Pourquoi on aimerait un retour de Afro Samurai ?
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Rédigé par Nathan Champion
Certaines histoires font plus couler d’encre que d’autres, et c’est le cas de celle de Yasuke. Le samouraï noir, comme beaucoup le qualifient, est devenu un véritable personnage légendaire, même si rien ne prouve qu’il ait accompli quoi que ce soit de notable au cours de sa vie. Enfin, il y a tout de même quelque chose de mystique dans le fait qu’un esclave noir ait pu gagner sa liberté et s’épanouir dans un Japon féodal moins amical que le contemporain (c’est dire) avec tout type d’ethnie étrangère. Comme beaucoup d’autres personnages mythiques, Yasuke aura donc eu droit à nombre d’apparitions dans différentes œuvres, qu’elles soient littéraires, cinématographiques ou même vidéoludiques.
Il n’aura pas échappé, à ceux qui connaissent bien la légende du samouraï noir, que le prochain Assassin’s Creed Shadows lui offre une place de choix, en lieu de protagoniste. Un choix intéressant, qui visera probablement, au même titre que les récents opus de la franchise, une vision mi-romancée, mi-historique, pour un résultat que nous avons personnellement hâte de découvrir. Mais certains contes valent néanmoins mieux que le récit fidèle d’une époque, et c’est pourquoi beaucoup de ceux qui ont découvert Afro Samurai, que ce soit le manga, la série, le film ou bien le jeu vidéo, en gardent un souvenir indélébile, malgré un univers et des intentions relativement opaques. Défaut qui a certainement contribué à son succès d’estime, d’ailleurs.
Ici, Yasuke n’a servi que d’inspiration lointaine, puisque le personnage principal de Afro Samurai n’a rien à voir avec cette figure historique. Le manga dépeint un guerrier noir armé d’un sabre, aux faux airs de samouraï, bien décidé à gagner le bandeau de numéro un, artefact légendaire ne pouvant être acquis que par un guerrier pourtant le bandeau de numéro deux, tuant le détenteur du premier. Un concept qui n’est pas évident à décrire en quelques mots, on s’en rend compte en essayant, mais qui tient néanmoins place de fil rouge dans cette courte histoire mâtinée de vengeance et de haine. Aujourd’hui, laissez nous vous expliquer pourquoi on aimerait un retour de Afro Samurai, et pour une fois pas seulement du jeu vidéo.
Note : N’ayant pas pu réaliser de captures par nous-mêmes, les images que vous trouverez dans cet articles ont été grappillées sur le net.
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Chose plutôt importante à préciser, le manga Afro Samurai ne s’est pas particulièrement bien vendu par chez nous. Du moins, c’est ce que l’on devine de la difficulté éprouvée à dénicher les différents tomes, qui sont chaque fois vendus à des prix exorbitants. Fut-ce la même chose outre-Atlantique ? Difficile de le dire avec précision, néanmoins on devine que cette courte bande dessinée aura malgré tout gagné un véritable succès d’estime. Car lorsque vient l’heure de l’adapter en animé, pour une première diffusion en 2007, de grands noms sont dépêchés pour y travailler, que l’on n’aurait absolument pas imaginé voir terminer sur ce genre d’œuvre plutôt à qualifier de niche.
Ainsi, cette courte série américano-japonaise de cinq épisodes aura droit à la voix, pour le personnage principal et son alter ego, du grand Samuel L. Jackson, dont on ne compte plus les apparitions mémorables sur le grand écran (Pulp Fiction, Star Wars, Die Hard 3, Incassable…). Justice, qui tient place de grand méchant, sera quant à lui doublé par Ron Perlman, autre géant du cinéma que l’on trouve dans une quantité folle d’œuvres cultes (Le Nom de la rose, Stalingrad, La Cité des enfants perdus, Blade 2…).
Plus tard, le film d’animation Afro Samurai : Resurrection (2009), qui conserve une partie du staff de la série, s’offrira aussi la présence de Mark Hamill, que les fans de Star Wars connaissent en tant que Luke Skywalker, et ceux de Batman pour sa prestation mémorable dans la peau du Joker dans plusieurs séries et films d’animation. Enfin, toujours dans le film, l’antagoniste sera incarnée par la grande Lucy Liu (Shanghai Kid, Kill Bill, Ally McBeal, Elementary…).Vous trouvez que cela fait beaucoup de têtes d’affiches ? Nous n’avons pourtant pas terminé.
Parce que l’une des grandes forces de Afro Samurai sur petit et grand écran, c’est tout ce qui touche de près ou de loin à sa bande son. Les doublages, donc, sont excellents (ce qui est aussi vrai en VF, d’ailleurs). Mais le plus marquant reste assurément la tracklist réalisée entièrement par l’artiste RZA, maître fondateur du Wu-Tang Clan, que l’on peut grossièrement qualifier de groupuscule de dieux du rap et du hip-hop. Il est notamment à l’origine, avec ses différents compères, de l’album mythique Enter the Wu-Tang : 36 Chambers, considéré par beaucoup (auteur de cet article compris) comme LE meilleur album de rap jamais produit.
C’est au studio Gonzo que revient la tâche d’animer cette courte œuvre, et ce par deux fois, avec à la réalisation un Fuminori Kuzaki connu pour son travail sur le premier film Yû-Yû Hakusho, la série Neon Genesis Evangelion, ou encore Ghost in the Shell : Stand Alone Complex. Et ça y est, nous avons enfin terminé d’énumérer tout l’extraordinaire gratin d’artistes ayant planché sur cette petite œuvre. Avec tout ça, inutile de préciser que le résultat est bon, très bon même, bien que plusieurs reproches soient régulièrement assénés à la série, mais surtout au film.
Très jolis, pourvus d’animations mémorables, les deux sont néanmoins difficiles d’accès sur le plan scénaristique. La narration est décousue, partant dans de réguliers flashbacks jamais vraiment situés dans le temps, effaçant presque la chronologie et faisant se questionner régulièrement le spectateur sur le moment T qu’il est en train de regarder. En un mot comme en cent : on ne comprend pas grand chose au déroulé de l’histoire de Afro Samurai et du film Resurrection, malgré un récit plutôt simpliste. Néanmoins, l’univers prend extrêmement bien, notamment grâce à des idées visuelles particulièrement efficaces.
Quand les ténèbres viendront
En 2009, c’est la suite logique, avec un jeu vidéo développé par une équipe de Bandai Namco. Heureusement, Naruto : Ultimate Ninja Storm étant tout frais, et n’ayant pas encore bouleversé négativement le petit monde des adaptations de manga qui ne seront dès lors que des Arena Fighters sans saveur (RIP Bleach : Rebirth of Souls), Afro Samurai est un jeu d’action lorgnant du côté du Beat’em All. La bonne nouvelle c’est qu’il est virtuellement accessible à tous, avec deux touches pour attaquer, une caméra souvent gérée par le jeu, et une progression linéaire. Cela étant dit, quelques points lui portent préjudice.
Pour commencer, son gameplay manque de précision. Ce qui ne pose aucun problème face à des hordes d’ennemis, mais peut vite devenir agaçant face à des adversaires seuls, principalement des boss. Certains sont d’ailleurs à s’arracher les cheveux, notamment parce qu’ils demandent d’exécuter un contre au timing minuscule pour être vaincus. À ce niveau, on se contentera de mettre en garde ceux qui souhaiteraient s’y lancer aujourd’hui : le jeu est difficile et ne fait pas de concession, malgré une prise en main évidente.
Mais le plus gros problème de ce Beat’em All, c’est finalement le même que pour le reste des œuvres estampillées Afro Samurai : on ne comprend rien à son histoire. Parce que le récit prend une nouvelle fois des directions étranges en termes de chronologie, avec des flashbacks dans tous les sens perdant purement et simplement le joueur. Ce qui est plutôt dommage, car d’une part la mise en scène est réussie, et d’autre part le jeu vidéo aborde sous un angle un brin différent les événements que les lecteurs et/ou spectateurs des œuvres précédentes avaient pu observer.
Mais vous vous doutez bien que si on vous en parle, c’est qu’il possède d’autres qualités. Avec avant tout celle qui saute aux yeux : Afro Samurai est sublime. On aurait apprécié des décors un peu plus fournis en détails, il est vrai. Mais en l’état, le boulot abattu par Bandai Namco est purement magistral, avec un Cel Shadding qui fait toute la différence, offrant au titre un aspect crayonné du plus bel effet. Ce qui est aussi vrai lorsque l’on parle de sa galerie de personnages, tous très fidèles aux matériaux d’origine.
D’ailleurs, les doubleurs de la série sont de retour sur le jeu, au même titre que le compositeur. Ce qui signifie que pour la première fois, Samuel L. Jackson et RZA officient sur un jeu vidéo, pour un résultat absolument génial. L’OST du titre est excellente, et peut parfaitement être écoutée à part. Enfin à condition d’apprécier le hip-hop évidemment. À l’instar de celle de Brütal Legend, celle-ci ne fait pas de concession avec ceux qui seraient rebutés par ce genre musical. Mais le parti pris prend bien, et l’ensemble possède une identité inimitable.
Enfin, il fallait bien qu’on finisse par y venir, le jeu est extrêmement jouissif. Ce qu’il doit à son gameplay assez simpliste, mais offrant un bon répondant. Mais surtout à une mécanique permettant de trancher tous les ennemis dès lors qu’ils sont assez affaiblis, ce qui se traduit par une aura de couleur rouge. Le résultat, c’est un déluge de membres volant en tous sens, mais aussi d’hémoglobine, pour des sensations parfaitement jubilatoires. On ne serait pas étonné que Afro Samurai soit d’ailleurs à l’origine de la mécanique principale de Metal Gear Rising, tant le fealing est connexe.
Le dernier testament
La bonne nouvelle, c’est que Afro Samurai est culte. Qu’on parle du manga, de l’animé, du film ou même du jeu, tout est très bon, et il existe une vraie communauté de fans à travers le globe. La mauvaise, en revanche, c’est que les chances d’en voir un retour sont très minces. Parce que, d’une part, le tout n’est probablement pas un gros succès commercial. Le seul chiffre connu recense moins de 500 000 copies écoulées pour le jeu, ce qui n’est pas mauvais, mais n’est pas excessivement bon non plus. Mais le pire, c’est l’existence, parfaitement oubliée, d’un second opus, dont le développement chaotique a mené à un véritable cas d’école.
Tout y est, à première vue, avec le retour de RZA à la bande son, un scénario écrit par un artiste confirmé, la présence de Takashi Okazaki, créateur du manga, qui réalise plusieurs cut-scenes… Que pouvait-il arriver de mal ? Eh bien, malheureusement, ce coup-ci Bandai Namco n’est plus à la barre. L’histoire est assez complexe, mais ce qu’il faut retenir c’est que David Robinson, ancien producteur chez la marque japonaise, quitte le navire avec les droits d’exploitation de la franchise. Il décide de développer la suite par ses propres moyens, via le studio Redact Games, que l’on retrouvera trois ans plus tard sur l’intrigant (mais ostensiblement cheap) Sagebrush.
Le résultat, c’est un jeu fauché pensé pour être épisodique (dans l’idée de se renflouer entre chaque portion vendue, on imagine) ne faisant rien correctement. Le premier épisode sort en 2015, et c’est une véritable douche froide. Rien ne va, de la réalisation infâme à la technique constamment en souffrance, jusqu’au gameplay à l’absence totale de précision. Certes, quelques bonnes idées subsistent, comme le fait d’incarner Kuma, le rival de Afro Samurai, pour un point de vue scénaristique complètement différent, ou des intentions à saluer du côté de la jouabilité. Mais rien n’y fait, le résultat est mauvais, et personne n’y trouve son compte.
Ce qui devait arriver arriva, le développement de Afro Samurai 2 : Revenge of Kuma est abandonné juste après la sortie du premier épisode, une décision probablement motivée par un énorme élan de haine et d’incompréhension tant chez les joueurs que chez la presse. Pire, tout ce qui subsistait du titre sur le PS Store et Steam disparaît, effaçant toute trace de l’existence de cette purge. C’est dommage, très dommage même, car désormais les choses sont beaucoup plus complexes pour Afro Samurai.
Pourquoi un retour ?
Le souci, c’est avant tout de savoir à qui appartiennent les droits d’exploitation. Chose que nous n’avons pas même essayé de vérifier, tant le flou autour de ce genre de détail est complexe à délier. Mais il subsiste une chance (façon de parler) pour que David Robinson n’ait jamais cédé ce bien virtuel, endiguant toute potentielle nouvelle production. Ensuite, il va sans dire qu’après un échec absolu comme celui de Afro Samurai 2 : Revenge of Kuma, personne ne serait assez fou pour placer la moindre bille sur un nouveau jeu vidéo portant le nom de ce manga pourtant culte.
Et ça fait mal, très mal même, surtout quand on constate qu’il n’existe aucun moyen de jouer au premier opus sur les supports actuels. La version Xbox 360 du titre n’est pas rétrocompatible sur Xbox Series, et aucune version PC n’a vu le jour… Résultat, Afro Samurai le jeu vidéo a toutes les chances de simplement disparaître lentement, à mesure que les Xbox 360 et les PlayStation 3 du monde entier tomberont en panne, jusqu’à une extinction définitive. Ce qui est très triste. Car même s’il ne s’agit assurément pas du meilleur Beat’em All que cette période ait compté, ce jeu d’action demeure mémorable pour plusieurs raisons.
Ainsi, bien que les chances soient minces (pour ne pas dire pire), si Afro Samurai avait à revenir, on aimerait que cela se fasse en plusieurs temps. Un nouvel arc du manga ne serait pas une mauvaise idée, par exemple, explorant la vie de Kuma comme le second jeu comptait le faire ; pourquoi pas nous narrer plus en détails la vie du père de Afro aussi, le précédent détenteur du bandeau numéro un ? Ou encore partir sur une suite plus lointaine, toujours dans le même univers mais avec des personnages complètement différents, s’arrachant à nouveau les bandeaux de numéro un et de numéro deux. Les possibilités sont infinies, et Takashi Okazaki est un artiste encore jeune et prolifique.
Un animé pourrait alors être mis en chantier, avec les mêmes aspirations que les précédents, et pourquoi pas les mêmes têtes d’affiche. Samuel L. Jackson est loin de la retraite, idem pour RZA et Fuminori Kuzaki à priori. La suite logique, enfin, serait un jeu vidéo dans la veine du premier, orienté Beat’em All, particulièrement sanglant, et n’oubliant pas sa mécanique phare de démembrement. Cette fois-ci, on aimerait néanmoins que le développement soit confié à un studio tel que Platinum Games (Nier Automata, Bayonetta, Astral Chain), histoire que la qualité du produit fini ne fasse aucun doute avant même le commencement du travail. Maintenant, si l’on doute fortement de la faisabilité d’un tel projet, cela ne nous empêchera pas d’allumer des cierges…
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