Pourquoi on aimerait un retour de Dead Rising ?
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Rédigé par Nathan Champion
Au cours de ma longue expérience de joueur, il m’est très régulièrement arrivé de me poser des questions sur ma consommation du média, et celle des autres. Suis-je le seul à apprécier me faire peur sur consoles portables ? À vénérer Ratchet Gladiator plus que tous les autres épisodes de la franchise ? À avoir appris à aimer le jeu de voiture avec Need for Speed : Most Wanted ? À avoir acheté la Nintendo Wii U au lancement pour pouvoir poser mes mains fébriles sur ZombiU ? À avoir attendu nerveusement l’arrivée d’une Xbox 360 dans mon salon pour enfin pouvoir m’essayer à Dead Rising ? Des questions auxquelles j’ai quelques fois trouvé réponse, d’autres non.
Était-il vraiment nécessaire que je mette la main sur une 360 ? ça, je peux y répondre ! Oui ! Dead Rising, en plus d’avoir été l’un de mes plus gros coups de cœur vidéoludiques tous supports confondus, m’a appris la patience comme peu d’autres jeux, et m’aura convaincu dans mon amour de Capcom. Une entreprise japonaise dont je suis, depuis, les travaux avec un intérêt tout particulier, même si son âge d’or semble loin, et que les prises de risques ne sont plus à l’ordre du jour. Et même si Dead Rising semble bel et bien mort et enterré, après quatre épisodes pourtant fort sympathiques. Enfin, cinq pour être plus exact, mais nous y reviendrons.
Des jeux que je chérie tous, à l’exception du troisième, que j’ai eu la malchance de découvrir trop tardivement. Lorsqu’il a fallu faire un choix entre PlayStation 4 et Xbox One, j’ai hésité, certes, mais pas longtemps. Bloodborne, Killzone et The Order 1886 m’ayant convaincu sans peine de passer chez PlayStation, après une génération entière à ne jurer que par Microsoft. Je ne fus certainement pas le seul, et quelque part je ne peux pas regretter ce choix, qui m’a permis d’économiser une petite somme d’argent, d’une part, et de tester un paquet d’excellents titres indisponibles sur le catalogue au grand X vert, d’autre part.
Toujours est-il qu’après un quatrième volet en exclusivité temporaire chez Xbox, s’offrant l’année d’après une parution plus complète chez PlayStation, la franchise s’est comme éteinte. Après dix ans de bons et loyaux services, Frank West et ses oubliables remplaçants purent prendre une retraite que personne ne semblait avoir exigée. Personne d’autre que Capcom en tout cas. Rien ne présageait une odeur de sapin pourtant, hormis la période des fêtes de fin d’années choisi par Dead Rising 4, mais il semblerait bien que les priorités aient changé chez l’entreprise nippone. À une époque où tous ses grands noms, à quelques exceptions près, se sont fait la malle. Pourtant, ça ne m’empêche pas de rêver à un retour de Dead Rising.
Note : Les images que vous trouverez dans cet article ont toutes été capturées par nos soins. Pour les besoins de cette chronique, l’auteur a rejoué à chacun des volets de la franchise dans l’ordre de sortie. Parce qu’on est comme ça, chez ActuGaming, investis jusqu’à l’os. Bonne lecture.
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ToggleDe solides bases
Lorsque Dead Rising premier du nom débarque en rayons, en août 2006, la Xbox 360 n’a pas encore soufflé sa première bougie. Quant à la concurrente, la PlayStation 3, elle n’arrive pas avant novembre de la même année, mais ceci est une autre histoire. L’occident n’a pas encore eu le temps de se rendre compte que le Japon est à la traîne en termes de technique, la nouvelle génération n’ayant que neuf mois dans les pattes. D’ailleurs, certains studios nippons s’en sortent mieux que d’autres. C’est le cas de Capcom. Parce que Dead Rising est à la pointe à sa sortie, visuellement saisissant, plus abouti que nombre d’autres projets marquant les premiers pas de la 360.
Ce qui est aussi valable en termes de mise en scène. Le jeu frappe fort, très fort même, en s’inspirant du cinéma d’horreur, avec des références évidentes à Georges Romero notamment, et son film culte : Dawn of the Dead (renommé Zombie par chez nous). C’est parfois kitch, voire franchement ridicule, mais la mayonnaise prend très bien, notamment grâce à une galerie de personnages qui se prennent tous beaucoup trop au sérieux pour leur bien. Et puis, il y a Frank West, l’exact opposé. Un journaliste à sensation pour qui le premier degré et la peur semblent être des notions parfaitement étrangères. Sans lui, une grosse part de l’histoire se casserait la figure.
Parce que cette histoire de zombies prenant place dans un centre commercial au fin fond du Colorado est certes bien mise en scène, mais elle n’a pas pour vocation d’être prise au sérieux. Et si certains prennent Dead Rising pour un jeu bêtement violent et à interdire, dans la veine d’un Postal par exemple, d’autres ont bien compris que la production de Keiji Inafune (très grand monsieur au CV long comme le bras) n’est qu’un défouloir, qui se permet un sous texte très critique sur la société de consommation. À l’image de son modèle, Dawn of the Dead (et à l’inverse du détestable remake de 2004 par Zack Snyder). Il s’offre même plusieurs fins annexes, dont certaines plus intéressantes que prévu.
Si Dead Rising fonctionne aussi bien, c’est donc en partie grâce à son ton irrévérencieux, son humour absurde et trash, son visuel à tomber, et son personnage principal qui crache les pires répliques par dessus une musique d’ascenseur mémorable. Mais ce que la majeure partie des joueurs retiendra, c’est la proposition en terme de gameplay. Parce que le jeu nous lâche dans un vaste centre commercial, en nous permettant de choisir n’importe quelle arme selon l’humeur, d’une TV cathodique à un pommeau de douche, en passant par de la vaisselle neuve et des cintres, pour dégommer en règle une quantité absolument indécente de morts vivants. Morts vivants dont le nombre en simultané à l’écran fait sensation à l’époque.
Alors d’accord, la finesse n’est pas au rendez-vous. Le titre propose une unique touche pour frapper avec l’objet équipé, et une autre pour le lancer à la figure de nos opposants. Ce qui fait peu, et annonce d’avance une redondance inévitable. Il souffre par dessus le marché d’un manque effroyable de précision, ce qui ne pose jamais problème face à des hordes de zombies, mais peut se révéler absolument intenable face à des adversaires humains isolés. D’autant que ceux-ci sont de surcroît très mobiles, tandis que notre beau Frank West se traîne comme s’il souffrait d’une descente d’organe. Bref, le jeu est loin d’être parfait.
D’ailleurs, d’autres de ses aspects ne font pas l’unanimité, à commencer par ses items destructibles. The Legend of Zelda : Breath of the Wild n’a rien inventé à ce niveau, et c’était déjà agaçant en 2006, surtout que cela conduisait inévitablement à une difficulté très corsée. Difficulté qu’il était possible d’atténuer en recommençant sa partie en cas de décès, puisque l’on conservait son expérience et, avec, l’augmentation providentielle d’une barre de vie et d’un inventaire initialement minuscules. Une sorte de système à la Die and Retry, qui préfigurait presque la vague de Rogue Lite qui a déferlé sur l’industrie près de dix ans plus tard.
Enfin, un paquet de petits problèmes demeurent à souligner, comme un pathfinding absolument épouvantable chez les survivants que l’on sauve, et qu’il faut ramener en sécurité jusqu’à un abris pas facile d’accès. Combien de mes cheveux me suis-je arraché en constatant la débilité de cette IA qui semblait parfois se jeter volontairement dans les bras de morts vivants affamés ?! Ou encore ce talkie-walkie dont la sonnerie hante encore certains de mes cauchemars. Et bien sûr, la grande spécialité de Capcom, un système de sauvegarde dépassé, obligeant le joueur à se rendre à un endroit donné. Aucun checkpoint n’est à prévoir dans Dead Rising, et c’est douloureux.
Mais il gardait une carte maîtresse dans sa manche, et Dieu sait qu’elle lui a permis de briller, et de demeurer mémorable : son extraordinaire galerie de boss psychopathes. Parce que Dead Rising nous fait certes vivre une histoire haletante et chronométrée, avec trois petits jours qui passent à la vitesse de la lumière, mais il offre à côté une variété de contenus annexes qui lui fait honneur. Du clown aux tronçonneuses, qui fait tourner en boucle des enfants morts sur une montagne russe lancée à pleine vitesse, à la policière perverse qui séquestre d’innocentes femmes peu vêtues, la galerie de boss subsidiaires est juste extraordinaire. Et c’est sans parler de la palanquée de costumes absurdes à dénicher.
Une suite moins reluisante
Après un succès retentissant, Dead Rising annonçait logiquement sa suite, cette fois-ci prévue en simultané sur 360 et PS3. Un épisode qui changerait de protagoniste mais aussi d’emplacement, avec un encore plus vaste centre à mi-chemin entre le Mall et le casino. Dead Rising 2 conserve la recette initiale, et l’embelli, notamment en améliorant en partie ce qui faisait défaut à son prédécesseur. Le gameplay est un brin plus précis, notamment parce que l’utilisation des armes a un peu évolué. Le pathfinding des alliés est amélioré, et les ramener en sécurité est facilité. La longévité des items est même rehaussée. Le titre s’offre aussi un système de craft plutôt cool, qui permet de confectionner des armes drôles et puissantes.
Dead Rising 2 débarque en 2010, plus de quatre ans après le premier volet et, contre toute attente, il divise. D’un côté on ne peut que reconnaître que sa mise en scène fonctionne toujours aussi bien, et que son gameplay est toujours aussi jouissif. De l’autre, la recette n’évolue que trop peu, conservant de grosses lacunes, notamment dans la construction chronométrée de l’aventure qui est souvent pointée du doigt par la critique. La difficulté est toujours au rendez-vous, et est toujours principalement due à un gameplay qui n’est pas adapté aux affrontements en 1vs1. Mais surtout, le nouveau protagoniste est atrocement fade, et l’absence de Frank West se fait remarquer.
Absence qui ne durera pas longtemps, puisque l’année suivante, Dead Rising 2 s’offre une nouvelle version sous-titrée Off the Record, remplaçant Chuck Green par Frank West. Le résultat, c’est une aventure qui conserve les mêmes défauts, mais se révèle un brin plus drôle, quoique la présence du journaliste semble souvent complètement hors contexte (comme le Duke chez Bulletstorm). De nombreux fans supposent un développement en catastrophe pour rattraper la relative déception que fut le second volet, se vendant pourtant très correctement. Et il est difficile de leur donner tord. D’autant que dans les faits, l’histoire et son déroulé restent exactement les mêmes que dans l’opus original.
Cela étant dit, si le second volet et sa version alternative demeurent de bons jeux, et vont jusqu’à améliorer le système de quête annexe en rendant le talkie-walkie moins intrusif (ce qui me fait énormément plaisir), certains défauts sont impardonnables. On se retrouve une nouvelle fois avec un système de sauvegarde archaïque, et l’absence de checkpoints se fait doublement ressentir dans cet espace de jeu qui a nettement gonflé par rapport au premier volet. Et la galerie de psychopathes que le joueur rencontrera au fil de l’aventure connaît quelques éclairs de génie, certes, mais souffre de la comparaison avec celle du précédent, qui la met complètement à l’amende.
Bref, Capcom Vancouver, anciennement Blue Castle Games, studio ayant récupéré la série après le premier volet, avait beaucoup à faire sur Dead Rising 3. Un opus à part, qui débarquera le 22 novembre 2013, au lancement de la Xbox One. Console à laquelle il demeurera fidèle, malgré un portage sur PC. Le titre sera un véritable Open World sans temps de chargement, affichera des quantités absurdes de zombies à l’écran, poussera tous les potards au maximum en termes d’hémoglobine et de démembrement… bref, cet épisode voit plus grand, pour un résultat qui, là encore, divise, autant chez les fans que chez la critique.
Parce que le développeur fait une seconde fois le choix d’un protagoniste qui n’est pas Frank West, le remplaçant par un mécano plus fade (et mal doublé) que Chuck. Mais surtout, parce que le titre souffre toujours de problèmes de gameplay qui semblent coller à la peau à la série. Qu’il déçoit sur le plan visuel et technique, avec un Open World de taille respectable, certes, mais qui n’est jamais agréable à l’œil. Le nombre de zombies à l’écran est impressionnant, mais a une fâcheuse tendance à mettre la console à genoux. Et par dessus le marché, la mise en scène est fade, et les personnages oubliables, malgré quelques chouettes psychopathes. Cette suite aurait pu tout changer, mais elle manque de charme.
On met vite en chantier un quatrième volet, qui sera une exclusivité Xbox temporaire. Et cette fois-ci, Capcom Vancouver semble avoir bien réfléchi son projet avant de débuter le développement. On rappelle ce bon vieux Frank West, on épaissis la mise en scène et on opte pour un humour omniprésent, quitte à en faire beaucoup trop. Mais surtout on retourne à Willamette, ville du premier épisode. À cela s’ajoutent des modifications profondes dans le gameplay, pour faire de ce Dead Rising 4 un mélange efficace entre Beat’em All et TPS, une profusion grisante d’armes combos qu’on nous délivre chaque fois qu’on effectue une bonne action, la disparition du timer, et une ambiance qui sent bon les fêtes de noël, favorisant une absurdité de tous les instants.
Bref, cet ultime épisode a pris le temps de digérer l’héritage de ses prédécesseurs avant de nous parvenir, et cela fait un bien fou. Frank n’a jamais été aussi drôle, même si cela passe par une profusion de blagues qui ne tombent pas toujours juste, et même si le doubleur du premier jeu a été remplacé (et si la VF est atroce). Ce qui n’empêche pas, là encore, cet opus de diviser. Nombre de fans de la première heure jugent que Dead Rising 4 s’écarte trop de la recette initiale, pour un résultat corrigeant le tir sur certains aspects, mais souffrant de nouvelles limitations. Notamment une caméra absolument affligeante, et un aspect volontairement kitch, nanar, qui fait surjoué.
Un retour, mais pourquoi ?
J’aime profondément Dead Rising, dans son intégralité, bien que j’ai plus de mal avec le troisième volet. Avec le temps, j’ai même du mal à ne pas placer le quatrième opus au dessus du lot, tant son ton me semble plus pertinent, et son humour plus impactant. À mes yeux, la révolution, bien que douce, était là. Et je ne digère toujours pas que la série se soit arrêtée à ce moment pourtant crucial. Tout était là, il n’y avait qu’à refaire la même chose en corrigeant quelques détails pour un cinquième volet… mais non. La série a simplement disparu des radars, et Capcom s’est concentré sur d’autres projets.
Alors d’accord, j’en fais peut-être un peu trop. Dead Rising 4 a été porté sur PS4 en décembre 2017, il y a peu de temps finalement, à l’échelle du développement de jeu vidéo. Et il n’est pas impossible que Capcom ait simplement décidé de mettre la franchise en pause pour mieux la faire revenir à un moment plus propice. Mais avec la fermeture de Capcom Vancouver, en 2018, tout porte à croire qu’aucune équipe ayant déjà œuvré sur l’un des cinq jeux n’est encore constituée. Mais surtout qu’il n’y a personne pour reprendre le flambeau, tous les employés étant occupés sur de nouvelles franchises (Exoprimal, Pragmata), ou sur les licences piliers (Street Fighter, Resident Evil, Monster Hunter).
Mais ce que je pense, c’est surtout que Dead Rising n’est plus adapté au public actuel. Parce que le plus gros problème de la série, c’est son ton, son humour. C’est graveleux, irrévérencieux, absurde. Et en plus d’une représentation de la femme affligeante, ça tombe souvent dans les blagues sur les personnes homosexuelles, ou sur les minorités ethniques. Autrement dit, ce n’est pas politiquement correct, et ça ne passerait plus sans heurt. Aujourd’hui, tout est lissé, aseptisé, pour que personne ne se sente jamais offensé par un gag. À l’image du dernier Saints Row finalement, qui n’est jamais drôle pour la simple raison qu’il est trop gentil. Tellement gentil qu’il en oublie d’être un Saints Row justement…
Alors est-ce encore possible de faire du Dead Rising en 2023, à une heure où tout est politique ? Oui et non. Il faudrait accepter de faire quelques concessions. Et quelque part, on serait gagnant à perdre certains gags un peu trop embarrassants, notamment sur les femmes. Reste qu’un Dead Rising pourrait difficilement voir le jour aujourd’hui sans travestir l’héritage de la série, alors que certains appellent bêtement au boycott de jeux moins « problématiques ». On se rappelle encore de cette abrutissante campagne de dénigrement qu’a subit Hogwarts Legacy à sa sortie, sous le prétexte d’opinions appartenant strictement à l’auteure des romans Harry Potter, personne n’étant pas même impliquée de loin dans le développement du jeu.
Alors ce que j’espère profondément, désormais, c’est que Dead Rising n’a pas simplement été mis au placard pour de bon. Qu’il arrivera un jour où l’on pourra à nouveau rire de tout dans des œuvres grand public, sans risquer de se faire lyncher sur les réseaux sociaux. Et que Capcom n’aura pas à dénaturer la franchise pour lui permettre de revenir d’entre les morts. Car entendons nous bien, certaines choses sont difficiles à digérer. Et il vaut mieux que Dead Rising reste un bon souvenir, plutôt qu’on lui inflige un reboot du calibre de Saints Row, se séparant de tout ce qui faisait son sel par le passé.
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Date de sortie : 06/09/2006