Pourquoi on aimerait un retour de Prey (2006) ?
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Rédigé par Nathan Champion
Si je vous dit Prey, il y a de fortes chances pour que ça ne vous évoque pas grand chose. Peut-être le reboot de la franchise Prédator, sorti sur Disney + ? Certains seront probablement capables de me citer le jeu de Arkane et Bethesda, paru en 2017 sur PS4, One et PC… Mais qui se souvient du First Person Shooter de 2006, fondu sous le moteur de DOOM 3 ? Pourtant, c’était loin d’être un mauvais jeu, et il jouissait même d’un univers assez construit, sur lequel il y avait encore beaucoup à écrire, pour lui permettre de s’offrir à minima une suite…
L’histoire n’est pas tendre, comme souvent, avec les fans de ce jeu de tir ambitieux. Si tout porte à croire que Prey trouve son public, la suite ne verra toutefois jamais le jour. Ce n’est pourtant pas faute d’annonce. Mais Human Head Studios, développeur du premier volet, et de quelques étrangetés comme Brink, fut finalement écarté du projet, après plus de deux ans de travail. À la place, Bethesda Softworks, société détentrice des droits d’exploitation, finira par mettre en chantier un véritable reboot, n’ayant absolument plus rien à voir avec l’expérience originale.
Alors que s’est-il passé ? Recoller les morceaux n’est pas évident. Mais il y a fort à parier pour que le développement ne se soit pas passé aussi bien que prévu. Que le projet était trop ambitieux pour Human Head Studios. Et que les premiers résultats ne plaisaient simplement pas à Bethesda Softworks, qui retira alors le jeu des mains de son développeur originel pour le confier, après plusieurs décisions foireuses, à Arkane, géniteur de Dishonored et Deathloop. La suite est à la fois triste et magnifique : en abandonnant tout ce qui faisait de Prey ce qu’il était, la division texane de l’entreprise française (vous suivez ?) mit au monde un jeu singulier, véritable bonbon pour les amoureux de SF, de game design ingénieux et de level design.
Pourtant, il doit bien exister une réalité où l’expérience d’origine n’est pas tombée dans l’oubli le plus total. Où Arkane a bel et bien développé un excellent jeu de Science-Fiction, mais où celui-ci s’appelle différemment. Et où Bethesda n’a pas fait des pieds et des mains pour que Prey for the Gods, un projet indépendant plutôt attendu, ne change de nom (désormais, il faudra l’appeler Praey for the Gods, c’est absolument ridicule…). Aujourd’hui, revenons sur un jeu de tir un peu particulier, qui aura mené à un véritable cas d’école dans l’industrie, et aurait bien mérité une suite… qui ne verra malheureusement jamais le jour.
Note : Pour les besoins de cet article, nous avons relancé la version Xbox 360 du jeu sur Xbox Series X. Malheureusement, la fonction de captures d’écran étant bloquée sur ce titre, nous avons dû faire avec les moyens du bord pour l’habillage de ces quelques lignes.
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La mémoire est parfois trompeuse, si ce n’est souvent. Ce dont vous vous rappelez comme étant un titre absolument extraordinaire n’est pas forcément aussi bon en réalité. Peut-être y avez-vous joué au bon moment, dans votre vie, l’enfance par exemple, favorisant une image embellie. C’est un cas de figure récurrent, qui touche tous les joueurs, quels qu’ils soient. Propulsant certains titres, dans l’imaginaire collectif, au dessus du lot, alors qu’ils ne méritent pas toujours ce traitement de faveur. J’aurais pu vous citer Dragon Ball Budokai par exemple, dont la profondeur est, rétrospectivement, très limitée. Ou même Fable premier du nom. Mais les exemples sont nombreux.
Me concernant, je gardais une image assez nette de Prey pour me rappeler qu’il s’agissait d’un FPS à la difficulté un brin mal dosée, aux mécaniques de shoot dépassées, et à la progression linéaire. Mais ce petit effet presque nostalgique me laissait croire qu’en dépit de ces détails, qui le confineraient logiquement à une expérience beaucoup moins originale et reluisante, le jeu de Human Head Studios et 3D Realms avait un petit quelque chose bien à lui. Et effectivement, en le relançant cette année j’ai pu redécouvrir un titre aux idées très intéressantes. Ça partait pourtant assez mal, avec son introduction qui a pris un énorme coup de vieux.
Introduction qui nous laisse apprécier les trois personnages principaux que sont Tommy, un jeune Cherokee pas vraiment fier de ses origines, Jen, en passe de devenir sa petite amie, et Enisi, son grand père. Grand père qui militera tout le long jeu pour que son petit fils embrasse pleinement son héritage, et cesse de souhaiter disparaître de la réserve dans laquelle les siens vivent depuis des générations. Tandis que Tommy, trop fier dans un premier temps pour ne serait-ce qu’y réfléchir, le rembarre comme le vieillard sénile qu’il donne parfois l’impression d’être. Bonne ambiance ! Enfin, cela dit, si l’histoire est agréable à suivre, elle ne vole néanmoins pas plus haut que chez un Half-Life premier du nom.
Quoique j’aurais probablement mieux fait de citer DOOM 3, titre auquel Prey emprunte étrangement beaucoup. Son moteur graphique, pour commencer, qui demeure assez solide en 2006, alors que la Xbox 360 fait ses premiers pas, et que les développeurs n’ont pas encore pleinement la main sur ses capacités nettement supérieures à la génération précédente. À sa sortie, le jeu est très joli, c’est indéniable, et certains de ses effets sont à la pointe, notamment au niveau des lumières. Cela étant dit, on y retrouve plusieurs textures, effets visuels et bruitages de DOOM 3, ainsi qu’une physique qui n’a que peu évolué. Des choix qui ont certainement facilité le développement, mais laissent parfois une impression de déjà vu.
FPS novateur, ou simple concept alléchant ?
À première vue, en dehors de son aspect visuel plutôt réussi pour son époque, Prey est très loin de proposer quelque chose de mémorable. On est posé sur des rails pendant toute l’aventure, et il sera question d’aligner un paquet d’aliens aux designs plutôt dégueulasses, le tout en suivant une trame cousue de fil blanc, et des personnages assez plats. Une description qui pourrait finalement coller à un paquet de FPS de l’ère PS2, comme Area 51, TimeSplitters ou encore Killzone. Bref, rien ne semble initialement destiner le soft à rester dans les annales, ou du moins à briller plus fort que les jeux de tir dont il s’inspire.
Enfin ça, c’était sans compter sur sa propension à jouer avec la gravité et les portails. Propension qui ne va évidemment pas jusqu’à égaler l’inventivité d’un Portal en la matière, mais a néanmoins ses éclairs de génie. D’une certaine façon, en y rejouant aujourd’hui on a parfois l’impression que le titre pique des idées à un Super Mario Galaxy, sorti l’année suivante. Tout en demeurant un FPS bourrin. C’est un brin étrange, dit comme ça, pourtant cela semble assez évident manette en mains. Parce que si les premières rencontres avec le changement de gravité ne préfigurent pas quelque chose de complexe, on fait rapidement face à des énigmes bien senties et un level design ingénieux.
Prey, à défaut d’exceller dans tout ce qu’il entreprend, essaie sincèrement, et parvient souvent à viser juste, notamment en jouant avec les perceptions et le changement d’angle de vue. Ce qui est assez surprenant, et même honorable, quand on sait que son développement a été compliqué. Parce que le jeu de Human Head Studios était dans les fourneaux depuis 1997, et est passé par plusieurs phases de reboot, jusqu’à revoir complètement son ambition, et à devoir emprunter un moteur graphique made in id Software pour pouvoir achever sa course. Et sur la ligne d’arrivée, le constat est sans appel : il ne révolutionne absolument rien, mais sa qualité fait plaisir à voir, surtout en sachant qu’il revient de très loin.
D’autant qu’en plus de l’originalité de son level design et de ses énigmes, qui apportent déjà un joli vent de fraîcheur à sa campagne, c’est tout son design qui jouit d’idées intéressantes. Les aliens ne sont pas particulièrement mémorables, disons ce qui est, mais leurs armes ont un petit quelque chose en plus, en étant littéralement vivantes. Ça donne un aspect un peu dégueu, mais finalement assez chouette, et beaucoup moins glauque que chez Scorn. Quant à l’espace de jeu, puisque l’on est dans un vaisseau extraterrestre à la fois technologique et organique, on fait parfois face à des décors assez intrigants… Quoique personnellement, je ne me remet toujours pas des portes en forme de rectums.
Pourquoi un retour ?
Sur la base de ce que je vous ai décrit plus haut, il n’est probablement pas évident de comprendre pourquoi j’aurais aimé que la franchise connaisse un destin différent. Et après tout, le reboot de Arkane et Bethesda est l’un de mes plus gros coups de cœur vidéoludiques, tous supports confondus. Mais on aura l’occasion d’en reparler. Cela étant, je garde beaucoup de sympathie pour le Prey originel. Parce que bien que ses personnages soient plats, son scénario assez idiot, et son gameplay basique, il avait un petit quelque chose en plus. Et ce quelque chose mènera le développeur à pousser tous les potards au max pour la suite, dont le développement commence immédiatement après la sortie du premier.
On quittait les environnements confinés du vaisseau spatial pour une ville extraterrestre nommée Exodus, et on changeait de protagoniste pour un ancien U.S. Marshall reconverti en chasseur de primes. Le tout allait probablement être un monde ouvert, puisque de l’aveu même des développeurs, Human Head Studios souhaitait offrir plus d’activités annexes, et s’inspirer d’un Red Dead Redemption. Rien que cela. Quant à Tommy, protagoniste du premier jeu, il n’était pas destiné à disparaître, et comptait bien avoir un rôle à jouer dans le scénario… qui s’annonçait un peu mieux ficelé que celui de Prey, mais tout aussi nanardesque…
C’est en octobre 2014, après un temps de développement conséquent, et un changement de main remarqué, que Prey 2 est officiellement annulé par Bethesda Softworks. D’après certaines infos, il serait arrivé à un moment à un état pourtant assez proche de l’Alpha, sous-entendant qu’il n’était pas loin de pouvoir sortir. Mais c’était certainement sans compter sur l’éditeur, et sur Zennimax, qui y virent peut-être un échec en devenir. Nous ne le saurons sans doute jamais. Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’esthétiquement, nous ne sommes pas passés loin d’un jeu aux influences cyberpunk très marquées, et rien que pour ça, son annulation fait mal au cœur.
Il est rare que l’on termine nos chroniques sur une note pessimiste, mais il faut se faire une raison : le Prey original est bel et bien mort et enterré, personne ne pourra rien y changer. Prey 2 avait toutes les cartes en mains pour développer l’univers, exploiter encore plus élégamment les changements de gravité et les portails extraterrestres, rendre Tommy plus agréable, et s’armer de sensations de shoot plus mémorables. Malheureusement, s’il n’est pas impossible qu’on ait l’occasion de voir quelques images de ce projet avorté dans les années à venir, il ne sera toutefois jamais possible de poser les mains dessus, alors qu’il s’annonçait pourtant plutôt chouette.
Le plus dommage, dans cette histoire, c’est qu’en offrant un véritable reboot à la franchise, Bethesda a absolument tout fait disparaître du travail de Human Head Studios. Le Prey de 2017 conserve bien le même nom, mais gomme tout l’ADN de son prédécesseur, pour ne garder que l’espace, et les aliens, quoique ces derniers n’aient plus rien à voir avec ceux du jeu de 2006. Si je ne remettrai jamais en question la qualité de ce nouvel épisode, il me semble qu’il y avait un coup plus intelligent à jouer, en conservant la licence originale sous le coude pour un moment plus propice, et en proposant une véritable nouvelle franchise pour le Prey de 2017. D’autant qu’à sa sortie, tout le monde, ou presque, a déjà oublié l’original…
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