In the Same Boat : Notre interview de Samuel Chamalet, développeur de ce jeu coopératif asymétrique qui lève ses voiles
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Rédigé par Fauchinou
Parmi tous les titres que nous avons pu voir à l’AG French Direct 2024, In the Same Boat est porteur d’un concept amusant qui n’est pas sans rappeler la série des We Were Here ou encore Keep Talking and Nobody Explodes. L’esprit des voyages navals portée par une coopération entre deux joueurs qui repose sur une communication bien rôdée a de quoi intriguer. Nous avons donc demandé à Samuel Chamalet, développeur solo et créateur du jeu, de nous parler plus en détail de ce projet.
En complément du journal de développeur d’In the Same Boat, diffusé au cours de cette sixième édition de l’AG French Direct, Samuel Chamalet profite de cette interview pour détailler la manière dont s’articule la coopération, le cœur de l’expérience, ainsi que les conditions de développement ou encore les inspirations qui ont mené à cette création.
Sommaire
TogglePrésentation d’un jeu coopératif aux inspirations savoureuses
- Tout d’abord, merci pour cette interview ! Pouvez-vous rapidement vous présenter, qui êtes-vous et quel est votre rôle sur In the Same Boat ?
Bonjour ! Je m’appelle Samuel, j’ai 27 ans, et je suis le créateur et développeur solo d’In the Same Boat. Mon rôle sur le projet est… de faire à peu près tout, du game design à la programmation, en passant par la création graphique et la composition musicale.
Je dois quand même préciser que je ne suis plus entièrement seul, j’ai des soutiens ponctuels au niveau de la production musicale (Kevin Colombin), et de la partie graphique 2D (Mathis Juhel).
- Pouvez-vous nous présenter rapidement In the Same Boat, le but du jeu, et nous raconter comment ce projet est né ?
Il s’agit d’un jeu coopératif dans lequel les deux joueurs prennent la barre d’un navire en tant que mercenaires, pour accomplir tout un tas de missions dans un monde inspiré du XVIIIe siècle, rempli de pirates, sirènes, sorcières, monstres marins…
C’est un jeu assez chaotique, ancré dans la communication : les joueurs ont chacun un rôle précis, leur donnant accès à certaines informations et leur permettant d’effectuer un certain nombre d’actions complémentaires (diriger le navire, pêcher, tirer, etc.). C’est seulement en se coordonnant qu’ils sont capables de s’orienter, de repousser les ennemis, et de mener à bien toutes leurs tâches.
Le projet s’est dessiné progressivement, au fil de mes expérimentations plutôt que de manière calculée, et il est d’ailleurs en constante évolution. Je teste autant de choses que possibles sur de nombreux prototypes. J’adopte la stratégie « follow the fun » : je développe ce qui me semble intéressant, laissant de côté le reste.
- Pouvez-vous nous décrire plus en détail les deux rôles à bord du bateau, et face à quelles missions, contraintes et fonctions sont-ils confrontés ?
Le Marin joue un rôle classique dans un jeu de navigation : il voit le bateau, son environnement, explore le monde. Il est en quelque sorte les yeux de l’équipage, puisqu’il doit décrire le décor qui l’entoure à son partenaire, le Cartographe.
Le Cartographe est enfermé dans la cale, il ne voit rien du monde extérieur mais a accès à de nombreuses informations et fonctionnalités du navire. C’est un peu le cerveau de l’équipe. Son rôle principal est de reconstituer la carte du monde, et d’utiliser les yeux de son partenaire pour le guider et accomplir les différentes missions requises.
Au-delà de ces fonctions essentielles, les deux joueurs s’occupent de nombreux éléments, souvent en tandem, qui prennent la forme de mini-jeux, puzzles, etc. Sans trop en dévoiler, le cartographe aura besoin de gérer les tirs de canons, l’utilisation de potions magiques donnant des capacités spéciales aux joueurs, les réparations du navire, la direction de chants de marins, l’utilisation de pavillons, l’inventaire de l’équipage, etc.
Le marin, quant à lui, s’occupera de la pêche, de la livraison de marchandises, de la communication par corne de brume, d’incantations magiques destinées à les protéger… C’est l’accumulation de ces tâches qui me permet de gérer la difficulté et la tension au fil d’une partie, et de limiter la monotonie d’un jeu basé sur des parties relativement similaires dans la forme.
- Visuellement, Dredge a été pour vous une inspiration. Artistiquement, avez-vous eu d’autres influences majeures ?
Dredge est absolument magnifique, et a effectivement été une grande inspiration. C’est même le visionnage du premier trailer du jeu qui m’a donné envie de me pencher sur un jeu de navigation. Par ailleurs, j’aime beaucoup la simplicité graphique de Inside et Somerville, avec cette idée d’abandonner des détails au profit de formes épurées et expressives, de couleurs posées par aplat, assez proche en fait de l’illustration. En dehors du jeu vidéo, je pense que l’on peut déjà trouver cette approche dans le cinéma expressionniste du début du XXe siècle.
- In the Same Boat est donc un jeu centré sur la coopération entre deux joueuses ou joueurs. Ce côté asymétrique de l’entraide vous vient-il de jeux comme Keep Talking and Nobody Explodes ou encore la série We Were Here ?
L’idée a germé à partir de We Were Here, qui était vraiment le seul jeu « asymétrique » que je connaissais dans les premiers mois du projet, et dont j’ai adoré le principe. J’ai décidé de m’éloigner du genre du puzzle de la saga pour proposer une approche plus basée sur les mini-jeux, et j’ai découvert dans la foulée Keep Talking and Nobody Explodes et Operation Tango, qui sont devenus deux sources d’inspiration majeures, plus proches de ce que je voulais faire.
- Que vouliez-vous retirer de ces jeux et qu’est-ce qu’In the Same Boat peut apporter comme touche personnelle vis-à-vis de cette recette ?
Dans chacun de ces jeux (et d’autres), j’ai laissé de côté ce qui me semblait moins efficace (ou moins pertinent dans le cadre de ce projet) pour y trouver ce qui m’intéressait le plus : de Keep Talking and Nobody Explodes, le système de génération aléatoire, qui offre une vraie rejouabilité, et la variété de mini-jeux ; d’Operation Tango, le choix d’un univers graphique fort qui rend l’expérience vraiment immersive et fun, et les principes de certains mini-jeux qui, au-delà de la communication, s’appuient sur un besoin de coordination ; de Sea of Thieves, le sentiment d’aventure, le caractère “physique” de certains contrôles du navire ; d’Overcooked la frénésie qui peut découler de l’accumulation de tâches, etc.
Au-delà de son univers graphique (à peine ébauché à ce stade de développement), la spécificité du jeu viendra de l’approche « cartographique » que j’ai choisie, puisque tous les mini-jeux s’organisent dans un espace que les joueurs doivent s’approprier à chaque partie. En explorant, en pêchant des fragments de carte, le cartographe doit récréer le monde à l’échelle miniature, de manière à pouvoir s’y orienter. Je doute d’être le premier à proposer une idée de ce genre, mais elle me semble rare et importante à creuser.
La volonté de chercher à proposer une expérience qui se renouvelle
- La communication semble essentielle pour réussir. Est-ce qu’il nécessite plusieurs heures de jeu avant d’être bien rôdé et avancer, ou bien est-ce que la prise en main est plutôt douce ?
À ce stade du développement, il n’y a pas de vraie progression de difficulté, et les testeurs arrivent dans le vif du sujet quasi-immédiatement, après un bref tutoriel expliquant les mécaniques de base. L’objectif final, et c’est l’un des enjeux du mode “histoire”, est de proposer une courbe bien plus douce permettant à tous les matelots de prendre le jeu en main en 1 ou 2 parties, puis d’ajouter progressivement de nouveaux challenges par l’introduction de mécaniques.
Ça va être l’un des gros aspects des mois à venir, car c’est loin d’être aisé. Par ailleurs, une difficulté dynamique permettra à des joueurs de différents niveaux de trouver un challenge sans se trouver complètement paralysés par la difficulté.
- Comment se déroule une partie finalement en termes de durée ? Est-ce que le jeu se base sur des parties “one shot” ou bien y a-t-il une progression qui s’étend sur plusieurs heures ?
Chaque partie dure actuellement entre 10 et 25 minutes. Le mode “histoire” proposera une progression sur quelques heures, à travers différentes parties durant lesquelles les deux joueurs découvriront progressivement divers biomes, mécaniques, ennemis, tout en suivant un petit arc narratif. Le mode « jeu libre » permettra ensuite de faire des parties individuelles en customisant l’expérience (difficulté, élimination de certains ennemis, etc.).
- Vous avez choisi la génération procédurale pour créer l’environnement et orchestrer le déroulé d’une partie, tout en assurant de la rejouabilité. Existe-t-il tout de même des éléments immuables d’une partie à l’autre, comme certains puzzles, ennemis, lieux voire boss ?
Pour faire simple, il y aura de nombreux éléments récurrents d’une partie sur l’autre (gestion du navire, cartographie, missions, pêche…), mais ils subiront systématiquement une variation basée sur l’aléatoire, qui empêchera les joueurs d’« apprendre » les solutions. Par ailleurs, différents ennemis, challenges, mécaniques, sont tirés au sort à chaque partie, de manière à minimiser autant que possible la monotonie entraînée par le procédural. Cela dit, ça reste un jeu développé par une seule personne, et je n’ai pas l’ambition de proposer 100 heures de contenu, mais plutôt une chouette expérience concoctée avec amour !
- Vous avez prévu des dangers imprévus comme la météo. À quel point peut-elle perturber la navigation ? On pense notamment au fait que, dans Sea of Thieves par exemple, une tempête cause la désorientation de la boussole de navigation.
Les aléas météorologiques sont liés à des mécaniques qui peuvent influencer le gameplay à tous les niveaux de jeu. Par exemple, un temps brumeux limite la visibilité, ce qui rend plus complexe l’orientation, et favorise l’apparition de certains ennemis, comme les sirènes. Un temps orageux entraîne une mer agitée, qui menace de faire chavirer le navire à tout moment. Les deux joueurs doivent alors coopérer pour en maintenir l’équilibre. La météo peut donc perturber la navigation, mais pas seulement : elle divise le gameplay en différentes phases, caractérisées par des contraintes, des ennemis, des niveaux de difficulté spécifiques, qui permettent de créer une évolution au fil d’une partie.
- Est-ce que le navire peut-être amélioré ou personnalisé visuellement en cours de partie ?
Tout à fait, un certain nombre d’éléments de customisation sont prévus et partiellement implémentés (voiles, figures de proue, matériaux, objets intégrés à la cabine etc.) ; ils resteront toutefois probablement purement cosmétiques, sans influence réelle sur le gameplay.
- Bien qu’il s’agisse d’un jeu pensé pour la coop, vous avez également prévu un mode solo. Pouvez-vous nous dire comment vous comptez articuler l’expérience pour qu’elle soit tout aussi jouable et équilibrée pour une seule personne ?
Très bonne question ! Je réfléchis depuis le début à la meilleure manière de concilier ces deux modes, et je suis récemment parvenu à la conclusion qu’il était impossible (à mon échelle solo), de proposer une expérience aussi riche en solo sans faire de compromis sur le principe de communication. Or, c’est vraiment ce dernier enjeu qui est au cœur de ce projet.
Le mode solo serait donc au mieux une sorte d’entraînement, qui permet de jongler à volonté entre le rôle du marin et celui du cartographe. Mais plus le projet avance, plus j’envisage de retirer complètement la possibilité de jouer en solo, ce qui me permettrait d’éviter les compromis et d’aller à fond dans mon parti pris initial.
L’état des lieux d’un développeur solo qui se laisse porter par le vent
- Vous ne rencontrez pas trop de difficultés à développer en solo ?
Si, plein ! Mais j’apprécie de travailler seul, à la fois au niveau de la variété des tâches, du technique à l’artistique, et au niveau de la liberté absolue de création. La plus grande difficulté est de trouver un œil extérieur, critique, sur lequel rebondir et faire évoluer le projet… Et bien sûr, dans le cadre de ce projet coop, le playtesting est rendu bien plus complexe même si j’ai pu trouver quelques personnes pour jeter un œil au prototype initial.
- Avec un horizon de sortie en 2026 et un état de développement assez early, quelles sont les pistes d’évolution, les éléments ou mécaniques que vous aimeriez intégrer au jeu ?
J’aimerais garder cet esprit “expérimental” qui m’a amené jusqu’ici, ne pas avoir une idée trop rigide de ce qu’est le jeu et rester ouvert aux possibilités d’évolution tout au long du développement ; c’est aussi l’avantage d’être entièrement indépendant.
- Au cours de votre journal de développeur, vous avez annoncé une démo pour le début 2025. Qu’aurons nous l’occasion de découvrir durant cet aperçu ?
De manière assez classique, la démo correspondra aux premières minutes du jeu, permettant aux joueurs de découvrir tutoriels et premiers niveaux, ainsi que les enjeux narratifs qui se développeront au long du mode histoire. L’objectif est de présenter clairement ce à quoi ressemblera le jeu, de manière à pouvoir jauger l’intérêt général et, si nécessaire, faire de petits ajustements.
- Nous avions déjà eu l’occasion d’échanger ensemble pour un autre projet, Mona. Vous nous aviez expliqué que celui-ci avait été mis en pause pour l’instant, pouvez-vous nous en dire plus ? Comptez-vous revenir dessus un jour ?
Oui, dans un genre radicalement différent, Mona est un jeu de puzzle narratif, basé sur des graphismes bien plus réalistes et une ambiance autrement plus sombre. C’était mon premier gros projet de jeu, qui a attiré un peu l’attention quand j’ai commencé à le partager sur les réseaux, mais qui est arrivé à un moment charnière un peu complexe pour moi : fin d’études, entrée dans le monde du travail, changement de ville, etc.
J’ai été obligé de mettre le développement en pause pendant quelques mois, et lorsque j’ai eu l’occasion de reprendre, j’ai choisi d’attaquer un projet (qui à l’époque m’avait l’air) plus simple, et qui est devenu In the Same Boat. Tout ça pour dire que Mona n’est en aucun cas abandonné, et que je compte bien reprendre son développement dès que j’en aurai le temps.
- Avez-vous une anecdote ou une histoire insolite à raconter ? Quelque chose qui vous a marqué ou une anecdote de développement sur le jeu ?
Ce n’est pas vraiment une histoire insolite, mais peu après avoir entamé le développement du projet, j’ai réalisé, par pure coïncidence, une mission de plusieurs mois pour le Musée de la Marine à Paris où j’ai participé à la réalisation de films immersifs sur la mer et la navigation ! Ça m’a permis de me plonger dans le sujet par un autre prisme, et de découvrir tout un tas d’éléments passionnants sur l’histoire des navires et de l’exploration, qui ont largement influencé le jeu.
- Un dernier mot pour nos lectrices et lecteurs ?
Bon vent (et wishlistez In the Same Boat) !
Découvrez tous les jeux de l'AG French Direct sur SteamNous adressons nos remerciements à Samuel Chamalet pour toutes ces réponses au sujet de ce projet qui devrait proposer de belles expériences, jonglant entre frénésie et rigolade. Et bien qu’In the Same Boat ait encore beaucoup de miles à parcourir, avec un cap de sortie porté vers 2026, le jeu disposera d’une démo début 2025. Enfin, et si le titre vous intéresse, n’hésitez pas à le wishlister en vous rendant sur sa page Steam.
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Date de sortie : N/C