Entre succès exceptionnels et bides monumentaux, l’analyse des chiffres de vente des jeux devient plus confuse
Publié le :
11 commentaires
Rédigé par Jordan
Même lorsque l’on n’est pas actionnaire, il n’est pas rare de vouloir s’intéresser aux performances d’un jeu, ne serait-ce que par curiosité ou pour savoir si un studio que l’on apprécie pourra continuer sa voie. Surtout dans une période macabre de l’industrie qui ne laisse plus de seconde chance, et parfois même pas de première tout court. Cette obsession des chiffres ne devrait pourtant pas autant concerner le public, ou du moins ne pas avoir une place si importante dans les débats. Son omniprésence dans les discussions est surtout dû au fait de servir d’indicateur entre ce que souhaite le public et ce que les studios pensent savoir des envies des consommateurs. Seul problème, plus personne ne semble vouloir analyser ces résultats pour ce qu’ils sont, souvent pour les utiliser à tort dans des discussions particulièrement toxiques, notamment suite à l’émergence du Gamergate 2.0. Et surtout, plus personne ne sait comment les interpréter. Bien sûr qu’il y a une part de mauvaise foi là-dedans, dans la plupart des interactions. Mais on y trouve également une vraie méconnaissance des rouages de l’industrie. Entre les succès fulgurants d’un Baldur’s Gate 3 ou d’un Hogwarts Legacy et les échecs remarquables d’un Suicide Squad: Kill the Justice League ou d’un Concord, il y a une perte de repères qui semble nous éloigner de tous les standards. Un phénomène qui est loin d’être nouveau, mais qui s’est accentué ces dernières années pour tout un tas de raisons. C’est parti pour enfoncer tout un tas de portes ouvertes que trop de monde ignore pour des guerres de chapelle.
Sommaire
ToggleSteam, le vrai faux-ami
A force d’êtres abreuvés de bilans financiers en tout genre et de tweets célébrant les succès monumentaux de certains jeux, il est parfois difficile de trouver du sens dans tous ces résultats. Surtout lorsque ceux-ci sont très approximatifs et offrent seulement un indicateur, à défaut de chiffres précis. On parle ici de l’importance prise par les données fournies par Steam via la base de données SteamDB, aussi utiles qu’incomplètes.
La plateforme de Valve est la seule à afficher un tant soit peu de transparence en relevant en temps réel le nombre de personnes étant connectées sur un même jeu. De fait, regarder les pics d’utilisateurs à un instant T permet de mesurer de manière approximative l’engouement pour un jeu ou non. Un moyen qui a surtout de l’intérêt lorsqu’il s’agit de mesurer la fréquentation sur un jeu service, qui a besoin d’une grande communauté active afin de subsister. Pour les jeux solo, c’est une autre histoire, puisque l’on utilisera uniquement cette donnée lors du premier week-end de lancement afin de voir si le titre en question a réussi à attirer les foules dès sa sortie. L’utiliser hors de ce contexte n’a aucun sens, si ce n’est montrer la longévité exceptionnelle de certaines productions (comme Baldur’s Gate 3).
Ce bon système montre donc malgré tout des limites. D’abord parce qu’un pic de fréquentation n’est pas égal à un montant de ventes. Il ne s’agit là que du moment spécifique où le plus grand nombre d’utilisateurs a été enregistré, rien de plus. Ensuite, il est bon de rappeler qu’il est incomplet dans la mesure où il ne présente que les résultats sur Steam.
Par conséquent, il n’est pas correct de comparer deux jeux dont l’un serait aussi sorti sur d’autres plateformes tandis que le second serait uniquement sorti sur la plateforme de Valve. Hellblade II a déjà souffert de ce genre de comparaisons. Si Microsoft n’a jamais révélé ses attentes commerciales concernant le titre de Ninja Theory, il est inexact de déduire que le jeu a été un échec en se fiant uniquement aux données de SteamDB (le jeu étant présent sur le Game Pass PC). Si l’on veut véritablement savoir si le titre a fonctionné ou non, il faut croiser ces résultats avec ceux des utilisateurs du Game Pass ainsi que les ventes réalisées sur Xbox Series.
Ce qui parait logique si l’on est au minimum au fait que SteamDB n’est qu’un indicateur à utiliser avec un contexte précis. Le fait que cet outil soit de plus en plus utilisé par la presse, parfois trop (nous y compris, c’est un peu notre mea culpa), sans remise en perspective de chaque jeu derrière a pu conduire au fait qu’il soit aujourd’hui utilisé n’importe comment. Dernier exemple en date : les comparatifs absurdes entre les chiffres Steam de Dragon Age: The Veilguard et la bêta de Monster Hunter Wilds qui sont apparus lors du premier week-end de sortie du jeu de BioWare. Le premier a réalisé un pic à plus de 89 000 utilisateurs tandis que le second trône fièrement sur un pic à plus de 460 000 utilisateurs. Celles et ceux souhaitant voir le jeu de BioWare échouer ont donc utilisé cette comparaison, qui n’a que peu de sens.
D’une, parce que Monster Hunter est une licence infiniment plus populaire que Dragon Age (Monster Hunter World dépasse à lui seul les ventes des trois premiers jeux Dragon Age) ; de deux parce qu’il s’agissait là d’une bêta limitée dans le temps qui ne durait que ce week-end (la priorité du public était donc plus portée vers le jeu de Capcom) ; et de trois parce que… l’un des deux jeux était proposé gratuitement, et pas l’autre. Naturellement, le jeu gratuit attire plus facilement le public qu’un titre tarifé à 59,99 €. Ce n’est plus une porte ouverte que l’on enfonce, c’est un portail, mais on en est là aujourd’hui.
Une comparaison un peu plus juste pourrait être faite avec Dragon’s Dogma 2. Les deux titres peuvent faire appel à la même profil de joueurs et de joueuses, avec des prix de lancement similaires, des plateformes identiques et une orientation RPG dark-fantasy solo. Sur Steam, le jeu de Capcom a bien mieux démarré que celui de BioWare, avec un pic à plus de 228 000 personnes, soit plus de deux fois celui de Dragon Age: The Veilguard. On pourrait rajouter à cela que Dragon Age est une série qui doit beaucoup compter sur la plateforme qu’est le PC, étant donné qu’elle trouve ses origines dans le RPG pur et dur qui plaît à un public jouant surtout sur PC. Même si cet épisode prend une tournure plus orientée action-RPG, les fans historiques doivent se trouver en majorité sur PC. Là encore, difficile d’être catégorique sur le sujet étant donné qu’Inquisition, dernier épisode en date, n’était pas sorti directement sur Steam et a donc fait un démarrage sur PC en deçà des versions consoles à l’époque. Malgré tout, avec l’audience que brasse la plateforme de Valve aujourd’hui et le regain d’intérêt pour les RPG, voir le titre ne pas dépasser la barre des 100 000 connexions sur Steam peut ainsi être vu comme une performance relativement tiède. Bien que reposant sur des hypothèses crédibles, tout ceci n’est rien de plus qu’une vulgaire estimation au doigt mouillé qui ne prend pas en compte d’autres détails tout aussi importants, comme la situation dans laquelle se trouve BioWare depuis des années.
En ce sens, il est possible de dire que l’un s’en sort moins bien que l’autre, sans pour autant tomber dans la facilité en clamant que l’un est un succès et l’autre non. Tout simplement car les deux peuvent l’être. Ou du moins, Dragon’s Dogma 2 peut être un carton pendant que Dragon Age: The Veilguard peut être suffisant pour sauver la mise de justesse à un studio en perdition. Il pourrait aussi être un échec si EA a placé la barre trop haut. Mais sans avoir en tête les objectifs propres à chaque projet, se tourner encore et toujours vers des jeux ayant des chiffres de ventes démesurés pour effectuer des comparaisons n’a que peu de sens, si ce n’est exhiber des gros chiffres dont on enlève tout le contexte. De quoi montrer que SteamDB ne devrait jamais vraiment être utilisé plus que ce qu’il n’est : une jauge qui sert à mesurer la température, bien loin de résultats plus officiels.
Perte de contexte
Au-delà même du cas SteamDB, ce sont tous les chiffres qui devraient être remis dans leur contexte afin d’éviter les comparaisons hasardeuses. Un réflexe qui a été perdu à cause d’une perte de standard. Lorsqu’un Hogwarts Legacy touche le firmament en étant le jeu le plus vendu de 2023 (+ de 30 millions de copies écoulées à ce jour), il va de soi qu’il ne peut pas être utilisé comme la nouvelle norme des RPG à atteindre. Même chose pour un Baldur’s Gate III, véritable épiphénomène que personne n’avait prédit, pas même son propre studio. De même pour Palworld ou Helldivers II. Si ces titres sont parvenus à autant se vendre, c’est pour tout un tas de raisons parfois difficiles à déterminer qui va au-delà de la simple qualité du jeu. Que ce soit un bon timing, l’absence de concurrence, un épiphénomène sur Twitch… Tout un tas de facteurs entrent en compte sans que l’on arrive précisément à les prévoir, ce qui rend d’ailleurs le business si dangereux pour toutes les entreprises qui sortent leurs jeux services en espérant que celui-ci devienne le jeu à la mode.
Attendre que chaque jeu similaire réussisse à toucher ne serait-ce que du doigt un tel succès est complètement irréaliste et c’est se mettre au même niveau que certains dirigeants qui fixent des objectifs de vente lunaires à leurs productions. Si tous les mètres étalons du moment devenaient la nouvelle norme, alors tous les jeux d’action solo devraient maintenant se fixer comme but d’atteindre les 20 millions d’exemplaires d’un Black Myth Wukong sans pour autant comprendre que derrière le jeu de Game Science se cache surtout tout une réflexion sur l’importance croissant du marché chinois. Comprenez bien que se fixer de tels objectifs sans réellement saisir les vrais enjeux de l’industrie n’est absolument pas sain pour les studios.
Tout résultat doit être analysé avec du contexte pour qu’il ait du sens. Prenons le cas de Final Fantasy VII Rebirth, qui a lui aussi beaucoup été discuté cette année. On ignore les chiffres de ventes exacts de ce deuxième épisode mais on peut supposer via divers outils de mesure (les rapports de vente dans différents pays) que le titre a connu un démarrage nettement inférieur de celui de Final Fantasy VII Remake. Si l’on ne prend pas en compte le fait que le parc de PS5 est moins grand aujourd’hui que le parc de PS4 lorsque Final Fantasy VII Remake est sorti, et que l’on s’arrête là, le comparatif est biaisé, alors qu’il existe bien d’autres moyens de montrer que le titre a connu une contre-performance (selon les attentes fixées par Square Enix).
À combien d’exemplaires s’est vendu Final Fantasy VII Rebirth ? Les premières estimations sont sujettes à débat
Même si l’on s’accorde à être minutieux sur l’analyse des performances de certains jeux, l’absence de prévisions concrètes de la part des éditeurs et studios ne peut que nous condamner à des approximations peut-être loin de la réalité. Par exemple, comment analyser les premiers chiffres d’un Astro Bot ? Avec 1,5 millions de copies vendues en un peu moins de deux mois, le titre de la Team Asobi effectue forcément un démarrage plus confidentiel que les autres licences fortes de PlayStation. Le comparer à un God of War ou à un Horizon Forbidden West n’a cependant pas de sens et le parallèle le plus juste à tirer serait avec Ratchet & Clank: Rift Apart, autre jeu de plateforme exclusif à la PS5. Ce dernier s’était vendu à 1,1 million d’unités lors de son premier mois de commercialisation, mais sur un parc installé de PS5 plus faible. Cependant, la licence Ratchet & Clank est aujourd’hui plus célèbre que celle d’Astro Bot. Rappelons également que le public cible de PlayStation n’est pas spécialement orienté sur les jeux de plateformes, c’est pourquoi la comparaison avec les Mario, Kirby et compagnie sur Switch (dont c’est l’un des genres de prédilection) est aussi injuste.
La preuve en est avec ces premiers résultats, où Sony indique que 37% des personnes ayant acheté Astro Bot sont considérés comme des « nouveaux utilisateurs » n’ayant pas acheté d’autres jeux PlayStation Studios durant les deux dernières années. Autrement dit, le jeu de la Team Asobo a conquis un nouveau public. Une audience certes infime face à d’autres productions, mais aller trouver de nouveaux clients en dehors de sa communauté habituelle est l’un des défis principaux de chaque acteur de l’industrie aujourd’hui, en particulier les constructeurs.
Réussir à toucher d’autres personnes que son public habituel est un succès un soi puisque cela découle d’une prise de risque qui aurait pu bien plus mal se terminer. On peut en dire de même lorsque l’on essaye de mesurer le succès d’un Stellar Blade. Un titre vendu à environ 1 million d’unités sur PS5, ce qui semble faible par rapport aux gros chiffres dont on est constamment abreuvés, mais qui est suffisant pour son studio Shift Up. Pourquoi ? D’abord parce qu’il s’agit d’une nouvelle licence qui est développée en exclusivité pour la PS5, mais aussi du premier jeu console du studio, développé dans un pays où ces machines sont très minoritaires face aux mobiles et au PC. Autrement dit, un pari très risqué qui a fonctionné pour Shift Up, qui a tout de même bénéficié du soutien de Sony qui agit ici en tant que distributeur (ce qui allège le budget marketing du studio).
On pourrait en dire de même pour des studios comme Atlus. Lorsque l’on voit ce dernier porter aux nues Metaphor ReFantazio et Persona 3 Reload pour avoir dépassé le million de ventes en une semaine, c’est surtout parce que les titres du studio appartenaient autrefois à une « niche », qui a explosé grâce au succès de Persona 5. Personne n’ira aujourd’hui dire qu’un jeu Atlus vendu à 1 million d’unités est un échec, alors que ce chiffre pourra paraître ridicule sur d’autres projets qui visent le même public, comme Final Fantasy VII Rebirth. Comparer des millions à d’autres n’a donc que peu de sens si l’on ne s’intéresse pas à la manière dont sont conçus ces jeux, à leur studio, et à l’histoire de leur licence. Et à l’heure où règne la culture de l’instantanéité, s’arrêter à des chiffres qui ne proviennent que du lancement d’un jeu est une erreur.
L’exploitation d’un jeu ne s’arrête pas à la première semaine
Entre les départs tonitruants et les jeux qui n’ont aucune chance de provoquer un bouche à oreille positif, il y a ce que l’on appelle les long-seller. Des titres qui comptent avant tout sur l’œuvre du temps pour faire leur renommée et leur gloire, plutôt que sur une rentabilité immédiate. A ce petit jeu, Nintendo est le roi. Presque tous les titres made in Nintendo sur Switch ont pour ambition d’être des long-seller, grâce à la popularité de la console et des licences fortes qui parlent à un grand public, surtout à l’occasion de certains événements comme les fêtes de fin d’année. Ring Fit Adventure en est en bon exemple, tout comme les WarioWare. La situation de Nintendo est évidemment très spécifique puisque le constructeur fait en sorte d’avoir au moins un jeu capable de dépasser les 30 millions de ventes tous les 3 à 5 ans. Mais à des budgets et des ambitions plus modestes, d’autres studios (mais pas tous) peuvent aussi se contenter de long-seller.
Arriver au point de rentabilité ne se fait pas en un jour pour tous les projets. Alan Wake 2 l’a récemment démontré : à la fin du mois de septembre, Remedy annonçait avoir presque remboursé l’intégralité des frais de production et de marketing autour du jeu, soit presque un an après son lancement. Une situation qui est loin d’être rare dans l’industrie, et même pour ce studio. Control n’a pas eu droit à un lancement en fanfare et n’est devenu rentable avec le temps. C’est même lors de son quinzième mois d’exploitation que le titre a réalisé son meilleur mois.
Derrière ces succès sur la durée, il y a aussi les belles histoires de rédemption. Aussi improbable que cela puisse paraître, les 13 millions de copies vendues pour Cyberpunk 2077 durant son premier mois n’ont pas forcément été vues comme une victoire. La mauvaise réputation du jeu s’est peu à peu transformée au fil des années pour permettre au jeu d’atteindre les 25 millions d’exemplaires l’année dernière, permettant au studio d’empocher au total près de 700 millions de revenus. Dans la même catégorie, on pourrait aussi y placer des titres comme Among Us, qui sont sortis dans l’indifférence générale, avant d’affoler les compteurs quelques mois plus tard grâce à une reconnaissance sur Twitch.
Et on en revient au cas de Dragon Age: The Veilguard. Jettons un coup d’œil dans le rétroviseur pour s’intéresser à la sortie de l’épisode précédent, Dragon Age Inquisition. Un titre qui, dès sa première semaine, s’était vendu à un peu plus de 1,1 million d’exemplaires, en prenant en compte le fait qu’il s’agissait d’un jeu cross-gen (qui disposait donc d’un parc installé de plateformes très grand, mais sans Steam).
Rien de spectaculaire n’est-ce pas ? Cela s’approche des scores des RPG d’Atlus, cités plus haut, dont la renommée est pourtant bien plus fraîche que celle des jeux de BioWare. Pourtant, cet épisode est le plus vendu de tous les jeux BioWare aujourd’hui. Même face à Mass Effect. Il compte aujourd’hui plus de 12 millions d’unités vendues, gagnées au fil du temps. Preuve qu’il ne faudrait pas tirer de conclusions trop hâtives sur la rentabilité de chaque projet et que ce n’est pas au public d’estimer – selon des objectifs qui changent en fonction du narratif que l’on veut imposer – si un titre est un succès ou non.
Un flou entretenu par les éditeurs
Toutes ces choses trouvent leur point d’ancrage dans le fait que tout ce qui entoure le financement d’un jeu reste encore très opaque. C’est particulièrement le cas lorsque l’on compare notre industrie à celle du cinéma. Non pas que Hollywood et compagnie soient moins cachotiers, car c’est toujours la croix et la bannière d’estimer correctement le coût global de la production d’un film étant donné que le budget marketing est rarement communiqué. Mais en comparaison au milieu du jeu vidéo, on peut lire dans les budgets de cinéma comme dans un livre ouvert.
Si l’on omet quelques exceptions comme God of War, Black Myth Wukong ou encore Palworld, dont les coûts de production ont été révélés soit par inadvertance (comme lors d’un procès), soit par des obligations locales liées aux pays où ils sont financés, le budget de production d’un jeu n’est que trop rarement communiqué. Même ces exemples s’expliquent par des cas très spécifiques qui sont loin d’être la norme pour l’industrie, bien trop secrète à cet égard. Ce manque de transparence amène donc à toutes sortes d’inexactitudes et le cas de Concord est des plus parlants.
Lorsqu’un vidéaste (Colin Moriarty) affirme que le budget de développement du jeu de Firewalk était estimé à 400 millions de dollars, la Toile s’emballe. Puisque le public a peu de point de comparaison, il a tendance à y croire, alors que la réalité serait bien différente. Si l’on en croit Kotaku, les frais de développement initiaux tourneraient davantage autour de 200 millions de dollars, sans compter le budget marketing (là encore inconnu) et les frais d’acquisition du studio par PlayStation (ce qui ne devrait de toute façon pas rentrer dans l’équation, sinon il faudrait faire de même avec, par exemple, Marvel’s Spider-Man et Insomniac Games). Soit un budget équivalent à celui d’autres productions AAA des PlayStation Studios, comme Horizon Forbidden West. Si l’on met de côté les retards qui ont fait gonfler la facture. Ce qui reste beaucoup, on vous l’accorde, mais là n’est pas le sujet.
Si l’on ignore autant de choses à propos du coût de production d’un jeu, comment bien en estimer les revenus qu’il peut générer ? Le plus souvent, seuls les éditeurs peuvent nous le dire. Après tout, ce sont les premiers concernés et ils ne manqueront jamais de clamer haut et fort leurs succès lorsqu’ils arrivent. A vrai dire, il n’est pas certain que l’on puisse véritablement se fier à leurs dires non plus si les objectifs de ventes évoluent aussi vite que le marché lui-même. Un jour Hi-Fi Rush est un succès, le lendemain il n’est pas assez bankable pour commander une suite, au point de condamner son studio. Même interrogation autour de Days Gone, un titre pourtant vendu à plus de 8 millions d’exemplaires mais qui n’a pas eu droit à une suite immédiate comme Sony a pourtant l’habitude d’en produire, certainement à cause d’un coût de production trop important et un lancement compliqué que les ventes sur la durée n’ont pas pu réparer.
Contrairement à un milieu comme le cinéma où l’on peut estimer à partir de quelles recettes un film peut commencer à devenir rentable (comme expliqué dans une vidéo très complète d’Ecran Large), pour le jeu vidéo, c’est une autre histoire. Chez les indépendants, l’incompréhension du grand public est encore plus importante. Lorsque l’actualité nous bombarde de millions d’exemplaires vendus, concevoir qu’un titre vendu à quelques milliers d’unités puisse être rentable peut s’avérer être compliqué. Ici, les performances commerciales d’un jeu ne sont pas forcément calculées à la vision d’une étude de marché froide et sa rentabilité peut être conçue différemment que les blockbusters habituels.
Et peut-être, qu’après tout, cela ne devrait pas avoir d’importance. Du moins, pour nous autres, loin des comptes en banque de chaque éditeur. Jauger un échec uniquement en se basant sur le fait qu’un jeu similaire a été plus populaire, c’est offrir un constat incomplet, tout comme il ne faut pas se laisser aveugler par des gros chiffres qui pourraient être insuffisants si les prévisions ont mis la barre trop haute. Alors même si le sujet ne devrait pas préoccuper le public, faisons au moins en sorte qu’il soit traité avec des faits et une prise de recul nécessaire plutôt que d’être instrumentalisé.
Cet article peut contenir des liens affiliés