Final Fantasy VII : Du mythe au remake, retour sur l’épisode le plus populaire de la saga
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Rédigé par Jordan
La mode des remakes est peut-être courante ces temps-ci, mais la sortie de Final Fantasy VII Remake marque un réel événement dans l’industrie vidéoludique. La dernière arlésienne de Square Enix s’apprête enfin à sortir, cinq ans après sa première apparition publique lors de la conférence Sony de l’E3 2015, qui est justement restée dans les annales en grande partie grâce à la présentation du remake.
Si les fans rongent leurs freins en attendant impatiemment de retrouver Cloud et les autres, de nombreux joueurs vont découvrir l’univers Final Fantasy VII pour la première fois. L’engouement autour du titre initial a en effet de quoi attrouper de nouveaux curieux, qui se demandent d’où provient une telle ferveur. L’occasion pour nous de revenir en détail sur ce qu’est Final Fantasy VII, comment il a été pensé, créé et conçu, et de voir pourquoi il a laissé une marque indélébile sur l’histoire des jeux vidéo, et à plus forte raison sur celle des JRPG.
Le but de cet article n’a bien entendu pas pour vocation d’être exhaustif, tant il y aurait de choses à dire sur le sujet. C’est justement pour cela que de nombreux ouvrages ont décortiqué le jeu et son développement, comme les très bons La Légende Final Fantasy VII (de Nicolas Courcier et de Medhi El Kanafi) et Les Mémoires de Final Fantasy VII (Matt Leone) ou encore Final Fantasy VII Ultimania, et bien d’autres.
Nous vous encourageons à lire ces derniers si vous souhaitez approfondir le sujet, mais ici nous reviendrons globalement sur les raisons du succès du titre, et sur comment il est né, afin que les nouveaux arrivant puissent se faire une idée rapide du moment que représente Final Fantasy VII.
Sommaire
ToggleUne genèse sous la forme d’une prise de risque
Une ambition grandissante
Le développement de Final Fantasy VII a commencé il y a de cela 26 ans, dans une époque où l’industrie ne ressemblait aucunement à celle que l’on connaît aujourd’hui. Nintendo avait alors une véritable main-mise sur le marché grâce au succès de sa SNES, et ce malgré des concurrents de taille – comme SEGA, qui tentaient de lutter tant bien que mal. Une chose est sûre, Nintendo régnait surtout dans le domaine des RPG, notamment au Japon puisque ces derniers étaient encore très peu exportés en Occident.
Final Fantasy était justement l’un des fers de lance du constructeur. La série avait acquis un certain plébiscite au fur et à mesure de ses épisodes, et la sortie de Final Fantasy VI en 1994 marque le plus gros succès de Square, qui n’a pas encore fusionné avec Enix à l’époque. Après une telle réussite, Hironobu Sakaguchi (producteur de Final Fantasy VII) et son équipe décident logiquement de passer à un projet encore plus ambitieux que le sixième épisode, mais les limitations techniques vont rapidement poser problème.
L’ère de la 3D pointe le bout de son nez, et Square ne veut pas rater le train en marche, surtout avec sa série phare. Brièvement considéré sur SNES, il devient clair que Final Fantasy VII devra plutôt attendre la prochaine génération de consoles pour réaliser les idées ambitieuses de ses créateurs.
Le studio monte alors une démo 3D servant de test pour son futur titre, qu’il présente au salon technologique Siggraph en 1995. Cette dernière représentait les prémices de ce que devaient être les combats de Final Fantasy VII, avec des personnages en 3D et une réalisation beaucoup plus cinématographique. Le plan était clair, le septième épisode se devait de marquer les esprits par un tournant technologique majeur.
La pari de la concurrence
C’est là que va s’opérer un tournant majeur pour la série, pour Square et pour Nintendo. Le constructeur est sur le point de lancer sa Nintendo 64, qui permet justement de réaliser des jeux en 3D. Fidèle à Nintendo depuis ses débuts, le studio essaye tant bien que mal de concevoir une démo sur la prochaine plateforme du constructeur, mais rien n’y fait, le résultat n’est pas à la hauteur des attentes de Square.
Arrive alors Sony et sa PlayStation, petit nouveau dans le marché et qui compte bien être plus qu’un simple challenger. Sa première machine arrive avec un atout de taille, qui va tout de suite faire de l’œil à Square : le support CD.
Ce dernier dispose d’une mémoire bien plus grande que les cartouches de la Nintendo 64, et laissent donc aux développeurs l’opportunité d’aller au bout de leurs ambitions. Il faut préciser que les cinématiques prévues pour le septième épisode sont en grande partie la cause de ce besoin de mémoire supplémentaire, même s’il existe de nombreuses autres raisons qui poussent Square à s’orienter vers Sony et le CD.
Le rapprochement entre les deux entreprises provoque un véritable changement de paradigme pour Square, qui décide pour la première fois de sortir un jeu en exclusivité sur une autre console qu’une machine Nintendo. Ces derniers claquent alors la porte au nez de Square durant plusieurs années, et le studio se lance dans l’inconnu avec un partenaire prometteur, mais qui a encore tout à prouver au sein de l’industrie vidéoludique.
La licence conquiert enfin l’Occident
Heureusement pour Square, la PlayStation est un succès, et le lancement de Final Fantasy VII en 1997 au Japon provoque des files d’attente dans les magasins qui confortent le studio dans sa décision. Avec le support de Sony, la licence se lance également dans le grand bain du marché mondial, même si les anciens épisodes s’étaient eux aussi exportés, bien que plus timidement.
Aux Etats-Unis, c’est surtout la publicité qui va déclencher l’intérêt des joueurs. En passant à des heures de très grande écoute sur des chaînes populaires, les premières images du jeu laissaient rêveur. Et pour cause, on y voyait uniquement un montage des différentes cinématiques du jeu, avec des modèles 3D bien plus beaux que dans 95 % du reste du jeu. Certains iront crier à la publicité mensongère, mais le résultat est là : Final Fantasy VII devient rapidement l’un des titres les plus vendus sur la PlayStation, et le million d’unités écoulées arrive très vite.
En Europe, même son de cloche. Il faut dire que la localisation a joué ici un grand rôle, puisque c’était la première fois qu’un Final Fantasy était traduit en plusieurs langues. En dépit même des reproches que l’on peut allouer à la traduction, notamment française, cet effort de Sony et Square permet au septième opus de cumuler les ventes par millions, pour aboutir à près de 10 millions de jeux vendus en quelques années, ce qui est relativement incroyable à la fin des années 90. Aujourd’hui encore, le titre est disponible sur quasiment toutes les plateformes, de la Switch à la Xbox One, preuve d’une popularité qui ne faiblit pas d’année en année.
Un changement esthétique pour la série
Si Final Fantasy VII a particulièrement bien marché en Occident, il le doit aussi au virage esthétique que prend la série. Contrairement aux opus précédents, cet opus opte pour un cadre résolument contemporain, en délaissant les chevaliers en armure et l’univers typé fantasy. Un virage un tant soit peu amorcé dans le VI et dans Chrono Trigger (toutes proportions gardées), mais qui est clair ici. La ville de Midgar, dans laquelle débute l’aventure, en est le plus grand exemple.
Pensée tout d’abord comme un New-York sombre (où le héros devait être une sorte d’enquêteur), Midgar se détache totalement de ce que l’on pu connaître par le passé dans la série. Ce changement ne passe pas inaperçu auprès des Occidentaux, et favorise le succès du jeu en dehors du Japon.
Des thèmes qui ne vieillissent pas et un univers toujours en expansion
L’écologie et la vie au centre de tout
L’impact du jeu à travers le monde a alors amené un large public, ce qui rend d’office le titre très populaire encore aujourd’hui. Beaucoup de joueurs ont grandi en jouant à Final Fantasy VII, en découvrant les JRPG avec ce dernier. Et s’il reste encore maintenant dans toutes les têtes, ce n’est pas seulement grâce à un système de combat ingénieux, à des musiques inoubliables et à une révolution technologique.
Bon nombre de fans se souviennent encore des thèmes de sociétés narrés dans le titre, qui nous sont amenés d’entrée de jeu. On passera rapidement sur le sous-texte sociétal abordé dans la structure même de la ville de Midgar – avec les riches sur la plateforme supérieure de la cité tandis que les pauvres errent dans les bas-fond des bidonvilles – pour se concentrer sur le point majeur évoqué, l’écologie.
Final Fantasy VII démarre directement dans le feu de l’action, lorsque Cloud rejoint le groupe d’éco-terroristes Avalanche, mené par le fier Barrett. Leur but est simple : mettre en déroute la compagnie Shinra, une gigantesque société qui trône au milieu de la ville, et qui agit comme une sorte de figure totalitariste en servant aussi bien d’armée que de pourvoyeur d’énergie. Mais pour alimenter la ville, la Shinra puise allègrement dans les ressources de Gaia, la Terre, en pompant dans ce que l’on appelle alors la « rivière de la vie ».
Ainsi, comme dans bon nombre de JRPG de l’époque, oui, il faut bien sauver la planète, mais le propos est ici bien plus moderne. Cela résonne particulièrement en 1997, à l’heure où la conscience écologique commence (très) doucement à s’éveiller dans la société. Et malheureusement, le message du jeu a tout autant d’impact en 2020, voire plus que jamais d’actualité. En ce sens, les propos délivrés par Final Fantasy VII n’ont jamais cessé de résonner durant ces vingt-trois années, et le remake devrait encore accentuer son scénario autour de cela.
Mais cet opus ne concentre pas tous ses efforts dans ce thème ô combien important et innovant (pour l’époque). Tout le jeu est traversé par les questions existentielles de ses personnages, et surtout par des réflexions intenses autour de l’importance de la vie et de la mort. Cela passe surtout par le duo Cloud-Sephiroth, tous les deux torturés mais de manière très différente. Aerith joue également un grand rôle dans le développement de ces sujets, mais nous n’en dirons évidemment pas plus afin de laisser la « surprise » aux nouveaux arrivants.
Des personnages qui sont rentrés au panthéon
Tous les héros du jeu ont d’ailleurs fortement marqué les joueurs à l’époque, malgré certains aspects parfois caricaturaux. Cloud, héros taciturne mais parfois maladroit, est un protagoniste de choix qui ne montre sa réelle profondeur que dans la deuxième moitié de l’aventure (cet aspect de sa personnalité devrait être développé bien plus tôt dans le remake). Des millions de joueurs se sont également amourachés de Tifa et Aerith, les deux femmes fortes de cet opus, et ont rapidement pris en affection les autres membres du groupe comme Vincent, Red XIII ou encore Yuffie.
Celui qui marqua le plus les esprits fut évidemment le charismatique Sephiroth, un antagoniste qui truste encore les classements des meilleurs méchants de jeu vidéo. Son thème musical dédié, One Winged Angel, résonne encore dans la tête de tous les joueurs et offre une envolée lyrique à la hauteur de cet antagoniste. La construction du personnage est extrêmement intéressante dans le jeu initial, dans la mesure où il n’est qu’évoqué dans les dix premières heures de jeu.
Le joueur se contente de voir son nom cité, représentant alors une sorte de légende. Il assiste également aux conséquences du passage du bad guy de cet épisode, en voyant les traces de sang et les victimes laissées dans son giron avant que Cloud et ses compère ne le rattrapent. Son côté fantomatique sera bien différent dans le remake, puisque Sephiroth apparaîtra sous les yeux de Cloud et du joueur très rapidement dans l’aventure, comme le montrent les bandes-annonces.
Un univers étendu considérable
Après tout, même ceux qui n’ont jamais joué à Final Fantasy VII connaissent probablement Sephiroth de visu, tant il est apparu dans quantité d’autres jeux au fil des années. Lui, Cloud et Tifa ont surtout représenté le septième épisode dans le crossover Dissidia Final Fantasy et ses trois épisodes, mais également dans des titres comme Kingdom Hearts, World of Final Fantasy, ou même Super Smash Bros.
Même sans s’inviter chez les autres, Final Fantasy VII a continué à étendre son univers avec de multiples spin-off. Le plus remarquable d’entre eux était le prequel Crisis Core, qui apportait beaucoup de réponses à des questions laissées en suspens dans le VII, tandis que d’autres étaient plus anecdotiques, à l’image de Dirge of Cerberus sur PlayStation 2.
Les fans étaient toujours au rendez-vous, même s’il était impossible de rivaliser avec l’opus original (et c’est sans doute pour cela qu’un VII-2 n’a jamais vu le jour). Soucieux de surfer sur cette popularité, Square, devenu Square Enix, se lance dans l’aventure transmedia avec des romans mais surtout un film, qui porte un poids considérable sur ses épaules : Final Fantasy VII Advent Children.
Le long-métrage fait suite à l’échec cuisant du film Les Créatures de l’Esprit, qui a presque ruiné la société au début des années 2000. De plus, le film est la suite directe de l’épisode préféré de beaucoup de fans, qui attendent beaucoup de cette nouvelle histoire. Ces derniers en ressortent heureusement satisfaits, ce qui prouve encore à Square Enix que Final Fantasy VII est une poule aux œufs d’or qui fonctionne toujours autant malgré les années.
Un remake sous le poids des attentes
L’idéalisation contre la modernisation
Malgré l’arrivée de nouveaux épisodes, une envie ne cessent de s’accroître au sein de la communauté. L’idée d’un remake de Final Fantasy VII avec l’aide des nouvelles technologies fait rêver. Sans doute parce que les nouveaux épisodes ne fédèrent pas autant, mais aussi pour toutes les raisons évoquées ci-dessus. Mais le temps passe, et Square Enix a d’autres projets sur le feu durant des années. Le concept même du remake pour cet septième épisode a de quoi effrayer le studio, qui devrait relever un challenge de taille.
Car plus ce remake tardait, et plus les fans s’en faisaient une idée bien précise, bien qu’individuelle. Ainsi, il est vite apparu qu’une refonte de cet épisode ne pourrait jamais plaire à tout le monde, ce qui s’est vérifié lors des premières vidéos de gameplay. Prenant un parti pris nettement plus action, Final Fantasy VII Remake a tout d’abord décontenancé certains fans, restés sur leur idée que Final Fantasy VII était avant tout un titre où les affrontements se déroulaient en tour par tour.
Résumer le jeu en prenant uniquement en compte cet aspect du gameplay est quelque peu injuste, mais la modernisation des combats n’a certainement pas fini de faire couler de l’encre. Ce remake est effectivement bien plus porté sur le dynamisme et l’action en temps réel, afin de proposer quelque chose de plus moderne tout en conservant beaucoup de concepts issus de l’ancien système.
La pause active en est l’exemple le plus probant, et permet aux allergiques du temps réel de reprendre leur souffle entre deux actions. N’oublions pas le système de materia, lui aussi conservé bien que remis au goût du jour, et qui prenait une place importante dans la stratégie et la construction des personnages.
Une revisite avec beaucoup de nouveautés et des sacrifices nécessaires
Au-delà de cela, la polémique et l’incompréhension autour du fonctionnement dit « épisodique » (un terme galvaudé souvent employé à tort car pensé comme les productions Telltale ou autres, ce qui n’est évidemment pas comparable) a quelque peu entaché l’enthousiasme des fans. Le titre prévu pour le 10 avril prochain ne relate en effet que les événements survenus à Midgar, ce qui représente seulement une partie de Final Fantasy VII (environ 7-8 heures sur 40 heures de jeu au total).
Square Enix se retrouve en face du même problème qu’en 1995, à savoir des ambitions qui surpassent ce qu’il est actuellement possible de faire, du moins économiquement. De ce fait, et pour ne pas retarder une énième fois la sortie, l’aventure de Midgar prendra alors plus d’ampleur dans ce remake, avec un scénario plus riche, plus dense et une ville nettement plus grande qu’auparavant. Si l’on en croit le studio, la durée de vie sera bien la même que celle de n’importe quel autre épisode principal, soit une quarantaine d’heure de jeu, l’équivalent de la durée de vie globale du Final Fantasy VII original en somme.
On aurait tendance à penser que cela est véridique, puisque l’aventure tiendra tout de même sur deux disques Blu-ray, et que notre dernière session de trois heures nous a fait voir que le titre avait encore beaucoup de choses en réserve.
Un résultat aussi culte que l’original ?
Le plus gros pari de Final Fantasy VII consiste surtout à allier l’adhésion des deux publics, à savoir les fans de la première heure et les nouveaux arrivants. La tâche sera plus difficile pour les amoureux du titre originel qui ne jurent que par son aspect retro, mais qui souhaitent aussi ressentir les mêmes émotions avec ce remake que lors de leur première partie sur Final Fantasy VII.
Après tout, ce remake doit prouver que même sans son légendaire système de combat et même sans le récit dans sa globalité, Final Fantasy VII reste ce qu’il est, peu importe sa forme : une oeuvre vidéoludique culte qui continue de marquer les différentes générations.
Un défi plus audacieux qu’il en a l’air pour Square Enix, mais qu’il semble remporter haut la main (malgré quelques soucis de caméra) de ce que l’on a pu en juger sur notre dernière session d’aperçu, même s’il est évidemment trop tôt pour crier au chef-d’oeuvre. Final Fantasy VII Remake doit maintenant transformer l’essai, et tenter d’offrir un titre à la hauteur de son aîné tout en étant un A-RPG qui établit des nouveaux standards pour le genre. Réponse manette en main dès le 10 avril sur PlayStation 4.
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Date de sortie : 17/11/1997