Everhood 2, la liberté artistique dans le jeu vidéo
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Rédigé par Yangus
Après 4 ans d’attente, le duo de développeurs européen Foreign Gnomes revient avec la suite de Everhood. Une suite qui était particulièrement attendue au vu de l’impact qu’a eu le premier sur les joueurs ayant eu la chance d’y jouer. Pour notre part, il y avait de l’impatience de toucher au jeu, mais sans attentes particulières, ce qui a probablement impacté notre réception. Cet article pourra contenir des spoilers sur la philosophie du jeu, non pas sur le contenu en lui-même, tant il est compliqué de parler de Everhood 2 sans aborder ces sujets.

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ToggleEverhood 2 dans l’ombre du premier
Il est également compliqué de parler d’Everhood 2, sans faire un léger rappel du premier. Everhood semble être un joyeux délire au premier abord, il se révèle bien plus profond au fur et à mesure de l’avancée du scénario. Il agit comme une antithèse d’Undertale, il ne peut exister sans lui. Détrompez vous il n’est pas une simple inspiration, Everhood utilise l’existence d’Undertale comme un moyen de tromper le joueur. Ici, on vous demande de tuer des êtres immortels pour les libérer. Si vous refusez, c’est direction la mauvaise fin. L’histoire s’amuse avec la présence d’Undertale dans votre esprit pour faire intervenir des réflexions intéressantes au sujet de la peur de la mort.
Mais des jeux qui font réfléchir sur des sujets profonds, il en existe des tas, il y en aura encore des tas et ce n’est pas le sujet ici. Grâce à la fan-base construite sur le dos du premier, Everhood 2 se permet de totalement assumer les idées de ses développeurs. Le jeu est totalement indépendant, aucune pression d’éditeur quelconque et il y a l’assurance d’un certain nombre de ventes. Le pari est lancé au risque de diviser. À l’heure ou sort cet article, Everhood 2 cumule plus de 1000 avis sur Steam et 75 % d’entre eux sont positifs. Ce qui dépeint exactement ça, des ventes correctes, mais beaucoup moins d’avis positif que sur le premier.
Mais pourquoi ce jeu divise autant ?
À une époque où Metacritic force tous les jeux à suivre plus ou moins le même modèle, à être consensuels pour éviter de mauvaises publicités, Everhood prend cette contrainte à contre-courant. Le gros « problème » d’Everhood est son absence totale de fin, le jeu s’interrompt d’un coup lors du supposé combat final. Les crédits sont lancés en affichant le nom du studio « Foregin Gnomos » volontairement mal orthographié et 5 succès similaires se lancent en même temps « Rien ne s’arrête dans Everhood ».
Ces indices nous prouvent que tout ça est maîtrisé, on a face à nous ce que les développeurs voulaient faire et ce n’est pas une fin ratée. On peut facilement argumenter que même si tout ça est fait exprès, on a le droit d’être déçu par cette « fin ». Assumer la faiblesse de son scénario pour mettre en avant d’autres points peut sembler un peu facile et n’immunise pas à la critique.
Ce qui est mis en avant, c’est le fameux adage « L’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage ». Ce voyage ne raconte rien de spécial, on enchaîne les objectifs que d’autres personnages nous donnent. Des personnages qui apparaissent et disparaissent au gré des envies de Foreign Gnomes sans logique particulière. On doit tuer un Dragon, on doit aller au Pandémonium, on doit rencontrer Dieu. Un tas d’appellations qui semblent traduire des missions importantes, mais il n’en est rien. Notre personnage subit et suit.
Subir n’est peut-être pas le bon mot, toutes ces folies psychédéliques avec une insistance sur les champignons qui apparaissent régulièrement dans des contextes festifs, c’est ça le cœur de l’expérience. Terence McKenna, ethnobotaniste américain qui a beaucoup écrit sur l’usage de plantes psychédéliques apparaît même dans le jeu. Néanmoins son monologue inarrêtable qui semble infini donne plutôt l’impression que les développeurs ont souhaité se moquer de ses réflexions. Suivre la vague, vibrer avec les visuels et les musiques, tous les moyens sont mis aux bons endroits. Et c’est réussi. Nous vous mettons au défi, même si la fin et l’histoire vous ont déçu, de ne pas aimer le voyage.
Rien n’a d’importance
Il y a quand même un thème qui recoupe tout ce qu’on a dit précédemment. Rien n’a d’importance. Et pourtant, le jeu commence sur un questionnaire à la manière de Dragon Quest III. On vous laisse régulièrement plusieurs destinations vous êtes même autorisé à perdre certains combats. Mais tous ces choix ne changent presque rien. La destination sera toujours la même, vous ne savez toujours pas pourquoi vous faites tout ça.
Il n’y a pas plusieurs fins, d’ailleurs il n’y pas de fin tout court (on pourra peut-être nous faire mentir dans quelques semaines, mais honnêtement, on n’y croit pas, ça irait à l’encontre de tout le message transmis.). Ce message est rempli de bon sens, il ne faut pas trop se prendre la tête, profiter des expériences devant nous sans véritablement chercher un sens profond à tout ça.
De la même manière qu’Everhood avait besoin d’Undertale. Everhood 2 a besoin d’Everhood. En plus de dépendre de lui économiquement, il a fallu le succès du premier pour être serein pendant sa conception. Son absence de libre-arbitre le place à l’opposé de celui-ci. Et pourtant, Everhood est omniprésent dans le deux. Via le visuel global du jeu qui comprend peu de détails, via notre personnage qui appartient à la même race que le précédent héros.
Puis beaucoup plus clairement, on revisite le monde d’Everhood, dans lequel on recroise tous ses personnages. Cette présence confirme qu’Everhood appartient au monde du second. Ironiquement, c’est ce qui va renforcer les critiques. Il est plus facile d’accepter un jeu qui se moque des attentes s’il n’invalide pas tout ce que le précédent a construit.
Rien ne s’arrête dans Everhood
Le même message que lors du succès de fin s’affiche à chaque fois que vous tentez de fermer le jeu. En effet, Everhood 2 n’essaye pas de se faire passer pour autre chose qu’un jeu vidéo, depuis le premier il y a énormément de références méta. Et, dans ce second opus, particulièrement des références (discrètes) à d’autres jeux vidéo, principalement de vieux JRPG. En tant que jeu vidéo, il ne s’arrête jamais. Vous pouvez relancer un jeu que vous possédez quand vous voulez. Surtout un jeu comme Everhood très axé sur le scoring de ses musiques et qui encourage totalement le modding.
Malgré sa volonté de faire les choses différemment, il semble parfois coincé dans son statut de jeu vidéo. Everhood 2 ajoute de nombreuses mécaniques classiques de RPG dans son gameplay. Il y a des monstres répétitifs sur votre chemin, de l’expérience et des niveaux à farmer sur ces monstres ainsi que des armes à récupérer et augmenter. On se demande un peu ce qu’apporte tout ça à l’expérience Everhood. Dans la continuité logique, on peut directement se défendre et attaquer. Cette mécanique, ajoutée vers la moitié de l’opus précédent, avait l’avantage d’être optionnelle et d’apparaître après avoir découvert la plupart des musiques.
Ici, les combats sont certes plus complets, mais être concentré sur les projectiles pour les renvoyer sans faire la moindre erreur (subir un dégât ou se tromper de couleur équivaut a un reset de l’attaque.) nuit grandement à l’appréciation de la musique et de la fluidité du gameplay. Un comble pour un jeu autant basé sur la musique et le voyage d’empêcher d’en profiter pleinement. On franchit le pas qui rapproche plus Everhood 2 d’un RPG que d’un jeu de rythme. Malgré une playlist très variée qui s’affirme vraiment comme étant le gros point fort du jeu.
Cet article aurait pu être un test, mais il est difficile de noter une expérience qui dépend autant des sensibilités de chacun.
On ne peut qu’être reconnaissant à Foreign Gnomes d’avoir poussé leur vision d’Everhood 2 jusqu’au bout. Il est loin d’être parfait et existe dans un contexte qui l’a favorisé. Cependant, nous sommes convaincus qu’il peut être l’impulsion qui permettra à d’autres développeurs (ou artistes d’autres domaines) de se lancer sans avoir honte d’afficher ce qu’ils ont en tête. Sans vouloir à tout prix fonctionner et être couronné de succès. La scène indépendante, ne cesse de nous prouver que le jeu vidéo peut avoir des formes très différentes même si pour cela, il faut creuser un peu la surface.
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