Chronique des Silencieux : Retour sur ce jeu d’enquête bordelais présenté lors de notre AG French Direct 2023
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Rédigé par Florian
Plutôt amateurs d’énigmes et autres enquêtes policières ? Si le Professeur Layton qui sommeille en vous est en recherche de quelque chose à se mettre sous la dent, nous avons peut-être ce qu’il vous faut. Et bonne nouvelle, c’est français ! Eh oui, Chronique des Silencieux de son doux nom, est issu d’un collectif de développeurs, Pierre Feuille Studio, et avait pu nous faire l’honneur d’une apparition lors de notre dernière conférence AG French Direct l’an passé. Le jeu est depuis disponible uniquement sur PC depuis le 29 janvier dernier. Nous avons pu nous y essayer, et bien qu’il y ait de très nombreux points positifs, il nous faut aussi vous préciser quelques écueils. Voici notre verdict après 5h environ de jeu sur PC, le temps de terminer complètement le prologue du jeu et de bien avancer dans la seconde affaire proposée.
Bordeaux, années 1790. Un jeune homme débarque à la gare en quête de vérité mais surtout d’indépendance, à la recherche d’un oncle perdu de vue. En découvrant sa trace dans une école pas comme les autres, le Pays de Galles, faisant plutôt office de Maison Close, Eugène va devoir mener l’enquête et innocenter son oncle d’un terrible meurtre. Le ton est donné : Chronique des Silencieux est un jeu d’enquête et d’associations d’idées. Si vous aimez jouer au détective, vous allez être ravis, à condition de ne pas vous braquer face aux murs qui se dresseront devant vous.
Pas si élémentaire, mon cher Watson !
Après le décès de sa mère et alors qu’il n’a plus aucun contact avec son père, le jeune Eugène Faury (âgé d’environ 16/17 ans au début du jeu) quitte la maison italienne de ses grands-parents pour rejoindre la ville de Bordeaux et plus particulièrement le célèbre quartier Mériadeck (aujourd’hui transformé en quartier commercial entre autres) pour y rencontrer des personnages haut en couleurs : Madame Solange, la tenancière du Pays de Galles, Blanche, une des « filles » de Madame Solange, ou encore un inspecteur pas très fortiche.
Le gameplay de Chronique des Silencieux pourrait se décomposer en deux pans bien distincts mais à la fois plutôt intrinsèquement liés : la recherche d’informations ou d’indices d’un part, l’association de ces informations et la confrontation des témoins d’une autre part. Aimez-vous lire ? Très sincèrement, il le faut pour jouer à Chronique des Silencieux tant les dialogues sont nombreux et même plutôt longs. Ceci ne constitue pas un défaut à proprement parler, au contraire, l’écriture est même plutôt bien ficelée, mais il est vrai que ces phases de dialogues reviennent très fréquemment, hachant davantage un rythme de jeu déjà assez lent du fait des allers-retours successifs à effectuer.
En effet, bien que le prologue du jeu ne se contente de vous faire voguer qu’à travers 4 lieux différents représentant des bouts de quartiers de la magnifique ville du sud-ouest (quand on est chauvin, on ne se refait pas que voulez-vous), les nombreuses allées et venues pour interroger de multiples fois les mêmes témoins tendent à rendre l’ensemble un peu rébarbatif.
Mais ce n’est pas ici que le jeu montre son plus grand potentiel, c’est plutôt concernant la seconde partie de votre enquête, à savoir l’association de ces idées sous forme d’hypothèses avec un ensemble très riche, complet, original mais très très frustrant par moment. Vous allez devoir minutieusement et sans vous tromper, associer la bonne phrase du bon dialogue, au bon document ou à la bonne information obtenue en fouillant correctement votre environnement. Et c’est ici que se dressera devant vous le premier mur : vous allez être bloqués. Souvent. Très souvent. Trop souvent. Le jeu se voulant très précis, chirurgicalement réglé comme du papier à musique avec quasiment aucune marge de manœuvre dans la réalisation de ces enquêtes, il en devient involontairement trop exigent, et finira très certainement par vous faire pousser un petit souffle de lassitude.
Bien que le nombre de pistes à suivre soit relativement correct avant d’arriver au dénouement de la première enquête, il nous aura fallu tout de même plus de 3h pour la terminer, ce qui peut paraître beaucoup quand il ne s’agit que de la lecture de dialogues ou documents la plupart du temps. La récolte et l’association de ces idées vous mènera à établir des hypothèses en associant deux personnes ou objets/lieux et un verbe que vous obtenez en parlant de tous les sujets à tous vos témoins. Si vous faites la bonne association, vous ouvrirez un cadenas vous rapprochant au plus près de la confrontation avec un des personnages (nous vous taisons son identité pour ne pas vous voler la découverte), l’ultime étape avant la validation de la première enquête.
Et là aussi nous ne savons pas vraiment si nous avons fait les bons choix, le jeu ne mentionnant par exemple que le nombre d’erreurs faites pendant cette confrontation. Le premier vrai chapitre (sur les deux que semble contenir le jeu) de Chronique des Silencieux nous a, quant à lui, mené 5 années plus tard, auprès de Mr Dousvalon nous demandant d’enquêter sur son passé grâce à l’aide de sa fille, dont Eugène semble tout particulièrement s’intéresser, avec des dialogues toujours bien recherchés et une mise en scène toujours qualitative, avec des décors se modifiant grandement, l’un des points forts du jeu.
Le cocorico… qui prend l’eau
Effectivement, il faut le souligner, Chronique des Silencieux bénéficie d’une mise en image originale, grâce à ses couleurs chatoyantes, son style jeu point’n click des années 2000, une direction artistique singulière qui fait très vite mouche et des mélodies agréables (bien que parfois un peu trop répétées). Ce jeune et frais studio français montre ici la palette de ses talents en matière artistique en soignant chaque aspect visuel à l’écran.
Il nous faut toutefois regretter un manque de polish dans l’interface utilisateur avec de (très) nombreux bugs nous ayant forcé à revenir à l’écran titre ou à carrément quitter le jeu pour revenir. Dans le lot de ces bugs, nous avons noté également de nombreux bugs de scripts, nous empêchant par exemple d’enregistrer un son sifflé par un vieux monsieur sur un banc, et pourtant capital à l’avancée dans l’histoire principale. Et ceci n’est qu’un exemple, nous avons également été confrontés à des textures qui ne s’affichaient pas dans le menu de recherche d’indices (voir ci-dessous), ou encore une impossibilité de quitter un message de tutoriel, bloquant ainsi la progression.
Tout ce panel de désagréments nuit finalement à l’expérience globale du jeu et à l’intérêt ou l’implication que le joueur ou la joueuse voudra finalement y consacrer. Et cela est bien dommage surtout lorsque tout le reste est vraiment très qualitatif. On retient toutefois qu’il s’agit ici d’une première production et a fortiori provenant d’un studio indépendant, mais tout de même, un peu plus de polish n’aurait eu que du positif sur l’expérience utilisateur en suivant.
Puisque nous sommes au rayon des sujets qui fâchent, mentionnons les déplacements des personnages assez rigides et même plutôt perturbants, ne suivant pas forcément la direction empruntée (surtout en utilisant les flèches directionnelles du clavier). À noter quand même la présence de cinématiques animées et doublées en français, ce qui est une vraie plus-value, rendant l’ensemble beaucoup plus vivant que les scènes uniquement composées de textes, même si le doublage pourrait être mieux mixé (sons étouffés par moments). Enfin, dernier point, petite déception sur les succès du jeu, uniquement en rapport avec la réussite des différents chapitres avec ou sans erreur, nous aurions aimé une progression davantage valorisée par des actions ou découvertes concrètes, nous permettant de nous rendre qu’à l’heure actuelle, seuls 20% des joueurs ont terminé le prologue et 2% le jeu complet, d’autant plus qu’il nous est impossible de cumuler plusieurs slots de sauvegarde depuis le menu principal, écrasant toute votre progression si vous relancez une nouvelle partie, dommage…
Chronique des Silencieux est un galon d’essai réussi pour le jeune studio Pierre Feuille Studio qui nous transmet ici la somme d’un travail titanesque de reconstitution du passé de la capitale de la Gironde, un travail couplé à une mise en scène très agréable mais qui tend à décontenancer parfois, avec une minutie dans les dialogues, une recherche et une profondeur concernant ses personnages assez poussées pour un jeu de ce calibre, un aspect qu’il nous faut ici relever. Restent tout de même de nombreux bugs d’affichage, plusieurs crashs, des scripts qui ne se déclenchent pas etc., des déplacements et animations assez pauvres et une interface utilisateur qui pourrait encore grandement s’améliorer, rendant l’ensemble assez faible techniquement, bien que l’on n’oublie pas qu’il s’agit ici d’une première production indépendante. Et puis… Bordeaux quoi !
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Date de sortie : 29/01/2024