Pourquoi on aimerait un retour d’EVO : Search For Eden ?
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Rédigé par Neomantis Dee
Retour à une époque révolue. Une époque où nous ne vivions pas dans des grottes chauffées au feu, mais dans des habitations dépourvues d’internet. Si le jeu qui nous intéresse aujourd’hui est sorti en 1993 (décembre 1992 au Japon), ce n’est qu’à l’aube des années 2000 que je le découvris personnellement. Tout jeune, via l’émulation de la première Xbox. C’est ainsi que j’ai pu essayer pléthore de titres improbables, parmi lesquels EVO : Search For Eden. Un projet atypique, mais non moins marquant, pour ma part en tout cas, d’où cette chronique. Non pas que l’expérience fut incroyable en terme ludique, c’est plutôt le contraire, et je dois avouer ne pas me souvenir des sensations ressenties à l’époque. Et c’est peut-être mieux ainsi.
Ceci étant dit, je me rappelle très bien de son concept fou, des ambitions, bien que ne pouvant pleinement s’exprimer. Diverses raisons à cela, les limitations techniques sont probablement les plus évidentes, car nous parlons d’un jeu de Super Nintendo. A l’instar des promesses d’un No Man’s Sky, le soft japonais ne pouvait fièrement tenir ses promesses à sa sortie. Développé par Almanic Corporation, Search For Eden était le premier jeu du studio, par ailleurs édité par Enix. Dans les faits, il s’agit d’une reprise du concept de base d’EVO : The Theory Of Evolution (connu sur l’archipel sous le nom de 46, Okunen Monogatari – The Shinka Ron), paru dès 1990 exclusivement au Japon.
La licence nous invite à redécouvrir l’évolution des espèces, depuis les premières créatures aquatiques, en passant par les amphibiens, les mammifères et bien sûr l’humain. Une réapparition du concept vu le jour en 2008 avec Spore, créé par Will Wright le papa des Sims, qui en reprenait l’idée globale pour l’amener plus loin. En effet, dans la production de Wright on démarrait comme organisme unicellulaire pour finalement fonder une civilisation et découvrir l’univers spatial. Une chronique pour Spore serait légitime, malheureusement je n’ai pas fait le jeu, c’est pourquoi je préfère me concentrer sur EVO : Search For Eden et, dans une moindre mesure, son aîné de 1990.
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Premier titre du studio Almanic et pour une grande partie du personnel encore peu expérimenté présent dans l’équipe, nous serons peu surpris de retrouver au générique de Search For Eden plusieurs noms ayant déjà œuvrés sur The Shinka Ron, avec en tête de liste Takashi Yoneda, créateur de la licence Actraiser. Côté sonore, le compositeur Koichi Sugiyama réalisa une partie de la bande-son du soft, se mêlant à d’autres morceaux repris de l’opus de 1990, et qu’il avait déjà composé. Si ce nom ne vous dit rien, sachez que le monsieur est derrière les OST de la franchise Dragon Quest.
Le soutien d’Enix à l’édition a pu permettre d’amener des connaissances concernant les mécaniques RPG présentes dans EVO, bien que limitées. En effet, nous sommes avant tout face à un jeu 2D d’action-plateforme, à défilement horizontal pour Search For Eden à la différence de son prédécesseur, plutôt primitif, avec une boucle de gameplay simpliste à base de créatures à éliminer pour obtenir des points d’expérience et pouvoir évoluer, et donc avancer dans le jeu. Et dans l’histoire de l’évolution.
EVO : Search For Eden propose un système d’évolution personnalisable. Des parties anatomiques précises peuvent être modifiées pour gagner en puissance et changer d’apparence : queue, dents, pattes, etc, c’est à votre préférence. Si les spécimens obtenus ne seront pas toujours réels, le système d’évolution reste malgré tout cohérent avec la logique scientifique. Le choix délibéré de s’écarter de la vérité pour lorgner vers le fantastique peu s’expliquer par l’envie d’amener une approche plus personnelle, de transcender l’expérience.
Si le gameplay n’est pas renversant et souffre d’une assommante répétitivité, le jeu propose une histoire, certes narrée de manière peu habile, mais qui a le mérite d’amener l’expérience au-delà de sa dimension éducative pourtant bien présente. Parce que si le fantastique a son importance ici, j’y reviendrai un peu plus loin, elle n’enlève pas les vérités de notre monde. Les équipes de développement se sont alliées avec des spécialistes en géologie et en biologie pour avoir des bases solides, évitant ainsi de raconter de grossières aberrations. Car oui, à défaut de totalement amuser, Search For Eden instruit.
La Guerre des cristaux
Il est parfois difficile de s’intéresser et de s’investir dans l’apprentissage scolaire trop souvent dénué d’une approche ludique. EVO : Search For Eden apportait un bon complément aux cours de SVT, toutes proportions gardées. Pour ma part, c’est un intérêt pour l’anthropologie qui a fini par prendre forme, en partie parce que l’expérience du soft ne m’avait pas laissé indifférent malgré des écueils. Traversant les grandes périodes géologiques au rythme de l’évolution des espèces, guidé par la loi du plus fort omniprésente dans le règne animal.
Les touches scénaristiques émaillant l’aventure parvenaient à m’embarquer un minimum, je voulais en savoir plus, comme si le jeu était capable de changer ma vision du monde. De me confronter à une vérité peut-être terrifiante. Search For Eden, comme son aîné potentiellement plus profond dans son histoire du fait de fins multiples et narratives, nous narre un récit mystique centré sur Gaia, fille du Soleil et incarnation de la planète Terre, dont la mission est de nous guider, nous, l’âme incarnée dans un organisme d’abord primitif, mais voué à devenir toujours plus fort et complexe.
Inconsciemment, nous voilà mués par l’espoir de rejoindre l’Eden convoité, rejoindre Gaia, et ainsi obtenir l’accès à l’intelligence, à la véritable conscience de soi et du monde. Rien que ça. Histoire, mythes, religions et philosophies vont se mêler, au même titre que des considérations extraterrestres en lien avec de mystérieux cristaux disséminés sur la planète. Ces derniers dérèglent l’évolution naturelle des divers spécimens qui auraient trouvé judicieux de s’en nourrir, en plus d’êtres les armes d’un complot subtilement préparé.
Malheureusement, le soft demandait pas mal de détermination et de patience pour s’appréhender. Sans les quelques années de plus et internet, difficile d’avoir une vision claire de ce que les développeurs voulaient faire. Dorénavant, je peux comprendre la richesse de l’histoire contée par EVO : Search For Eden, voir le côté novateur de son écriture à l’époque. Avec une meilleure narration et un game design retravaillé, j’ai commencé à rêver d’un retour, d’un EVO en pleine possession de ses moyens, capable de clairement s’exprimer.
Pourquoi on aimerait un retour d’EVO ?
Aujourd’hui, il y a moyen de redonner vie à la franchise avec un projet à la hauteur des ambitions. Et je pense que cela peut se faire en gardant le côté old school de la licence EVO, tout en combinant les meilleures idées des deux opus. Partir sur une entreprise du calibre d’un Spore mais rôdé pour l’époque actuelle compliquerait sérieusement la tâche, en terme de coût, de technique et de temps. Or, nous ne comptons plus les softs indés inspirés qui réussissent à être aussi ambitieux qu’intelligents dans la transmission de leur discours. La 3D ou encore le réalisme cher au medium et toujours plus représenté a ses limites et, selon moi, n’est pas toujours la meilleure option pour instruire ou faire passer ses réflexions, sa vision du monde, etc.
Le fait de ne pas viser le réalisme jusque dans le gameplay en lui-même, j’entends par là qu’il me semble compliqué d’être le plus réaliste possible en s’écartant de la 3D, sur la forme en tout cas, garantit l’aspect ludique que je trouve important pour tout type d’instruction, au sens d’instruire. Avec de telles considérations scientifiques et philosophiques, mais également avec le réalisme sur la partie biologie et celle de la géologie, la charge cognitive imposée est déjà suffisamment conséquente pour ne pas apporter de la simplicité à l’expérience, sans pour autant être simpliste et rogner sur la richesse du gameplay.
En restant sur du gameplay hérité des années 90, Search For Eden pourrait toucher un plus large public. La voie du néo-rétro semble être intéressante à suivre, cela garderait la touche old school qui a son charme, tout en modernisant comme il se doit la licence. Une narration mieux amenée, plus présente aussi, mais également un minimum d’ambition sur la partie RPG du soft qui reste pertinente. Le fait de nous offrir l’opportunité de choisir quoi améliorer enrichit les possibilités d’évolution et permettent de personnaliser ses parties. Le level design devrait aussi être revu, étant quasi inexistant sur Search For Eden. Jamais la simplicité n’aura été aussi flagrante sur ce point.
Quand on pense aux particularités météorologiques et aux grands cataclysmes naturels survenus dans l’histoire de notre planète, le terrain est plus que fertile pour réaliser des niveaux recherchés avec des séquences de jeu créatives et généreuses. De quoi diminuer la redondance. Je pourrai m’étendre mais à quoi bon, la copie serait à revoir dans sa quasi intégralité. EVO : Search For Eden, comme l’opus de 1990, a des choses à raconter, à enseigner, un voyage à nous faire vivre, c’est en tout cas ce qu’il ressort de mon expérience. Symbole d’un concept malheureusement trop sous-exploité laissant rêveur, je lance cette bouteille à la mer avec l’espoir que l’univers fasse son œuvre.
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