Le Grand Jeu : Présentation et avis sur le livre de Bragelonne
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Rédigé par Nathan Champion

Tandis que la semaine dernière nous traitions des Montagnes de la Démence, par Howard Phillips Lovecraft, et de Arkane T2 – La Résurrection, cette semaine nous nous tournons vers un registre bien différent. En effet, sous ses airs de roman pseudo-historique, Le Grand jeu de Benjamin Lupu est en réalité une tambouille plutôt sympathique à base de Steampunk et d’Ocean’s Eleven. Rien à voir avec la fantasy et le fantastique d’il y a quelques jours donc ! Et justement, cela tombe bien, puisque ce petit ouvrage en provenance de chez Bragelonne, composé d’un peu plus de 350 pages et sans grandes prétentions, a la senteur d’une bouffée d’air frais littéraire.
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Après avoir collaboré avec d’autres sur le recueil Contes et récits du Paris des Merveilles, un travail dirigé par Pierre Pevel, et monté sa série de fantasy Les Mystères de Kyosh, Benjamin Lupu nous revient cette année avec un roman qui n’a pas grand-chose à voir. Cela dit, il n’oublie pas pour autant ses passions premières, à savoir l’histoire et les sciences humaines (de ses propres dires). Ce qui se ressent fortement dans Le Grand Jeu. Un récit court mais intense, aux personnages forts et au contexte un brin singulier, ancré dans un Constantinople fictif de 1885, tacheté d’allusions historiques.
Un roman qui tenait visiblement l’auteur français à cœur, et nous ne cracherons pas dessus : au-delà de son contexte pseudo-historique, il s’attache à des thématiques steampunk, ce qui lui confère un capital sympathie évident. Malgré un ensemble qui manque peut-être un peu d’originalité, il est vrai.
Le Grand Jeu, c’est d’abord l’histoire de Martina, une jeune femme de parents russes, ayant vécu à Constantinople pendant toute son enfance, avant de fuir en direction de Paris. Là bas, elle vivra quelques péripéties vaguement décrites dans le roman, l’amenant à rencontrer ses deux comparses : Mortier et Maurice. Une femme pratiquement muette à la carrure imposante, et un jeune français à la langue bien pendue. Deux personnages qui ne manquent pas d’intérêt et qui vivront, eux aussi, des trames leur étant propres au cours du récit.
Quoi qu’il en soit, lors de son séjour à Paris, Martina se prend de passion pour les vols à haut risques, après avoir passé une partie de son adolescence à arracher quelques fruits ou étoffes aux marchands de Constantinople. Ce qui l’amènera à se jeter à corps perdu dans un premier casse en France, avant de se décider à revenir chez elle via un dirigeable, accompagnée de ses deux amis. Mais ce n’est pas pour mieux calmer ses ardeurs, puisqu’un plan bien rôdé anime les trois comparses, comptant bien repartir de cette belle et grande ville les poches pleines.
Seulement, une fois sur place, Martina est très mal reçue par son père qui n’avait reçu d’elle aucune nouvelle au cours des dernières années. Celui-ci, avant de lui ordonner de quitter sa demeure, lui apprend par ailleurs que sa sœur, Yelena, a disparu. Un coup dur pour la jeune femme qui décide alors de changer quelque peu ses plans : avant de s’attaquer à un joyau d’une valeur inestimable en compagnie de Maurice et de Mortier, elle compte bien retrouver sa sœur, qui semble s’être fourrée dans des affaires plutôt sombres et dangereuses.
Un récit sympathique sur un ton léger
Dans Le Grand Jeu, plusieurs forces sont à l’œuvre, notamment l’Empire Russe, qui nous est décrit comme une force plus ou moins maléfique. Le roman de Benjamin Lupu est, de fait, plutôt manichéen. Ce qui accentue d’une certaine manière la légèreté de son propos, qui ne s’embarrasse guère de considérations politiques. Certes, une guerre se prépare dans l’ombre, mais elle n’a finalement que pour but de mettre des bâtons dans les roues des trois protagonistes, bientôt rejoints par un quatrième dont nous tairons les mésaventures et le nom.
Comme souvent, le roman alterne entre les points de vue de plusieurs protagonistes, donnant parfois même la parole à des personnages secondaires, afin de leur offrir une place plus importante dans le récit. Une construction qui fonctionne plutôt bien, là encore, d’autant que les chapitres sont assez courts. Ce qui confère à l’œuvre un rythme soutenu, malgré les quelques allers-retours que peuvent faire Martina, Mortier et Maurice. Mais surtout, l’auteur ne s’embarrasse que rarement de descriptions complètes. Ainsi, tout avance très vite.
Son aspect steampunk, matérialisé par des technologies uchroniques qui revêtent une importance toute particulière, confère au récit de Le Grand Jeu une certaine fraîcheur. Bien qu’il ne s’agisse finalement que d’un contexte interchangeable : remplacez ces machines à vapeur par de la magie ou placez le récit deux-cent ans dans le futur, et vous obtiendrez peu ou proue une histoire identique. Cela n’empêche pas au roman d’être facile à lire, très accessible d’ailleurs, bien qu’il ne jouisse pas d’un suspens haletant.
Enfin au delà de son accessibilité, ce sont surtout ses personnages qui font la force de Le Grand Jeu. On s’attache facilement à Martina, Mortier et Maurice, sur lesquels le roman s’attarde beaucoup et dont nous connaissons la plupart du temps les émotions. Idem pour le quatrième protagoniste, et même certains personnages secondaires, pas forcément clés d’ailleurs.
Alors, certes, ce roman au demeurant joliment écrit, au rythme bien huilé et aux personnages attachants n’a pas d’énormes prétentions. Ce qui peut autant être vu comme un défaut par ceux qui cherchent des lectures très riches et denses, que comme une qualité par ceux qui aiment à se laisser happer par des histoires simples, pleines de bons sentiments. Car c’est exactement ce qu’est Le Grand Jeu ! Un roman qui fait du bien, qui donne envie de connaître ses personnages, malgré quelques passages un peu plus sombres et sanglants.
Reste que l’on pourra lui reprocher de se terminer bien vite, du haut de ses 350 pages et des poussières, comparativement au tarif affiché sur cette première édition en grand format, soit 25 euros. Pour ce prix, néanmoins, le roman de Benjamin Lupu nous est livré dans un bel écrin, revêtant un aspect proche des couvertures célèbres des œuvres de Jules Verne, et s’offrant le luxe de pages au tranchant doré, comme à l’époque ! Une pièce qui fait plutôt joli dans une bibliothèque en somme !
Faut-il acheter Le Grand Jeu ?
S’il ne révolutionne absolument rien, Le Grand Jeu est malgré tout un roman qui se suit très bien, pourvu d’un récit frais et de personnages attachants. Il se dote par ailleurs d’une fin plutôt surprenante. Certes, son petit manque d’ambition, la légèreté de son propos et le temps plutôt mince qu’il faut pour en voir le bout peuvent en rebuter certains, qui préféreront se lancer dans des ouvrages plus conséquents, plus denses aussi.
Mais les autres, cherchant simplement un divertissement de qualité, ont toutes les chances de trouver leur bonheur dans ce livre joliment écrit, très accessible, et dont le contexte, bien que pas foncièrement attaché au récit, sonne comme un bel hommage à un Jules Verne ; jamais cité, mais dont l’inspiration semble parfois évidente. De surcroît, sa présentation fait son petit effet, avec ses belles dorures et sa couverture sympathique.
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