Pourquoi on aimerait un retour de I Am Alive ?
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Rédigé par Nathan Champion
Ces dernières années, depuis la sortie du très bon Far Cry 3 peut-être, l’entreprise française Ubisoft a perdu de sa superbe. Il faut bien lui reconnaître un rythme de production acharné, une qualité générale dans la moyenne haute, et des licences fortes qui perdurent. Mais c’est comme si toute inventivité, toute originalité, avait subitement déserté ses studios, au profit d’une recette désormais éculée, le monde ouvert à la Ubi. Un genre à part entière, avec ses petits points d’intérêt par milliers sur des maps gigantesques clairsemées de tours de guet, que copieront nombre d’autres acteurs du milieu, notamment Sucker Punch avec son Ghost of Tsushima.
À dire vrai, Ubisoft a tellement perdu depuis Assassin’s Creed II, que même le retour de ses licences phares du début du siècle peuvent laisser perplexe. Prince of Persia : The Sand of Time Remake par exemple, sera parvenu à réaliser l’exploit d’être repoussé à cause du mécontentement des joueurs. Il faut dire que sa direction artistique semblait de mauvais goût, et que le travail de refonte paraissait assez anecdotique dans le premier trailer. Idem du côté de Splinter Cell Remake : on a un peu peur qu’il se transforme en open world à la Watch Dogs, terne et sans âme. Or c’est peut-être bien pour cette raison que son développement est si compliqué.
Tout ça pour vous dire quoi exactement ? Eh bien pour parler, sans gêne, de cette période pas si lointaine où Ubisoft produisait encore des jeux surprenants et objectivement bons. Avant que Rayman mette la clef sous la porte, que Prince of Persia déserte nos consoles, que Splinter Cell se transforme en jeu d’action, et que Assassin’s Creed verse dans l’open world abrutissant avec un rythme de sortie alarmant. Une période qui aura vu sortir quelques titres très intéressants, notamment, vous l’aurez compris, un certain I Am Alive, jeu de survie prenant place dans un univers post-apocalyptique intrigant. Un titre dont on aimerait un retour.
Note : Cette chronique a volontairement pris une semaine de retard. Nous avons jugé bon de ne pas parler d’un jeu traitant d’un monde apocalyptique… le jour de Noël !
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On ne vous apprend peut-être rien, mais ça ne va pas fort chez Ubisoft ces derniers temps. Harcèlement sexuel à tour de bras, nombreux départs de collaborateurs, et annulations de projets déjà annoncés. Il faut croire que ces dix dernières années de crunch n’ont pas laissé les équipes derrière les trois derniers Assassin’s Creed de marbre. Même Michel Ancel, papa de Rayman, a quitté le navire après plusieurs années de développement chaotique sur Beyond Good and Evil 2. Un titre qui ne verra peut-être jamais le jour, et c’est certainement mieux ainsi. Le comble demeurant encore cette rumeur voulant que Ubisoft se ferait prochainement racheter par un gros acteur de l’industrie comme Tencent.
Qui croire, et pourquoi ? Ce n’est pas évident, à une heure où tout le monde semble se plaindre de ses conditions de travail dans l’industrie vidéoludique. Mais il faut bien avouer que la récurrence de propos mettant en cause le patronat chez Ubisoft a de quoi mettre à mal la crédibilité de cette grosse entreprise. C’est un fait établi, ça sent plutôt mauvais pour les studios. Parce que cela signifie, les départs se succédant à une vitesse folle, qu’aucun vétéran ne travaille plus pour aucun projet sous l’égide de Ubisoft. Autrement dit, à quelques exceptions près peut-être, l’entreprise n’embauche que des jeunes en début de carrière, les autres ayant déjà éprouvé ses conditions internes déplorables.
Pourquoi aborder un sujet si sérieux dans une chronique dédiée à un jeu vidéo oublié ? Peut-être parce qu’il s’agit d’une preuve de plus que l’entreprise pose problème. Non contente d’avoir inondé les rayons d’open worlds insipides, elle a aussi créé une véritable tendance, poussant de très nombreux studios à s’orienter vers cette recette initiée par Assassin’s Creed II et Far Cry 3. L’influence néfaste de Ubisoft sur l’industrie en règle générale s’explique par la rentabilité de ses projets, cela va de soi. Mais il est inquiétant de se dire que, partout à travers le monde, des studios prennent comme modèle une entreprise dans laquelle règne une telle tension, au point que nombre d’employés quittent l’aventure prématurément.
Un petit crachat sur l’entreprise complètement gratuit, après l’avoir observé, ces vingt dernières années, passer de superstar du jeu d’action et d’aventure, à créateur de la recette la plus récurrente, et malgré tout insipide, du marché. Assassin’s Creed Valhalla, Far Cry 6 et Immortal Fenyx Rising ne démentiront pas ces propos, j’en ai peur, puisqu’ils sont les premiers concernés. Trois titres pas foncièrement mauvais, mais pas très bons non plus, qui ont tous les trois leur monde ouvert gigantesque, arborant de nombreux points d’intérêt, mais une identité qui semblerait presque commune, quand bien même ils sont développés par des équipes distinctes.
I Am Alive, dernier jeu original de chez Ubisoft ?
Difficile de situer la dernière production vraiment originale et intéressante sortie des fourneaux d’Ubisoft. Pour autant que j’en sache, il pourrait bien s’agir de Mario + The Lapins Crétins Sparks of Hope, paru récemment sur Nintendo Switch et ayant reçu un accueil critique assez positif, idem dans nos colonnes. Cela étant, on peut clairement situer le moment où tout à commencé à partir en sucette : novembre 2012, et la sortie de Far Cry 3. Peu avant, c’était au tour de Assassin’s Creed III, qui reprenait une recette très similaire à celle du second opus. Une recette qui allait bientôt devenir virale.
La même année, pourtant, nous avions eu droit à l’excellent Rayman Origins, et à l’intrigant I Am Alive. Deux jeux très différents, cela va sans dire, qui démontraient d’un certain savoir faire, et faisaient tous deux preuve d’originalité. Le premier repensait complètement sa licence en s’orientant vers de la plateforme en 2D très dynamique, avec une composante multijoueur indissociable de l’expérience. Le second surfait sur la vague de Survival qui commençait à s’abattre sur nos TV et consoles, The Walking Dead en tête, avec une aventure sombre dans un monde en ruine.
Une expérience résolument solitaire qui, à l’image de Disaster : Day of Crisis quelques années plus tôt, part d’un postulat catastrophe pour nous faire crapahuter entre des ruines poussiéreuses, à la recherche de survivants et de rares ressources. I Am Alive est un jeu à part, qui conçoit l’épuisement de son protagoniste de manière à ce qu’elle soit perçue par le joueur. Autrement dit, il embarque une jauge d’endurance, qui va descendre à vitesse grand V quand Adam (de son petit nom), va escalader les différents immeubles détruits qui jonchent un New York gris, presque en noir et blanc.
S’il ne se pare pas d’un scénario extraordinaire, et qu’il souffre de quelques problèmes récurrents, notamment du coté de son IA et de sa maniabilité, I Am Alive est néanmoins un titre marquant à bien des égards. Son ambiance, pour commencer, fonctionne excessivement bien. On a peur en tenant la manette, parce qu’on sait que les affrontements avec les différents survivants malveillants ont toutes les chances de très mal se terminer pour nous. Les ressources sont extrêmement limitées, qu’importe que vous décidiez de fouiller toutes les zones de fond en comble. Vous ne trouverez pas assez de balles ou d’outils pour venir à bout de tous les ennemis du jeu. Il va donc falloir ruser…
Une tension surréaliste qui fonctionne à merveille, portée par une direction artistique poisseuse qui confère un aspect visuel étrangement joli au soft. Portant, à y regarder de près, I Am Alive n’a rien pour lui à ce niveau, avec des textures baveuses, une brume omniprésente à la Silent Hill, et surtout la réutilisation de modèles 3D à outrance, surtout du coté des ennemis. En cinq heures de jeu, on a le temps de revoir cinquante fois les mêmes têtes, et c’est plutôt dommage, car c’est un petit frein à l’immersion. Pour autant, à condition de rentrer pleinement dans son ambiance, la proposition de I Am Alive est très intéressante. On vous renvoie à notre test pour en savoir plus.
Pourquoi un retour ?
Parmi tous les jeux de Ubisoft parus avant Far Cry 3 et démontrant un savoir faire évident, pourquoi avoir choisi I Am Alive, un soft aux retours critiques relativement mitigés ? Eh bien pour la simple et excellente raison qu’il s’agit probablement de l’une des dernières prises de position risquées de l’entreprise. Ce n’était pas évident de développer une aventure comme celle-ci. Le budget qui lui est alloué n’est pas extraordinaire, et l’on vise une sortie exclusivement en dématérialisé, ce qui assure un coût de production moindre. Mais comment vendre le jeu au grand public ? Comme un Survival Horror ? Pourquoi pas. Est-ce que ça marche ? Rien n’est moins sûr…
I Am Alive, non content d’être vraiment beau, ce qu’il doit à sa direction artistique soignée, est aussi très marquant. On ne sort pas indemne de cette histoire, malgré la platitude de ce qu’elle raconte, malgré ses faiblesses techniques aussi, et ses quelques problèmes de gameplay. L’atmosphère qu’il dégage est tangible, et elle fonctionne à merveille. On s’y fait peur, on a le cœur qui s’emballe en entendant des survivants rire au loin, ou en apercevant la lumière d’un feu de camp dans un bâtiment en ruines. Et c’est bien sa plus grande qualité. Une force qui pourrait revêtir une toute autre importance sur nouvelle génération, avec des moyens plus importants.
Si I Am Alive avait à revenir, alors ce serait probablement sous forme de remake, ou de reboot, la nuance étant assez mince dans le cas d’une licence ne comptant qu’un épisode. Il faudrait alors que les moyens soient mis côté graphismes, pour que le titre parvienne à nous immerger dans son ambiance post-apocalyptique viscérale, comme parvenait à le faire le jeu de 2012. Et on aimerait que pour l’occasion le sound design soit repensé, pour rendre la tension encore plus palpable. S’inspirer d’un Dead Space, à ce niveau, n’est pas une mauvaise idée, même s’il faut bien garder en tête que l’aspect Survival Horror de l’original demeurait minoritaire.
Conserver une jauge d’endurance fine comme du papier. Améliorer la maniabilité globale, notamment celle des phases d’escalade, qui gagneraient à s’inspirer un peu plus de ce que proposent Uncharted 4 ou Shadow of the Tomb Raider, sans pour autant rendre aussi évidentes qu’eux les différentes prises. Conserver, à contrario, une maniabilité déplaisante pendant les affrontements, afin qu’il soit une nouvelle fois désagréable de se battre, que le jeu nous pousse à éviter toute effusion de sang inutile et rende impactant chaque meurtre commit par le protagoniste, même lorsque sa vie est en jeu.
Enfin, ce qu’il manque à l’opus original et qu’on aimerait voir dans un remake ou un reboot, c’est évidemment un scénario. Il est assez frustrant de constater que, malgré son ambiance particulièrement réussie, le titre ne raconte finalement pas grand chose. Même sa fin, qui n’a rien d’un Disney, fonctionne assez mal parce qu’on ne s’est pas suffisamment approprié le protagoniste. Pour se faire, il faudrait donc un récit pensé de A à Z, visant des sujets glauques, en s’inspirant pourquoi pas des concepts de différents films, séries ou romans. On pense par exemple à Délivrance, à La Route et The Walking Dead. Ou, coté jeu vidéo, à Metro Exodus, et même Death Stranding, avec son aspect un peu mystique.
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Date de sortie : 07/03/2012