Dustborn : Ragnar Tornquist, Game Director, répond à nos questions sur l’univers étonnant de ce jeu édité par Quantic Dream Spotlight
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Rédigé par Florian
L’AG French Direct c’est certes une conférence dédiée aux jeux français et francophones, mais cette année, nous avons décidé de varier les plaisirs en invitant à la fête des jeux développés à l’international mais édités par des éditeurs français. Parmi cette sélection, nous retrouvons notamment Dustborn, un jeu à la patte artistique étonnante mais au concept ludique basé sur les mots qui semble suffisamment intriguant pour que l’on s’y attarde un peu. Et justement, le Game Director du jeu, Ragnar Tornquist a accepté de répondre à nos questions pour rentrer plus en détails sur différents aspects de ce jeu attendu pour le 20 août 2024 sur PC et consoles de nouvelle génération.
Dans le trailer présenté à l’AG French Direct, nous découvrons nos personnages en plein road trip à travers une version alternative des Etats-Unis d’Amérique. Mais leur voyage ne sera pas de tout repos puisqu’ils feront la rencontre de l’une des menaces du jeu, l’Axiome, aussi appelée la Vérité Absolue. En marge de la présentation de ce nouveau trailer, nous avons donc eu le privilège d’interviewer Ragnar Tornquist, qui nous révèle ce qu’il faut savoir sur Dustborn avant sa sortie cet été.
Sommaire
ToggleUne poussière dans l’œil
- ActuGaming : Bonjour et tout d’abord, merci pour cette interview ! Pouvez-vous rapidement vous présenter et nous expliquer quel est votre rôle sur le jeu ?
Ragnar Tornquist : Bonjour ! Je porte plusieurs casquettes sur ce projet. Je suis principalement Game Director, mais j’écris aussi de temps en temps. C’est honnêtement ce que j’apprécie le plus, surtout que je travaille avec de super doubleurs qui donnent vie au casting varié de personnages. J’ai hâte que vous les rencontriez !
- Pouvez-vous en quelques mots décrire l’histoire de Dustborn ? Quel en est son concept ?
Vous jouez Pax. Avec votre bande de meilleurs amis, vous volez quelque chose de très important venant de personnes malintentionnées, et vous avez besoin de transporter cette chose à travers l’Amérique du Nord, de la côte Ouest à la côte Est. C’est un road trip ! Avec de l’action ! Et de la comédie ! Des sentiments ! Qui se déroule dans une histoire alternative de l’Amérique !
- Dustborn est donc un road-trip uchronique, se déroulant au sein des Etats Désunis d’Amérique. Que pouvez-vous nous dire sur cet univers et cette réalité alternative de notre monde, sans en dévoiler trop bien entendu ?
Notre univers est une version alternative du monde réel, qui prend un tournant en 1963 quand le président Kennedy survie à une tentative d’assassinat à Dallas, au Texas. Dans cette version de l’histoire, Jackie, la femme de JFK, s’est faite tuée. À la suite de cette tragédie, Kennedy a mis en place Justice, une nouvelle division de sécurité intérieure, et mène alors les Etats-Unis vers une période de prospérité et d’avancées technologiques – comme les robots !
Malheureusement, après la mort du président Kennedy au début des années 80, Justice s’est transformée en une force de police autoritaire, ce qui a ainsi mené à la dissolution de l’Union. Dans les années 2000, quelque chose de vraiment mauvais est arrivée – une mystérieuse apocalypse de désinformation a affecté des millions de personnes, et créé ce qu’on appelle les Anormals : des personnes qui ont la particularité d’utiliser les mots pour affecter les autres. Les Anormals sont des hors la loi et sont recherchés, car Justice ont peur de ce qu’ils peuvent faire de la langue. Mais il s’avère que Justice dispose de ses propres plans pour utiliser la langue et contrôler les gens…
Il y a bien plus que cela, bien sûr, vous avez l’occasion de creuser plus loin dans l’histoire de ce monde au fur et à mesure du road trip à travers le continent, avec votre équipe – mais l’histoire s’appuie davantage sur les personnages, leurs relations, leurs espoirs et leurs rêves. Ce monde plante le décor, mais n’est pas le sujet principal du jeu. C’est une histoire qui s’articule autour des amitiés, des relations, et de comment les mots affectent et changent les gens autour de vous.
Personnages et Gameplay
- Notre équipe semble être composée de plusieurs membres tous différents et aux pouvoirs hétéroclites. Aurons-nous des choix à effectuer pour la composition de notre équipe ?
Votre équipe s’agrandit avec le temps, passant de 4 (au début) à 10 membres à la fin du jeu – et vous avez l’occasion d’apprendre à connaître leurs histoires au fil de l’aventure. Mais il s’agit surtout d’une histoire sur comment les 4 premiers membres s’adaptent aux personnalités des nouveaux membres et gèrent les conflits qui peuvent naître lors de l’élargissement de l’équipe.
- Une des particularités des combats de Dustborn réside dans le fait de provoquer divers combos en appuyant sur les bonnes touches au bon moment pour bloquer ses adversaires ou infliger des dégâts. Aurons-nous droit à d’autres variétés de gameplay de ce style ?
Oui ! La mécanique est un fil rouge (Red Thread en anglais, vous voyez le jeu de mot ?) tout au long du jeu — combats, concerts, et quelques secrets que nous avons encore à dévoiler… Cela relie les choses ensemble d’une manière qui doit être ressentie comme consistante et accessible. Nous avons fait beaucoup de tests pour mener à bien cette mécanique, en espérant que nous ayons trouvé le bon équilibre entre défi et accessibilité. Thématiquement, cela devrait faire sens lorsque vous arrivez à la fin du road trip.
- Pour tenter de se frayer un chemin à travers le pays, la troupe se fait passer pour un groupe de musique rock. Ces séquences rythmiques semblent être au cœur du gameplay mais auront-elles un quelconque impact sur notre aventure ? On pense notamment au cas où celles-ci seraient ratées par exemple ?
Les concerts que vous donnez influencent l’histoire – mais vous n’avez pas besoin d’être excessivement bon pour progresser. Vous pouvez faire semblant d’être un mauvais groupe de musique, et quand même pouvoir avancer dans le jeu. Soyez simplement prêts à être hués par le public… et vous ne gagnerez probablement pas la Battle des Groupes ! Mais à part ça, si vous êtes mauvais aux jeux de rythme et d’action, ne vous en faites pas : vous ne resterez pas coincés dans le jeu.
- Dans Dustborn, le choix des mots sera primordial puisque nos mots pourront devenir des armes et pouvoirs, tandis que l’on pourra choisir nos réponses afin d’influer sur nos relations avec autrui. Pourquoi un tel choix artistique ?
Je trouve personnellement que nous vivons dans un monde où les mots ont des pouvoirs – enseigner, informer, manipuler, blesser… Je le constate particulièrement dans la manière dont les réseaux sociaux sont devenus une source d’information ; je pense que nous avons tous l’impression que nous ne pouvons plus faire confiance en ce qu’on lit, voit, entend… et c’est parfois difficile de distinguer le vrai du faux, la désinformation de la mésinformation.
Nous avons décidé de raconter une histoire sur un monde où la langue est encore plus puissante, où les mots peuvent servir d’armes, et où les groupes de personnes – appelés Anomes – ont le pouvoir de transformer des mots en réalité, présentés comme de véritables super pouvoirs. C’est une parabole, une fable, puisque ce n’est pas réellement à propos de notre monde, mais à propos d’un qui peut, peut-être, faire réfléchir les joueurs sur le rôle de la langue dans leur propre monde – et à comment tout ce qu’on dit peut affecter les gens, d’une manière positive comme négative.
Structure du jeu
- Utilisez-vous de la génération procédurale pour constituer le road-trip, les 12 arrêts annoncés mais aussi la disposition des niveaux (comme cela a pu l’être pour Road 96 par exemple) ou cela est-il plutôt linéaire ?
C’est une histoire linéaire où les joueurs vont tous visiter les mêmes lieux. Les choix que vous faites tout au long du jeu influent sur les personnages et les relations, mais pas sur la route que vous prenez pour traverser l’Amérique. Il n’y a pas de génération procédurale : chaque arrêt sur le chemin est authentiquement créé, avec sa propre histoire – un peu comme des épisodes d’une série télévisée – et beaucoup, beaucoup de surprises. Vous pourriez passer d’un chapitre centré sur les dynamiques familiales et les fratries perdues de vue, à un chapitre où vous explorez un environnement postapocalyptique effrayant, hanté par des monstres transformés biologiquement.
- Vous voyez venir notre prochaine question : est-ce-que Dustborn sera largement rejouable en réservant des surprises aux joueuses et joueurs sur le déroulement des faits, même par la présence d’un New Game + ? Par ailleurs, combien de temps durera l’histoire de Dustborn ?
Il y a des choix et des conséquences tout au long de l’aventure, qui affectent l’état émotionnel de l’équipe et qui changent votre manière de faire face à certains challenges et puzzles – avec de multiples fins pour chaque personnage central au récit – mais il n’y a pas de « New Game + ». Ce serait sûrement intéressant de rejouer à un jeu depuis le début, où les détails changent, mais ce n’est pas un jeu où l’histoire principale s’embranche en une dizaine de directions différentes. Nous racontons une histoire, et vous jouez un rôle sur votre manière de la vivre.
Le temps de jeu est d’environ 12-20 heures, selon à quel point vous souhaitez explorer les différents lieux et les relations. Il y a beaucoup à découvrir ! Mais vous pouvez aussi sauter beaucoup d’exploration et de développement des personnages, si vous souhaitez vous concentrer sur l’histoire et l’action.
- Quel a été votre focus depuis les premières présentations ? Comment voyez-vous la partie des affrontements, comme quelque chose d’assez récurrent ou plutôt secondaire ?
Il n’y a pas beaucoup de combats dans le jeu, mais il s’agit tout de même d’un élément important de l’histoire, et même si vous décidez de sauter quelques combats et de conserver un niveau de difficulté bas dans vos réglages, ils doivent être fun et entraînants – nous avons alors ajouté des éléments comme la mise à jour de la batte (vous transportez une batte magnétique volante super cool !) et les « Shouts » qui peuvent être transformés en… Bon, je ne vais pas spoiler cette partie-là. Mais les combats sont (nous l’espérons !) une partie fun et entraînante du jeu qui s’appuie sur l’atmosphère colorée d’un comics, et qui procure de l’excitation, de l’action et du danger aux bons moments – entre la construction de toutes les relations, des puzzles et de l’exploration.
- Vous nous confirmez également que le jeu sera uniquement jouable en solo sans possibilité de varier les plaisirs à plusieurs ?
Non, mais Dustborn est parfait comme expérience à partager sur un canapé avec quelqu’un. C’est une histoire entraînante, il y a beaucoup de dialogues (tous complètement doublés), des choix à faire… C’est un jeu auquel vous pouvez jouer avec un partenaire, un ami, un membre de votre famille, au lieu de regarder une série par exemple !
Une direction artistique de haute volée
- Parlons maintenant de ce grain artistique très assumé et très reconnaissable, puisque vous utilisez un rendu très proche de la bande dessinée, allant de la colorimétrie à la présence de bulles de dialogues et autres onomatopées bien caractéristiques. Il s’agit d’un choix ambitieux et qui tranche avec ce qui se fait le plus généralement. Pouvez-vous nous parler de la genèse de cette direction artistique très singulière ?
Nous sommes de grands fans de comics ! Depuis le début nous voulons donner vie au langage des comics et faire un jeu qui ressemble et qui est joué comme rien d’autre auparavant. Cette inspiration ne se trouve pas uniquement dans l’art ou dans l’interface, mais aussi dans les mécaniques de jeu et la narration : c’est un comic book jouable, et je pense que les joueurs qui ont lu et aimé des comics sentiront cette influence au fil de l’expérience – et l’apprécieront. Mais même si vous n’aimez pas les comics, vous pourrez sans doute profiter de l’apparence et des ressentis laissés par Dustborn ; c’est unique et original, et nous sommes très heureux de cette direction artistique.
- Dustborn a été annoncé il y a près de 4 ans et a depuis fait parler de lui notamment pour votre partenariat avec Quantic Dream, qui éditera le jeu via son label Spotlight. Que pouvez-vous nous dire sur cette alliance ?
C’est une expérience d’apprentissage ! En tant que studio, nous sommes habitués à développer et publier nos propres jeux, mais Dustborn était un projet trop gros et ambitieux à porter seuls. Nous avons signé avec Quantic Dream parce que, comme nous, c’est un studio qui se concentre sur le narratif et ils ont d’autant plus compris le jeu que nous faisions. En même temps, nous travaillons de manière très différente – Red Thread est, bien sûr, un petit studio ; ici, tout le monde présente son propre avis et porte plusieurs casquettes – ce qui a mené à une dynamique intéressante qui nous a aidés à remettre en question des décisions en termes de design et de processus.
Nous avons appris beaucoup, et le jeu s’est amélioré grâce à cette collaboration – mais dans la finalité des choses, c’est un jeu Red Thread, et Quantic Dream s’est toujours montré comme soutien. Ils ont été là pour nous encourager et nous guider, mais ils ne nous ont jamais imposé quoi faire. Ce que vous voyez et ce à quoi vous jouez représente, de A à Z, la vision de l’équipe !
Le mot de la fin
- Comme le veut la tradition chez ActuGaming, avez-vous une anecdote ou une histoire insolite à raconter ? Quelque chose qui vous a marqués ou une anecdote de développement sur le jeu ? Faites-nous sourire !
Vous seriez peut-être surpris, mais la majeure partie du développement du jeu est peu dramatique ! Ce qui nous marque arrive généralement quand nous laissons le jeu aux joueurs et joueuses, pour voir leurs réactions, ou (dans mon cas) quand je travaille avec les acteurs dans le studio. C’est une chance de pouvoir prendre de la distance par rapport au travail que vous faites tous les jours – même si ce travail au jour le jour est créatif, épanouissant et fun, aux côtés des personnes les plus intelligentes et gentilles avec qui j’ai eu la chance de travailler.
Certains des moments les plus mémorables viennent de l’organisation des playtests au sein de notre studio, chose que nous essayons d’organiser de manière régulière lors des débuts du développement du jeu. Cela peut faire peur, de laisser des personnes extérieures mettre la main sur des premières versions du jeu, mais c’est toujours utile – même quand les retours sont négatifs. Je me souviens d’une des premières sessions externes, à faire tester le système de combat, quand il était évident que les joueurs et joueuses n’avaient pas compris la boucle de gameplay de base – à essayer de comprendre ce qui n’allait pas et comment nous pouvions y remédier.
A mes yeux, même si cela peut être frustrant, c’est ce que j’aime le plus à propos du développement de jeux : faire face à un problème, trouver comment y remédier, trouver une possible solution, et procéder aux changements nécessaires… pour ensuite le faire tester à nouveau par un nouveau groupe de joueurs et joueuses. Après beaucoup, beaucoup d’itérations, vous finissez par obtenir un meilleur jeu – Et malgré tout, à la fin, vous avez volontiers envie de tout recommencer !
- Et pour finir, un dernier mot pour nos lectrices et lecteurs ?
Dustborn est probablement comme aucun jeu auquel vous avez pu jouer avant, alors donnez-lui sa chance – il y a probablement quelque chose que vous apprécierez, même si vous ne jouez pas aux jeux narratifs habituellement !
Découvrez tous les jeux de l'AG French Direct sur SteamNous remercions chaleureusement Ragnar d’avoir répondu à nos questions concernant Dustborn dont la sortie est prévue sur PC, PlayStation 5 et Xbox Series X/S cet été, plus précisément le 20 août prochain. N’oubliez pas de wishlister le jeu ou même de le précommander sur tous vos stores habituels pour soutenir les équipes dans les semaines nous séparant de la sortie du jeu.
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Date de sortie : 20/08/2024