Pourquoi on aimerait un retour de Blue Dragon ?
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Rédigé par Nathan Champion
À l’annonce inattendue (mais surtout inespérée) de Sand Land m’est venue l’envie d’écrire sur une œuvre vidéoludique dessinée par ce cher Toriyama. Le père de Dragon Ball, non content d’avoir engendré plusieurs œuvres cultes dont on parlera encore à la fin du siècle, s’est aussi intéressé au milieu du jeu vidéo, pour lequel il a longtemps travaillé. On le connaît pour son trait reconnaissable entre mille, que l’on retrouve chez l’intégralité de la franchise Dragon Quest, chez le mythique Chrono Trigger (mais étrangement pas chez sa suite), ou encore, bien plus obscur, chez Tobal.
Mais cette idée m’était finalement sortie de la tête un peu vite, constatant la myriade de sorties importantes à venir au début de l’année 2024. C’est alors qu’est arrivé l’impensable : Akira Toriyama nous a quitté, et de surcroît ni d’une mort très glorieuse, ni à un âge avancé. Mourir à 68 ans d’un hématome intracrânien, c’est moche, très moche même, surtout quand on est le père du manga moderne, un véritable héros aux yeux d’une communauté si vaste qu’il serait impossible de la quantifier précisément. Loin de moi l’idée d’enfoncer le clou, puisque personnellement touché. Néanmoins, l’envie d’écrire sur le travail du monsieur m’est vite revenue…
C’est ainsi que nous parlerons aujourd’hui de Blue Dragon, un jeu de rôle exclusif à la Xbox 360 paru en 2006 au Japon, puis en 2007 dans le reste du monde. Une œuvre qui aura fait couler beaucoup d’encre à sa sortie, implication de Toriyama oblige. Mais aussi parce qu’elle est développée par nul autre que Mistwalker, studio fondé par le grand Hironobu Sakaguchi, père de la franchise Final Fantasy. Ajoutez, par dessus le marché, la présence de Nobuo Uematsu à la bande sonore… Cela faisait trop de personnalités d’exception pour que Blue Dragon finisse par passer à la trappe. Et pourtant… aujourd’hui, on aimerait un retour de la franchise.
Note : Les images que vous trouverez dans cet article ont été capturées par nos soins via une version dématérialisée tournant sur une Xbox Series X.
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Arrivée une grosse année avant sa concurrente directe, la PlayStation 3, qui sera plutôt mal reçue dans un premier temps en raison d’une tarification absolument risible d’audace mal placée, la Xbox 360 accueillit, contre toute attente, une quantité certaine de jeux japonais exclusifs. Et pas n’importe lesquels, puisque nous parlons notamment de titres qu’il était, par le passé, impensable de séparer de l’image de Sony. Katamari Damaci, par exemple, bien qu’il ne s’agisse assurément pas du plus marquant de cette courte liste. Mais aussi, bien sûr, Lost Odyssey, considéré par beaucoup comme un Final Fantasy qui cache bien son nom. Ou encore Tales of Vesperia (qui sortira plus tard sur PS3 dans une version revue, jamais arrivée jusqu’à l’Occident), Eternal Sonata (sur lequel on finira pas revenir dans une chronique), Infinite Undiscovery et Magna Carta 2.
Vous aurez remarqué sans peine que la majeure partie des titres cités sont des RPG, et Blue Dragon n’y fait pas exception. Paru fin 2006 au Japon, puis en août 2007 partout dans le monde, le titre de Mistwalker promettait beaucoup. Pour commencer, une toute nouvelle franchise développée par nul autre que le papa de Final Fantasy, le tout enrobé par une bande sonore signée par Monsieur Nobuo Uematsu, connu lui aussi pour son travail sur la gargantuesque série de Square. Mais c’est surtout Akira Toriyama, père de Dragon Ball, Dr Slump ou encore Sand Land, qu’il faut retenir, pour son travail sur une grosse partie du design des protagonistes et du bestiaire.
Un travail qui se devine aisément, et confère d’emblée au titre une certaine âme. Et cela tombe bien, car en dehors de son aspect visuel singulier, Blue Dragon n’est pas ce qu’il se fait de plus original. Son histoire, pour commencer, manque cruellement de saveur, et fait preuve d’une mièvrerie qui la dessert plus qu’autre chose, favorisée par des protagonistes qui n’ont pas grand chose à nous raconter. Difficile de s’identifier à cette poignée d’enfants qui semble toujours faire les mauvais choix, armés de lignes de dialogues basiques, parfois gênantes d’idiotie, partant à la recherche d’un grand méchant plus décevant encore… et pourtant, il faut reconnaître qu’on s’attache bien malgré nous à cette petite bande de héros manquant cruellement de charisme.
La petite particularité du titre réside dans sa vision des combats. En effet, ici ce ne sont pas les enfants eux-mêmes qui combattent, mais leurs ombres. De grandes entités bleues, sortant du corps de nos héros pour en découdre… ce qui ne change finalement pas grand chose à un RPG au tour par tout classique, dans la mesure où les mécaniques restent finalement très proches, pour ne pas dire identiques, de ce que l’on connaît déjà sur le bout des doigts. Il faut néanmoins accorder à ce parti pris un supplément d’âme, là encore, un certain sentiment de dépaysement se dégageant, au moins un temps, de cette façon de faire.
Et heureusement, d’ailleurs, parce qu’en dehors de cela, rien d’original sous le soleil. Les combats se font au tour par tour, suivant un ordre de priorité défini par la statistique de vitesse des personnages et ennemis. Les capacités sont assez basiques, mais certaines nécessiteront un genre de QTE façon Mario RPG ou Sea of Stars pour être plus efficaces. L’aventure, quant à elle, est plutôt linéaire, en dépit d’une map relativement ouverte, permettant de naviguer entre les différents points d’intérêt, rappelant beaucoup, par son manque de détail, ce que propose la série Tales of à l’époque. Ce qui n’est pas un compliment, juste au cas où le doute planerait encore. Enfin, l’aventure est plutôt longue, puisqu’il faudra une bonne cinquantaine d’heures pour arriver au terme du scénario, et près du double pour voir tout ce que le jeu a à offrir.
Un univers qui prend bien
Finalement, ce que l’on retient le plus de ce titre, c’est son univers qui, en dépit d’une écriture enfantine, se révèle plutôt accrocheur. Sakaguchi, en s’attelant à l’écriture du jeu, est parvenu à capter une partie de l’essence du travail de Toriyama, réussissant à faire assez bien coller cette nouvelle franchise à son visuel. Ce qui est un petit succès en soi, et permettra, contre toute attente, à Blue Dragon de perdurer plutôt longtemps. Parce que le titre sortant en 2007 par chez nous sera vite suivi par deux suites sur Nintendo DS, toutes deux plutôt réussies et que l’on recommande assez chaudement aux amoureux de l’original. Mais surtout, parce qu’un animé de plus de 100 épisodes verra le jour, au même titre qu’un manga, épaississant le lore avec une certaine justesse.
Oui, le tout est mièvre, peut-être un peu trop, mais d’une certaine manière c’est un reproche que l’on peut asséner à la plupart (si ce n’est l’intégralité) des Shonen, chez qui Sakaguchi puise son inspiration, Dragon Ball en tête. L’important, finalement, c’est que cela prenne, et il y a tout à parier pour que ce soit le cas auprès d’une communauté de joueurs assez conséquente pour que deux suites soient envisagées puis mises en chantier. Il ne vous aura pas échappé que le portrait dressé dans ces lignes n’est pas le plus flatteur qui soit. Et en effet, Blue Dragon premier du nom n’est pas une claque, loin d’égaler la qualité d’un Lost Odyssey par exemple, ou l’originalité d’un Resonance of Fate. Il lui manque quelques petites choses pour se hisser au niveau de la concurrence, et c’est peut-être là tout le problème derrière sa longévité que certains qualifieront volontiers de faiblarde, et le fait que le monde semble l’avoir oublié.
Se revendiquant d’une recette extrêmement classique, ressemblant à s’y méprendre à ce que l’on trouvait chez les plus gros RPG japonais de l’âge d’or, allant de Chrono Trigger à Dragon Quest VI, en passant par Final Fantasy IV, Blue Dragon fait malheureusement moins bien. Ou du moins, l’hommage est à saluer, mais le résultat est moins mémorable que nombre de productions d’un autre temps que le titre de Mistwalker pastiche. Il le doit à son système de combat trop commun, malgré l’ajout intéressant (mais sous-exploité) de QTE. Sa progression trop linéaire, pendant un temps, laissant par la suite une impression d’ouverture vaguement déplaisante en raison d’un monde qui, comme dit plus tôt, manque beaucoup de charme, et par ailleurs de points d’intérêt marquants. Ça, c’était révolutionnaire sur Super Nintendo, quand l’utilisation du mode 7 impressionnait, et ça avait du sens sur PlayStation, où la sensation d’ouverture en 3D intégrale galvanisait. Mais dix ans plus tard, sur Xbox 360, ça sonne comme un anachronisme.
Pourquoi on aimerait un retour ?
Alors pourquoi Blue Dragon ? Pourquoi ne pas avoir plutôt abordé le cas d’un Chrono Trigger si l’idée était de parler de Toriyama et de son implication dans le jeu vidéo, surtout dans la mesure où le titre de Square et Enix est considéré comme la quintessence du RPG à la nippone ? Pour commencer, parce que ledit titre mythique est très bien comme cela, et que souhaiter son retour sous une forme nouvelle, c’est s’exposer à un désastre de l’ordre de Secret of Mana Remake, ou tout simplement à une déception colossale. Chrono Trigger est intouchable. C’est un fait établi, et tout le monde, parmi les concernés, semble s’accorder sur ce fait. C’est la raison pour laquelle, contrairement à des Final Fantasy ou des Dragon Quest de la même époque, nous n’avons pas vu moult versions différentes s’enchaîner, jusqu’à de véritables Pixels Remasters.
Non, Chrono Trigger c’est une cartouche sur Super Famicom, une apparition sur PlayStation dans la collection Final Fantasy Chronicles, une édition Nintendo DS, et une version PC. On passera volontiers les éditions mobiles ou Virtual Console qui sont de vulgaires portages. Le fait est que, hormis sur PlayStation, où l’on a ajouté de la cinématique (comme cela s’est fait sur Final Fantasy VI), sur DS où un genre de mode à part façon Pokémon a été implémenté (et de belle façon, n’empiétant pas sur le jeu original) et sur PC où des donjons inédits ont fait leur apparition, rien ne bien neuf n’a vu le jour. Et c’est très bien comme cela. Certains jeux sont tout simplement destinés à demeurer tels quels, il n’y a aucune raison d’en désirer un retour d’une quelconque manière que ce soit. Alors oui, ça serait chouette d’avoir une version Switch pour pouvoir emmener ce chef d’œuvre partout (sans devoir composer avec les affreux contrôles tactiles de nos mobiles). Mais eh, sur Steam le jeu coûte moins de 15 euros et est moins vorace que le démineur !
Reste donc Blue Dragon. Un titre imparfait, des suites sympathiques mais pas transcendantes, le tout enrobé d’un univers qui fonctionne bien. Le fait est que le jeu d’origine n’est pas évident à ressortir aujourd’hui, en raison d’un aspect visuel vieillissant, d’une part, bien que cela ne touchera pas tout le monde de la même manière. Mais surtout de mécaniques qui ont pris de sacrées rides, et d’une structure qui demeure perfectible. Ainsi, un jeu de cette trempe aurait tout à gagner à s’offrir un vrai remake en bonne et due forme. Une version en tout point supérieure, à commencer par une ambition revue à la hausse et une carte du monde plus détaillée, plus inspirée, et permettant de tourner la caméra dans tous les sens…
Il faudrait évidemment à ce nouveau Blue Dragon un tout nouveau système de combat. Pas besoin de chercher bien loin cela dit, puisqu’il ne semble pas nécessaire de s’écarter de trop de ce que le RPG nippon offrait dans les années 90. Seulement, un peu plus de profondeur ne serait pas de trop, et une interface plus lisible aussi, peut-être en cherchant du côte de ce qu’a réalisé Atlus avec son Persona 5 puis son remake de Persona 3. Conserver les QTE est loin d’être une mauvaise idée, puisque cela permet d’impliquer le joueur et donc de rendre les affrontements plus prenants. Néanmoins, il serait bon de leur offrir un traitement plus proche de ce que propose un Super Mario RPG, pour ne citer que lui, avec des actions contextuelles qui revêtent un certain sens à l’écran, chose que Blue Dragon, l’original, ne réussissait pas forcément.
Enfin, c’est du côté du scénario qu’on espère un soubresaut d’inventivité. Reprendre les personnages tels quels n’est pas à proscrire, loin s’en faut, mais il serait bon de leur offrir des lignes de dialogue mieux pensées, et surtout de leur faire jouer une pièce plus consistante et captivante. Cela étant dit, une fois n’est pas coutume nous allons malheureusement devoir terminer cet article sur une note négative : Akira Toriyama n’est plus. Et ce simple fait prend beaucoup de poids dans la balance mesurant les chances de retour de Blue Dragon. Parce que même si quelqu’un, quelque part, avait les fonds et l’envie de faire revenir d’entre les morts ce RPG agréable au demeura nt, quel serait désormais l’intérêt sans le papa de Dragon Ball au design ?
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