Echoes : 10 ans après la sortie initiale du visual novel mystérieux, Geoffroy Vincens, l’un des développeurs de Nova-Box répond à nos questions
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Rédigé par Florian
Pendant l’AG French Direct, nous avons la chance découvrir une tonne de jeux de types divers allant du roguelite au jeu d’action, en passant par le jeu de réflexion mais aussi les visual novels. C’est cette dernière catégorie qui nous intéresse ici avec la présence remarquée de Echoes dans l’édition de cette année. Geoffroy Vincens, l’un des développeurs du studio bordelais Nova-Box a accepté de répondre à nos questions, alors que le jeu vient de sortir pendant la conférence, pour nous en dire plus sur cette partie de l’histoire du studio, dix ans après la sortie initiale du titre.
De mystérieuses choses de déroulent dans la ville américaine de Greenhearth : un meurtre, des disparitions, des événements étranges, il vous faut mener l’enquête. Entre leçons apprises des précédents jeux publiés, évolutions majeures apportées à Echoes et shadow drop, Geoffroy Vincens de Nova-Box nous explique à quel point il était important de ressortir leur première œuvre dix ans après une sortie sur mobile exclusivement, cette fois sur PC et Nintendo Switch, et disponible dès maintenant.
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ToggleL’écho du renouveau
- ActuGaming : Bonjour et bienvenue ! Merci pour cette interview qui nous permettra de compléter la couverture du retour de Echoes suite à l’AG French Direct. Pourriez-vous vous présenter et nous indiquer votre rôle chez Nova-Box et sur le jeu ?
Geoffroy Vincens : Bonjour et merci pour cette opportunité de vous parler de notre nouveau jeu ! Je suis Geoffroy Vincens, associé et auteur chez Nova-box. Sur Echoes, je me suis occupé principalement de toute la partie narrative. Ce travail consiste à rédiger l’ensemble des textes et dialogues (pas loin de 100 000 mots en l’occurrence) et à intégrer les illustrations, les textes et la logique narrative dans notre moteur maison.
- Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas du tout Echoes, pourriez-vous le présenter et expliquer en quelques mots son synopsis et le but premier de son histoire ?
Echoes un jeu d’aventure dans la galaxie de la visual novel avec des séquences de recherche d’indices assez « light ». Pour ce qui est du scénario, vous incarnez Ricky Fox, un détective qui enquête sur le décès de son meilleur ami, disparu dans des circonstances étranges dans une petite ville du Nord-Ouest des États-Unis. Au fur et à mesure qu’il remonte les différentes pistes d’investigation, notre protagoniste se rend compte que la petite ville rurale d’apparence tranquille dans laquelle s’était installé son ami, cache en fait un terrible secret, ce qui fait petit à petit basculer le ton du récit du pastiche de film noir vers l’horreur cosmique.
- Echoes revient donc cette année dans une édition complètement remaniée : script réécrit, musiques réorchestrées, magnificence visuelle, le travail semble avoir été titanesque. Pouvez-vous nous parler de cette volonté de ne pas simplement proposer un portage « dans son jus » ?
Lorsque nous nous sommes replongés dans Echoes, nous nous sommes rapidement rendu compte du gouffre qu’il existait en termes de qualité entre ce premier jeu et nos productions ultérieures, à l’aune de plus de dix ans d’expérience dans le domaine. Par ailleurs, un portage « dans son jus » comme vous dites, n’était pas réellement possible, le code source de la version initiale n’était plus du tout compatible avec les évolutions de notre moteur, il fallait quoiqu’il arrive que nous réécrivions entièrement les scripts.
Nous avons donc gardé uniquement ce que nous pensions être les forces du projet, c’est-à-dire d’un côté l’histoire et les personnages que Frédéric Lignac, co-auteur du jeu initial, avait créés pour nous, et de l’autre une partie des illustrations et la direction artistique. La bande-son, quant à elle, a été remastérisée et augmentée par nos confrères et amis du collectif Illustrason. Pour ce qui est du texte et de la logique narrative, il aurait été probablement plus long d’essayer d’en sauver une partie plutôt que de tout reprendre de zéro, ce qui m’a permis au passage de consolider et de peaufiner de nombreux détails du scénario.
- Pouvons-nous d’ailleurs nous attendre à des changements ou nouveautés, tant au niveau de l’histoire (notamment par rapport au nombre de fins disponibles) ou du gameplay à proprement parler qui doit désormais s’adapter à d’autres contrôleurs ou tailles d’écran, plutôt qu’un simple écran tactile ?
Nous avions envisagé dès le départ la possibilité de porter un jour le jeu sur PC, ce qui fait que nous avions déjà à notre disposition des assets visuels de suffisamment bonne résolution et au format paysage (sachant que le jeu mobile était au format portrait). Le portage a donc été assez évident techniquement, et les joueurs qui se souviennent du jeu d’origine ne devraient pas être trop dépaysés visuellement.
Pour ce qui est de l’histoire, nous sommes restés fidèles autant que possible à la proposition originale. Nous avons vraiment eu à cœur de ne pas dénaturer notre vision initiale, juste de tenter d’en proposer la meilleure version que nous pouvions.
Il faut noter qu’il s’agit avant tout d’un jeu d’enquête, avec, du coup, moins de variations et d’embranchement narratifs que dans les autres jeux de notre catalogue, mais on y trouve déjà les prémisses des concepts que nous avons continué à explorer et à développer par la suite, avec notamment un épisode final qui pourra s’avérer assez différent d’un joueur à l’autre, selon les choix réalisés tout le long de l’aventure. Echoes est un jeu avec un « twist » scénaristique, je ne peux donc pas vous en dire plus sans risquer de gâcher la surprise. Si cela vous intrigue, il faudra que vous en fassiez l’expérience par vous-mêmes.
- Echoes a pour particularité d’être divisé en 5 chapitres avec chacun une identité visuelle et artistique différente, allant des nuances de gris au noir et blanc jusqu’à l’aspect que vous qualifiez de « technicolor » pour l’ultime épisode. Pour quelle raison avoir voulu à ce point faire évoluer l’aspect visuel et pourrons-nous retrouver ce traitement dans cette nouvelle version d’Echoes ?
L’idée était d’accompagner visuellement la dégradation de l’état mental du narrateur au fur et à mesure qu’il sombre dans la folie. Le concept étant assez unique, nous l’avons évidemment gardé tel quel dans cette nouvelle version. Ça fait partie, je pense, des plus grandes réussites de ce projet. Quant à l’épisode en « technicolor », il y a bien sûr une justification narrative à sa présence, mais j’ai bien peur de ne pas pouvoir vous en dire beaucoup plus sans révéler un moment charnière de l’intrigue…
Faire Echo au passé
- Voilà 10 ans que Echoes est sorti sur mobiles. Pour fêter ce dixième anniversaire, vous avez décidé de proposer au public un remake de cette première expérience désormais sur PC/Mac/Linux et Nintendo Switch. Question toute simple : pourquoi avoir choisi de ressortir cette version remakée de votre jeu ?
La première mouture d’Echoes est effectivement sortie uniquement sur mobile et n’avait pas trouvé son public à l’époque. Comme il s’agissait de notre premier jeu, nous avons évidemment fait plein d’erreurs, mais nous avons toujours eu une certaine tendresse pour ce projet et ces personnages. Nous étions persuadés que dans d’autres circonstances, Echoes aurait pu avoir sa chance de briller. Par ailleurs, il était devenu difficile de maintenir le code source initial et le jeu était sur le point de disparaître totalement des plateformes, ce qui nous rendait un peu tristes, parce qu’une partie importante de l’histoire du studio allait être définitivement perdue. C’est ce qui nous a motivés à nous repencher dessus, ne serait-ce que dans un souci de préservation dans un premier temps.
- Depuis la sortie de Echoes, Nova-Box a été particulièrement prolifique avec pas moins de 4 jeux sortis en 10 ans à savoir chronologiquement Along the Edge, Seers Isle, Across the Grooves et End of Line, avec toujours pour volonté de proposer des romans graphiques qui sortent un peu du lot, notamment en y incluant parfois des éléments surnaturels. Pourquoi ces choix ?
Nous avons fait le choix très tôt de ne pas rentrer dans une logique de croissance mais au contraire de rester sur des projets de taille raisonnable (un jeu Nova-box implique en tout une grosse dizaine d’intervenants), pour avoir justement la liberté de proposer des expériences vraiment personnelles et on l’espère, assez originales par rapport au reste du paysage vidéoludique. Notre volonté a été également de constituer un catalogue de jeux narratifs avec des consonances communes, c’est pour cela que nous essayons de nous cantonner à des cycles de production courts. Si vous avez aimé un de nos jeux, il y a de bonnes chances que vous appréciiez également les autres.
Ceci étant dit, chacune de nos productions a quand même ses spécificités. Along the Edge emprunte beaucoup au roman fantastique du XIXème siècle (à la Maupassant ou à la Edgar Alan Poe) dans lequel le doute sur le caractère surnaturel du récit est toujours permis et pourrait bien être le fruit de la subjectivité de la narratrice. Seers Isle est un récit tragique de pagan folk initiatique avec des éléments de low fantasy. Across the Grooves, s’il intègre une partie des codes du réalisme magique, est avant tout une lettre d’amour à la musique psychédélique et à l’univers des disquaires et des collectionneurs de disques. Quant à End of Lines, c’est un récit d’anticipation humaniste sur la fin de notre espèce et la catastrophe climatique à venir.
- Parlez-nous de la genèse de Echoes. Comment s’est passé le développement à l’époque ? Comment s’est construite la ville de Greenhearth, mais aussi les différents personnages dont Ricky Fox, l’enquêteur de l’aventure ?
Le développement a été pour le moins chaotique ! Après trois ans de sous-traitance sur des jeux Nintendo DS entre 2007 et 2010, nous essuyions les retombées de la crise économique mondiale de 2008. Lorsque nous nous sommes lancés dans Echoes fin 2012, cela faisait pas loin de deux ans que le studio était en mode « survie » et avait dû totalement abandonner le jeu vidéo pour se recentrer sur du développement d’applications mobiles. Nous avons d’abord lancé ce projet dans nos creux de production, avec un planning de sortie des épisodes très erratique et parfois des pauses forcées de jusqu’à six mois dans le développement. Nous avons publié le dernier épisode en 2015, puis nous avons enchaîné avec Along the Edge et nos jeux suivants, forts de l’expérience que nous avions acquise sur Echoes et avec des moyens plus conséquents notamment grâce aux aides que nous ont octroyées la région Nouvelle-Aquitaine et le CNC.
Pour ce qui est de l’histoire en elle-même, nous avons collaboré avec Frédéric Lignac, qui a été l’origine du scénario, de l’univers et des personnages. Nous étions tous de grands admirateurs de l’œuvre de David Lynch (en particulier Twin Peaks), de Lovecraft, de la bande-dessinée franco-belge et des romans graphiques de Frank Miller (Sin City). C’est dans ces références que nous sommes allés puiser notre inspiration pour Echoes.
- Question certainement un peu plus difficile maintenant : si c’était à refaire aujourd’hui, quel aspect, quelle décision changeriez-vous pour proposer Echoes au public pour la première fois ?
Les erreurs sont malheureusement toujours bien plus faciles à déceler a posteriori. Il va sans dire que nous avons beaucoup appris de ces erreurs et je pense que cet échec était certainement un passage obligé pour le studio. Déjà, la plus grande erreur « de débutant » que nous avons commise a été de sous-estimer les efforts de communication nécessaires pour espérer tirer notre épingle du jeu. Nous pensions naïvement qu’il nous suffirait de sortir le jeu et que le bouche-à-oreille prendrait le relais comme par magie. Nous savons maintenant que ce n’est pas du tout comme cela que ça marche.
Je pense également que nous nous sommes trompés de plateforme et de modèle économique. Le format épisodique était probablement une erreur, nous avons eu beaucoup plus de succès par la suite avec un modèle premium et un prix de vente comparable à celui d’un album de bande-dessinée. Après, difficile d’avoir des regrets : il faut se rappeler qu’à l’époque Steam n’était pas du tout ouvert aux indés et des plateformes de vente telles que itch.io ne sont apparues que plus tard. La Nintendo Switch, elle, n’est arrivée qu’en 2017. Au final, nous avons fait ce que nous pouvions avec nos maigres moyens, mais ça nous a donné l’élan et l’expérience nécessaires pour faire mieux par la suite.
Let’s Shadow drop !
- Surprise, vous avez choisi l’AG French Direct pour faire une sortie surprise, un shadow drop comme on dit, concernant Echoes qui est donc disponible depuis la fin de la conférence sur PC/Mac/Linux et Nintendo Switch. Est-ce excitant de proposer son jeu de cette manière, ou au contraire terriblement stressant et qu’attendez-vous de cette sortie surprise ?
C’est toujours très stressant de sortir un jeu ! Pour le choix d’une sortie en « shadow drop », on a profité de la ressortie d’Echoes pour tester ce format, et on espère que ce sera un succès et que ce partenariat nous donnera suffisamment de visibilité pour compenser les wishlists que nous aurions pu récolter avec un cycle de promotion plus classique (les wishlists ou “liste de souhaits” sont un des indicateurs les plus importants pour l’algorithme de mise en avant de Steam). À ce stade de l’aventure, il ne nous reste plus qu’à croiser les doigts !
- Avant de terminer, nous aimerions vous demander si vous avez une anecdote ou une histoire insolite à raconter sur Echoes ? Quelque chose qui vous a marqué ou une anecdote de développement sur le jeu, que ce soit à l’occasion de ce remake ou même de sa sortie originale ?
Fun fact : cela fait des années que l’on se dit qu’on aimerait bien faire d’autres jeux avec la direction artistique de l’épisode quatre, qui adopte un style visuel en pur noir et blanc sans niveau de gris ni d’outline, parce que c’est à la fois très classe et assez rapide à produire, mais on a jamais osé parce qu’on pense que c’est difficile de convaincre les joueurs avec ce genre de direction artistique.
- Et enfin, un dernier mot pour nos lectrices et lecteurs ?
Merci pour vos questions, et merci aux lectrices et lecteurs de nous avoir lus. J’espère que cet entretien aura attisé votre curiosité, et que vous sauterez le pas pour vous essayer à Echoes ou à une autre de nos histoires interactives ! Le jeu est disponible sur Nintendo Switch et sur Steam, ainsi que d’autres revendeurs de confiance au moment où vous lisez ces lignes, il a bien sûr été optimisé pour le Steam Deck et se lancera sans problème sur n’importe quelle machine capable de faire tourner Windows 10.
Nous tenons à remercier chaleureusement Geoffroy Vincens et toute l’équipe de Nova-Box pour leur confiance concernant le lancement de Echoes jumelé à l’AG French Direct, et nous leur souhaitons bonne chance pour ce nouveau départ concernant leur tout premier projet, disponible dès maintenant sur PC via Steam et Nintendo Switch.
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Date de sortie : 29/05/2024