Pourquoi on aimerait un retour de Brütal Legend ?
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Rédigé par Nathan Champion
Si je ne suis pas abonné à l’année, j’aime malgré tout beaucoup la proposition du Game Pass, et cela ne vous aura pas échappé si vous suivez cette chronique paraissant un dimanche sur deux. En effet, nous y avons parlé à plusieurs reprises de titres se trouvant dans ce vaste catalogue, avec cette saison du Dead Space 3 et du Rage. Et ce n’est pas fini, puisque ledit catalogue est souvent une source d’inspiration, qui donnera lieu à de nouvelles chroniques dans les prochaines semaines ou prochains mois. Certaines étant réservées pour des dates particulières, quand d’autres ont été écrites dans l’optique de combler un creux dans un planning un peu trop chargé.
Ainsi, si cette semaine je vous parle de Brütal Legend, c’est parce que mon test attendait parution depuis plusieurs mois, et que le temps me manque présentement pour lancer un titre auquel je n’ai jamais joué pour le chroniquer… Mais n’allez pas croire que j’écris cet article avec moins d’envie pour autant, puisque l’on va parler d’un jeu qui me tient farouchement à cœur, malgré mon récent retour critique loin d’être aveuglément positif. J’ai bien conscience que Brütal Legend n’est pas un excellent jeu, mais j’ai néanmoins assez d’arguments pour vous faire comprendre, vous le verrez, pourquoi son retour serait une excellente chose !
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Comme le veut l’adage, c’est en forgeant qu’on devient forgeront, et cela s’accorde parfaitement à la carrière de Tim Schafer, malgré la renommée aujourd’hui indiscutable du bonhomme qui laisserait à penser qu’il a directement sorti un classique de son tiroir. Parce qu’avant de nous pondre le colossal Psychonauts, qui a définitivement assis son génie créatif, monsieur Schafer a bossé sur nombre de petites productions dans les années 80, sous l’égide de LucasArts. Une entreprise que les amateurs de Point and Click connaissent très bien, puisqu’elle leur a offert quantité de classiques extraordinaires, et pas seulement les indétrônables aventures de Indiana Jones.
Notamment Monkey Island, une série sur laquelle Tim Shafer travaille d’ailleurs dès le premier épisode, écrivant une grosse partie des dialogues, avant de revenir plancher pour la suite, tout aussi acclamée par la critique et les joueurs. On lui confie ensuite la co-création de l’excellent Day of the Tentacle, une expérience à essayer si vous aimez le genre, puis la direction de son propre jeu vidéo, un certain Full Throttle, paru en 1995. Titre qui va nous intéresser tout particulièrement ici, puisqu’il sera le premier de son long palmarès à faire appel à la seconde passion du créateur, autrement dit le Heavy Metal.
Le personnage principal est un biker aux gros biscoteaux et à la veste en cuir, armé d’un engin aux pots d’échappements massifs et de grosses lunettes de soleil, des références qui font très Motörhead. Point and Click relativement classique, Full Throttle jouit d’un humour qui fait souvent mouche, comme chez nombre de productions LucasArts des années 80/90, mais surtout s’offre une bande son très soignée, aux sonorités, vous le devinez, Rock et Heavy Metal. Tout un programme pour les ordinateurs de l’époque qui crachent leurs poumons à essayer d’émuler de la guitare électrique sur DOOM. Je ne compte pas revenir dessus, aussi vous conseillerai-je ici la version remasterisée, qui se vend une quinzaine d’euros sur Steam.
Comme si ce classique ne suffisait pas, Schafer va diriger le développement d’un second, le bien nommé Grim Fandango, s’offrant lui aussi une version remise aux goûts du jour au cours des dernières années. Ça commence à faire beaucoup, niveau preuves de la supériorité créative du bonhomme, et accrochez vous parce que c’est loin d’être la fin. En effet, au début des années 2000 il quitte LucasArts, qui change radicalement de ligne directrice, et fonde son propre studio avec d’autres anciens de la firme californienne qui le somment de mettre au point le jeu PS2 qu’il imagine depuis un moment. L’entreprise s’appellera Double Fine, et la bonne nouvelle, c’est qu’elle est encore en activité à l’heure où nous écrivons ces lignes, contrairement à la majeure partie des développeurs que l’on aborde dans nos chroniques.
Meteora
Il lui faut approximativement cinq ans pour accoucher, avec son équipe de vétérans de LucasArts, de l’excellent Psychonauts, sortant initialement sur Xbox avant de s’offrir une arrivée sur PlayStation 2 et PC. Passons sur les démêlées juridiques étranges auxquelles le studio et son directeur font face, pour parler directement de Brütal Legend, sortant quatre ans plus tard, et édité par un Electronic Arts déjà trop près de ses sous pour le bien des licences concernées. On est alors en octobre 2009, un an tout rond avant le très chouette Costume Quest, dix avant que Double Fine ne soit racheté par Microsoft, et douze avant la sortie de l’extraordinaire Pychonauts 2.
Entendons nous bien, nous ne parlons pas d’un studio visant toujours plus haut, à la Rockstar Games, mais plutôt d’une entreprise assez modeste, consciente de ses forces et faiblesses, simplement désireuse de faire de bons jeux. Et c’est très important de le souligner, puisqu’à compter de Brütal Legend, qui se vendra trop peu aux yeux de EA, mettant fin à la préproduction d’un second volet, Double Fine visera des sorties régulières, avec des titres aux budgets restreints mais aux concepts forts. Costume Quest et sa suite, Headlander, et bien sûr Grim Fandango Remastered ainsi que Full Throttle Remastered ne sont que des exemples parmi tant d’autres.
En somme, on peut même affirmer qu’en dépit de petits problèmes par-ci par-là, qui vont freiner ses projets et son évolution, Double Fine et Tim Schafer savent où ils veulent aller, et naviguent avec tact. Ainsi, en 2012 le studio récupère les droits de Psychonauts après des problèmes juridiques ridicules, et se remet directement à l’ouvrage sur la création de nouvelles aventures dans cet univers qui est cher au cœur de plusieurs créateurs de l’entreprise. Quant à côté de cela, plusieurs petits projets sont débutés en parallèle pour que les rentrées d’argent soient régulières et convenables, sans jamais avoir à vendre son intégrité ; jusqu’au financement participatif de Psychonauts 2 qui était, à n’en point douter, un passage obligé qui mena à une production d’une qualité indéniable.
Ace of Spades
Et Brütal Legend dans tout ça ? En 2009, le monde ouvert c’est cool, puisque ça renvoie, dans l’imaginaire collectif, à du GTA, autrement dit la plus grosse licence de l’ère PlayStation 2. Ainsi, le titre en sera un, certes moins ambitieux que la franchise de Rockstar Games, les moyens de Double Fine n’étant pas du même calibre. Et si, à l’époque, le genre est encore peu représenté, il est bon de noter que la sortie de Brütal Legend se place tout juste deux mois avant celle d’un autre open world qui pourrait avoir droit à sa chronique, le curieux The Saboteur. Enfin, la ressemblance entre les deux productions s’arrête là.
La première chose qui frappe lorsqu’on lance Brütal Legend, c’est qu’il s’ouvre sur une courte vidéo en images réelles, tournée avec Jack Black chez un disquaire. En y entrant, celui-ci s’adresse directement à la caméra, et par extension au joueur. Il lui parle d’un disque, caché parmi la tonne d’autres présents ici, que personne n’aurait jamais acheté, et dont personne ne connaîtrait l’origine, pas même les détenteurs de la boutique. Il le montre à la caméra, puis le pose sur une table et nous enjoint à y regarder de plus près… et nous sommes sur le menu principal, qui prend donc la forme d’une pochette de disque à l’ancienne, un peu cornée, mais très jolie.
Une petite attention pour les amoureux du Metal qui fait, il est vrai, son petit effet, surtout couplée à une bande son, en arrière plan, chez le disquaire, déjà particulièrement solide. Et ce n’est que le début ! Le jeu n’a pas encore commencé qu’il fait déjà montre d’une générosité surprenante, qui l’accompagnera jusqu’à la fin de son aventure. Une aventure qui, malheureusement, n’est pas aussi mémorable qu’elle aurait dû l’être, la faute à une histoire très bateau, une vision du monde ouvert encore un peu étriquée, mais surtout un gameplay qui tourne vite en rond, malgré un mélange des genres plutôt pertinent.
Le joueur incarne Eddie Riggs, qui reprend les traits et la voix de Jack Black lui-même, chef de tournée pour un groupe de Metal loin de l’image traditionnelle du genre. Très vite, au cours de la cinématique d’intro, notre héros se fait écraser par le décors en plein concert, et se retrouve propulsé dans un monde parallèle fait de guitares, de haches, de monstres gothiques, de rivières de sang et de bolides aux carrosseries peintes de flammes jaunes orangées. Un rêve éveillé pour ce puriste du genre, qui va rapidement faire la connaissance de Ophelia, une jeune métaleuse qui n’a pas froid aux yeux et se bat comme peu d’hommes. Ainsi naît le fil rouge.
Grossièrement, l’aventure propulse le joueur aux commandes d’une armée de métaleux aux cheveux longs, amateurs de bière et de headbanging, dans le but de laver des terres dévastées d’une emprise démoniaque omniprésente. Pour se faire, le titre fait appel à une partie typée action, ou Beat em All, qui manque malheureusement de profondeur, et propose en parallèle des batailles stratégiques dans lesquelles le joueur est seul maître de la création et la gouvernance de sa petite armée. Des idées de game design qui semblent, à première vue, complètement opposées, mais se mêlent assez bien au sein de Brütal Legend, qui parvient à tenir éveillé tout au long de son aventure, ne durant guère plus d’une douzaine d’heures.
Pourquoi un retour ?
Brütal Legend, c’est un modèle absolu de générosité et de bienveillance. Tim Schafer, son dada, c’est le Metal et le jeu vidéo. Et lui comme ses équipes ont mis toutes leurs tripes dans cette production double A qui transpire la passion par tous les pores, et fait appel à une quantité tout bonnement ahurissante de clins d’œil ainsi que de références assumées, parfois maladroites mais toujours plaisantes. Double Fine a démarché pour une bande son qui déchire, avec de très grands noms en pagaille, et même quelques groupes moins connus qui font de petites apparitions musicales très appréciables. Le tout avec un casting vocal indécent de qualité, s’offrant pêle-mêle Tim Curry, Lemmy Kilmister, Ozzy Osbourne, Rob Halford, et bien sûr Jack Black.
Un casting vocal auquel nous, petits francophones que nous sommes, n’avons malheureusement jamais eu droit sur consoles, la galette Xbox 360 et PS3 n’embarquant tout simplement aucune option à ce niveau. Un détail pour certains, ceux que le Metal ne fait pas vibrer, mais qui a toute son importance pour les autres, ceux à qui Brütal Legend s’adresse à cœur ouvert. Et un premier défaut à corriger, dans le cas d’un retour, qui serait l’indispensable première bière à l’édifice du renouveau, sans laquelle les joueurs non anglophones seraient cruellement lésés. Et je ne vais pas passer par quatre chemins, malgré une présence plus soutenue du Rock dans le paysage vidéoludique contemporain, avec des titres comme Metal Hellsinger ou God of Rock, l’absence de Brütal Legend se fait cruellement sentir.
Alors bien sûr, s’il devait y avoir un retour, dans un monde idéal, Electronic Arts se tiendrait très loin du projet. Il faudrait qu’un éditeur généreux, au portefeuille bien garni et aux pontes amoureux du Metal (ça commence à faire beaucoup de pré-requis) signe un accord avec Double Fine, laissant pleins pouvoirs au studio sur la direction créative. Tout en acceptant de signer de gros chèques pour des apparitions aussi mémorables que dans l’opus original, voire pourquoi pas le retour des mêmes têtes, du moins celles qui n’auraient pas encore succombé à leur vie d’excès, de tournées richement arrosées, et de Rock’n Roll. Et bien sûr, pour une bande son aussi divine, voire plus fournie encore, quoique le résultat initial n’a absolument rien à se reprocher.
Mais ce qu’il faudrait surtout changer dans la manière de construire cette hypothétique nouvelle version, c’est le gameplay. Parce que non, le fait que le scénario ne soit pas mémorable n’est pas un problème particulièrement impactant, tant que les têtes d’affiche font un travail convenable d’interprétation. Des jeux aux scénarios minables, on en voit tous les mois, et n’allez pas me dire que vous attendez The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom sur son histoire. Tant que la mise en scène est aussi maîtrisée que chez Breath of the Wild, il n’est pas nécessaire de creuser plus que de raison. Les œuvres les plus marquantes ne sont pas toujours celles qui ont le plus de choses à raconter, mais souvent celles qui le racontent avec justesse.
Tandis que le gameplay est une composante indispensable dans l’appréciation d’un jeu. Ainsi, un nouveau Brütal Legend se devrait de proposer un gameplay plus travaillé, plus fourni, plus jouissif, et moins brouillon. Ce qui vaut autant pour son aspect Beat em All que stratégique d’ailleurs, les deux accusant d’un sérieux manque de profondeur. Et si le choix est fait de conserver le monde ouvert, ce qui n’est pas une mauvaise idée en somme, il faudrait que celui-ci soit mieux pensé, propose plus de diversité dans ses quêtes annexes, mais tout autant de relief. Mais que le développeur n’aille pas s’imaginer qu’un espace plus grand servirait son jeu, car il n’est nul besoin de viser trop vaste, l’histoire nous l’a déjà prouvé à plusieurs reprises.
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