l’Est, en Afrique ou au Moyen-Orient, entre autres, peuvent se lancer par ce biais. Nous avons par exemple pu interroger Khaled Alroumi, co-fondateur et CEO de Sand Forge Games, un studio basé au Koweït. Il développe en ce moment Warfronts : Battle for Toria!, un jeu de stratégie mêlant constructions et combats où les joueurs doivent créer leur village et en envahir d’autres. Il s’agit de leur tout premier projet.
- Pouvez-vous nous donner votre parcours dans l’industrie ?
Khaled Alroumi : En fait, je n’avais aucune expérience dans l’industrie avant de démarrer ma première entreprise de jeux mobiles en 2013, à part avoir été un joueur toute ma vie. D’où la raison pour laquelle notre parcours a été difficile jusqu’à arriver ce que nous faisons maintenant. Avant d’entrer dans ce secteur, je m’intéressais aux jeux en ligne, et le jeu mobile semblait être la bonne étape à ce stade.
- Que vous a apporté le programme d’accélération de Google et MY.GAMES ? Pouvez-vous donner un ou deux exemples concrets ?
Khaled Alroumi : Il nous a bien aidé. Nous avons reçu beaucoup de commentaires précieux en présentant notre jeu devant un panel d’experts sur plusieurs éléments tels que le gain d’utilisateur, le développement de produit, le Google Play Store, et la monétisation via les publicités. D’autant que nos yeux s’habituent trop à notre vision du jeu si bien que l’on devient aveugle sur des choses évidentes.
Nous avons également reçu un document qui comprenait les indicateurs de performances pour les jeux similaires aux nôtres, nous pouvions ainsi nous comparer à ces chiffres. Nous avons utilisé ce document pour nous concentrer sur nos points faibles et renforcer nos points forts. C’est devenu une sorte de boussole pour avancer dans le développement.
Autre exemple avec Yury Bogdanov, co-fondateur du studio TryHard Games basé au sud de la Russie. Il développe en ce moment Wasteland Punk, un RPG situé dans un monde post-apocalyptique.
Il est décrit par comme un cocktail ayant pour ingrédients du Heroes Might and Magic old school, Fallout et Mad Max. Nous sommes donc devant un jeu de stratégie tactique au tour par tour avec un mode histoire impliquant la vie de mercenaire et de nombreuses factions. Il est d’ailleurs disponible en bêta ouverte sur iOS et Android.
- Comment voyez-vous le jeu mobile par rapport à l’industrie du jeu vidéo ?
Yury Bogdanov : Le jeu mobile est actuellement le principal moteur de ressources pour l’ensemble de l’industrie du jeu vidéo. C’est la plateforme la moins chère et la plus accessible qui attire les nouveaux joueurs, même ceux qui n’ont pas joué du tout sur d’autres appareils. De plus, le jeu mobile élargit le flux de revenus pour l’ensemble de l’industrie, crée de nouveaux lieux de travail et acquiert de nouveaux talents pour les jeux vidéo de toutes les autres industries du monde.
- Est-ce que le jeu mobile était une vocation ou un tournant de votre parcours dans l’industrie ?
Yury Bogdanov : Pour ma part, ce serait plutôt « et » à la place « ou ». Avant de créer ce studio de développement avec mon partenaire Alexander, j’avais plus de 10 d’expériences dans le secteur des technologies financières et bancaires. Mais vous ne pouvez pas cacher votre passion pour la création de jeux si vous l’avez. Il convient de mentionner l’expérience des autres membres de l’équipe dans notre entreprise, qui représente plus de 7 ans d’externalisation et un parcours de développement de jeux exceptionnel pour chaque professionnel.
- Que vous a apporté le programme d’accélération de Google et MY.GAMES ? Pouvez-vous donner un ou deux exemples concrets ?
Yury Bogdanov : Tout d’abord, l’idée d’obtenir des commentaires directs à la fois des vétérans de l’industrie de MY.GAMES et des professionnels de Google Play semble excellente pour une société de développement de jeux indépendants en pleine croissance comme la nôtre. Personnalisez ces commentaires et accompagnez-les de données de marché précieuses et félicitations, vous avez attiré l’attention de toute la communauté des développeurs indépendants. Par exemple, lorsque vous pouvez apprendre au milieu du développement que votre LTV [ndlr : Lifetime Value ou le comportement de consommation des joueurs à calculé l’aide de données] cible devrait être presque deux fois plus élevée que celle que vous imaginiez pour concurrencer le CPA [ndlr : « coût par action »] de vos rivaux, c’est à couper le souffle n’est-ce pas ? Ou si vous pouvez avoir gratuitement un avis de producteur expérimenté sur votre jeu avec des suggestions spécifiques pour le didacticiel, l’UX, la monétisation et l’équilibrage de la difficulté, qui peut résister ?
On peut donc en déduire qu’il s’agit d’un système profitable pour les deux parties avec de jeunes développeurs qui peuvent apprendre plus rapidement avec les gros acteurs du milieu et des éditeurs comme MY.GAMES qui peuvent augmenter leur catalogue de jeux, sans oublier Google qui a tout à y gagner avec sa plateforme. Du bon « win-win » à l’américaine en somme.
Nous remercions monsieur Ilya Karpinsky d’avoir répondu à toutes nos questions concernant ce programme et plus généralement sur le secteur mobile. Nous remercions également Yury Bogdanov et Khaled Alroumi pour leurs précisions. Nous avons ainsi une meilleure vision d’ensemble des jeux mobiles et sur comment ils sont perçus et conçus par l’une de ces grandes compagnies.
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