Pourquoi on aimerait voir un reboot de Alan Wake ?
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Rédigé par Nathan Champion
Certains nous taxeront d’opportunisme, d’autres salueront peut-être un planning rudement bien pensé… nous comprenons les deux visions. Toujours est-il que l’envie de vous parler de Alan Wake était présente dès l’écriture du pilote de cette chronique, alors que son édition remasterisée n’était pas encore annoncée. Bien sûr, la sortie de cette dernière a accéléré le processus, et c’est ainsi que ce dimanche nous vous parlons de l’un des meilleurs Survival Horror de la génération Xbox 360 / PlayStation 3, rien de moins !
Un jeu que l’on ne présente plus, puisqu’il a mis tout le monde d’accord à l’époque, et dont les fans sont nombreux à réclamer une suite. Une idée qui nous fait envie, à nous aussi, bien que nous préférerions un reboot, ou un remake. Nous allons tâcher de vous expliquer pourquoi dans cette chronique, après avoir dressé le portrait de ce jeu devenu culte. Bien sûr, nous comprenons ceux qui se contentent d’une édition remasterisée, et nous espérons que ceux-ci sauront entendre nos arguments.
Les screenshots se trouvant dans cet article ont été capturés sur la version 360 du jeu, tournant sur une Xbox One S.
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ToggleDe Max Payne à Alan Wake
Bien que Remedy Entertainment débute sa carrière en 1996 avec l’anecdotique Death Rally, c’est néanmoins en 2001 que le studio va décoller pour de bon. La sortie de Max Payne, véritable pierre angulaire du jeu d’action tel qu’on le connaît, va tout chambouler. Le titre est une réussite technique, avec son aspect graphique léché et son moteur physique impressionnant. Mais c’est aussi un jeu excellent, jouissif, et au postulat particulièrement sombre. S’il ne jouit pas d’une narration exceptionnelle, il regorge malgré tout de bonnes idées, notamment une intrigue qui avance via des cases de bande dessinée, mais surtout l’utilisation du Bullet Time.
Max Payne aura rapidement droit à une suite du même acabit. Permettant à Remedy de se positionner définitivement comme un studio à suivre, aux compétences évidentes, et aux idées intéressantes. Et des idées, ses membres en auront bien d’autres, dont certaines particulièrement rafraîchissantes. C’est directement après l’arrivée de Max Payne 2 que les équipes commencent à plancher sur Alan Wake, qui ne porte pas encore ce nom. Un titre dont le concept n’est alors pas encore bien défini.
C’est en 2005 que Alan Wake est annoncé. On le présente alors comme un thriller psychologique fortement inspiré par les écrits de Stephen King. Tout le monde s’accorde à dire que les premières images font envie, puisque les différents panoramas présentés par Remedy, ainsi que les rares séquences de gameplay du trailer de 2006, témoignent d’une réalisation impressionnante pour l’époque. Pourtant, le titre n’est pas près de sortir, et va connaître un développement un brin chaotique.
Le jeu disparaît pendant un bon moment des radars, et nombreux sont ceux à crier à l’abandon. On le compare déjà à un certain Duke Nukem Forever qui, rappelons le, n’était pas encore revenu d’entre les morts à l’époque. Pourtant, Remedy continue de travailler dans l’ombre, reprenant le développement du début pour offrir à Alan Wake un nouveau moteur graphique, et revoit par ailleurs ses ambitions à la hausse. Le partenariat signé avec Microsoft n’est d’ailleurs pas étranger à ces choix, puisque l’entreprise américaine désirait vraisemblablement offrir à sa Xbox 360 une exclusivité de choix.
Le Survival Horror à son meilleur ?
En 2010, le genre Survival Horror connaît un petit passage à vide. Hormis un Dead Space tout simplement exceptionnel (et sur lequel nous reviendrons peut-être un jour), les sorties n’ont pas été particulièrement remarquables les années passées. Resident Evil a abandonné l’horreur au profit de l’action avec un cinquième opus qui divise ; Silent Hill Homecoming peine à convaincre à cause d’une recette vieillissante ; Deadly Premonition est tantôt traité d’étron, tantôt adulé ; l’excellent FEAR est déjà bien loin derrière et sa suite perd l’effet de surprise… Bref, Alan Wake arrive à point nommé, le 14 mai 2010, comblant un trou dans un catalogue de jeux horrifiques en perdition.
Et le titre de Remedy Entertainment ne tarde pas à mettre tout le monde d’accord, comme le faisait Max Payne pratiquement dix ans plus tôt. Alan Wake est sublime, bien que ses expressions faciales ratées témoignent d’un développement chaotique. Ses effets de lumière sont ce qui se fait de mieux à l’époque. Et pour finir son monde est tangible, sa végétation semble même vivante. Niveau gameplay, on est sur un TPS assez classique, à la prise en main immédiate, mais aux idées parfaitement rafraîchissantes.
Mais ce qui fait de Alan Wake une franche réussite, ce n’est ni sa réalisation, ni son gameplay bien calibré. Ce qu’il fait le mieux, et ce pour quoi il est si mémorable, c’est raconter une histoire. Il jouit en effet d’une narration impeccable, d’une mise en scène inspirée et d’une écriture remarquable, influencée par de grands noms. Stephen King y est cité à plusieurs reprises, et notamment son roman Shining. Mais le titre pioche aussi ses inspirations dans pléthores d’autres œuvres, notamment The Twilight Zone (La Quatrième Dimension) ou encore Twin Peaks, à qui il semble emprunter son cadre si original : une petite bourgade américaine où tout le monde se connaît, mais où de lourds secrets pèsent dans l’ombre.
Et l’ombre, justement, c’est l’autre point fort du titre. Parce les ennemis que l’on affronte tout au long de l’aventure sont en réalité de simples habitants de Bright Falls, le village cité précédemment, possédés par une présence sombre et mystérieuse. Pour en venir à bout, il faut avant tout faire disparaître la couche d’ombre qui les embaume, et ce avec une lampe torche, les phares d’une voiture, ou même des objets du décors disséminés ça et là. Une fois ceci fait, il n’y a plus qu’à leur tirer dessus. Une mécanique simple mais diablement efficace, qui ajoute une dimension stressante à ses environnements nocturnes déjà très oppressants. Mais surtout on est constamment en recherche de lumière, qui nous indique régulièrement le chemin à emprunter dans la nuit noire. Et ça aussi il faut avouer que ça fonctionne terriblement bien !
Il arrivera toutefois que le jeu nous fasse vivre des moments en pleine journée, dénués d’ennemis cette fois. L’occasion d’en apprendre plus sur Bright Falls, sur ses habitants charismatiques, et sur Cauldron Lake, un lac au milieu duquel reposait jadis une île, désormais disparue sous les flots. Enfin on ne va pas tourner autour du pot : le scénario de Alan Wake est une pure réussite que l’on regretterait de trop vous dévoiler dans ces lignes, pour peu que vous n’ayez pas encore eu la chance d’y toucher. Sachez seulement que les retournements de situation sont très bien sentis, et les personnages bien écrits voire attachants. On notera d’ailleurs un doublage francophone très réussi, au même titre que l’entièreté de la bande son, bien que celle-ci soit un peu en retrait.
Des produits dérivés ?
Fort d’un certain succès critique et commercial, Alan Wake eut droit à deux DLC anecdotiques, Le Signal et L’écrivain, ainsi qu’un troisième plus consistant nommé American Nightmare. Ce contenu paru en 2012, résolument orienté action, offrait une expérience sympathique mais loin d’être transcendante. Notamment à cause d’un rythme mal géré et de fan service un peu trop voyant. Cela dit, nombreux sont ceux à avoir cru au développement d’une suite, à partir de la sortie de ce spin off qui débarquait tout de même deux ans après le jeu original.
Et dans les faits, il est vrai que Remedy Entertainment a envisagé pendant un long moment le développement d’une suite, alors que Quantum Break n’en était qu’aux balbutiements de sa création. Les dirigeants du studio avaient visiblement pris beaucoup de plaisir à travailler sur l’histoire de cet écrivain torturé, et revenir dans son univers pour lui offrir une nouvelle aventure semblait les tenir à cœur. Seulement voilà, pour diverses raisons pas vraiment évoquées ostensiblement, le développement fut arrêté avant même d’avoir véritablement commencé. S’en suivirent quelques sorties dont nous ne parlerons pas, faute d’intérêt.
En 2019, Remedy sortait son dernier gros jeu, un certain Control. Third Person Shooter orienté action, le titre entretient une relation fusionnelle avec le paranormal et l’angoisse. Une dimension que les développeurs sont allés puiser au cœur des dossiers de la Fondation SCP. Œuvre participative et intrigante à laquelle on ne peut que vous inviter à jeter un œil, tant celle-ci regorge d’inventions farfelues et d’histoires terrifiantes. Le parallèle était vite fait avec un certain Alan Wake, dont l’histoire aurait tout à fait pu être l’objet d’un dossier à la Fondation. Et justement…
Nous ne l’aborderons que brièvement, mais sachez que Control se dotait, un an tout rond après sa sortie, d’un DLC nommé AWE. Une histoire annexe dans laquelle Alan Wake revêt une importance capitale. En effet, il faudra faire un tour du coté de Bright Falls, la bourgade de campagne que nous explorions en 2010, mais cette fois-ci sous les traits de Jesse. Une aventure regorgeant de clins d’œil, malheureusement un peu trop portés sur le fan service facile, et dans la veine de ce que propose Control tout du long de son aventure principale… l’inspiration en moins.
Pourquoi un reboot ?
Avec la sortie de Alan Wake Remastered, dont l’annonce a provoqué une petite vague de joie chez les fans et les amoureux d’expériences horrifiques, ne semble-t-il pas illégitime de réclamer un reboot de la licence ? Eh bien, peut-être en effet. À condition que vous soyez comblés par une simple remise aux goûts du jour de l’aspect graphique du titre original, et n’espériez pas un véritable retour en grandes pompes de l’écrivain. Parce que, malheureusement, la sortie de ce remaster n’est pas forcément une bonne chose pour la suite : rien ne nous dit qu’un second épisode verra le jour grâce à la lumière nouvelle plaquée sur les aventures de Alan Wake.
Et c’est bien pour cela qu’un reboot pourrait être une bonne chose. Attention, hein, nous ne l’attendons pas pour maintenant, surtout avec le fait que Remedy ait rendu Control canon avec l’univers de l’écrivain. Il va falloir développer cela pour justifier pareil choix scénaristique, que nous trouvons plutôt intéressant et audacieux, à titre personnel. Une première piste que l’on aimerait voir un reboot éventuel explorer, avec des références et une véritable attache entre les deux jeux. Dans le même ordre d’idée, il serait plutôt bon d’offrir à ce reboot une fin plus ouverte que celle introduite dans le jeu d’origine. Bien que cette dernière ait de profondes qualités, nous n’oserions pas dire le contraire.
Un reboot pourrait aussi offrir à l’écrivain un terrain de jeu plus beau, et des zones un peu plus vastes, permettant un sentiment d’exploration et de perte de contrôle sur l’environnement plus conséquent et palpable. Sans aller jusqu’à la création d’un véritable monde ouvert, qui pourrait être un immense frein à l’ambiance. D’autant que les apparitions scriptées et codifiées du jeu d’origine fonctionnent encore très bien (comme chez un Dead Space), et auraient tout à fait leur place dans une nouvelle aventure.
Conserver le rapport si intéressant et effrayant à l’ombre et la lumière est évidemment indispensable. Mais nous aimerions cependant que l’éventuel reboot nous offre plus de séquences de jour, afin que le joueur ait plus de temps et d’occasions pour apprendre à connaître la ville et ses alentours, ses habitants aussi. Histoire que, à la nuit tombée, lorsque le paysage commencera à changer sous le poids de la force surnaturelle à l’œuvre, il soit possible de voir les différents changements opérés. Les bâtiments écroulés, les parcelles devenues impraticables, les habitants possédés auxquels on parlait quelques heures plus tôt dans une Bright Falls vêtue d’un calme automnal…
Il semble évident que, malgré toutes les qualités que le titre conserve aujourd’hui, sa prise en main pourrait connaître quelques améliorations. S’inspirer de Control ne serait pas une mauvaise chose, bien que tomber dans la bête copie de game system soit à proscrire. On aimerait, pour finir, que l’action soit un peu moins présente, au profit de l’ambiance. Parce que bien que l’on ait encore passé un très bon moment sur le titre en 2021 (sur la version d’origine, pas le remaster), il faut reconnaître que les derniers niveaux fonctionnent moins bien à cause d’une profusion d’ennemis qui fait monter la tension et descendre la peur véritable. Et si quelques passages plus bourrins sont encore aujourd’hui assez plaisants à jouer (la ferme des Anderson par exemple), plus nombreux sont ceux qui demeurent dispensables.
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Date de sortie : 14/05/2010