Pourquoi on aimerait un retour de Sin and Punishment ?
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Rédigé par Neomantis Dee
Tandis que la Nintendo 64 terminait son cycle de vie, en 2000 sortait dessus un titre atypique. Un projet au game design ambitieux et d’une maîtrise comme on en fait peu. Une licence développée par Treasure, un studio connu pour sa dévotion et son jusqu’au-boutisme sur les jeux qu’il développe, dont plusieurs sont devenus des références dans leur genre. Que ce soient les excellents jeux de combat Bleach sur DS, ou les classiques du Shoot’Em Up que sont Ikaruga et Radiant Silvergun. Ce dernier est par ailleurs disponible sur le Nintendo eShop depuis quelques semaines.
Sin and Punishment. Voici le nom de ce remarquable rail shooter pondu par Treasure, au croisement d’un Panzer Dragoon et d’un Space Harrier. D’abord exclusif au Japon sur N64, l’arrivée en occident se fera par le biais d’imports de versions nippones dans un premier temps. Jusqu’à ce que le titre rejoigne l’eShop de la Switch en 2021, avec des sous-titres en anglais. En 2010, c’est une suite qui voit le jour sur Wii, Sin and Punishment : Successor of the Skies. Avec des doublages en anglais et japonais, en plus d’une traduction française.
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1997, quelque part au Japon. Plusieurs individus appartenant au studio Treasure, dont le président Masato Maegawa, s’attèlent à un projet mystérieux, guidés par une idée simple mais encore non-exploitée. Créer un jeu qui utiliserait de façon optimale la manette de la N64, notamment sa partie gauche délaissée. Toutes les informations ne sont pas connues, mais il semblerait que malgré les réticences justifiées de l’éditeur, Treasure avait déjà anticipé le moindre problème et put obtenir le feu vert. Fort d’une équipe d’à peine 10 personnes durant les premiers mois, l’ambition faramineuse de l’œuvre à venir nécessita de gonfler rapidement les rangs. Devenant alors, le plus gros projet du studio.
En outre, entre la mise en route de la production de Sin and Punishment et sa sortie, 3 ans se sont écoulés. Sur le marché depuis 1996, la N64 finira sa vie quand le soft débarquera sur les étals. Ce qui ne va pas aider commercialement. Puis, l’expertise des devs n’était encore reconnue que sur la 2D. Premier jeu 3D pour les membres de Treasure, ils vont pourtant réussir l’exercice et pondre un titre capable d’exploiter au maximum les capacités de la console de Nintendo. Il était primordial pour eux de préserver un nombre raisonnable de collaborateurs afin d’éviter que la vision créative se dilue ou se perde. Leurs expériences passées les amènent à tout miser sur le gameplay, c’est pourquoi, afin de garantir une fluidité et une lisibilité optimale, ils vont limiter l’usage de polygones.
En découle un rendu esthétique unique et presque déconcertant. Plus que de donner une identité visuelle singulière au jeu, ce parti pris garantit un framerate imperturbable, peu importe la pléthore d’éléments et de mouvements à l’écran. Pour toute la partie musicale, un travail tout aussi minutieux est fait, pour une qualité sonore supérieure à la moyenne de l’époque. Au delà de ça, les morceaux sont excellents et accompagnent parfaitement l’ensemble. Sur ce point, le second volet est tout aussi réussi. Il va de soi que si vous n’êtes pas familiers des Shoot’Em Up, la proposition est difficile à appréhender. Mais si vous aimez Space Harrier ou Panzer Dragoon, vous devriez tenter Sin and Punishment.
L’expérience est dense et rapide, on a pas le temps de s’ennuyer. La licence reprend tout ce qui se fait dans le genre mais pousse les curseurs au maximum. Malgré une progression typique d’un rail shooter, le génie du titre est dans son game design et la pluralité de situations de jeu qui va en émerger. Avec sa mise en scène inspirée et totalement folle digne des facéties visuelles dont raffole Hideki Kamiya, Sin and Punishment fascine et nous immerge dans son univers. Un niveau rarement atteint encore aujourd’hui dans du rail shooter. D’autant plus que tout ceci se calque très bien sur le rythme soutenu du soft.
Les Evadés de l’Espace
On débute l’aventure en terrain connu, avec une progression automatique vers l’avant et la nécessité de tirer sans arrêt tout en évitant les projectiles adverses. Néanmoins, une panoplie de mouvements est disponible. La partie shoot passe par une arme de main disposant de deux systèmes de visée, manuel et automatique. Si le premier est plus délicat à manier, il offre des dégâts supérieurs au second. Il faudra donc impérativement être à l’aise avec ces deux variantes. Le héros possède également une épée. Elle inflige de lourds dommages aux ennemis proches, en plus de renvoyer des projectiles, amplifiant leur puissance. Ce que les boss, entre autres, n’apprécieront pas. Enfin, vous pouvez vous déplacer horizontalement sur la longueur de l’écran et même user d’une esquive avec des frames d’invincibilité. Ajoutez un saut et un double-saut et vous voilà à virevolter à l’écran.
Une des forces de Sin and Punishment c’est justement de proposer des séquences de jeu et des patterns ennemis qui vont systématiquement solliciter l’ensemble de vos capacités. Déjà qu’aucune mécanique n’est sous-exploitée, ces choix de game design annihilent en plus toute redondance. Evidemment, en terme d’ergonomie on s’y retrouve également, que ce soit avec la manette de la N64 ou une autre d’ailleurs. C’est extrêmement jouissif et intuitif. De plus, un timer est présent durant chaque vague ennemie. S’il atteint zéro, vous perdrez de la vie, petit à petit. Rarement handicapant, du moins en facile, il apporte tout de même un léger sentiment d’urgence, une pression sur nos épaules, qui a du sens avec la quête des personnages principaux. Limitation de temps qui sera délaissée pour le second volet, de même que le système de vies limitées pour terminer le jeu.
Sin and Punishment premier du nom suit clairement l’héritage des Shoot’Em Up arcades et de Treasure. Rien qu’en facile, le challenge est de taille, bien qu’abordable. Par contre, dès le mode normal ça se complique terriblement. Un des membres du staff aurait suggéré le mode facile, justement parce que le titre était déjà assez ardu. Un compromis a été fait afin de ne pas dénaturer la réputation du studio. Dynamique et posant un rythme effréné où seules les cinématiques viendront apporter un peu de calme. L’expérience m’a fait ressentir des sensations que je rapproche de celles procurées par des sessions sur un Doom Eternal, voir même un Beat’Em All intense. Cligner de l’œil et relâcher sa concentration peut être fatal, d’autant plus que dans Sin and Punishment on enchaîne les boss épiques.
Il y a un réel aspect boss rush qui ressort du soft. Et ils sont tous différents dans leur design comme dans leurs patterns et envergures. De surcroît, ils possèdent plus ou moins chacun une spécificité à comprendre. C’est-à-dire que pour se débarrasser de certains d’entre eux, il ne faudra pas toujours bêtement vider leur jauge de santé, des conditions non divulguées peuvent être présentes. Des moments qui contribuent à renforcer le challenge et à nous impliquer. Les codes du game design du Beat’Em All et du Shoot’Em Up irriguent pleinement le rail shooter de Treasure.
Sky Captain and the World of Tomorrow
J’ose croire, au vu de la passion d’Hideki Kamiya pour le genre, que ses idées de skills et de scorings dans DMC, ou du rythme d’un Bayonetta, ont pu être influencées par des titres comme Sol Cresta, Radiant Silvergun et bien d’autres. Mais sans doute plusieurs réalisés par Treasure, comme Sin and Punishment. Son héritage a semble-t-il influencé d’autres œuvres bien connues, du moins c’est le constat que je fait. Après avoir terminé le jeu, je ne pouvais que penser à NieR Automata. Avec PlatinumGames au développement, il n’est pas fou de penser que la vision de Kamiya a pu déborder sur des collègues.
La présence des phases de Shoot’Em Up déjà, mais c’est plutôt côté ambition que je fais le rapprochement avec le titre de Square Enix. On a cette même envie de pousser le genre, de le faire évoluer, ce qui passe chez l’un comme chez l’autre par l’apport d’une narration importante pour le titre, avec le traitement de thématiques matures et pertinentes. Et que dire que la multitude de variations d’angles de caméra du Beat’Em All pour contrer la répétitivité inhérente du genre. Il n’y a pas d’aveu de telles influences de la part des équipes, mais à mon sens le rapprochement avec Sin and Punishment est évident. En terme d’ambition et de rapport au genre traité.
Quelques mots maintenant sur le second volet paru sur Wii qui reprend les fondements de son aîné et lui fait suite scénaristiquement parlant. L’expérience est ici bien plus longue que sur N64 et le soft possède une rejouabilité plus viable. La narration a toujours son importance, bien qu’un peu plus en retrait, quand bien même le scénario est plus simple à comprendre et à suivre. Même s’il faudra lire le livret de jeu pour de plus amples précisions. On reprend plaisir à se replonger dans cet univers marquant, et ce malgré une narration qui ne veut toujours pas étaler ses ambitions aux joueurs, joueuses.
Pour le gameplay, malgré des variations c’est du pareil au même. Les vrais ajouts sont à trouver avec les deux personnages jouables, possédant leurs propres spécificités, ainsi que l’usage d’un hoverboard pour se déplacer sur toute la surface de l’écran comme dans Space Harrier. On remarque très vite, de par la direction artistique mais aussi les situations de jeu, que c’est plus convenu et moins fou dans la proposition. Ceci étant dit, Sin and Punishment : Successor of the Skies foisonne lui aussi de séquences diverses et variées, sans compter quelques clins d’œil à l’original. Mais un poil moins qu’avant. On est en droit de penser que la démesure du premier opus a pu décourager, sans compter la fameuse esthétique. Le rythme est aussi relativement différent, du fait évidemment de la durée de vie du titre plus conséquente. Pour le reste, il n’a rien à envier à son aîné et ne lui est clairement pas inférieur.
Pourquoi on aimerait un retour ?
Les retours de la presse comme des joueurs, joueuses ayant eu l’opportunité d’y jouer sont assez dithyrambiques. Pour beaucoup, Sin and Punishment premier du nom fait partie des meilleurs titres du catalogue de la N64. J’ai récemment découvert la licence et la balle reçue était bien réelle, même 20 ans après sa sortie. Il ne fait aucun doute pour moi qu’il s’agit d’une des expériences les plus marquantes, et sans conteste le rail shooter le plus dingue que j’ai parcouru. Malheureusement, c’est sans surprise que les ventes n’ont pas suivies. Constat similaire pour le second volet, pourtant traduit et sorti sur une console se portant bien. La faute incombe sans doute au genre lui-même, plus aussi populaire.
Cette chronique est simplement là pour soulager ma conscience et partager cette claque vidéoludique. L’impression, au fond, de contribuer, même aussi pauvrement, à pérenniser l’écho d’un retour de Sin and Punishment. Je n’attends rien, je veux seulement que les deux opus refassent parler d’eux, que l’on puisse y rejouer dans de bonnes conditions. Car ces deux œuvres se suffisent déjà à elles-mêmes, ne serait-ce que par leur gameplay et game design remarquables. Après, une suite serait super, il y a encore pas mal de choses à raconter dans cet univers. La ressortie de Radiant Silvergun, et GoldenEye prochainement, me donne de l’espoir.
Dans l’idéal, j’aimerai quelques améliorations, particulièrement sur l’aspect narratif. Entre la puissance évocatrice de l’univers de Sin and Punishment et ce que le récit nous propose, il y a de très bonnes idées et un minimum de profondeur qui s’en dégage. Via les thématiques écologiques, technologiques, les questionnements soulevés quant aux responsabilités de l’humain envers sa planète, ou bien la place des armes. Il restera toujours le parti pris graphique qui peut rebuter, du moins pour le premier, Successor of the Skies étant plus sobre. Cependant, j’ose croire qu’avec plus de folies visuelles il y aurait peut-être preneur, un juste milieu qu’il faudrait trouver.
Pour en revenir à la narration, plus précisément à l’histoire en elle-même, le problème est qu’elle n’est pas vraiment explicitée dans les jeux. Les cinématiques et l’intrigue sont mises en avant dans la licence mais trop sous-exploités. Or, si l’on prend le temps de découvrir plus en profondeur le contexte et les événements via les livrets, on comprend mieux les enjeux et on s’intéresse ensuite beaucoup plus au récit. Pas mal de frustration sur ce point. On ne parlera pas du doublage raté de Sin and Punishment sur N64 dont on ne doute pas que ce serait retravaillé si retour il y avait. Quand je ressors d’une telle expérience, je ne cesse de me dire qu’il faudrait plus de projets comme cela. Plus de projets dirigés par une vision créative. Ambitieuse, mais aussi et surtout maîtrisée. Ce qui passe par un savoir-faire technique autant qu’une lucidité quant à ses propres capacités en tant que studio.
Pourquoi on aimerait un retour de Sin and Punishment ?
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