Pourquoi on aimerait un retour de Final Fantasy VIII ?
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Rédigé par Nathan Champion
Parmi toutes les franchises vidéoludiques cultes et âgées, peu déchaînent les passions comme Final Fantasy. Si ce n’est aucune, à l’exception peut-être de Pokémon, quoique son cas soit un peu à part. Pourtant, la série de Square et Sakaguchi n’a rien à envier à Dragon Quest, Ys, ou même Megaten (devenu Shin Megami Tensei) sur le plan de l’avant-garde, débarquant en pleine vague de popularité du RPG sur console au Japon. Son succès est encore aujourd’hui un coup du sort difficile à expliquer, un de ceux qui sauvent une entreprise, et dont on parlera encore dans plusieurs décennies, si ce n’est siècles, pour peu que le média conserve le respect de ses racines à l’avenir.
Cet amour à la fois intemporel et étrangement conditionnel que lui porte une variété extraordinaire de fans à travers le monde, Final Fantasy le doit à plusieurs choses. Mais on peut supposer que le fait que chacun de ses épisodes numérotés soit séparé des autres sur le plan de l’univers, des protagonistes, et parfois du concept joue un rôle assez éminent dans cette popularité indéniable. Chaque joueur accordant son amour à la franchise a donc son petit préféré, un opus qu’il chérit plus que les autres et défendra contre vents, marées, et médisances diverses. Il y a même une véritable hiérarchie qui s’est montée autour de ces préférences, certaines étant jugées plus nobles que d’autres.
Ainsi, vous n’êtes pas sans savoir que Final Fantasy VII a une place toute particulière dans le cœur des amateurs de jeu de rôle nippon, en témoigne l’attente autour de Rebirth. Non seulement parce qu’il est relativement précurseur dans son genre, avec une mise en scène, une technique et des personnages qui marqueront l’industrie durablement ; mais aussi parce qu’il est le porte étendard de l’expansion du RPG à la japonaise hors de l’archipel. Non loin derrière, sur la liste de valeur subjective des épisodes numérotés, on trouve Final Fantasy X, dont l’univers et certains concepts font mouche. Quant à celui qui nous intéresse aujourd’hui, il a ses défenseurs, il est vrai, mais il est par trop souvent décrié. Pourtant, croyez moi, on adorerait un retour de Final Fantasy VIII !
Note : les images que vous trouverez dans cet article ont été capturées via la version Nintendo Switch de Final Fantasy VIII Remastered. Si nous allons éviter autant que possible de divulguer les tenants du scénario, vous êtes néanmoins exposés à différents spoils en continuant votre lecture.
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ToggleÂge d’or et aubaine industrielle
Lorsque les consoles de troisième génération débarquent en Europe et en Amérique du Nord, entre 1985 et 1987, les productions japonaises pullulent. Il faut dire que les machines sont de fabrication nippone, pour commencer, du moins les deux plus populaires : la Nes et la Master System. Néanmoins, l’histoire retiendra que les constructeurs, éditeurs et développeurs demeuraient relativement frileux quant à l’export de certains titres ou genres, jugés inadaptés aux marchés hors archipel. Dans certains cas, c’est parfaitement compréhensible, notamment concernant des softs adaptant des mangas confinés à une parution nippone.
Néanmoins, d’autres cas semblent, rétrospectivement, un peu plus discutables. Notamment concernant le J-RPG, alors que celui-ci s’appuie sans s’en cacher sur les préceptes et concepts de Donjons et Dragons et autres jeux de rôle papier, qui connaissent un succès plutôt important en Occident sur les quinze années venant de s’écouler. Et si les choses vont un peu évoluer avec l’arrivée des consoles 16 bit, les joueurs européens et nord américains ne connaîtront malheureusement pas la grande majorité des ténors du RPG japonais, du moins pas avant des années, voire des décennies.
Il faudra attendre un véritable coup de poker imaginé par Square, qui ne fusionnera avec Enix que six ans plus tard. Cette sortie culottée, c’est bien sûr celle de Final Fantasy VII. Un jeu qui connaît une immense campagne de publicité, que l’on vend comme un véritable blockbuster de la première PlayStation, et dont on vante le nombre ahurissant de cinématiques, ou encore le contenu colossal tenant sur trois CD. Cette histoire, vous la connaissez déjà, et c’est pourquoi nous n’allons pas développer autour de ce jeu culte, dont le remake segmenté en trois partie est pratiquement attendu comme le messie par toute une communauté de joueurs.
Non, l’histoire qui nous intéresse aujourd’hui ne concerne pas directement cet épisode important, tant dans la biographie du genre que dans celle de l’entreprise, ou même du média de manière plus globale. Cela dit, la production de Final Fantasy VIII n’aurait pas été ce qu’elle a été sans le succès immédiat de son grand frère. Les moyens qui lui ont été accordé n’auraient pu être aussi conséquents, son ambition n’aurait pu viser si haut, et son écriture n’aurait pu se permettre une complexité pareille. Parce que, que l’on aime ou non cet épisode à part, il serait de mauvaise foi d’affirmer que FF8 n’est pas une superproduction particulièrement alléchante sur le papier.
Une superproduction qui voit peut-être trop grand, il est vrai, et revoit même son nombre de CD à la hausse, puisque sa massive boîte en plastique en comportera quatre. Final Fantasy VIII c’est aussi près d’une heure de cinématiques absolument divines, un enchaînement de décors précalculés d’une beauté folle, une 3D maîtrisée de bout en bout, une mise en scène à l’avant-garde, ou encore des idées de gameplay exclusives qui changent énormément la façon de jouer à un RPG. Bref, encore une fois sur le papier on fait face à un titre d’exception. Pourtant, si le succès est bien au rendez-vous, cet épisode est aujourd’hui moqué par une large frange des fans de la franchise.
Systèmes complexes et amourettes détestables
La raison, elle est simple, et à la fois complexe. En voulant faire de cet épisode un jeu vidéo encore plus unique, et en voulant réitérer l’exploit du septième, Square a visé trop haut, trop volumineux, et trop compliqué. Final Fantasy ne s’appuie pas sur le même concept qu’un Dragon Quest, pour qui chaque épisode n’est finalement qu’une nouvelle histoire, avec parfois quelques petites idées neuves, mais rien de révolutionnaire. La franchise de Sakaguchi (qui ne travaille pas sur cet opus, d’ailleurs) se renouvelle complètement entre chaque numéro, et avec le huitième cela devient d’autant plus flagrant. Mais l’évolution n’est pas prise, par tous, comme positive.
Parce que Final Fantasy VIII, s’il semble reprendre, au premier coup d’œil, ce qui faisait la force de son prédécesseur, à savoir des combats dynamiques s’appuyant sur les fameuses jauges ATB (pour Active Time Battle) et une réalisation du tonnerre de Dieu, s’en écarte malheureusement sur tout le reste. Son système d’invocations, pour commencer, est beaucoup plus fouillé que précédemment dans la série, ce qui est autant une bonne qu’une mauvaise chose. Parce qu’il n’est pas évident de s’y retrouver, dans le déluge d’informations qui nous assaillent dès lors qu’on se penche sur la question, mais aussi parce qu’il est étroitement lié à la magie, qui subit elle-aussi des changements profonds.
Il n’est plus question de PM, pour points de magie, dans cet épisode. Ici, la magie est traitée, en quelque sorte, comme des items, qu’il va falloir collecter. Autrement dit, on ne peut pas simplement apprendre un sort et s’en servir à l’infini, sous réserve de PM. Il faut, à la place, user et abuser de la compétence Vol, qui permet de piocher dans les magies adverses, ou se servir de différents systèmes liés aux invocations, permettant de confectionner soi-même son stock. Rien que cette petite explication, loin de rentrer dans les détails, devrait vous donner un avant goût très âpre de ce qui attend chaque joueur, pour peu que vous n’ayez pas déjà fait connaissance avec FF8.
Et ce n’est pas terminé, puisque dans sa volonté de s’offrir de nouveaux systèmes, Final Fantasy VIII a oublié de revoir ses menus, qui sont d’une austérité extraordinaire, et dans lesquels il est particulièrement difficile de se repérer. Les tutoriels sont aussi complètement à la masse, se contentant d’explications textuelles lentes, lourdes, que beaucoup de joueurs préféreront sauter, persuadés qu’ils parviendront à s’y retrouver seuls par la suite. L’ennui, c’est que même en lisant attentivement tout ce que le jeu daigne nous préciser sur son gameplay, il n’est absolument pas évident de s’y retrouver, entre les invocations, les magies ou l’équipement de sorts.
Or accrochez vous, car le jeu tombe aussi dans divers pièges, comme un partage absolument contre-intuitif des capacités et des invocations, qui force à faire d’incessants allers-retours dans les menus pour des manipulations fastidieuses. Ou encore un système de montée de niveau calqué sur celui des ennemis, s’assurant que, contrairement à tous les RPG que connaissent les joueurs occidentaux à l’époque, il ne sera pas possible de forcer un peu sur l’expérience afin de passer au dessus de ses challenges, qui deviennent assez conséquents arrivé au CD 3. Le jeu pousse même le vice jusqu’à appliquer cette complexité à ses quêtes annexes, qui sont parfois complètement incompréhensibles.
Prenez la quête des cartes à jouer par exemple. Final Fantasy VIII possède son propre mini-jeu, qui pourrait ne revêtir qu’une importance mineure, comme chez un The Witcher 3 par exemple, en ne récompensant que ceux qui mettront du cœur dans sa découverte et son apprentissage. Pourtant, là encore il pousse trop loin ses idées, en incluant une tonne de règles diverses et beaucoup trop compliquées, que le joueur ajoutera d’office à celles qu’il possède déjà lorsqu’il défiera des personnages d’autres régions du vaste monde, et qu’il ne sera pas possible de remettre à zéro par la suite. Et par dessus le marché, pour obtenir toutes les cartes, il va vous falloir suivre une quête totalement absurde, qu’il est presque impossible de réaliser correctement sans guide complet.
On en oublie forcément, mais les grandes lignes sont là. Reste un scénario qui part plutôt bien, avec une histoire de mercenaires, de guerre et de politique qui semble, à première vue, beaucoup plus mature que l’opus précédent. Seulement là encore, ça évolue dans le mauvais sens, avec trop de personnages, du voyage temporel mal expliqué, mais surtout une amourette entre deux protagonistes qui agace nombre de joueurs, à juste titre. Il faut dire qu’on nous vend Squall, le personnage principal, comme un jeune homme taciturne, froid mais courageux, qui se transforme finalement en un archétype peu original de héros émotif volant au secours de sa belle… ça ne passe pas chez tout le monde.
Tout sauf un remake à la FF7 ?
Tout ça pour dire quoi, finalement ? Parce qu’on en a jeté, des piques, sur cet épisode moins aimé que les autres. Pourtant, il est très loin d’être mauvais, en témoigne sa solide communauté de fans, et les notes de l’époque, ou encore ses chiffres de ventes. L’ennui, c’est finalement que pour l’apprécier, il faut d’une part faire abstraction de ses faiblesses d’écriture (ce que les joueurs savent très bien faire, puisqu’ils ont eu Final Fantasy VII pour s’y entraîner), et d’autre part se donner du temps pour apprendre et comprendre ses différents systèmes, dont certains sont plus chronophages que d’autres. Or on parle déjà d’un jeu très long, et l’investissement psychologique n’est pas vraiment récompensé.
Ce qui est dommage, c’est que Square Enix n’ait pas cherché à améliorer cette tambouille complexe en offrant une nouvelle sortie à Final Fantasy VIII, il y a quatre ans, dans un remaster faisant preuve d’une paresse effroyable. Cette version n’est finalement qu’un portage supprimant les pixels apparents, et avec eux tout le charme de l’ancien, et ajoutant la possibilité de tripler la vitesse du jeu, ou de lui rouler dessus en devenant indestructible via une simple pression de joystick. Ça fait léger, trop léger, et Final Fantasy VIII méritait bien mieux. Il méritait, n’ayons pas peur des mots, un véritable remake en bonne et due forme. Mais pas n’importe quel remake.
Parce que non, un remake sous forme épisodique qui change profondément le scénario et le gameplay de l’original, façon FF7 Remake, ce n’était pas envisageable. De manière générale, de toute façon, il n’y avait aucune chance pour que Square Enix mette autant de moyens dans la confection d’un nouveau Final Fantasy VIII, que dans celle de la trilogie FF7. Et tant mieux ! Parce qu’il n’y a pas besoin de simplifier le scénario, de rendre les personnages encore plus mièvres que par le passé, ou de viser un gameplay plus proche de l’Action-RPG, en lissant tout ce qui peut l’être et en taillant une belle progression sous forme de couloir pour les joueurs.
Ce dont a besoin Final Fantasy VIII, c’est d’un remake respectueux, dans tous les sens du terme. Respectueux des joueurs, pour commencer, ce qui se traduirait par des systèmes un brin simplifiés, mais surtout utilisés de manière plus intuitive, et mieux expliqués. Ou encore par des quêtes annexes moins cryptiques. Il faudrait aussi revoir tout ce qui gravite autour de la magie. Respectueux du matériau original, ensuite, ce qui confine à une utilisation stricte du scénario déjà écrit, auquel il serait néanmoins possible d’apporter quelques retouches minimes et ajouts intelligents, tant que c’est dans le but de permettre aux joueurs de mieux comprendre les tenants et aboutissants.
Enfin, respectueux des intentions de l’équipe originale de développement. Une équipe qui a visé très haut, trop haut même, dans le but d’offrir un divertissement mémorable aux joueurs du monde entier. Il faudrait donc à ce remake qui ne verra certainement jamais le jour, une mise en scène grandiose, aux idées aussi originales que dans la version de 1999, et qui ne lésinerait pas sur les cinématiques à la pointe. Ou jouerait à nouveau sur le passage de cinématique à moment actif de jeu, ce que faisait très bien Final Fantasy VIII en son temps, et qui pourrait revêtir une importance et une qualité nettement supérieures avec les moyens actuels. Parce qu’on peut désormais réaliser l’entièreté d’un jeu sous un unique moteur, Final Fantasy XVI en témoigne.
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Date de sortie : 27/10/2016