Pourquoi on aimerait un retour de Dead Space 3 ?
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Rédigé par Nathan Champion
L’histoire retiendra assurément Dead Space premier du nom, ce que ne démentiront pas les retours sur le récent remake, notre test inclus. Mais il en ira différemment pour ses produits dérivés multiples, comme son adaptation Wii pourtant très sympathique, ou son roman et ses films d’animation dispensables. Et bien sûr, pour ses deux suites. Bien que Dead Space 2 soit encore aujourd’hui adulé par nombre de joueurs, il faut dire ce qui est, il ne propose rien d’aussi mémorable que son prédécesseur. Quant à Dead Space 3, vous connaissez déjà sûrement sa réputation de déception, et vous pouvez me croire sur parole, il ne l’a pas volé.
Comme expliqué dans notre test, sorti il y a quelques jours et faisant un tour exhaustif du propriétaire, il serait malhonnête de le qualifier de mauvais jeu. Cependant, on ne peut pas décemment parler de réussite pour autant. Dead Space 3, malgré quelques bonnes idées, une réalisation léchée, et une durée de vie respectable, fait beaucoup de choses de travers. Ce qui demeure d’autant plus décevant lorsque l’on sort de ses deux prédécesseurs, bien plus intéressants, ou que l’on connaît l’histoire de son développement. En effet, les choses n’auraient pas dû mener à ce débile déluge d’action, mais plutôt à une expérience plus nuancée et peut-être ambitieuse.
Revenons aujourd’hui sur cet opus mal aimé pour mettre en parallèle l’expérience que l’on a eu, celle que les développeurs avaient en tête, et celle que l’on aurait aimé avoir. Et par « on », je veux bien évidemment parler des fans des deux premiers jeux, et de l’univers de la licence en général. Car je n’ai aucun doute sur le fait que Dead Space 3 ait plu à certains joueurs. Il faut bien le dire, en se rapprochant de ce que propose un Gears of War en terme de gameplay et de rythme, il s’ouvrait à un plus grand public que ses prédécesseurs, et a forcément fait mouche chez quelques consommateurs. Ainsi, si j’ai assurément été dur dans mon test, je demeure lucide sur la question.
Note : Les screenshots que vous trouverez dans cet article ont été capturées sur Xbox Series X, via la version Xbox 360 du jeu, disponible sur le Game Pass Ultimate. Cet article va beaucoup spoiler, notamment la fin du jeu et de son DLC, Awakened, mais aussi sur les deux précédents opus. Vous voilà prévenus !
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Dans le premier opus, vous débarquez sur une plateforme minière perdue dans l’espace, et semblant abandonnée, avant de vous rendre compte que ses occupants se sont tous (ou presque) transformé en nécromorphes… ou fait tuer d’une manière douloureusement graphique. Sa suite changeait de contexte, en proposant cette fois-ci de vivre l’infection et la cohue en même temps que les habitants de la Méduse, une station spatiale de grande envergure. Ils s’écartent sur leur propos et la manière de le raconter, mais il demeure une constante qui les lie : la folie d’Isaac Clarke, et sa manière de tomber progressivement dedans.
Dead Space premier du nom y arrivait très bien, en faisant apparaître régulièrement la compagne de Isaac, jusqu’à la dernière seconde de l’aventure d’ailleurs, celle-ci étant en réalité morte depuis longtemps. Syndrome post-traumatique, couplé à l’influence du monolithe, qui suivra notre héros dans le second volet, le faisant régulièrement halluciner. Jusqu’à le faire parler, une fois encore, au fantôme de sa défunte amie, qui l’accompagnera dans les derniers instants de sa mission. Quant à Dead Space 3, s’il fait rapidement référence à la folie s’insinuant dans les synapses de Isaac dans les débuts de son aventure, il l’oublie malheureusement un peu trop vite.
La raison est simple et pourtant d’une tristesse absolue : après les chiffres de ventes comptabilisés par Dead Space 2, jugés décevants par Electronic Arts, il n’était pas question que ce nouvel opus verse à nouveau dans l’horreur psychologique. Ni dans l’horreur tout court, d’ailleurs, ce qui donne lieu à quelques changements majeurs dans la manière dont le jeu est construit. Aucun véritable temps mort pour laisser au joueur le temps de reprendre son souffle ou de digérer l’ambiance du titre ; une action frénétique qui multiplie les ennemis dans des zones pourtant toujours aussi étriquées ; une sauvegarde désormais automatique ; l’abandon de la narration environnementale…
Pourtant, il est de notoriété publique que les têtes pensantes sur le projet avaient imaginé un jeu plus proche de ses prédécesseurs, plus horrifique que le produit final. Même le nouveau système de craft et de récupération de ressources était pensé pour rapprocher Dead Space 3 d’un Survival Horror. Jusqu’à ce que Electronic Arts décide de le simplifier, ce qui n’a pas empêché l’établi de devenir illisible et imbuvable. L’éditeur annonce même que des micro-transactions seront de la partie, ce qui, déjà à l’époque, était plutôt mal vu. À juste titre. Quant à l’histoire, personne ne se fait d’illusion : il y a de fortes chances pour que ce soit le dernier opus de la série, alors autant boucler l’arc d’Isaac Clarke.
Ce que le titre fait très mal, finalement, en laissant ce protagoniste qu’on avait appris à aimer pendant deux jeux (puis à moins aimer dans le troisième) dériver dans l’espace après avoir potentiellement sauvé le monde. Le pire étant que le soft s’est finalement offert un DLC nommé Awakened, ajoutant un dernier arc à cette décevante conclusion. Isaac et Carver ne sont pas morts, et unissent une dernière fois leurs forces pour retourner sur Terre. Mais une fois arrivés sur place, l’engeance qu’ils croyaient avoir détruit a finalement investi les lieux, et leurs rudimentaires moyens de communication semblent bien incapables de contacter les milliards de morts supposés.
À la poursuite du fun
Qu’il se dote de nouvelles mécaniques décevantes, ainsi que d’un scénario peu intelligent et traînant inutilement en longueur c’est une chose. Mais le cœur du problème, finalement, c’est le fait que le titre n’améliore pas vraiment la mobilité du protagoniste, mais le place malgré tout face à des hordes d’ennemis encore plus conséquentes que par le passé, encore plus rapides, et encore plus tenaces. On a rapidement l’impression que le jeu fait tout pour nous résister, ce qui serait une bonne chose dans un Survival Horror, mais devient simplement agaçant dans cette aventure pas franchement intelligente. L’ennui s’installe, et il est difficile de le déloger, malgré le rythme soutenu.
Et cet ennui, couplé au fait que l’aventure soit plus prévisible qu’un film Marvel, a de quoi rapidement faire lâcher la manette. Les plus persévérants n’auront, comme seule récompense, que des énigmes inintéressantes, un unique boss réutilisé jusqu’à plus soif, et l’évolution gênante de la relation entre Isaac et Ellie… maigre consolation ! D’autant que si le jeu s’offre bien une campagne en coopération, celle-ci n’est accessible qu’en ligne. Impossible de jouer à deux dans le même canapé, et donc de prendre pleinement cette aventure à la rigolade. Ce qui serait, pourtant, le meilleur moyen de l’apprécier, comme au visionnage d’un nanar !
C’est quand même sacrément triste de se dire que le directeur créatif sur le projet avait en tête une expérience plus horrifique, et moins orientée action bête et méchante, mais que le produit final n’est pas même capable d’être vu comme un bon nanar. Des jeux d’action un peu débiles, on en a eu des tonnes sur la génération PlayStation 3 / Xbox 360. On pourrait vous citer Army of Two, Fuse, Kane & Lynch, Lost Planet, La Mémoire dans la Peau, Stranglehold, Vanquish, The Club, The Outfit… Je pourrais continuer comme ça pendant un moment. Et si, parmi ces jeux bas de plafond, certains sont de vraies pépites, les autres se laissent simplement jouer, pouvant souvent être pris, justement, comme des nanars rigolos et jouissifs…
Dead Space 3, quant à lui, ne parvient jamais vraiment à être jouissif. Ce qu’il doit autant à son bestiaire, qui semble avoir combiné le pire de ce que proposait la licence, avec le pire de ce qu’affichait Resident Evil 5, qu’à son ressenti manette en mains. Une notion difficile à expliquer avec des mots, cela va de soi. Ce que l’on peut en dire, malgré tout, c’est que le démembrement tactique a perdu en précision, que le shoot ne se paye pas le même retour visuel ou sonore que Dead Space 2, et que le déluge d’hémoglobine est un peu fade lorsqu’il est combiné à une disparition ultra rapide des cadavres au sol..
Comment faire un bon Dead Space 3 ?
Passer plus de temps à démontrer les défauts de Dead Space 3 n’aurait aucun sens. Mais alors, que faudrait-il à cet ultime opus pour être une pleine réussite ? Aujourd’hui, changeons un peu la manière dont nous procédons habituellement dans cette chronique, pour voir ensemble ce qu’il manquait à cet épisode pour qu’il soit aussi bon, si ce n’est meilleur, que ses prédécesseurs.
Pour commencer, le moteur graphique fonctionnait encore très bien, et il n’était à aucun moment utile de le changer. Cela étant, il est utilisé pour afficher des lieux moins inspirés, et ça c’est problématique. En étirant son aventure, le jeu se pare de décors redondants, et ne bénéficie pas d’un level design marquant. À ce niveau, il y avait quelque chose à faire. Plus de travail sur les environnements n’aurait pas été un luxe, avec une narration environnementale conçue pour nous faire ressentir la déchéance de la planète de glace que l’on visite une grosse partie de l’aventure en prime ! Et, pourquoi pas, de plus longues séquences dans l’espace, celles-ci étant plus inspirantes, et plus réussies de manière générale.
Il aurait fallu moins d’action, par ailleurs, pour permettre au jeu de s’offrir une ambiance moins dynamique, plus immersive, et de laisser le temps au joueur de souffler. Ce n’est pas une mauvaise idée de faire ressentir au joueur qu’il n’est jamais vraiment en sécurité, mais il y avait de meilleurs moyens de le faire. Dead Space premier du nom utilisait son sound design à cet escient, et contraignait Isaac à repasser par des zones déjà explorées, qui avaient quelque peu changé. De quoi créer une tension tangible, qui n’est à aucun moment ressentie dans Dead Space 3, remplaçant toutes ces qualités par une profusion d’ennemis… qu’il aurait été bon de revoir à la baisse ! Pourquoi pas articuler une partie de l’aventure autour d’un HUB ?
Qu’importe ce qu’en disaient les équipes en charge au départ du projet, après avoir vu le résultat final, difficile de comprendre où ils souhaitaient aller avec le système de craft. Il y a de bonnes idées, mais c’est complexifier inutilement une recette qui fonctionnait, jusque là, parfaitement bien. Ainsi, ne pas chercher à ajouter bêtement des nouveautés qui se faisaient beaucoup chez les autres grosses productions de l’époque aurait été plus que bienvenu. D’autant que le rythme que l’on critiquait plus haut est finalement un brin saccadé, puisqu’une fois une séquence d’action terminée, on va souvent devoir passer de longues secondes à ramasser toutes les cochonneries laissées par les ennemis… un comble.
Enfin, c’est évidemment du côté du scénario que l’on aurait aimé que les choses se passent mieux, ou à minima différemment. Parce que Dead Space 3 développe trop ses personnages, au point de rendre Isaac et Ellie détestables, que son grand méchant est atrocement fade, et ses enjeux ridicules. Sauver le monde, pourquoi pas, mais alors faites ça bien ! Parce que l’on ressent effectivement un sentiment d’urgence, mais que celui-ci ne parvient jamais à nous faire nous investir pleinement dans cette histoire prévisible qui, à chaque idée vaguement intéressante, se prend les pieds dans le tapis. Il y avait moyen de s’inspirer de tellement d’œuvres de SF qui ont fait ça mieux que Dead Space 3…
Par exemple, le roman La Nef des Fous, par Richard Paul Russo. Une histoire dans laquelle l’humanité vogue à travers la galaxie dans un immense vaisseau, et découvre, en suivant un signal visiblement humain, une colonie sans âme qui vive, où les cadavres mutilés sont légion. Un point de départ qui aurait totalement pu faire sens dans l’univers de Dead Space, quitte à s’écarter de Isaac Clarke, ce qui n’aurait pas été une mauvaise chose. Enfin, tout aurait pu faire l’affaire en somme, simplement une histoire moins convenue que celle que nous avons eu, et surtout, pas d’amourette débile !
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Date de sortie : 05/02/2013