Dark Devotion : Notre interview avec Hibernian Workshop
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Rédigé par Penderflash
Cette première moitié d’année 2019 a été particulièrement riche sur le plan de la scène indépendante. En témoigne par exemple l’accent singulier et central donné à ce type de productions lors du dernier E3. Les jeux indépendants, en tant que laboratoire expérimental indispensable au monde du jeu vidéo occupe indiscutablement le rôle de poumon pour cette industrie, distillant bien souvent idées originales et audacieuses mais aussi nouveaux codes, nouvelles lignes directrices dans un secteur très riche et varié.
Notre chronique Indie Story se veut un reflet, certes partiel et modeste, de cette dimension cruciale du jeu vidéo et s’attèle à proposer un éclairage un peu différent sur les dizaines de productions indépendantes parues chaque mois. Parmi les belles découvertes de ce début d’année, on peut citer par exemple le très ténébreux Dark Devotion, production française remarquée et remarquable qui devrait d’ailleurs bientôt arriver sur nos consoles (PS4 et Switch) d’ici la fin de l’année.
Nous avons eu la chance et l’honneur d’interviewer deux des membres de l’équipe d’Hibernian Workshop, Louis Denizet et Alexandre Magnat, respectivement programmeur/designer et responsable de la technique et du visuel du jeu (l’équipe se compose également d’Arthur Dos Santos, responsable de la bande-son et de l’écriture).
À travers une série de questions bien ciblées nous avons pu en apprendre un peu plus sur ce projet Dark Devotion dont les prémisses datent tout de même de 2015.
Sommaire
ToggleGenèse du projet et inspirations
La première question qui nous taraudait les lèvres était celle du choix du personnage central du jeu, une femme, à qui il est demandé presque l’impossible : réussir là où tous ont échoué. Ce choix s’était déjà porté sur une femme alors que le titre n’était encore qu’un prototype. Celle-ci devait alors s’appeler Lydia.
Au cours du développement du titre, certaines expérimentations orientant la narration vers un personnage masculin n’avaient pas convaincu. Au gré de l’avancée du projet, ce choix s’est avéré judicieux puisque cette héroïne était bien plus à même d’endosser et d’incarner le personnage à la fois résolu et « empathique » voulu pour cette aventure.
La dévotion a surtout été conçue comme monnaie pour donner des accès à certains endroits.
L’autre dimension à la fois fascinante et centrale dans Dark Devotion est la religion. Comme dans un Diablo, elle est conçue ici comme le dernier rempart face aux forces du mal. Outre le courage et l’abnégation, il faut au personnage principal de la dévotion pour affronter toutes les péripéties sur ce chemin tortueux et truffé de créatures maléfiques.
Mais bien au-delà de la connotation religieuse accordée à cette dévotion, c’est en tant que mécanique que celle-ci est mobilisée dans l’aventure comme le signale Louis Denizet : « La dévotion a surtout été conçue comme monnaie pour donner des accès à certains endroits. Elle impose de faire des choix au cours de la partie ». Côté inspiration également, la référence mentionnée par l’équipe au cours de l’entretien était Darkest Dungeon pour son ambiance sombre notamment.
Mécaniques de jeu
Afin de mieux comprendre certaines mécaniques de jeu de Dark Devotion, il nous a semblé également important d’interroger l’équipe sur les différentes animations dont le titre se compose. Avec plus d’une centaine d’heures passées sur les animations des armes et armures (le jeu compte plus de 200 armes et 20 armures), le jeu a vraiment fait l’objet d’une attention particulière comme le souligne Alexandre Magnat.
Certaines animations avaient étaient explorées au cours du développement sans toutefois être retenues dans la mouture finale. C’est le cas par exemple d’un système d’épuisement expérimenté dans des circonstances bien définies. L’idée était en effet d’alerter le joueur sur l’épuisement de l’endurance du personnage. Ceci se traduisait à l’écran par une animation de fatigue temporaire de deux secondes au cours de laquelle l’héroïne faisait montre de son harassement en laissant ses bras se balancer dans le vide tant elle se trouvait à bout de force.
Une fois ce cours épisode terminé, la jauge remontait lentement, juste assez pour permettre au joueur de reprendre son avancée. Cette idée, aperçue également lors des premières bêta de Nioh (puis également abandonnée) avaient au départ séduit les développeurs en raison de son caractère réaliste.
Elle offrait également une certaine forme de challenge aux joueurs, les obligeant à scruter régulièrement cette jauge et à bien mesurer leurs actions, à bien choisir leurs combats. Toutefois, cette idée, belle et intéressante sur le papier, n’a finalement pas été retenue dans la version finale du jeu.
La fréquence de ces animations était jugée trop importante et relativement dissuasive : « Le titre se base sur un fonctionnement en points de vie : un coup c’est un point de vie. Si l’on partait de l’idée que la fatigue devait correspondre également à un point de vie, à la longue, cela faisait trop. Nous n’avons donc pas retenu cette idée » nous détaille Alexandre, en charge de la technique sur le jeu.
La préférence de l’équipe se portait sur le côté arcade du jeu plutôt que sur le côté réaliste.
L’autre animation également abandonnée en cours de développement est plus anecdotique mais révèle malgré tout un certain positionnement d’ensemble de l’équipe. Elle a trait aux mouvements du personnage lorsqu’elle prend une échelle pour se déplacer. Une animation avait été imaginée, mais celle-ci ralentissait significativement le jeu. Or, la préférence de l’équipe se portait sur le côté arcade du jeu plutôt que sur le côté réaliste.
Ainsi, tout ce qui, de près ou de loin, entravait inutilement les déplacements du personnage ou cisaillait vainement l’action sans offrir en retour de véritable avantage narratif ou de bénéfice d’ensemble, s’est vu exclu de la version finale afin d’assurer une certaine cohérence globale mais aussi un certain rythme à cette descente aux enfers si plaisante à jouer.
Faire vivre le projet Dark Devotion
On le voit, comme premier projet, Dark Devotion a nécessité beaucoup de patience, d’implication et de réflexion mais aussi beaucoup de recul afin de donner au titre toute la maturité suffisante lui permettant d’exprimer pleinement son potentiel et d’apporter aux joueurs une expérience particulièrement marquante et riche.
Ce pari, clairement réussi, impose également un investissement singulier après la sortie du jeu. L’un des points sur lequel l’équipe a dû travailler en priorité était l’usage de la manette. Le logiciel utilisé pour développer le titre, Clickteam Fusion 2.5, ne permettait pas d’utiliser en première intention les manettes de jeu usuelles. Dès lors, des développements additionnels ont dû rapidement être proposés pour garantir cet usage.
Le prochain projet sera différent et coloré, plus axé sur l’action.
L’autre enjeu central qui a occupé l’équipe d’Hibernian Workshop concerne le portage de Dark Devotion sur consoles (PS4 et Switch). Ce portage, conçu en partenariat avec l’équipe de support de Clickteam Fusion 2.5 justement, devrait sans doute permettre au titre de franchir un pallier et de s’ouvrir à d’autres publics.
Ce portage révèle également que l’aventure Dark Devotion est loin d’être terminée. D’ailleurs, comme le soulignent conjointement Louis et Alexandre, leur attention est toujours portée sur le titre et sur les retours de la communauté. De récentes mises à jour illustrent de surcroît cet investissement et symbolisent également le lien très fort qui unit bien souvent les créateurs de jeux et la communauté des joueurs sur la scène indépendante.
Pour ce qui est des projets à venir, l’équipe voit plus loin et surtout vers d’autres contrées : « Le prochain projet sera différent et coloré, plus axé sur l’action. Nous avons fait le tour de la question sur Dark Devotion. Pour l’heure, il n’est pas question pour l’heure d’en faire un deuxième volet. Nous avons envie de faire autre chose ! ».
Nous ne manquerons pas bien sûr de suivre attentivement les prochains projets de l’équipe sur ActuGaming.
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Date de sortie : 25/04/2019