Dead in Vinland : Notre Interview avec Matthieu Richez, Lead Game Designer
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Rédigé par Julien Blary
Nous nous sommes rendus en métropole lilloise à la rencontre du studio indépendant CCCP et après avoir fait un petit tour dans leurs locaux, nous avons eu l’immense honneur de poser quelques questions à Matthieu Richez, patron du studio et Lead Game Designer sur Dead in Vinland. L’interview complète est disponible aussi bien à l’écrit après notre résumé qu’en vidéo juste ci-dessus.
Avenir de la série Dead in, nouveau jeu…
Après cette entrevue chaleureuse et fort sympathique, on retient surtout les ambitions du studio sur l’avenir de la série Dead in. L’équipe aimerait en effet continuer de développer de nouveaux jeux tant que les retours de la communauté sont positifs et plusieurs idées sont déjà en études pour la suite.
A côté de cela et en attendant une hypothétique nouvelle entrée à la franchise, le studio CCCP aimerait faire une pause et consacrer un peu de temps à un projet un peu moins ambitieux. Bien qu’encore non-annoncé, Matthieu a joué le jeu et nous a déclaré que leur prochain titre devrait être un RPG tactique au tour par tour sans aspect narratif profond.
On vous propose de retrouver l’intégralité de l’interview juste ci-dessous ainsi que son homologue en vidéo sur notre chaîne YouTube.
Toute l’interview écrite
- Est-ce qu’il serait possible que vous vous présentiez un petit peu, ce que vous faites au sein du studio et depuis combien de temps ?
Moi c’est Matthieu Richez, je suis le gérant et fondateur du studio CCCP, donc on est développeur de jeux vidéo et de serious game. Et donc sur Dead in Vinland, moi je suis lead game designer sur le projet. Le studio existe depuis treize ans maintenant, et ça fait deux ans qu’on travaille sur Dead in Vinland (ndlr : sorti le 12 avril)
- Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu du studio en lui-même, sa création, les précédents jeux que vous avez faits et notamment le début de Dead in Bermuda, des précédents jeux et des serious game ?
Donc comme je disais, ça fait treize ans que le studio existe. Au début, on a beaucoup bossé pour de la prestation de service dans le domaine du serious game, c’est-à-dire utiliser la technique du jeu vidéo dans d’autres domaines, pour former des gens, pour communiquer sur un produit, sur différentes choses.
Et il y a quelques années, alors on a toujours fait un peu de jeux, du free-to-play, des jeux mobile, on a fait différents projets, on n’a jamais vraiment trouvé notre voie, jusqu’à ce qu’on se lance sur du jeu qui nous plait vraiment. C’est à partir de ce moment-là qu’on a lancé le projet de Dead in Bermuda, et donc là l’idée de faire une série de jeux de survie et plutôt destinés aux hardcore gamers que nous sommes nous-mêmes. Donc on a lancé Dead in Bermuda en 2015, et donc là on bosse sur la suite.
- Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu des références que vous avez dans Dead in Bermuda ? Avec l’équipe, nous avons trouvé que dans Dead in Bermuda et Dead in Vinland, il y avait un petit peu d’inspiration peut-être avec les séries Lost et Vikings, alors est-ce qu’il y a un rapport ou c’est juste une coïncidence ?
C’est plutôt une coïncidence. (rires) Moi en termes de séries, une des références en terme d’ambiance, c’était plutôt Twin Peaks de David Lynch, je sais que ça n’a rien à voir avec le jeu c’est beaucoup plus proche de Lost, mais au final moi Lost j’ai pas vraiment regardé et Vikings je commence à regarder maintenant vu qu’on bosse sur un jeu sur les vikings, mais non, ça n’a pas été des influences directes. Maintenant, j’imagine qu’on se nourrit un peu de tout ce qui existe, donc voilà.
- En pleine période de sortie pour Dead in Vinland, est-ce que vous pouvez nous parler un peu du développement, comment ça s’est passé, les enjeux, les hauts et les bas ?
Alors on a démarré il y a deux ans presque maintenant, en fait l’idée de départ c’était de se dire on va essayer de faire tout ce qu’on n’a pas pu faire dans Dead in Bermuda, donc prendre notamment les retours des joueurs, de la presse, et nos propres idées et envies qu’on n’avait pas réussies à mettre dans le premier, et de tout mettre dans le deuxième. C’était vraiment ça l’idée.
Au début on pensait qu’on allait réussir à faire ça à trois/quatre pendant une petite année, au final on a été une bonne dizaine pendant deux ans donc on a vraiment revu les ambitions à la hausse. Et donc oui il y a eu des hauts et des bas effectivement, parce qu’en fait il y a un moment donné qui a été très bas quand on s’est rendu compte qu’on n’arriverait jamais à faire le jeu qu’on avait mis sur papier avec aussi peu de personnes.
Donc là on s’est vraiment dit qu’on allait droit dans le mur. On a reculé la date de sortie, on s’est dit « on va se laisser un peu plus de temps pour faire les choses bien » et on a recruté des personnes, on a renforcé l’équipe. A partir de ce moment-là ça a été vraiment cool parce qu’il y a eu vraiment une dynamique aussi avec les nouvelles personnes qui sont rentrées dans l’équipe, donc à partir de ce moment-là c’était vraiment sympa.
- Par rapport à l’évolution de Dead in Bermuda, est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu des différences avec le premier jeu ? Dans le premier jeu on suit une personne qui rencontrait beaucoup d’étrangers et là on arrive dans une famille avec des liens, pourquoi ce choix, pourquoi cette évolution aussi à ce niveau-là ?
Alors en fait quand on a brainstormé en interne pour se dire qu’on avait envie de faire une suite ou un spin-off à Dead in Bermuda, on a réfléchi avec la team, et très rapidement on s’est dit qu’on voulait un thème autour de la colonisation d’une île.
En fait dans Dead in Bermuda, c’est vraiment des gens qui se crashent sur une île déserte et qui veulent en sortir, ils n’ont rien à faire là, c’est une île hostile. Alors que là on va jouer une famille qui s’est faite exiler de sa maison et elle veut recréer une vie ailleurs, ils sont là pour s’installer. Donc ça change un peu le mindset (ndlr : mental) des personnages, ça donne un peu plus d’espoir aussi pour la fin du jeu, et puis ça nous permet d’exploiter pas mal d’autres choses au niveau des mécaniques de survie et tout ça.
Ca c’était vraiment un des points de départ du concept et en termes de différences, comme j’ai dit on a passé en revue tous les systèmes qu’on avait mis en place dans Dead in Bermuda, et on a essayé de voir comment on pouvait les améliorer, qu’est-ce qu’on n’avait pas pu mettre dans le premier, quels étaient les retours des joueurs. Et surtout le gros système qu’on avait coupé de Dead in Bermuda c’était le système de combat, il y a des confrontations sur ces îles et on voulait un système de combat qu’on n’a pas pu faire et là on en a fait un qui est plutôt cool, c’est pas un jeu stratégie au tour par tour mais il y a un vrai pan de gameplay supplémentaire avec ce système de combat.
- Du coup au niveau de la famille, j’ai une petite question un peu délicate, s’il ne devait en rester qu’un parmi Erik, Moira et les autres, lequel choisiriez-vous ?
Moi je choisirais leur fille (Kari), parce que c’est la transmission, et puis je viens d’avoir une fille donc. (rires) Mais voilà c’est un peu la transmission, c’est l’espoir que nos enfants vont perpétuer ce qu’on a fait etc….
- On a aussi un système de dialogues avec des conversations avec énormément de choix avec plusieurs centaines de possibilités. A la fin de la journée on discute entre membres de la famille et on a remarqué qu’il y a quelques dialogues qu’on subit. On a parfois des choix, la possibilité de répondre, et ça a une incidence, mais pourquoi avoir mis autant de dialogues qu’on « subit » ?
En fait ça fait partie du level design, nous on n’a pas de niveau dans notre jeu, c’est un jeu semi-ouvert avec une partie scénaristique, ce n’est pas non plus un jeu complètement bac à sable, on voulu toujours avoir une trame scénaristique qui nous donnait un petit fil rouge pour aller jusqu’à la fin du jeu et donc forcément en fait les dialogues que tu subis c’est un peu les niveaux, les embûches dans des niveaux dans un jeu de course par exemple, ce serait les caisses et les pièges qui sont posés, donc voilà ces dialogues-là c’est un peu des sortes d’embûches. Après t’as pas mal de dialogues avec des choix, où tu peux vraiment pour le coup orienter vers quoi tu veux aller. Et surtout il y a une grosse composante aléatoire dans ces dialogues, notamment avec les personnages que tu vas recruter, dans quel ordre etc, ça donne aussi un petit côté rejouable, de pas toujours avoir la même aventure à chaque fois que tu rejoues au jeu.
- Vous m’avez parlé d’un système de combat, contrairement à Dead in Bermuda. Au début, on s’est dit que c’était peut-être juste un petit bonus mais là vous m’avez dit que c’était quelque chose que vous pensiez déjà à mettre dans le premier opus, est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ces mécaniques ?
Le plus dur c’était de trouver le bon dosage parce qu’on ne voulait pas que ça devienne un jeu centré sur le combat, c’est une des composantes du jeu, moi je la considère que c’est 25-30% du jeu on va dire. Il fallait qu’il soit présent, suffisamment intéressant pour pas que ce soit juste chiant à jouer et qu’on ait juste envie de les skiper, et en même temps pas trop présent pour pas que ça empiète totalement sur le jeu.
Là je pense qu’on a trouvé un équilibre plutôt pas trop mal. T’as différentes classes pour les différents personnages de la famille, ils ont chacun un peu leurs spécialités : t’as les combattants, les protecteurs, les shooter, et tu as les mystiques qui vont un peu buffer et débuffer les personnages. Et notre système de combat, il est plutôt basé sur des petits chiffres, si tu as 10 points de vie, tu fais 1, 2 ou 3 de dégât… du micro-management en fait.
Dans chaque classe, tu as cinq compétences d’attaque qui peuvent comprendre des buffs, des débuffs et des dégâts et c’est à toi de trouver les meilleures combinaisons pour la situation, en sachant que ce qu’on a c’est un système pas mal orienté autour des buffs et débuffs, en gros si tu n’utilises pas leur plein potentiel, les buffs et débuffs des personnages, tu vas te prendre des grosses volées. (rires) On espère que toutes les compétences des personnages sont intéressantes à utiliser et pas juste une compétence que tu spames en permanence.
- Est-ce que Dead in Vinland était une suite logique pour vous par rapport à Bermuda ou ça a été en fonction du succès du premier volet, vous vous êtes dit bon allez on va continuer sur cette route ?
Tout à fait, si le premier avait fait un gros flop, surtout au niveau des joueurs. Si ça n’avait pas plu aux joueurs, on aurait complètement arrêté, on aurait peut-être fait autre chose. (rires) Mais du coup le fait que les gens aient bien aimé globalement le jeu, enfin en ont vu un bon potentiel, avec ses défauts mais qui avait un bon potentiel, du coup ça nous a donné envie de continuer sur cette gamme de jeu.
Surtout qu’on a dès le départ pensé ce jeu comme une gamme orientée autour des mêmes thèmes avec un background un peu commun que tu découvres de fil en aiguille dans les différents jeux, même si chaque jeu est stand alone. Pour nous chaque itération essaie d’améliorer les différentes mécaniques et productions qu’on va pouvoir faire d’un jeu. Là je pense qu’on a re-franchi une étape et j’espère re-franchir une étape pour la prochaine itération.
- On sait qu’il y a quelques mystères autour de la série et qui sont plus ou moins liés. Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus, est-ce que ça va aboutir à quelque chose d’énorme ou quelque chose après ?
C’est aboutir à quelque chose d’énorme si on arrive à faire encore 2 ou 3 derrière de jeux Dead in quelque chose, parce que pour l’instant c’est un petit fil rouge. En fait sur ces îles tu vas rencontrer des personnages et retrouver le même type de personnages que t’as pu rencontrer dans Dead in Bermuda, donc les types bleus un peu chelou.
Dans le premier, ils étaient très étranges, et vraiment très peu, ils étaient tous un peu fous, et là ils sont un peu moins fous, ils en dévoilent un peu plus sur pourquoi ils sont là, qui sont ces gens etc. Et même si ça n’a pas vraiment d’influence énorme sur le gameplay global, c’est quand même plutôt un gameplay orienté sur la survie, sur la confrontation au quotidien
Mais oui, de fil en aiguille, j’aimerais bien que ça prenne de plus en plus d’importance et qu’on arrive à un épisode qui sera complètement centré sur ce mini-background, j’ai déjà une idée en tête d’un jeu que ça pourrait donner mais bon après il faut plusieurs itérations avant d’arriver à ce niveau-là.
- Est-ce qu’il y a des projets pour l’avenir si Dead in Vinland fonctionne, c’est tout ce qu’on souhaite, est-ce qu’à côté il pourrait y avoir un autre jeu en préparation ?
Là on va faire une petite pause parce qu’on en a un peu marre. (rires) On a déjà un projet en tête pour juste après Dead in Vinland qui n’est pas encore annoncé mais qu’on sait déjà qu’on va bosser dessus. C’est un peu différent, c’est plutôt du RPG tactique au tour par tour sans le côté narratif etc, peut-être un peu plus petit aussi. Voilà on va lancer ça, c’est une nouvelle licence, qu’on va essayer de développer cette année et l’année prochaine.
- D’accord, donc histoire de souffler un peu et éventuellement peut-être une présentation pour l’année prochaine alors ?
Oui carrément, j’aimerais bien qu’il sorte l’année prochaine, on verra bien. Pour l’instant, on est vraiment dans les prémices du truc mais on a déjà un bon truc sur papier assez excitant, assez cool.
- On va partir dans l’hypothétique : qu’est-ce que vous auriez aimé faire avec Dead in Vinland, quelque chose de plus grand, plus vivant, en 3D ? Imaginez que demain quelqu’un sonne à la porte, il lâche un gros sac de billets et vous avez une équipe prête derrière vous à vous suivre, qu’est-ce que vous feriez ?
Moi j’aimerais bien un jeu du style de XCOM, c’est aussi une des références pour nous en terme de jeu de stratégie au tour par tour avec une composante un peu meta-gestion et une composante confrontation, combat au tour par tour. Oui, si j’avais les moyens j’aimerais bien un truc comme ça, en 3D, avec de la customisation de personnages, avec un milliard d’embranchements dans les choix et tout ça, ça serait super cool. Peut-être une prochaine étape on verra bien. (rires)
- Dead in Vinland est un jeu qui se joue principalement sur PC, ne serait-ce que pour l’ergonomie, mais est-ce que, si c’est réalisable à l’avenir, une version console, PS4 Xbox One, voire pourquoi pas Switch et tablette avec le tactile, serait possible ?
Alors Bermuda on l’avait sorti sur tablette et mobile, là pour l’instant il n’y a rien de prévu mais selon le succès, si le jeu marche assez bien, c’est clairement quelque chose qu’on a envie d’envisager. On n’a pas envie de laisser tomber le projet tout de suite après la sortie, on a envie clairement de faire des DLC, de faire des portages sur consoles, on ciblerait plutôt consoles plutôt que mobile pour l’instant. Donc oui effectivement Switch et puis ce qui peut paraître possible, mais oui c’est carrément un truc qu’on a envie de faire.
- Vous avez parlé de DLC, est-ce que c’est une possibilité ?
En fait on était un peu frustré sur Bermuda parce qu’on n’a pas pu faire de DLC parce que le moteur et comment le jeu a été conçu était trop complexe pour qu’on puisse rajouter facilement des nouvelles choses. Donc là on a conçu le moteur et les personnages, pour faire en sorte qu’on puisse facilement rajouter un nouveau perso, une nouvelle zone dans la map, ce genre de chose.
Clairement c’est quelque chose qu’on a envie de faire, on a déjà pas mal d’idées sur des trucs supplémentaires qu’on pourrait faire. On fera du contenu gratuit et du contenu payant, c’est quelque chose que en tant que consommateur je trouve ça cool d’accompagner aussi les DLC de contenus gratuits, d’améliorations.
- Est-ce que vous auriez des conseils aux personnes qui commenceraient avec Dead in Vinland, car il n’est pas obligatoire de commencer par Bermuda, des conseils pour bien débuter ?
Accrochez-vous ! (rires) En fait, il faut accepter de perdre deux, trois fois pour vraiment comprendre les petites subtilités qui vont vous permettre de vous mettre dans des bons rails, et après ça va mieux. Je pourrais conseiller de faire bien attention à l’ordre des crafts, on a 150 crafts dans le jeu, et leur ordre est, surtout au début, assez important, pour vous mettre dans des bons rails, donc ça demande quelques parties avant de comprendre un peu qu’est-ce qui peut être vraiment critique dans la partie.
Après ce que je trouve cool c’est qu’on n’a pas un jeu linéaire, il y a pas mal d’événements aléatoires qui peuvent t’arriver sur la tronche genre la météo, il se met à pleuvoir pendant trois jours, alors du coup t’as plus trop besoin d’aller chercher de l’eau, mais pas contre tes mecs sont plus fatigués, plus déprimés, donc voilà t’es pas mal amené à réagir par rapport à ce que le jeu te balance à la figure. Donc il n’y a pas vraiment de stratégie optimale à avoir, mais y a des petits trucs, bref faut découvrir un peu le jeu.
- Est-ce que vous avez une petite information exclusive ou une anecdote de développement, quelque chose que vous voulez rajouter à toutes celles et ceux qui vont vous lire sur ActuGaming.net ?
A part la pseudo annonce d’un nouveau projet derrière. Ce qu’on a fait sur Dead in Vinland, on a tenu un petit blog de développement où on a un peu détaillé les différentes étapes de notre processus créatif, je pense qu’on réitérera ça sur nos prochains projets donc n’hésitez pas à nous suivre, on a ouvert un petit Discord aussi où on balance pas mal d’infos, des choses internes à la boîte, donc voilà n’hésitez pas à suivre ce prochain projet qui est tout nouveau pour nous, et je pense qu’on dévoilera des choses au fur et à mesure en mode un peu communautaire.
On remercie énormément Matthieu Richez pour son temps ainsi que toute l’équipe de CCCP pour leur accueil. Pour rappel, Dead in Vinland est disponible sur PC et Mac et l’on vous invite à regarder nos quelques conseils pour débuter.
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Date de sortie : 12/04/2018