Le Codex : Présentation et avis sur le livre de Simon de Thuillières
Publié le :
Pas de commentaire
Rédigé par Fauchinou
Depuis quelques années, nous avons l’habitude de vous présenter ces livres qui analysent, retracent l’histoire, ou bien rendent hommage à de grandes sagas, qu’elles soient vidéoludiques, comme The Legend of Zelda, GTA, Mario et Metal Gear Solid, ou bien issus d’autres médias, à l’image de Kaamelott ou Star Wars, pour ne citer que ces exemples.
Mais aujourd’hui, l’ouvrage dont nous allons vous parler vient d’un auteur un peu particulier dans la mesure où, certes, il célèbre également tout un tas de références issues de la pop culture, mais il le fait de manière étonnante. Si l’on vous dit Simon de Thuillières, ce nom vous parlera peut-être si vous êtes assez actif sur les réseaux sociaux et que vous détenez une certaine sensibilité liée au cinéma, à la musique, aux séries, aux jeux vidéo, bref, à la culture.
Depuis un peu plus d’un an, cet auteur s’est amusé à détourner le monde vaste de la pop culture via ses dessins humoristiques médiévaux. Le succès populaire retentissant de cette initiative l’a amené à fonder le projet du Codex, un ouvrage regroupant une grande partie de ses créations. Issu d’un financement participatif opéré sur la plateforme Kiss Kiss Bank Bank, aux objectifs largement atteints, le Codex de Simon de Thuillières a donc pu voir le jour et est fin prêt à nous plonger dans son univers singulier. Mirez adonc nostre avis svr ycette Bible dez Geeks !
Sommaire
ToggleEnluminures et pop culture
4 500 contributeurs pour 5 000 précommandes du Codex, explosant littéralement l’objectif initial de 300, les chiffres parlent d’eux-mêmes concernant l’envie du public de voir imprimées sur papier les enluminures de Simon de Thuillières. Cette hype ne sort évidemment pas de nulle part. Au cours de la pandémie de Covid-19 et du premier confinement instauré en France en mars 2020 , l’auteur que l’on connaît moins sous son véritable nom, Renaud Garcia, a tué l’ennui de ces journées cloitrées en dessinant notamment les « Bouteurs de spectres », l’une des premières affiches au style médiéval sorties de son imagination, détournant les légendaires Ghostbusters.
Censé dresser une allégorie du contexte sanitaire de l’époque, ce dessin et la poignée d’autres lui succédant ont très rapidement conquis les internautes, et le ton original proposé par Simon de Thuillières s’est décliné mois après mois au point de s’inscrire dans une sphère toujours plus vaste d’influences et de références. Ce Codex, c’est donc un recueil de plus de 140 détournements issus de la pop culture répartis en 12 chapitres, chacun basé sur un thème différent.
La grande variété des horizons touchés a participé à la constitution d’une solide et bienveillante communauté, qui se voit aujourd’hui tout autant diversifiée. Films, séries, mangas, personnalités ou bien entendu les jeux vidéo, ou « jeux vitraillesques », dixit de Thuillières, il est possible de reconnaitre, le sourire aux lèvres, au moins une bonne partie des œuvres dépeintes sur ces sublimes enluminures réalisées par l’auteur. Même les émissions de télé et les mèmes Internet font l’objet de savoureux détournements.
Nous retrouvons alors le programme pour enfants « Daurade la jouvencelle descouvreuse », les ménestrels mondialement connus sous le nom des « Daphtes Ponques », les films « La Malice » et « Johan Ouicques », dont les personnages sont interprétés par Quai-nue-rive, ou encore « Tombe Raie D’heure », le jeu vitraillesque narrant les aventures de Sainte La Rakrofte.
N’ayez pas peur de ne pas reconnaître certaines de ces références ou des dizaines d’autres présentes au sein du Codex. Simon de Thuillières a tout prévu, en nous mettant à disposition un monocle de vérité. Ce petit objet fourni avec le livre nous permet, grâce à son filtre rouge, de déchiffrer un code secret, présent sous pratiquement chacune des enluminures, qui révèle le nom original de ce à quoi elle fait allusion. L’index présent à la fin du livre recense même l’intégralité des références utilisés, page par page.
Pour les autres, vous vous ferez un malin plaisir à saisir tous les détails des dessins qui vous parlent, subtilement incrustés aux enluminures, tout en gardant un souci de cohérence avec l’époque du XIVe-XVe siècle. On peut noter par exemple l’affiche « Maiz où se tapît Charlie ? » où l’auteur a réellement incrusté un Charlie à retrouver sur sa couverture, ou bien la parodie des Tortues Ninja, friands cette fois de tourtes au cerfeuil plutôt que des pizzas. Car, oui, Simon de Thuillières ne transpose pas les œuvres empruntées à la pop culture vers le passé de manière simpliste, il le fait autour d’un contexte historique.
Une appropriation ludique et drôle des codes médiévaux
Ce contexte, il se traduit notamment par une représentation des personnages qui, à l’époque, se reposait davantage sur leur symbolique que sur la notion de proportions pour les situer ou pour définir leur taille. De la même manière, l’auteur tient compte des préoccupations, du savoir et des croyances d’antan. C’est ainsi que les avions de « Branlée en Port de la perle » (Pearl Harbor) ou les dinosaures de « Archaïque Parcage » (Jurassic Park) laissent place aux dragons, au sein de leurs enluminures dédiées, ou que les autres véhicules telles que la Batmobile de Batman, la DeLorean de Retour vers le futur ou encore l’Atlantis, le vaisseau d’Albator, voient leur représentation médiévale faite entièrement de bois. Les armes, les environnements, les tenues, les créatures, bref, toute notre pop culture est adaptée aux moyens et à la vision d’une société revenue 700 ans en arrière.
Toutes les enluminures sont pensées de cette manière, et cette cohérence historique, un des ingrédients principaux de la somptueuse recette de Simon de Thuillières – et qui ferait rougir Philipppe Ettchvnbasque – passe non seulement par cette esthétique soignée, rigoureuse et charmante, mais aussi grandement par le texte. L’auteur fait ainsi renaître l’ancien français d’une formidable manière, en le transformant quelque peu histoire de rester lisible et compréhensible par le plus grand nombre.
La langue, ainsi que la place du livre au Moyen-Âge, occupent les six pages suivant l’introduction, et font office de véritable leçon d’histoire accélérée, afin de mieux appréhender les codes que Simon de Thuillières tenait à respecter. Adeline Duperray, chercheuse en littérature médiévale à l’Université d’Aix-Marseille, prend ainsi la plume pour nous parler de ce qu’a pu représenter symboliquement et économiquement l’écriture et le livre à l’époque médiévale, mais également les caractéristiques de la langue à cette époque.
Tournant autour de la loi rythmique et d’autres règles liées à la grammaire, l’orthographe ou encore la prononciation, bien propres à l’ancien français, ces quelques pages introduisent idéalement le reste du livre, qui ne manquera pas de texte, pour le plus grand plaisir de nos yeux et de nos zygomatiques.
L’auteur fait preuve d’une superbe inspiration pour non seulement détourner les noms des personnages, mais aussi leurs phrases les plus célèbres. Par exemple, le fameux « Yppie Kay Yay » de John McClane (Die Hard) devient le « Ivre Pie Caillée » de Jonas Maque-Laine, ou la phrase culte de Cartman (South Park) « Je vous emm**de et je rentre à ma maison » se transforme en « Je vous merdoye et m’en retorne en miesn logis ». En résulte alors bien souvent quelques rires à la lecture de ces textes croustillants, et un lexique figure à la fin du livre afin d’éclaircir un vocabulaire forcément particulier, si besoin est.
Mais de l’aveu de Simon de Thuillières lui-même, l’humour s’exprime tout autant de la part de sa communauté, jamais en retard pour elle-même proposer des textes inspirés, à travers les commentaires de ses publications sur les réseaux sociaux. L’auteur a donc tenu à remercier cette activité autour de ses créations, en publiant sur certaines pages du Codex une sélection des meilleurs textes venant des internautes. Il a appelé cette section le Scriptorium et, effectivement, grand bien lui en a pris. Rien que pour les « Chuck Norris facts » ou les répliques de OSS 117 que les internautes se sont appropriées en ancien français, cette initiative rend un bel hommage à la communauté tout en poursuivant le fou rire du lecteur.
Faut-il craquer pour Le Codex de Simon de Thuillières ?
De manière assez évidente, moins vous vous y connaissez en films, séries, jeux vidéo et autres, moins vous prendrez plaisir à observer les magnifiques enluminures présentes dans Le Codex de Simon de Thuillières, même si vous pouvez justement découvrir de manière originale les œuvres qui ont marqué une ou deux générations. Par ailleurs, l’écriture en ancien français, même si elle est adaptée pour rester compréhensible, peut potentiellement en perdre quelques-uns en cours de route.
Mais pour les autres, et notamment celles et ceux qui suivent de près ou de loin les créations de l’auteur, le plaisir de jouer aux devinettes ou de reconnaître le moindre détail relatif à chaque œuvre détournée sera indéniablement au rendez-vous. Les textes très inspirés, autant de la part de Simon de Thuillières que de la communauté, vous décrocheront a minima quelques sourires.
Moyennant 30€, vous aurez donc entre vos mains un superbe ouvrage qui retrace, avec beaucoup de justesse et d’humour, plus d’une centaine de références ayant défini la pop culture. Certes il y a logiquement des absents, mais nul doute que le succès de Simon de Thuillières va se perpétuer, lequel à encore beaucoup à offrir avec son imagination et ses talents d’illustrateur. Tant d’œuvres attendent d’être détournées, et l’actualité, elle aussi vectrice d’idées pour l’auteur, auront, on l’espère, de quoi faire naître d’autres volumes du Codex.
Cet article peut contenir des liens affiliés