L’E3 ne mérite plus son importance
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Rédigé par Doodz
L’E3 2021 a fermé ses portes il y a quelques jours et il est donc temps de faire un bilan à chaud de la pertinence de ce salon qui semblait plus que jamais inexistante. Je vous propose donc un petit édito qui, promis, n’est pas sponsorisé par mon sel provoqué par les conférences décevantes.
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ToggleLe cas 2021
Il serait malhonnête de prétendre que cette édition 2021 de l’E3 était représentative de l’évènement dans son ensemble. La conséquence la plus évidente du COVID sur le salon est l’absence d’événement physique. Le rassemblement de l’industrie est le but même du salon donc difficile de se trouver une nouvelle place quand notre fonction n’est pas possible.
Mais cela a aussi un impact pour les jeux, le télétravail et la circulation difficile des devkits ont considérablement ralenti les développements. Les projets ont donc pris du retard ou sont moins certains de respecter leurs fenêtres de sorties. Communiquer est un pari plus risqué en ce moment, ce qui explique les annonces moins nombreuses, surtout pour les triples A.
Pourquoi l’E3 ?
L’E3 a été créé en réaction au salon CES, dédié à l’électronique et aux nouvelles technologies. Au début des années 90, les constructeurs et les éditeurs de jeux vidéo n’étaient pas réellement reçus avec les honneurs. Devant tant de dédain, ils ont décidé de s’allier pour faire leur propre événement du même type, mais réservé à leur industrie.
Il ne s’agit pas d’une exposition publique mais d’un rassemblement orienté business. Le but est de présenter les nouveaux produits aux revendeurs, pour qu’ils passent commande des différentes consoles et jeux. Et la presse est conviée pour communiquer sur ces nouveautés et ainsi créer de l’attente qui déboucheront sur l’achat des produits.
Le souci de Walmart (Canada)
Le premier souci de l’E3 moderne est donc situé au niveau des revendeurs. Un nombre incalculable de boutiques indépendantes ont fermé ou se sont faites racheter par des chaînes. Il ne reste guère que Gamestop et les géants de la distribution tels que Walmart ou Amazon donc pas vraiment de quoi remplir un Convention Center.
De plus, pourquoi tant d’efforts pour eux, de nos jours, quand le dématérialisé domine désormais le physique ? C’est pour cela que le salon est ouvert au public depuis 2017 puisqu’il ne peut plus vraiment déranger les négociations et cache la misère de la baisse du nombre de visiteurs professionnels.
Et la presse dans tout ça ?
Les choses se compliquent également pour la presse JV quand les éditeurs n’ont plus vraiment besoin de ce relais pour faire leur communication qu’ils peuvent faire directement ou confier à des influenceurs. L’un des autres pivots de l’ESA pour justifier son rôle est d’ailleurs l’organisation de streams officiels de plus en plus importants.
Et Internet fait aussi évoluer les choses avec ses débits plus élevés. Pourquoi envoyer des journalistes sur place quand ils peuvent assister aux conférences avec une meilleure vue depuis leur rédaction ? Et un simple Zoom peut amplement suffire pour les interviews et la diffusion d’une vidéo. Avec Parsec si jamais le journaliste doit directement jouer à la démo.
Le Grand public de l’E3
L’un des attraits de l’E3 était sa concentration. Pour une rédaction de la presse généraliste, il était rassurant de savoir que l’on pouvait se contenter d’envoyer quelqu’un sur place et que cela suffisait pour couvrir l’ensemble du jeu vidéo pour l’année. Cependant, notre média n’est plus autant en marge et le sujet ne peut plus seulement être traité dans un petit article annuel ou un reportage de 2 minutes.
Le grand public s’est habitué à l’actualité plus régulière avec d’autres salons qui ont pris de l’importance ou le modèle du Nintendo Direct. L’un des buts de l’E3 était de vendre le jeu vidéo dans son ensemble, en jetant tout en même temps pour voir ce que le grand public allait garder. Une abondance qui n’est plus nécessaire et au contraire, dessert puisque beaucoup trop de jeux se noient dans cet océan de communication.
Les conséquences pour les développeurs
L’importance de l’E3 dans l’industrie complique forcément la vie des studios. La difficulté la plus évidente est le crunch pour les démos. Il faut absolument avoir quelque chose à montrer en juin quitte à travailler à un rythme infernal ou à mettre de côté le développement du jeu lui-même.
Et combien de jeux ont été annoncés beaucoup trop tôt parce qu’il fallait absolument marquer les esprits lors de sa conférence ? Combien de vidéos absolument pas représentatives du jeu final ont été produites dans le même but ? Et on ne peut pas dire que toute la danse du “X ne sera pas à l’E3” “Pourquoi Y n’était pas à l’E3” soit très saine non plus.
Oui mais la hype ?
On pourra enchaîner autant d’arguments pratiques, difficile de nier la magie de l’E3. Quoi qu’on dise, les cris de la salle lors d’une annonce incroyable ou le silence gêné pour un moment plus embarrassant restent de grands moments comme une punchline de Reggie ou un caméo de Keanu Reeves.
Et effectivement, avoir autant d’annonces concentrées en aussi peu de temps à un petit effet matin de Noël pour les joueurs. Mais cela a aussi l’effet pervers de créer de la déception à cause de prises de paroles pas toujours justifiées (hein Capcom ?) ou de besoin de générer du contenu chez les influenceurs.
Apathy’s a tragedy, and boredom is a crime
Plus tôt dans l’article, je parlais du l’océan de communication qui noie les jeux mais cela ne s’applique pas qu’aux projets discrets. Avec la course au One More Thing et l’enchaînement infernal de conférences, nous n’avons pas le temps de digérer une hype que la suivante est déjà là.
J’en veux pour preuve le jeu Avatar: Frontiers of Pandora, un énorme projet d’un des plus gros éditeurs avec une licence qui a rapporté des milliards. Principale attraction du samedi et presque totalement éclipsée par les différentes annonce de Microsoft et de Nintendo.
Les absents qui font parler
On en vient alors à se demander si les grands gagnants ne seraient pas plutôt ceux qui n’étaient pas là. Electronic Arts a bien joué son coup par exemple en envoyant sa valeur sûre Battlefield 2042 en éclaireur quelques jours avant pour ne pas être oublié, tout en se ménageant pour juillet quand ils seront tranquilles sans la moindre concurrence.
Cet E3 est la preuve que le dicton « Les absents ont toujours tort » n’est pas toujours vrai. Et cela s’applique aussi à PlayStation que l’on a vu régulièrement cité comme le gagnant de cet E3 sur les réseaux sociaux justement grâce à son refus d’y participer et qui a désormais le champ libre. Tous les deux s’en sortiront beaucoup mieux que Koch Media et son label Prime Matter à la communication désastreuse.
Ma solution ?
Pour moi, la solution n’est pas que l’E3 disparaisse mais qu’il devienne un salon parmi d’autres. On peut garder les conférences annuelles physiques en plus des présentations vidéos mais est-ce qu’il est nécessaire de les concentrer sur quelques jours ? Si une démo ou une annonce n’est pas prête tant pis, cela peut attendre un mois ou deux pour le salon suivant.
Les salons restent nécessaires pour les rencontres fortuites entre les différents membres de l’industrie. Et pour les petits jeux, ils apportent également de précieux retours pour les démos car les développeurs voient directement les réactions et les difficultés des joueurs et peuvent discuter de leurs ressentis.
La leçon à tirer de cet E3 2021
L’édition 2021 a été pour moi la preuve que l’E3 ne méritait pas autant d’importance. D’un point de vue de rédacteur JV, je trouve qu’on s’en est très bien sortis sans le cirque habituel et le principal reproche à faire serait le déluge de plus petites conférences à la Wholesome Direct, Upload VR, Guerrilla Collective,… Toutes très sympathiques mais elles nous assomment d’annonces en passant les unes à la suite des autres.
Et dehors des absents, peut-être que le grand gagnant dans tout cela était l’omniprésent Geoff Keighley avec son Summer Game Fest. L’évènement a aussi ses propres problématiques, mais il dispose d’une meilleure souplesse d’organisation et des contraintes moindres à la fois pour les studios et la presse. Et je ne dis pas ça parce que je suis le fanboy numéro 1 d’Andy Samberg, enfin pas totalement…
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