Pourquoi on aimerait voir un reboot de Mirror’s Edge ?
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Rédigé par Neomantis Dee
Pour patienter en attendant Dying Light 2 prévu pour le 4 février 2022, qui s’est offert un nouveau trailer récemment, nous allons vous parler de Mirror’s Edge. Un ovni à sa sortie qui a su créer un genre à part entière et dont la postérité peut se retrouver dans les deux titres précédemment cités, entres autres. Si d’un point de vue commercial ça n’a pas été une franche réussite, la licence jouit tout de même d’un succès d’estime parmi une niche de joueurs en plus d’avoir marqué durablement l’industrie sur la génération PS3/Xbox 360.
Mirror’s Edge a eu un impact évident sur le milieu, apportant un souffle novateur au genre du FPS. Sa direction artistique si particulière et son game design innovant ont su toucher une grande partie des joueurs en leur permettant de découvrir des sensations de jeux jusqu’alors sous-exploitées, pour ne pas dire pas exploitées du tout. Sans parler de la démarche pacifique du titre, en comparaison des autres FPS de l’époque. Initialement prévu pour être une trilogie, l’échec commercial survenu mettra fin au projet, et ce malgré un reboot, Mirror’s Edge Catalyst, qui vu le jour presqu’une décennie plus tard mais qui sera moins bien accueillit par la presse et les fans.
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Développé par le studio DICE et édité par Electronic Arts, Mirror’s Edge est un FPS-Plateformer parût en 2008 sur PS3, Xbox 360 et PC (une version mobile a vu le jour en 2010). Projet atypique sur le papier, Mirror’s Edge a été fortement influencé par le travail effectué sur les phases de plateformes dans l’influente franchise Prince of Persia. Autre jeu important dans la génèse, Breakdown, un des premiers jeu de combat en vue FPS, lui aussi édité par Electronic Arts, et qui a vu le jour en 2004. Un titre qui inspirera logiquement les phases d’action. Autre influence majeure pour la conception, les Yamakasi qui ont popularisé la discipline du parkour, et qui font de Mirror’s Edge un jeu dont le game design sera entièrement tourné vers cette discipline qui redéfinie les possibilités de déplacements en milieu urbain. Le but du jeu va être de se déplacer avec rapidité et fluidité afin de dompter le level design. Notons que le scénariste en charge de la licence avoue s’être inspiré de la série Prison Break, particulièrement pour la tension et la fuite permanente qui régie le gameplay.
Dans le but de soutenir cette philosophie du parkour, les développeurs de DICE se sont attachés à faire coïncider tous les aspects du game design avec le sujet et les thématiques concernées. Bien que le scénario soit totalement anecdotique, il a le mérite de placer un contexte social pertinent qui justifie cette approche vidéoludique. L’histoire de Mirror’s Edge se déroule dans un futur proche indéterminé. La plupart des habitants de la cité de Glass vivent sous le joug d’une politique sécuritaire néfaste, moyennant une part de leur liberté afin de lutter contre la criminalité. Se rapprochant d’un régime totalitaire, le gouvernement a placé l’ensemble de ses concitoyens sous étroite surveillance et fait régner la censure. La vidéosurveillance est sur-utilisée, même sur les toits, et les quelques résistants qui s’opposent au régime sont contraints de recourir à des Messagers pour transporter des informations car les autres moyens de communication sont surveillés. Les Messagers se passent des informations de l’un à l’autre afin d’éviter d’être attrapé en possession d’un coli, ils sont également utilisé par des élites influentes aux sombres desseins. Vous incarnez Faith, une des meilleures Messagère de la ville, excellente combattante et experte en parkour.
Un contexte qui fait fortement écho à nos sociétés actuelles qui embrassent aveuglément les technologies dans un but de surveillance globale. Le tout guidé par des impératifs sécuritaires qui tendent à empiéter sur les libertés individuelles de chacun. Si le scénario n’ira pas jusqu’à mettre en exergue ses thématiques et questionnements, par son gameplay et l’intelligence de son game design il parvient à transmettre de l’émotion, des sensations, tout autant qu’une certaine réflexion sur la notion de liberté et sur le futur urbain du monde. Ici, le gameplay surpasse totalement l’histoire racontée, c’est par l’immersion procurée que l’on entrevoit la philosophie représentée. Mirror’s Edge arrive à raconter quelque chose de pertinent grâce à son gameplay, à condition de s’y plonger pleinement.
Glass, le Yang architectural
D’un blanc froid et épuré, la ville de Glass vous emmènera sur les toits de buildings vertigineux rappelant la mégalopole Tokyoïte. Cette froideur et cette rigidité apparente font liens avec les graphismes minimalistes de l’œuvre. Bien que minimalistes, le tout est de grande qualité, avec des textures détaillées et réalistes, mais aussi grâce à des effets de lumières et d’albédos maîtrisés. Pour vous guider dans vos déplacements, le level design utilisera des indications rouges (sens urbain), censées vous désigner le trajet à suivre. Ce contraste entre la direction artistique majoritairement monochrome et ces indications d’un rouge vif permet d’amener de la visibilité dans un jeu où la vitesse et les réflexes instinctifs sont primordiaux. Le sens urbain symbolise aussi l’urgence de par la connotation colorimétrique qu’est le rouge. Cela fait littéralement sens avec le corps du gameplay. Sachez qu’il est possible de désactiver le sens urbain pour rendre l’expérience moins dirigiste, et donc plus immersive.
Dès lors, on comprend que la ville est un personnage à part entière. Un sentiment renforcé par l’absence d’HUD intensifie et concrétise l’immersion. Les décors et le level design rejoignent l’omniprésence des caméras de surveillance et de la police, ajoutant du poids à cette atmosphère oppressante. On peut évidemment y déceler une connotation de la prison, voire d’une certaine mort de l’humain dans une ville qui semble déshumanisée au possible. Les parois sont lisses et fades, l’aseptisation de la cité de Glass, avec son absence de végétations et sa diversité limitée en terme de type d’ennemi rappellent un pénitencier. Cependant, une opposition apparaît avec le fait d’évoluer sur les toits, traduisant une certaine vision de liberté. On se rapproche du ciel au bleu éclatant et cette absence de limite qu’il traduit. Et qui dit absence de limites, dit absence de contrôle. Au fond, le jeu nous guide dans une quête de liberté. Faith doit s’émanciper de l’emprise de la ville, tandis que le joueur devra se perfectionner et créer ses propres chemins.
Des faits qui seront plus facilement décelables sur Mirror’s Edge Catalyst, par son choix du monde ouvert qui rend l’expérience moins linéaire. Bien que cela amène d’autres soucis.
Faith, le Yin de la liberté
Faith est une acrobate de génie. Possédant d’entrée de jeu toute une panoplie complète de mouvements, le joueur devra apprendre à les manier, avant de potentiellement les transcender. Car si le gameplay de Mirror’s Edge est simple d’accès, avec des commandes peu nombreuses et instinctives, il n’en reste pas moins complexe à maîtriser tant il y a de la profondeur. C’est pourquoi, parcourir l’histoire principale s’apparente surtout à une session d’apprentissage. Le jeu prend tout son sens lors des parties suivantes durant lesquelles vous serez à même de ne plus solliciter le sens urbain et d’improviser vos propres trajets afin d’optimiser vos traversées. La route prédéfinie n’étant jamais la plus optimale.
Ce n’est pas un hasard si Mirror’ Edge a vu sa popularité croitre via son mode Time Trial qui permettait de défier le chrono, tout en mettant en lumière un gameplay émergent. Un véritable esprit speed-run est né autour du jeu qui, de l’aveu des développeurs, a été pensé pour ça. Par ailleurs, si des phases de combats sont présentes, essentiellement contre les forces de l’ordre, les fondements du gameplay se trouvent dans la fuite, pas dans la violence. Concernant l’approche linéaire, avec ses couloirs étriqués, elle créée de la tension qui colle parfaitement au rythme du titre.
Et puis, sans une bande sonore de haute voltige l’expérience ne serait pas aussi grisante. Sur le sound design, le jeu de DICE est un modèle du genre. Les bruitages sont réalistes et pêchus, ils posent au plus près de Faith et accentuent le stress et l’intensité des séquences. Malgré les déceptions suscitées par l’opus Catalyst, la partie sonore de ce dernier se place au même niveau que son prédécesseur, avec un léger avantage sur la bande originale concoctée une fois encore par Magnus Birgersson, alias Solar Field, qui est ici plus mémorable.
Catalyst et Postérité
Face au succès d’estime engendré par le jeu, DICE décide de reboot la licence avec Mirror’s Edge Catalyst qui verra le jour en 2016. Souhaitant redémarrer à zéro, le studio a opté pour un nouveau scénario donnant plus de consistance à Faith, malgré des lacunes toujours présentes sur la narration globale et l’écriture. L’autre intérêt du titre, c’est le choix d’un monde ouvert et d’introduire un arbre de compétence. Faith est alors contrainte d’apprendre des mouvements au fil de l’aventure pour développer son plein potentiel de runneuse, ce qui paraît un peu contre-productif de prime abord. Mais ça amène une nouvelle boucle de gameplay et permet au studio de quadriller la progression.
En outre, des nouveaux mouvements ont été intégrés afin de rendre le gameplay plus agréable, en plus de l’approfondir. Des décisions qui permettent d’amplifier les possibilités d’actions et donnent plus de liberté au joueur. De plus, il est possible de créer ses propres parkours et/ou d’expérimenter ceux des autres en ligne, ce qui sera le plus gros atout de l’opus. Ceci étant, il faut admettre que le monde ouvert n’est pas maîtrisé et fini par desservir le jeu sur certains aspects. Un potentiel mal négocié. Ce potentiel, c’est peut être ce qui fait de Mirror’s Edge ce qu’il est aujourd’hui, une des plus grosses influences sur le FPS moderne.
Si de nombreux apports sont d’ordres ergonomiques avec des glissades, etc, le jeu a permis au genre de se libérer de standards et de susciter de nouvelles sensations. Comme avec Ghostrunner qui réutilise les mêmes bases, à des fins différentes, mais engageant le même genre de sensations. Il en va de même pour Dying Light qui s’abreuve tout autant du gameplay de Mirror’s Edge pour son univers de zombie. Devenant ainsi le plus digne héritier de la franchise, tout en montrant le côté intemporel du gameplay. De Call of Duty à Shadow Warriors 3, le FPS s’améliore constamment avec les graines laissées par la licence de DICE. Un moddeur ira même jusqu’à recréer le premier niveau de ME dans Dying Light.
Qu’aimerait-on pour un reboot/remake ?
Mirror’s Edge a prouvé avec Catalyst que son gameplay faisait encore fureur des années après, et ce n’est pas les reprises dans les jeux modernes qui nous feront dire le contraire. Le monde ouvert était une brillante idée car il se couplait habilement avec des phases en intérieur plus linéaires, qui se rapprochaient du premier opus, et les décors extérieurs qui offraient une vraie liberté d’action. Cohérent avec les thématiques de la licence. La tension était toujours présente, même si elle tendait à disparaître avec les quêtes secondaires. Le monde ouvert est un terrain glissant dont peu de studios parviennent à s’en sortir sans se perdre dans le remplissage.
Mirror’s Edge doit combiner linéarité et monde ouvert afin de replonger dans la philosophie du parkour. Cela va passer par un terrain de jeu mieux agencé, disposant aussi de pléthores de possibilités de mouvement et de voies d’accès. Burnout Paradise est un bonne exemple de jeu basé sur la vitesse et nécessitant une grande liberté d’action, son approche ouverte est totalement maîtrisée. On désire aussi avoir un scénario digne de ce nom. L’univers dans lequel se place Mirror’s Edge a beaucoup à raconter, de même que la philosophie du parkour. Il n’est pas acceptable de ne pas raconter quelque chose par l’écriture, surtout que c’est l’occasion de consolider les acquis avec le personnage de Faith qui n’attend qu’un bon background.
Avec l’étiquette speed-run qui colle à la licence, il est évident qu’il faudra se positionner la dessus et incorporer le Time Trial ainsi que la création de parcours. Pourquoi pas ajouter d’autres actions pour Faith afin d’enrichir le gameplay, particulièrement sur les sessions de combats qui méritent de l’attention. Certes ça contredirait le message pacifique, néanmoins pour le plaisir ludique il peut être intéressant de laisser le choix au joueur d’opter pour l’affrontement ou non. On pourrait ainsi apporter une dose d’arts martiaux afin de garder une cohérence thématique sur le rapport au corps, mais également sportive. En soit, Mirror’s Edge doit être plus ambitieux encore. Pour le dire grossièrement, ME doit, à notre avis, se coupler avec la démarche immersive sim pour espérer libérer son plein potentiel.
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Date de sortie : 09/06/2016