Avec la fermeture de Monolith et un brevet possédé par Warner Bros, le système Nemesis repart aux oubliettes
Publié le :
1 commentaire
Rédigé par Jordan
Difficile de comprendre comment un studio comme Monolith Productions a pu être autant malmené depuis ses jeux tirés de La Terre du Milieu. L’Ombre du Mordor et sa suite ont reçu un accueil critique particulièrement enthousiasme à l’époque de leur sortie, tout le monde saluant l’innovant système Nemesis qui était au cœur de l’expérience. Et si le plus triste est de voir les employés perdre leur emploi du genre au lendemain, il faut aussi commencer à faire le deuil de ce système de gameplay unique, qu’on ne devrait plus revoir avant un bon moment.

Sommaire
ToggleL’ennemi de mon ennemi reste mon ennemi
Une petite piqûre de rappelle s’impose peut-être pour celles et ceux qui sont passés à côté de L’Ombre du Mordor et L’Ombre de la Guerre. Dans ces deux jeux, on y retrouvait le système Nemesis, une fonctionnalité qui gérait le comportement des ennemis en fonction de vos actions. Talion, le protagoniste, avait pour but de couper toutes les têtes de l’armée ennemie en faisant tomber les lieutenants et généraux, jusqu’à arriver en haut de l’échelle. Une certaine forme de hiérarchie était mis en place, qui pouvait être bousculée à n’importe quel moment selon les actions de Talion ou même ceux des ennemis, comme lorsqu’ils arrivaient à vous tuer (les faisant ainsi progresser dans l’échelle sociale).
Chaque ennemi important disposait donc de son propre comportement, de son rang de puissance, de son nom, de ses forces et faiblesses et de ses habitudes, tout cela étant créé à partir d’une combinaison aléatoire de différents modèles. Ces antagonistes disposaient aussi de relation entre eux, que ce soit des rivaux ou des partenaires. En somme, une IA plus poussée et réactive, avec des PNJ un peu plus vivants que ce que l’on a l’habitude de voir, qui vont se souvenir des actions de Talion. Si celui-ci a vaincu un de leurs collègues, une ligne de dialogue pourra alors y faire référence. Si l’un d’eux a déjà croisé la route de Talion, il s’en souviendra peut-être avec effroi. Chaque ennemi présent dans le système Nemesis pouvait aussi vaquer à ses occupations et s’en aller chasser certains de ses alliés, pour gagner en niveau de puissance et asseoir sa domination. Notre protagoniste pouvait alors l’aider malgré lui ou laisser tout ce beau monde s’entre-tuer.
Avant de pouvoir faire face à ces ennemis particuliers, Talion devait recueillir des informations en « dominant » un adversaire, l’obligeant à cracher quelques informations. Cette fonctionnalité pouvait également, à terme, forcer un ennemi à se ranger de notre côté, quitte à attaquer son ancien chef (surtout s’il lui était hostile de base, mais l’inverse pouvait rendre les choses plus compliquées). Il était également possible de marquer les ennemis et de leur envoyer des menaces de mort, ce qui renforçait les défenses de notre cible tout en augmentant le niveau de récompenses à obtenir. Tout un tas de subtilités qui changeaient l’expérience d’un utilisateur à un autre, laissant une grande liberté d’approche et la sensation d’avoir à faire face à des adversaires plus… personnels.
Modulable à l’envie… sur le papier
Un système unique qui était la grande force de ces deux jeux, et qui était en quelque sorte devenu la marque de fabrique de Monolith Productions. Et il était surtout déclinable à l’envie. Avec quelques pirouettes scénaristiques selon l’univers choisi, le système Nemesis pouvait être reproduit en dehors du monde imaginé par Tolkien. C’est d’ailleurs ce à quoi s’est attelé le studio avec le jeu Wonder Woman.
Si l’on connaît peu de détails sur les plans initiaux du studio, on savait qu’il comptait utiliser cette fonctionnalité tout en l’adaptant à l’univers de l’Amazone. On peut alors imaginer que le lasso de vérité aurait remplacé les pouvoirs de Talion, en permettant à Diana de pouvoir immobiliser un ennemi pour lui soutirer des informations sur les leaders de l’armée adverse. Il suffirait ensuite d’une bricole magique ou de n’importe quelle excuse pour augmenter le pouvoir du fouet afin que notre héroïne puisse rentrer dans la tête de ses adversaires.
Et à vrai dire, tout cela marche pour n’importe quel super-héros de l’univers DC, Batman en tête. Peut-être sans le côté lavage de cerveau dans ce cas précis, mais faire en sorte que le Chevalier Noir croise régulièrement certains criminels qui se souviennent de lui et qui font partie d’une large organisation (la Cour des Hiboux, au hasard) à démanteler serait une bonne utilisation du système Nemesis. Mais ça, c’est sur le papier. La pratique s’est avérée être plus complexe que la théorie pour Monolith, qui n’a pas sur comment bien adapter cette formule dans son jeu Wonder Woman. Bloomberg a ainsi évoqué qu’avant l’annulation du jeu, il avait subi un reboot qui s’était débarrassé du système Nemesis, sans doute après des essais peu concluants.
Avant de s’intéresser à cette héroïne, Monolith s’était aussi penché sur un jeu Game of Thrones. Là encore, retrouver le système dans cet univers semble être jouable, puisque tout le monde ne cesse de se trahir et de vouloir gagner en puissance à Westeros. Mais ce projet n’a pas été jusqu’au bout, Monolith ayant basculé sur la production de Wonder Woman. Preuve, peut-être, que la magie du système Nemesis était complexe à recréer.
Chasse gardée
Avec la sortie de L’Ombre du Mordor et de ce système, on aurait pu penser que la concurrence s’en inspirerait et tenterait de réussir là où Monolith se retrouvait face à un mur. Sentant que tout le monde s’intéressait à cette avancée, Warner Bros a voulu protéger l’idée de son studio en déposant un brevet pour ce système Nemesis, empêchant ainsi n’importe quel autre studio d’adapter cette fonctionnalité à sa sauce. Si l’on retrouve bien certaines bribes ici et là dans certains jeux, comme dans les Assassin’s Creed où l’aspect pyramidal d’une organisation à défaire est présent, personne n’a pu reproduire ce qui faisait vraiment la force des jeux La Terre du Milieu.
La faute à une histoire de gros sous, qui aurait pu se comprendre si Warner Bros avait su exploiter ce système de son côté. Malheureusement, sa division gaming est aujourd’hui dans un piteux état et les membres importants de Monolith ont quitté le navire bien avant la fermeture du studio. Maintenant que ce dernier non plus, le système Nemesis tombe aux oubliettes, sauf si un autre studio Warner est prêt à le récupérer. Warner Bros Games Montréal serait le candidat idéal puisqu’il a déjà collaboré avec Monolith sur Wonder Woman et est peut-être familier avec le système, à moins que l’éditeur réserve cela à Rocksteady pour son prochain jeu Batman.
Avec la fermeture du studio, c’est surtout le reste de l’industrie qui aurait pu prendre le relai, si Warner Bros n’avait pas mis certaines barrières. Le journaliste Stephen Totilo est allé faire un tour sur le brevet en question pour voir que le système Nemesis est protégé jusqu’en 2036. Reste à voir si Warner Bros est maintenant prêt à le vendre ou à le louer contre des royalties, ou s’il préfère égoïstement que la création de son studio ne tombe pas dans les mains d’autrui.
Warner Bros.' patent on the nemesis system is set to expire on August 11, 2036.
— Stephen Totilo (@stephentotilo.bsky.social) 2025-02-25T19:49:36.840Z