Assassin’s Creed Shadows : Le directeur de la licence s’exprime face au harcèlement subit par ses équipes et sur l’après-Desmond
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Rédigé par Jordan
Sur le papier, Assassin’s Creed Shadows était le pari le moins risqué d’Ubisoft de ces dernières années, puisqu’il s’attaquait enfin à la période du Japon féodal tant attendue par les fans de la saga. La réalité est pourtant bien différente puisque dès son annonce, le jeu a été la cible de toutes les critiques, dont certaines d’entre elles ont dépassé les limites. Interrogé à ce sujet parmi d’autres par Eurogamer, Marc-Alexis Coté (responsable de la licence) est revenu sur ce que l’équipe de développement a pu traverser ces derniers mois.
Une vague de haine difficile à vivre
En dehors des inexactitudes historiques sur des monuments japonais ou encore sur certains artworks du jeu, Assassin’s Creed Shadows est aussi devenu la cible de nombreux commentaires racistes lorsqu’il a été révélé que Yasuke serait l’un des deux personnages jouables. Mais Naoe n’a pas été épargnée non plus, puisque la présence d’une femme en tant que protagoniste n’a pas plu à une certaine communauté, et Marc-Alexis Coté a quelque chose à dire à ce sujet :
« Assassin’s Creed a toujours eu pour objectif d’explorer l’histoire humaine dans son intégralité, et par sa nature même, cette histoire est diverse. Rester fidèle à l’histoire signifie accepter la richesse des perspectives humaines, sans compromis […] Mais tout comme la présence de Yasuke dans l’histoire japonaise est un fait, il en va de même pour les histoires de femmes qui ont défié les attentes de la société et pris les armes en temps de conflit. Ainsi, bien que les histoires de Naoe et de Yasuke soient toutes deux des œuvres de fiction historique, elles reflètent la collision de mondes, de cultures et de rôles différents, et leur inclusion est précisément le type de récit qu’Assassin’s Creed cherche à raconter, un récit qui reflète la complexité et l’interdépendance de notre histoire commune. »
Il continue en rappelant qu’Assassin’s Creed a, depuis ses débuts, présenté des protagonistes d’origines et de genres différents, et qu’Assassin’s Creed Shadows ne représentait pas quelque chose de nouveau dans ce domaine :
« Et ce n’est pas une nouveauté pour la franchise. D’Altaïr à Aveline de Grandpré en passant par Ratonhnhaké:ton, nous avons constamment introduit des protagonistes d’identités raciales, ethniques et sexuelles diverses. L’histoire est intrinsèquement diverse, tout comme Assassin’s Creed et les histoires que nous racontons. Donc, pour être clair, notre engagement en faveur de l’inclusion est fondé sur l’authenticité historique et le respect des perspectives diverses, et non sur des agendas modernes. »
Malgré tout, le climat qui règne autour du jeu reste délétère, surtout sur les réseaux sociaux. Marc-Alexis Coté reconnait que son équipe a besoin des retours constructifs que le public peut lui fournir, mais ceux-ci sont bien trop souvent mélangés à des injures qui finissent par toucher directement et personnellement les personnes qui travaillent sur le jeu :
« Notre communauté nous aide à grandir, à évoluer et à proposer de meilleurs jeux. Aujourd’hui, nous sommes tous confrontés au défi supplémentaire de faire la distinction entre les commentaires sincères et les attaques motivées par l’intolérance. Le climat actuel est difficile pour nos équipes créatives. Elles sont confrontées à des mensonges, des demi-vérités et des attaques personnelles en ligne. Lorsque le travail dans lequel elles mettent tout leur cœur est transformé en un symbole de division, ce n’est pas seulement décourageant, cela peut être dévastateur. Ce qui me fait avancer, c’est la résilience née de la conviction que je vois dans nos équipes tous les jours. Je suis particulièrement fier de l’équipe Shadows pour être restée fidèle à sa vision créative et aux principes fondamentaux d’Assassin’s Creed. »
Assassin’s Creed Shadows n’est qu’un exemple parmi d’autres de jeux faisant face à un tel torrent de haine, et Coté a conscience que ce problème dépasse de loin le cadre du prochain épisode de la série :
« Aujourd’hui, les enjeux sont plus importants. Les histoires que nous racontons, les personnages que nous créons et les univers de jeu que nous créons sont instrumentalisés par ceux qui cherchent à faire taire la créativité, à attiser la peur et à inciter à la haine. Je crois que nous sommes confrontés à ce que l’auteur Fareed Zakaria appelle une « Age of revolution » (ndlr : une « ère de révolution »), une époque où le véritable conflit n’est pas entre la gauche et la droite, mais entre les sociétés qui se ferment et celles qui s’ouvrent au monde. Tout au long de l’histoire, ce sont toujours les sociétés ouvertes qui ont fini par l’emporter. Même si des revers peuvent survenir au fil des années, voire des décennies, c’est l’ouverture qui a continuellement fait avancer l’humanité. »
Un discours affirmé qui tranche avec quelques déclarations plus timides de la part de la direction d’Ubisoft, même si les deux s’accorderont pour dire qu’il serait temps de ne plus harceler personnellement les équipes en charge de jeux.
Que faire avec l’histoire du « présent » dans la série ?
Sur une note plus légère, Coté est aussi revenu sur la difficulté pour la série de raconter une histoire se situant dans l’époque moderne, depuis la fin de l’arc Desmond. L’histoire du présent était l’un des piliers de la saga jusqu’à Assassin’s Creed III, et depuis, elle au mieux anecdotique, au pire complètement absente. Coté le reconnait et indique que depuis Desmond, les équipes ont eu du mal à trouver sur quel pied danser :
« L’accent mis en permanence sur les personnages en quête d’artefacts Isu a rendu le récit plus prévisible et a réduit le conflit entre Templiers et Assassins à une simple quête de contrôle sur – soyons honnêtes – des reliques magiques. Ce changement a détourné l’attention de ce qui avait toujours été au cœur de la franchise : l’exploration de notre histoire. Comme cette approche est devenue répétitive, les joueurs et les critiques ont eu le sentiment que l’histoire moderne était devenue une préoccupation secondaire, davantage une quête secondaire, plutôt qu’une partie intégrante de l’expérience globale. »
Le directeur souligne également que tout cela pouvait aussi être un frein pour les nouveaux venus dans la série étant donné que l’histoire pouvait être confuse. Ainsi, pour l’avenir de la série, Coté souhaite que cette histoire du présent serve davantage à mettre en valeur celle du passé, plutôt que d’être vraiment centrale :
« Le récit contemporain servira à améliorer, plutôt qu’à éclipser, le voyage historique […] Le scénario contemporain explorera des thèmes plus profonds comme la mémoire, l’identité et l’autonomie, la façon dont le passé façonne qui nous sommes et comment le contrôle de ce passé peut avoir un impact sur notre avenir. Ces thèmes nous permettront de réfléchir aux problèmes contemporains : la liberté contre le contrôle, le pouvoir de la connaissance et la tension entre l’individualité et la conformité, le tout à travers le prisme de l’histoire. »
Ne vous attendez donc pas à ce que le scénario contemporain prenne une place prédominante dans le prochain épisode de la saga. Pour rappel, Assassin’s Creed Shadows sera disponible sur PC, PS5 et Xbox Series dès le 14 février 2025.
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Date de sortie : 14/02/2025