Metal Slug Tactics : Notre interview avec Cyrille Imbert (Dotemu) et Aurélien Loos (Leikir Studio)
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Rédigé par Jordan
Dotemu ne cesse de faire revivre des licences du passé avec des réactualisations modernes qui deviennent des succès, comme en témoigne l’accueil réservé à Streets of Rage 4. On retrouvera prochainement l’éditeur aux commandes d’un nouveau jeu Tortues Ninja en 2D, qui ravivera les souvenirs de bon nombre de joueuses et de joueurs ayant grandi dans les années 90, mais on notera également le retour la licence mythique Metal Slug avec Metal Slug Tactics.
Et si jusqu’ici, Dotemu faisait revivre des licences en actualisant le gameplay déjà existant, Metal Slug Tactics emprunte un tout autre chemin, en abandonnant le run’n gun si caractéristique de la série pour une approche plus tactique. Un choix osé, qui a surpris pas mal de monde lors de l’annonce du jeu durant le Summer Game Fest. L’occasion pour nous de revenir sur cette direction prise par le jeu grâce à une interview de Cyrille Imbert, président de Dotemu et Aurélien Loos, directeur créatif chez Leikir Studio, avec qui nous avons pu discuter de certains points.
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ToggleComment est née l’idée d’un Metal Slug version Tactical
Avec un projet pareil et une proposition aussi diamétralement opposée à ce que l’on attendait de la licence, on peut se demander comment est née l’idée d’un tel jeu. Si Dotemu se fait petit à petit connaitre des géants japonais grâce à ses récents succès, ce n’est pas SNK qui est venu demander à l’éditeur français de travailler spécifiquement sur Metal Slug, mais bien Dotemu qui cherchait de nouveaux projets. Et le choix de Metal Slug n’était pas forcément une évidence au départ, comme l’explique Cyrille Imbert :
« Voyant ce qu’on faisait avec Wonder Boy et Street of Rage, ils [SNK] m’ont dit que ça serait sympa de bosser ensemble, et que si j’avais une idée, il ne fallait pas hésiter. J’avais pas d’idées au début, je cherchais mais je voyais pas trop ce qu’on pouvait faire. Le jeu de combat, c’est compliqué. Il y a d’autres licences qui sont excellentes, même moins connues et un peu moins risquées aussi, et Metal Slug… le jeu est tellement bien à tous les niveaux que faire un remake, ça n’avait pas trop de sens. »
C’est finalement en discutant avec Aurélien Loos, connaissance de longue date, que la relation entre Leikir Studio et Dotemu a permis d’imaginer le projet de Metal Slug Tactics :
« Avec Aurélien on se connait depuis un certain temps, on voulait bosser ensemble depuis pas mal de temps […] On a commencé un peu à brainstormé tout ça, et Aurélien a eu l’idée de faire un tactical avec Metal Slug. Et plus on en a parlé, plus on trouvait que ça avait du sens. On a essayé de faire un prototype visuel travaillé par l’équipe d’Aurélien, on l’a présenté à SNK, et SNK a trouvé ça très cool. »
Penser Metal Slug sous le prisme d’un tactical est forcément étonnant. Il est donc naturel de se demander comment le projet a pris cette forme, ce qui a été motivé par deux raisons selon Aurélien Loos :
« Quand on discutait avec Cyrille, la proposition devait aussi venir de l’ADN de notre studio. Notre spécialité, c’est vraiment les jeux à système, que ce soit pour les jeux de gestion ou de stratégie. Donc je pouvais pas non plus venir avec une idée de jeu de baston ou de voiture, c’est pas quelque chose qu’on sait faire. L’autre raison, c’est que le setup de Metal Slug est parfait pour le tactical. Avec les armements, les véhicules, tout le contexte politico-militaire, c’est un contexte idéal pour un tactical. Donc ça faisait vraiment sens. Je revois encore nos têtes quand je fais la proposition à Cyrille, avec nos yeux qui s’agrandissent car ça sonnait tellement bien. Tout était réuni pour que ce soit le bon projet. »
Un point sur les influences et le gameplay
A la vue du premier trailer de Metal Slug Tactics, beaucoup y ont trouvé des références à d’autres grands jeux du genre. Mais selon Aurélien Loos, si l’équipe a forcément une grande connaissance du genre, en citant par exemple Into the Breach pour son rythme, ou encore certaines caractéristiques de XCOM 2, le gameplay du titre a plus été influencé par les éléments qui composent l’ADN de Metal Slug que par d’autres tacticals :
« Sur la tactique pure, on n’a pas trop de références, parce que ce qu’on essaye de faire, c’est de récupérer l’ADN de Metal Slug et de l’injecter dans du tactical. Donc ça veut dire essayer de faire un tactical qui est nerveux, rapide. Enormément de mécaniques de jeu sont basées sur le mouvement, et il y a même des mécaniques de jeux qui reprennent la mécanique de scrolling mais en version tactical […] Le mouvement des joueurs, c’est ce qui va builder l’adrénaline, qui est la ressource pour utiliser les capacités spéciales.
Aussi, les missions ne sont pas forcément constituées que d’une seule map. Quand on arrive à un certain point, il y a une nouvelle map qui tombe et qui agrandit la map de départ, donc il y a toute une gestion sur le moment où tu fais tomber cette nouvelle map, un peu comme la gestion de l’avancement sur l’écran. Il faut faire tomber une nouvelle map au bon moment, car avec la nouvelle map vient une nouvelle vague d’ennemis. C’est donc plutôt cette logique de mouvement, qui permet d’agrandir la map de manière plus organique avec les renforts, sur quoi on s’est penché principalement. »
S’il est encore trop tôt pour parler de la durée de vie et du nombre de maps, Leikir Studio travaille actuellement à l’équilibrage du jeu, afin de trouver la bonne durée d’un run. Car le jeu comportera des éléments de roguelite, qui seront au cœur de la progression, mais qui évitent l’écueil du côté procédural pour prôner un artisanat dans tout le design des maps :
« Au fur et à mesure des runs, on peut débloquer des nouvelles capacités, des nouveaux personnages, de nouvelles armes […] Tout est designé à la main en terme de level design, par contre les missions (la map qui va tomber, les ennemis etc), ça va être aléatoire, mais c’est de l’aléatoire avec des situations faites à la main. Il n’y a pas de notion de procédural, car ça ne marchait pas avec le rendu pixel art que l’on voulait atteindre, ni avec le tactical et comment on a besoin de bien contrôler le gameplay, surtout vu que ce dernier est basé sur le mouvement et la gestion de l’espace. »
On peut donc déjà se rassurer sur le soin accordé à chaque map, qui ne sera pas lié au hasard, tout comme certaines et certains pourront être soulagés d’apprendre que malgré cette influence roguelite, plusieurs niveaux de difficultés seront de la partie, avec tout de même un challenge important pour contenter les amateurs de défis corsés :
« Le but c’est quand même que tout le monde puisse rentrer dedans. Après oui, en mode normal, et surtout en mode hard, ça va piquer. Le jeu est un tactical, il faut qu’il soit challengeant, puisque le genre est exigeant de base. Mais il y aura tout de même un mode de difficulté qui permettra à tout le monde de rentrer dedans et d’apprendre le jeu sans soucis. »
Des personnages et un lore plus développés que jamais
Cette nouvelle approche permet également au studio de s’intéresser un peu plus au lore de Metal Slug, qui peut être raconté d’une autre façon et exploré encore plus profondément que dans les autres jeux de la licence, et ce avec le champ libre laissé par SNK :
« [Le côté roguelite] permet aussi de découvrir de nouvelles pistes narratives. L’énorme avantage du tactical, c’est que ça nous laisse plus de place pour parler de l’univers de Metal Slug. C’est un lore qui est assez dense, et qui n’est pas exploité à fond dans les run’n gun parce que t’as pas beaucoup d’espace pour raconter des histoires […] On a une totale liberté sur l’utilisation de la licence. On fait un doux mélange entre ce qu’on a tous envie de voir en isométrique en tant que fan, et faire découvrir des choses que les fans du genre ne connaissent pas. Notamment sur les personnages principaux en fait, que ce soit Marco, Eri etc., ils ont tous un passé qui est plutôt très bien documenté mais rarement exploité. »
On ne sait d’ailleurs pas combien de personnages seront jouables à l’heure actuelle, ni si certains personnages cultes de SNK pourraient apparaitre en tant qu’easter egg, mais Aurélien Loos insiste sur le fait que chaque personnage jouable sera unique :
« Chaque personnage à un arbre de compétences unique et un arsenal spécifique. La constitution de l’équipe est extrêmement importante, on a mis un focus très fort sur le gameplay de chaque personnage. Tous les personnages jouables sont très différents dans leur manière d’aborder le champ de bataille, et donc il y a tout cet enjeu d’apprendre à les connaître, d’apprendre les bonnes synergies entre eux pour avoir une bonne équipe. »
Une direction artistique évidente pour le studio
En dehors de son gameplay, le titre a également attiré l’œil grâce à sa direction artistique, qui a fait plaisir aux amateurs de pixel-art. Un choix visuel qui ne pouvait être autrement selon Aurélien Loos :
« Pour nous, Metal Slug c’est le sommet du pixel-art. C’était impensable pour nous de faire un jeu qui ne soit pas en pixel-art. L’épisode où j’ai passé mon enfance c’était Metal Slug 2. Donc c’était un choix d’amour, mais il y avait un vrai défi. Quand on a commencé à parler du projet, le premier truc que j’ai dit à Cyrille c’était de faire un proto graphique, car si ça se trouve, on sera pas au niveau. Tu peux pas faire du pixel art en mettant le nom Metal Slug et que ce soit pourri, c’est pas possible. Même moyen c’est pas possible. Il y a un autre truc cool, c’est que l’isométrie permet de profiter plus de cet univers. Il y a des ennemis, des véhicules, des boss, plein de choses qu’on va voir bien plus facilement sous tous les angles. En fait y’a eu aucun débat sur ce sujet-là, le pixel art était automatique comme choix. »
Le trailer a donc mis en avant cette direction artistique, mais on a aussi pu découvrir l’orientation musicale prise par cet épisode avec une musique composée par Tee Lopes, que Dotemu connait bien puisqu’il a travaillé sur la bande-son de Streets of Rage 4. Et contrairement à ce dernier, il sera seul aux commandes pour Metal Slug Tactics, du moins pour l’instant. Cyrille Imbert explique ce choix :
« Ca s’est fait naturellement. On n’avait pas forcément d’idée de base sur qui pourrait faire l’OST, et vu que Tee avait déjà travaillé sur Streets of Rage 4, ça faisait déjà un bout de temps qu’on bossait ensemble. J’adore ce qu’il fait, je trouve qu’il comprend bien le rétrogaming, il est dans la même logique que ce que l’on fait avec nos projets, mais dans la musique. Je l’ai proposé à Aurélien, et on s’est dit qu’on allait faire un essai pour la musique du trailer, et il a fait un essai, et c’était trop bien. Donc c’était plié *rires*. »
Le mot de la fin
Avec tout cela, on a désormais de quoi se faire une idée plus précise de la génèse du projet et de son ambition. Mais les fans de la série peuvent toujours être un peu décontenancés de voir la série revenir sous un autre format, après avoir tant espérer un retour de cette dernière comme à l’époque. Mais pour Cyrille Imbert, les fans n’ont pas à être inquiets, car Metal Slug Tactics reste bien un jeu Metal Slug que les fans devraient adorer :
« Il y a tout l’aspect lore qui est un vrai plus avec l’arrivée du tactical. Moi il y a un autre truc qui me plait beaucoup, c’est l’univers et tout ce qu’il contient. Tu peux l’apprécier dans les run’n gun, mais avec une certaine limite. Quand tu prends des armes, quand tu rentres dans le Metal Slug etc., c’est assez bref, t’as pas vraiment le temps d’apprécier le design. Là, c’est une vraie occasion pour les fans de la série de pouvoir jouer avec tous ces véhicules, ces personnages, et prendre leur temps.
Une espèce de redécouverte en fait, de tout ce qui fait le sel de l’univers de Metal Slug. Un peu comme quand tu regardes une série TV et que t’as un jouet de cette série, tu peux le regarder sous tous les angles et t’as l’impression de plus profiter de cette connexion à la licence. C’est vraiment une redécouverte de l’univers, avec plein de clins d’œil, de fan service, mais aussi une volonté de cohérence. Et ce même dans le design, avec le côté tactical qui va être très dynamique dans le mouvement, comme le run’n gun. Donc on va retrouver certains aspects du genre, même si c’est très différent. Les fans de Metal Slug vont se sentir à la maison. »
Nous remercions chaleureusement Cyrille Imbert et Aurélien Loos pour le temps et les réponses qu’ils nous ont accordés durant cette interview. Metal Slug Tactics n’a pas encore de date de sortie, mais on sait qu’il devrait arriver au moins sur PC dans les mois à venir.
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Date de sortie : 05/11/2024