Le studio Arkane est, depuis maintenant 15 ans, spécialiste dans une certaine vision du FPS. Ici exit les armes à feu, et bonjour aux armes blanches, pouvoir et rpg. Après Arx Fatalis, une première production plutôt sympathique, le studio planche pour Ubisoft pour produire un spin-off de Might & Magic. C’est sous le doux nom de Dark Messiah of Might & Magic que le jeu sort en 2006. Le titre vous propose d’incarner un apprenti magicien qui devra empêcher l’accomplissement d’une prophétie. Si la progression du jeu reste classique, on retiendra du jeu une réelle liberté d’action et une ambiance vraiment réussie. Après l’alléchant mais abandonné The Crossing, Arkane se met en route pour développer un nouveau titre, qui sera édité par Bethesda : Dishonored.
Le développement débute alors autour de 2009, avec la conception d’une équipe cinq étoiles, entre Harvey Smith et Ricardo Bare (Deus Ex), Viktor Anotov (Half-Life 2) ou encore des anciens de Arkane comme Raphael Colantinio et Sebastien Mitton. C’est avec cette équipe que le concept de Dishonored né. C’est d’ailleurs l’ensemble des pôles du studio, Lyon et Austin qui se mettent au travail sur le projet.
Si l’univers est tout d’abord imaginé dans le japon féodal, il a finalement été déplacé dans un monde plus européen, pour des raisons marketing. La ville de Dunwall est alors conçue comme une vision alternative de Londres et Edimbourg en plein boom technologique à la fin du 19e siècle. Les personnages quant à eux ont été inspirés par des ouvrages tels que Captain Blood de Rafael Sabatini ou les travaux d’illustration de Charles Dana Gibson. La musique quant à elle reproduit, également par son utilisation des instruments, des sonorités de cette époque. Il est intéressant de voir la cohérence de conception de l’univers, ce qui contribue au succès du titre et de sa réputation.
Si l’univers de Dishonored est clairement une force du jeu, son second atout est sans conteste son système de jeu. Utilisant la première vue, comme pour l’ensemble des productions du studio, le jeu s’est inspiré de Thief pour créer un véritable système d’infiltration fonctionnel et efficace, utilisant le système de vision en fonction de la lumière de l’environnement. Les pouvoirs sont également une des mécaniques importantes du jeu, et il est amusant de savoir que l’équipe de développement n’avait pas envisagé que l’on puisse autant combiner les pouvoirs pour effectuer certaines actions.
Le jeu est finalement sorti lors du mois d’octobre 2012 et a rencontré le succès que l’on connaît. Nous pouvons alors nous demander, après un tel jeu, comment réaliser et réussir une suite qui conserverait tous les bons aspects du premier, tout en renouvelant l’expérience.
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ToggleBienvenue, impératrice Emily
Se déroulant 15 ans après les événements du premier épisode, on retrouve donc Emily désormais jeune adulte et impératrice du coin. Corvo, héros du premier opus est devenu son bras droit et veille sur la jeune dirigeante. Un événement vous fera choisir d’incarner un des deux protagonistes qui partira à la recherche de l’autre mais en devant tout d’abord fuir Dunwall, et se rendre à Karnaca, ville d’enfance de Corvo. Elle ou il fera par la même occasion la rencontre avec l’outsider, qui lui proposera de retrouver les différents pouvoirs. L’Outsider est un personnage central dans l’univers de Dishonored, ainsi que le Grand Vide, véritable lieu du subconscient des personnages. Tout ce monde alternatif prend d’ailleurs une place assez importante, devenant une porte entre le présent et le passé.
L’histoire est ici racontée de plusieurs façons : tout d’abord grâce aux cinématiques in-game, des cinématiques dignes d’une bande dessinée animée, mais bien entendu par les différents livres, journaux et papiers que vous pourrez lire lors de votre aventure. Le jeu vous invite ainsi à vous créer votre histoire, car si la narration principale peut paraître un peu simple et manquant de rebondissement, c’est car il appuie son scénario dans les différents textes que l’on retrouve donc dans le jeu.
Si Dishonored premier du nom prenait place dans la ville de Dunwall, Dishonored 2 prend quant à lui place à Karnaca. Si l’univers du premier épisode était réussi, le choix de placer l’aventure dans une toute nouvelle ville est le meilleur choix qu’à pu faire Arkane. Le jeu étant construit de manière similaire que son aîné, vous découvrirez petit à petit chaque quartier de la ville. Entre les quartiers où petites rues et avenues s’entrecroisent aux édifices massifs, chaque recoin de la ville est fait avec un soucis du détail assez impressionnant. Nous avons eu un très gros coup de cœur pour l’architecture du manoir mécanique et son intérieur tout simplement bluffant et ses étages labyrinthiques.
Ce soin du détail est réellement ce qui fait la grande force de ce nouvel épisode de Dishonored. Plus qu’un simple épisode 1.5, on voit que du coté de l’univers et de l’ambiance, les quatre ans séparant les deux épisodes ont réellement servis au jeu. Karnaca fourmille de détails, et on s’amuse à chercher le moindre tableau à collectionner ou encore collecter les runes. On pourra cependant regretter, mais c’est un aspect qui est général aux FPS actuel, l’interface ingame du jeu. Si on comprend que pour une bonne partie du public, il est important de proposer des aides pour le joueur et diverses informations à l’écran.
Par contre, quand un jeu se veut proposer des niveaux ouverts, il nous paraît illogique que l’on nous guide avec un indicateur où aller. S’il est possible de désactiver toutes ces informations, il nous a semblés vraiment dommage de proposer autant d’aides, qui cassent l’immersion du jeu. Il y a de plus quelques incohérences qui, en début de partie, nous ont semblé assez étrange : si on comprend que le jeu demande au joueur de chercher les cartes des différents lieux, il aurait été plus judicieux de proposer dès le début la carte de Dunwall et du palais impérial. Que ce soit Corvo ou Emily, ils habitent à cet endroit et doivent connaître donc par cœur l’endroit. Si cela reste du pinaillage, cette dissonance ludo-narrative nous a un petit peu perturbés lors du début de partie.
Le Gameplay émergent, centre nerveux de Dishonored 2
Dishonored 2, tout comme son prédécesseur, est une véritable démonstration réussie du gameplay émergent. Le gameplay émergent, pour expliciter cette expression, il faut donc définir le terme. Lorsque que l’on crée le système de jeu on décide des différentes mécaniques mises en place. Ces mécaniques peuvent être soit imbriquées les unes dans les autres, donnant au joueurs un nombre limité d’interaction de gameplay. Cela permet aux développeurs de maîtriser de A à Z l’expérience du joueur. Le gameplay émergent quant à lui, laisse chaque mécanique de jeu indépendante en elle-même, c’est le joueur qui va se faire imbriquer différentes mécanique. Par exemple, c’est le joueur qui va décider de sauter puis utiliser le pouvoir de téléportation, mais s’il le décide, il peut effectuer indépendamment chaque action.
C’est ce qui fait la force du système de jeu de Dishonored et de sa suite, donner au joueur toutes les cartes en main pour forger son expérience de jeu. Pour contribuer d’ailleurs à cette liberté, chaque niveau de jeu a été développé en collaboration entre un level designer et un architect designer, permettant de penser un niveau de jeu de la façon la plus libre possible. On a vraiment l’impression d’intervenir dans un monde véritablement existant, et complètement cohérent.
Chaque expérience sera donc unique, et il est très plaisant de pouvoir discuter entre joueur de nos différentes expériences de jeu : un copain va préférer sauter de bâtiment en bâtiment, en tuant sauvagement les gardes, tandis qu’un autre va préférer une approche beaucoup plus discrète, en utilisant par exemple le pouvoir du domino permettant de relier plusieurs ennemis proches entre eux, et permettant au joueur d’assommer plusieurs ennemis simultanément. On peut ainsi effectuer de véritable combinaison ravageuse, comme invoquer des rats sur un ennemi qui aura été auparavant relié grâce au domino avec d’autres adversaires pour rendre une place libre de passage.
C’est dans ces situations que l’on voit l’utilité et l’efficacité du gameplay émergent, car il nous permet de créer toutes sortes d’actions inédites, en utilisant tout ce qui est à notre portée. En parlant des pouvoirs d’ailleurs, en fonction du protagoniste que vous incarnez, vos pouvoirs seront différents. Ce sont véritablement deux visions de jeu qui s’opposent : si vous voulez vraiment calculer vos moindres attaques, corvo sera là pour vous, Emily vous permettra de son coté d’effectuer des éliminations plus massives. Si vous restez libres de jouer comme vous le sentez, les pouvoirs sont véritablement différents entre les personnages et on voit réellement qu’ils ont été pensés comme étant opposés, permettant une grande rejouabilité du jeu. Un New Game + a de plus été annoncé, promettant aux fans de passer de nombreuses heures à essayer toutes sortes d’approches. Il est d’ailleurs possible d’effectuer le jeu dans sa totalité sans aucun pouvoir.
Il vous faudra vous creusez les méninges, tout d’abord pour penser les différentes situations, et éviter les pièges, le surnombre d’ennemis, en cherchant le meilleur itinéraire. Mais vous vous retrouverez face à de réelles énigmes, qu’elles soient architecturales, où vous devrez vous retrouvez dans les méandres d’un véritable manoir, ou même des énigmes ayant une construction classique. On se rappellera de l’énigme de Poussièreville qui nous aura fait sortir notre papier et notre stylo pour la résoudre.
Corvo, du haut de son balcon
Dishonored 2, porte tout de même son numéro pour une raison, il est la suite de son aîné, et on le reconnaît d’ailleurs au premier coup d’œil de n’importe quelle image du jeu. Que ce soit cette patte graphique, inspirée de la Bande dessinée, cet univers sombre, et cette évolution constante de son univers. Il est important de dire que Dishonored 2, tout comme son prédécesseur, voit son monde évoluer selon vos actions. En effet, le chaos est une notion toujours présente dans cet épisode, et donne une véritable impression que le joueur est vraiment acteur de son propre jeu, il le modifie même inconsciemment et c’est une véritable force du jeu, car il vous donne ainsi des choix, qui dirigent votre expérience, sans vous les montrer devant vous. Le jeu vous force ainsi à assumer vos propres actions et erreurs, et vous propose ainsi une véritable expérience unique. On est plutôt impatient de débuter ainsi un New Game +, en espérant que le jeu repartira également sur les bases de chaos de votre fin de partie, ce qui nous permettrait de réellement voir jusqu’où la ville peut-elle sombrer.
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