Le Donjon de Naheulbeuk – L’Amulette du Désordre : Notre interview avec Eric Wilain d’Artefacts Studio
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Rédigé par Jordan
Récemment repoussé de quelques semaines, Le Donjon de Naheulbeuk – L’Amulette du Désordre a dévoilé une séquence inédite de gameplay lors de l’AG French Direct afin de faire patienter les joueurs. Entre temps, Eric Wilain d’Artefacts Studio a pris le temps de répondre à quelque unes de nos questions sur l’adaptation très attendue de la saga audio et littéraire de John Lang.
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ToggleRetour sur les débuts du projet et sur Artefacts Studio
- Bonjour ! Pourriez-vous vous présenter et préciser à nos lecteurs votre rôle au sein de studio ?
Je suis Eric Wilain, chef de projet et producer depuis un peu moins de quatre ans chez Artefacts Studio, et j’ai la joie de travailler sur le Donjon de Naheulbeuk – L’Amulette du Désordre depuis son début en octobre 2017. En tant que chef de projet, j’organise tout ce qui est planning et la coordination entre les différents corps de métier. Je donne aussi ma vision et je suis l’une des personnes qui donnent l’objectif à atteindre sur le jeu, sa direction.
- Comment est-ce que l’équipe actuelle est arrivée sur ce projet d’adaptation du Donjon de Naheulbeuk, qui est en gestation depuis de nombreuses années ?
C’est Bruno Chabanel, notre patron, qui il y a maintenant une dizaine d’années avait été intéressé par la façon dont John Lang avait approché le monde l’heroic-fantasy par la parodie. Du coup, ça a commencé à cette époque, où ils discutaient, quand Bruno lui avait proposé de faire un jeu et que John était plutôt partant.
Ça a donné dans un premier temps la démo qui était sortie en 2013 ou 2014, et il y a eu un long hiatus avec des problèmes juridiques et financiers. On a pu reprendre le projet. Il a jamais été lâché chez Artefacts, mais on l’a relancé fin 2017, une fois qu’on s’était débarrassé de toutes ces problématiques là.
- Passer de jeux comme Agatha Christie : ABC Murders à un RPG tactique comme le Donjon de Naheulbeuk a été un grand bouleversement pour le studio ?
C’est vrai que c’est un projet qui change de ce qu’on fait d’habitude, car Artefacts est une entreprise qui a surtout fait de la commande jusqu’à présent, car il faut faire vivre le studio. Tous ces projets là ont permis de petit à petit construire une tirelire qu’on a pu briser pour faire ce jeu, qui est le jeu que l’entreprise a envie de faire.
C’est un gros changement de taille de projet, car effectivement, on passe sur un volume de gameplay qui est quand même très conséquent par rapport à ce qu’on a déjà pu faire. C’était une grosse somme de challenge tout au long des trois ans de production, mais ça fait partie de la vie d’une boite, car quand on veut faire quelque chose, on s’en donne les moyens et on relève les défis qui se posent à nous.
- Le choix d’en faire un RPG très orienté tactique vient de vous ou de John Lang ?
Comme disait Bruno, c’est que lui lorsqu’il avait contacté John Lang à la base, il lui avait proposé soit un FPS soit un jeu de danse et que John l’avait ré-aiguiller sur un RPG (rires).
Le choix de ce genre coulait de source, et faire un vrai RPG coûte plus cher qu’un RPG tactique. Déjà que l’on est sur un projet plus gros que ce qu’on a l’habitude de faire en interne, il a fallu garder un certain sens des mesures dans ce qu’on voulait faire. Le Tactical est un genre qu’on apprécie beaucoup en interne, donc on part avec une certaine expérience en tant que joueur sur le sujet.
Influences et gameplay
- Quels sont les jeux qui vous ont influencé pour la création du Donjon de Naheulbeuk – L’Amulette du Désordre ?
Il y en a eu beaucoup, dont certains sortis au moment de la prod, mais les références initiales étaient The Banner Saga, X-COM et X-COM 2, ou Blackguards.
Il y a toujours des mécaniques à droite à gauche qui sont sympas dans tel jeu ou un autre, et pendant la prod il y a eu des jeux excellent sortis dans le genre comme Mutant Year Zero, qui n’ont pas particulièrement influé sur la production car on était déjà lancé dans notre propre train, mais il y a eu des bonnes idées d’un peu partout. J’espère que quand on parlera d’autres studios qui font des tacticals dans les années à venir, ils prendront aussi le Donjon de Naheulbeuk – L’Amulette du Désordre comme référence.
- Justement, là où se démarque le jeu est dans sa capacité à jongler entre le côté très tactique des combats et l’humour des personnages, avec des caractéristiques d’anti-héros un peu nuls. Comment avez-vous réussi à conserver un équilibre entre cela ?
Ça a été une vraie question surtout au début de la prod, de se demander comment faire pour faire évoluer les personnages en gardant cet aspect foireux et coller à la licence, mais en ayant un jeu jouable. Sur les premières itérations comme à la gamescom 2018, les personnages rataient une attaque sur deux, ça pouvait être très long et frustrant assez rapidement.
Au fur et à mesure du développement, on s’est rendu compte que c’était cool de garder l’esprit de la licence, mais il ne fallait pas oublier que derrière, le combat devait être intéressant et pas trop aléatoire. On a voulu conserver la notion d’avoir des ratés, des échecs critiques, qui sont pour certains très illustrés pour rester dans l’esprit de la licence, mais à côté de ça on a rajouté une mécanique qui n’est pas dans la démo, que l’on voulait avoir depuis la début mais qui n’était pas prête.
A chaque fois que le joueur rate une action ou effectue un échec critique, cela va venir alimenter une jauge qui va permettre au joueur d’avoir des options supplémentaires en avançant dans le jeu. On ne veut pas récompenser l’échec, mais on veut le compenser d’une certaine façon. Même en cas d’échec critique, on ne va pas forcément vouloir recharger notre sauvegarde pour tenter autre chose derrière
- Oui, car les combats ne sont pas forcément simples à appréhender au début, d’où la présence du mode facile. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?
Dans la démo, le mode de difficulté se situerait entre le mode Normal et le mode Difficile, plus vers le Difficile. On a fait pas mal de réglages de ce côté-là. Le mode Normal sera plus simple que dans la démo, et un mode Histoire sera présent. On sait que Naheulbeuk est une série qui rassemble beaucoup, notamment en France, mais on sait que c’est pas parce qu’on est fan de Naheulbeuk qu’on est fan de ce genre de jeu.
L’idée de ce mode Histoire est de permettre aux gens qui veulent juste suivre l’histoire de jouer sans faire face au mur des combats tactiques poussés, qui demandent de passer des dizaines de minutes dessus, rien que pour avoir la suite de l’histoire. Ce mode a pour objectif d’avoir zéro challenge particulier pour le joueur, presque pour avoir une sensation type Doom-like où on roule sur tout le monde avec une impression de puissance, qui du coup sera pas très fidèle à la licence, mais ça permettra de plus se concentrer sur le développement de l’histoire des quêtes secondaires etc.
- A combien de quêtes secondaires peut-on s’attendre ?
Aujourd’hui, on en a 18, sachant que trois d’entre elles sont exclusives. On ne pourra pas avoir les trois en même temps dans la même partie.
- Aurons-nous un côté exploration assez ouvert ou plus dirigiste ?
Le jeu est fortement lié à sa narration, donc les étages que l’on va découvrir au fur et à mesure de l’exploration font que cela va être linéaire. Mais si on ne fait que l’histoire principale, on va passer à côté de la moitié du donjon. Tout l’aspect contenu optionnel avec les quêtes secondaires, les énigmes, qui permettent de revenir à des étages déjà explorés et en découvrir d’autres qui ne sont pas sur le chemin principal.
- A quel point l’histoire diffère de l’histoire originale ?
A peu près complètement (rires). Quand on a commencé la rédaction de l’histoire, on avait trois ancres. La première est qu’on devait commencer au même endroit, la deuxième était de finir au même endroit, donc la saison 1, et la troisième et qu’il fallait qu’on intègre cette notion d’Amulette du Désordre et du coup, entre les deux, on avait vraiment champ libre tant qu’on réussissait à la fin à retomber sur nos pattes.
Il y a des références, beaucoup de similitudes, de personnages qu’on va retrouver etc, mais pas forcément dans la même situation, mais c’est une histoire 100% originale.
- Il y a donc beaucoup de nouveaux personnages, dont certains pourront rejoindre le groupe ?
Effectivement, en jouant à la démo on peut voir qu’on peut faire un bout de chemin avec la Paladine. On pourra choisir un des trois compagnons qui ont été présentés récemment pour accompagner le groupe sur le reste de l’aventure. Ou alors, si on a envie d’avoir un niveau de difficulté supérieur, on peut choisir aussi de ne prendre personne pour garder le groupe original, ce qui veut dire qu’on a un personnage de moins à jouer, ce qui se sent rapidement.
- On devine alors que les trois quêtes optionnelles évoquées avant sont donc liées à ces trois personnages ?
Peut-être bien oui (rires).
Casting vocal et réception de la démo
- Quel a été le retour des joueurs sur la démo, et cela vous a t-il permis de modifier des choses ?
On a eu énormément de retours positifs, ça fait extrêmement plaisir de voir. Jusqu’à maintenant on avait une certaine conviction que l’on faisait des trucs biens, mais y’avait pas ce vrai retour du public donc oui, ça nous a fait beaucoup de bien. On a eu beaucoup de retours que l’on a pris en compte au niveau de la caméra. Les joueurs seront ravis en apprenant que la caméra est beaucoup plus libre qu’avant aussi bien en combat qu’en exploration.
Il y a d’autres points qui ont été remontés dans ce genre là, sur des choses qui nécessitait des clarifications etc. On a pris en compte un certain nombre de retours, mais aucun sur les voix, je préfère l’annoncer (rires). Ça a été un point très contesté par une partie de la communauté. Mais c’est comme ça, les choses évoluent, John a demandé a ce que les voix sont comme ça donc il faudra s’y faire.
- Quels ont été les changement qui on fait polémique ?
Ça dépend des personnes, mais les gens n’aiment pas vraiment l’elfe et la magicienne de façon général…
- Étonnant, ces voix sont pourtant assez similaires aux précédentes non ?
C’est ça que je ne comprend pas. Quand on a fait les castings, les traitements des voix pour essayer de se rapprocher le plus possible de la saga, quand on a eu ces retours, je suis allé refaire une passe dessus pour voir à quel point je m’étais planté, et non, c’est quand même plutôt proche de ce que c’était à l’époque, mais bon oui c’est pas John qui qui s’en occupe, vu qu’on a demandé à des femmes de faire des rôles de femmes.
- John Lang est tout de même toujours présent pour le Nain et le Barbare c’est ça ?
Oui et l’Ogre aussi. Il fait également des personnages supplémentaires en plus.
- En parlant de doublage, comment avez-vous approché tout votre casting vocal comme Benzaie, Bob Lennon, Franck Pitiot et Jacques Chambon ?
Pour Bob et Benzaie, c’est John qui les a ramené dans la boucle. Ils se connaissent car ils ont fait des salons ensemble, donc il leur a proposé et ça s’est bien passé.
En ce qui concerne Franck et Jacques, déjà c’est des Lyonnais donc ça facilite les discussions. Olivier, notre directeur de production, connait Franck de très longue date, et comme Franck était la personne qui s’est aussi occupé des enregistrements audio avec son studio Miroslav Pilon, les choses se sont faites facilement en discutant. C’est comme ça qu’on a eu Franck et Jacques.
- Pouvez-vous nous en dire plus sur leur rôle respectif ?
Jacques joue le Ranger et des rôles secondaires. Il y a de mémoire 140 personnages qui parlent dans le jeu, on avait clairement pas 140 acteurs donc les gens ont fait pas mal de passages en modifiant leurs voix etc.
Donc si vous voulez faire un petit jeu pour tous les trouver… (rires) Chaque comédien a en général un rôle principal. Celui de Franck est un personnage qu’on rencontre juste après la fin de la démo, qui s’appelle Emile, le gérant de la taverne. Un personnage que vous rencontrerez dans l’histoire, qui a une participation tout au long de celle-ci. D’ailleurs, Franck, trois de ses personnages secondaires sont dans la démo.
- On parle beaucoup des voix françaises étant donné que la série l’est aussi, mais comment s’est passé le contact à l’international, qui ne connaît pas la série aussi bien que les français ?
Ce qu’il faut voir, c’est que le fait d’internationaliser le Donjon de Naheulbeuk était notre plus gros challenge. Si on y arrivait pas, le jeu aurait peu de chances d’être un succès. La communauté française n’aurait pas suffit à supporter le poids du développement.
Au niveau des acteurs, il y a Felicia Day, qui joue la magicienne, qui était dans le viseur de Dear Villagers dès le premier jour, afin d’être l’ambassadrice de Naheulbeuk à l’étranger. C’est la personne idéale pour faire ça. C’est une des rares personnes à n’avoir qu’un seul rôle à travers le jeu. Quand on lui a présenté le jeu, le pitch, la démo version gamescom, elle a tout de suite accroché, elle a trouvé le traitement des personnages génial, elle a adoré la DA. Ça a été un coup de coeur, donc ça s’est bien passé pour la suite.
Pour le reste du casting, ce sont des acteurs qui résident tous en France, donc soit à Paris soit à Lyon. Du coup il n’y a pas eu particulièrement besoin de les convaincre. De façon général, il faut applaudir le travail de Nelson, notre traducteur, qui a fait une localisation exceptionnelle du jeu. On a eu droit aux premiers textes qui semblaient plutôt cools, avec des bonnes traductions sur les jeux de mots, mais c’est quand on a commencé à faire relire aux acteurs qu’on a vu qu’ils étaient tous ultra contents de ce que c’était, de la gueule que ça prenait. C’est là qu’on se dit qu’on a bien fait les choses.
- Et pour ce qui est du public à l’international ?
Depuis la PAX East, première révélation internationale du jeu, les retours anglophones de façon général ont été extrêmement bons, même meilleurs que ceux des français car les français se plaignent des voix (rires), alors que les anglais découvrent sans la licence. Il y a pas ce passif. La DA plait, l’écriture des personnages aussi, et le gameplay est suffisamment épais pour que ça attire l’intention des gamers.
Raisons du report et évocations d’éventuels portages
- Pouvez-vous nous parler plus en détail de l’extrait de gameplay diffusé durant l’AG French Direct ?
On a choisi ce moment car il ne racontait pas trop de choses sur l’histoire et qu’on ne voulait pas spoiler le fil rouge, et qu’on revoyait des personnages déjà rencontrés lors de la démo. Sans trop spoiler, je peux dire que c’est durant le chapitre 4, qui est un chapitre qui devrait bien marquer les esprits…
- Le jeu a été récemment repoussé de quelques semaines, pour quelles raisons ?
On n’était pas satisfait de l’état de l’équilibrage du jeu actuellement, il faut qu’on revoie des choses, on pense que trois semaines suffiront pour améliorer cet aspect-là. C’est vraiment un report sur la qualité, on trouve encore quelques bugs gênants à corriger. On sentait que s’il sortait le 27 août, cela n’allait pas forcément être aussi bien que ça pouvait l’être juste avec trois semaine de plus.
- Peut-on prévoir une sortie sur consoles à l’avenir ?
On voulait initialement faire des sorties simultanées mais ce n’était pas réaliste. Cela allait nuire à la qualité du jeu. On a fait le choix de se concentrer sur le PC et la version Mac dans un premier temps. Ensuite, c’est toujours en discussion, mais je ne peux pas donner de réponse définitive aujourd’hui.
- Mais idéalement, c’était votre souhait ?
En tout cas la volonté a toujours été là.
- Plus sur Switch ou sur les consoles de Microsoft et Sony ?
La Switch n’est pas forcément au niveau d’un point de vue hardware. C’est pas impossible, on aimerait bien car mine de rien aujourd’hui je trouve que c’est une plateforme qui prend beaucoup de place sur le marché. Je trouve aussi que c’est un genre de jeu qui s’y prête très bien.
La question est plus de se demander si on sort une version Switch à tout prix, quitte à ce que ça ressemble pas vraiment au jeu original, car il a fallu faire trop de concessions sur le jeu… Beaucoup de discussions qui sont toujours en cours entre Artefacts et Dear Villagers. Encore une fois, une volonté oui, mais est-ce que ce ça sera fait… Il faudra suivre Dear Villagers qui s’empressera de l’annoncer si c’est validé (rires).
- Avez-vous une anecdote intéressante ou amusante à nous raconter à propos du développement ?
Il y a toujours quelque chose qui m’a beaucoup fait rire pendant le développement de ce jeu, c’est cette capacité à avoir des réunions avec des gens très sérieux, qui parlent de façon très sérieuses de trucs complètement débiles, de comment est-ce que le poulet devait attaquer, etc. J’aurais du mal à en sélectionner une seule, mais c’est vraiment ce fait d’être en réunion et à un moment, en prenant du recul sur la discussion, de se demander si on est vraiment en train de parler de ce genre de sujet (rires).
- Un mot de la fin ?
Pour ceux qui connaissent Le Donjon de Naheulbeuk, j’espère que la sortie imminente va vous combler. Encore une fois, c’est une histoire originale, donc même si vous n’êtes pas un grand adepte du genre, il y a quelque chose pour tout le monde.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, je pense que c’est une bonne porte d’entrée vers cet univers parodique, donc profondément « intelligent ». Et si vous êtes un amateur de tacticals, je pense que ce jeu pourra combler vos attentes niveau challenge, que ce soit par le système de base plutôt épais, et par les niveaux de difficulté qui vont proposer une expérience de jeu compétitive.
On remercie Eric Wilain pour le temps qu’il nous a accordé et pour sa gentille. Le Donjon de Naheulbeuk – L’Amulette du Désordre sera disponible sur PC et Mac dès le 17 septembre prochain.
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Date de sortie : 17/09/2020