Le mythe Star Wars, épisodes VII, VIII et IX : Présentation et avis sur le livre de Third Editions
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Rédigé par Fauchinou
Le 18 décembre 2020, nous fêterons l’anniversaire de la sortie en salle de Star Wars IX : L’Ascension de Skywalker. Dénouement de la première trilogie made in Disney initiée à la même date il y a cinq ans, le film cristallise toute la difficulté et le chaos vraisemblables dans lesquels ces suites de la trilogie originale imaginée par George Lucas ont été construites.
C’est sur ce grand défi consistant à reprendre l’héritage d’une monstrueuse saga que Thibaut Claudel a souhaité revenir, à l’occasion de son tout premier livre pour Third Editions, maintenant que le soufflet d’un dernier long-métrage symbolique d’une licence loin d’être épargnée par sa communauté semble retombé, un an après. Une licence qui, d’ailleurs, est cinématographique avant d’être vidéoludique, contrairement à Resident Evil ou à Yakuza, dont nous vous avons parlé ces deux derniers mois dans le cadre de la bibliographie de Third Editions.
Thibaut Claudel cultive depuis son plus jeune âge une passion dévorante vis-à-vis de la science-fiction et particulièrement de Star Wars, ce qui l’a notamment amené à concrétiser son projet Republ33k.fr, lié à la pop-culture. Il a également été rédacteur en chef sur SyFantasy et rédacteur en chef adjoint de ARTS, qui regroupe des sites internet dont SyFantasy, où il a notamment déjà pu faire parler sa plume au sujet de la Guerre des Etoiles. Enfin il a aussi animé les podcasts Wookie Leaks et plus récemment Outrider, centralisés sur la saga et tout ce qui peut l’entourer.
Fort de cette passion et d’une culture nourries au fil des ans et des œuvres, l’auteur a donc désiré se concentrer, à travers les 184 pages de Le Mythe Star Wars. Épisodes VII, VIII & IX : Disney et L’Héritage de George Lucas, sur le traitement d’un héritage colossal et précieux par l’une des corporations les plus imposantes au monde, depuis les prémisses du rachat du géant américain jusqu’à l’horizon dégagé suite à l’épisode IX, où l’on peut déjà notamment distinguer l’armure d’un certain Mandalorien. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que rien ne se fait simplement lorsqu’il est question de Star Wars.
Sommaire
ToggleUn livre lui aussi décomposé en une trilogie
Peu importe l’individu souhaitant s’attaquer à Star Wars, l’exercice nécessite forcément d’instaurer un certain contexte vu l’ampleur de l’univers, et ce, quelque soit le sujet. Ainsi, à cheval sur l’introduction et la première partie de sa propre trilogie, Thibaut Claudel nous rappelle à quel point la franchise est avant tout le bébé de George Lucas. Si vous êtes fans de Star Wars ou que vous avez eu un jour ne serait-ce qu’un œil ou une oreille concentré(e) sur l’historique de la saga, vous vous dites qu’il paraît certainement trop évident de le rappeler.
Mais lorsque l’on voit à quel point le spectre de George Lucas plane encore au-dessus de Lucasfilm, pour le meilleur et pour le pire, consciemment ou inconsciemment, les directions créatives prises par Disney restent influencées par celui-ci afin de constituer la majeure partie de ses projets. Nous parcourons alors les premières pages aussi symboliquement qu’un certain générique défilant à caractères jaunes, ce qui fait que les bases se posent et constituent un fil rouge assez récurrent au cours d’une bonne partie des informations et théories que nous livre Claudel.
Des écrits qui se décomposent donc en une trilogie « Imiter, Prolonger, Réinventer ». Trois parties pour boucler un voyage à travers les anecdotes, les coulisses de tournages, les extraits d’interview, et autres mines d’informations et d’indices permettant d’éclaircir autant que faire se peut ce qui a bercé ou chamboulé le développement d’une autre trilogie : celle de Disney, la première, et aussi appelée postlogie, qui a eu pour lourde tâche de livrer un dénouement final à l’arc Skywalker, notamment.
Imiter, pour ne pas perdre les fans de longue date et garder une certaine familiarité vis-à-vis d’un univers qui renaît. Prolonger, afin de donner un nouvel élan à une saga qui ne peut pas indéfiniment surfer sur la nostalgie. Réinventer, parce que les nouveaux horizons de la licence, émancipées d’un arc Skywalker désormais accompli, paraissent innombrables et doivent donc être judicieusement appréhendés pour les décennies à venir. L’auteur découpe ainsi savamment le chantier entamé par Disney il y a huit ans et dont la postlogie ne constitue que le commencement.
Et avec tous ces éléments en présence divulgués plus ou moins officiellement depuis fin 2012 et le rachat de Lucasfilm par le géant américain, Thibaut Claudel nous propose, par l’intermédiaire de son esprit de synthèse et de fan inconditionnel de la saga, d’offrir tantôt des explications, tantôt des recontextualisations, lorsqu’il ne s’agit pas d’une invitation à la réflexion ou aux hypothèses découlant de l’imbrication de ces informations et indices à disposition.
La démonstration d’une postlogie conçue en cadavre exquis
De cette manière, on va pouvoir comprendre grâce à l’auteur en quelle mesure Star Wars VII : Le Réveil de la Force joue beaucoup sur un effet miroir de Star Wars IV : Un Nouvel Espoir, remarque qu’une majeure partie des fans a pu se faire, mais aussi à quel point l’intention ne repose pas uniquement sur une copie pure et simple, dépourvue de risques, et se retrouve en réalité motivée par un rapport affectueux et sentimental lié à la trilogie originale de la part de J.J. Abrams, réalisateur du film certes, mais fan lui aussi de la saga.
Une vision que l’on pouvait imaginer par choix au départ, et que l’on découvre par contrainte ensuite dès lors que l’auteur aborde les problèmes de délai, de vision, et de direction claire que la méthode du cadavre exquis imposera durant 5 ans aux différentes équipes qui se succèderont, et il y en aura de nombreux.
Cette technique qui consiste à récupérer une œuvre telle quelle en la poursuivant ensuite à tour de rôle montrera tout au long de la conception de cette postlogie sa complexité à être appliquée au sein d’un univers aussi sacré que celui de Star Wars, où son énorme communauté s’étale sur plusieurs générations, renferme des exigences variées et développe en conséquence un regard différent sur ce qui se passe à l’écran.
Avec l’exemple Rian Johnson, papa de Star Wars VIII : Les Derniers Jedi, Thibaut Claudel illustre parfaitement cette difficulté à simultanément appliquer une vision propre au réalisateur, se servir des problématiques et des intrigues qui viennent d’être développées, et ouvrir le chemin pour le prochain film, tout en satisfaisant au maximum les fans dans la limite de ce que peut acquiescer Disney et Kathleen Kennedy, présidente de Lucasfilm. Sans oublier enfin de respecter la mythologie et de faire fonctionner de manière cohérente tous ces rouages.
Enfin, un dernier exemple parmi tant d’autres encore qui démontrent le climat de pression inhérent au développement de Star Wars au cinéma, ainsi que le funambulisme pratiqué par les équipes créatives : l’auteur nous explique à quel point le destin de l’épisode IX L’Ascension de Skywalker a pu basculer d’une ambition folle et presque naïve d’un tandem d’écriture incarné par Colin Trevorrow et Derek Conolly, à la conclusion que l’on connaît, motivée par le compromis et réalisée par J.J. Abrams, l’homme qui réveilla la Force et qui est donc aussi celui qui bouclera de manière imprévue la boucle.
Et tout au long de cette excursion au travers de ces trois épisodes, l’auteur arrive à ne jamais laisser aller réellement son propre avis sur les événements, en restant factuel avec la multitude de sources qu’il incorpore à ses dires, ce qui reste délicat vis-à-vis d’une saga qui puisse dégager autant de passion. Pour autant, sa recontextualisation des conditions de travail et l’explication de la vision des différentes équipes créatives ne l’empêche pas de soumettre des interrogations ou proposer d’autres angles de vue sur la façon dont l’aventure canonique et numérotée de Star Wars s’est poursuivie et a été reçue.
Jusqu’aux confins d’une galaxie lointaine, très lointaine
Cela étant, même si une bonne partie du livre s’attarde sur le développement, le contenu ainsi que la réception de la part du public et de la presse vis-à-vis de cette fameuse postlogie, Thibaut Claudel n’hésite pas à traverser également l’univers étendu, qu’il s’agisse de l’ancien, désormais décanonisé et faisant l’objet d’une gamme de créations appelée « Légendes », ou du nouveau. Car oui, cette matière riche en histoires, Disney en a également hérité mais, autant pour constituer les films numérotés que pour ses autres créations, le géant américain a choisi de ne pas réutiliser l’univers étendu connu jusqu’à 2012.
Malgré cela, il serait faux de dire que tout a été abandonné pour autant, et si une série comme The Clone Wars a été interrompu au profit d’une autre série animée Star Wars Rebels, il s’agit toujours de David Filoni aux commandes, par exemple. L’auteur nous indique même les quelques références voire personnages emprunts à l’ancien univers étendu que l’on peut retrouver au sein de cette œuvre à succès.
De la même manière, Claudel nous confie que le retour de Palpatine à la conclusion de la postlogie constitue une idée déjà présente au sein des créations de l’ancien univers étendu. Il nous révèle également que les spin-off sur des héros bien précis tels que Han Solo, Obi-Wan Kenobi ou encore Boba Fett étaient bien présents dans l’esprit de George Lucas. Enfin, l’auteur nous raconte comment un projet dantesque à la télévision imaginé par Lucas, au budget vertigineux, qui a mobilisé des dizaines d’auteurs n’a pas pu voir le jour, et ce quelques années trop tôt avant l’arrivée de plateformes de streaming, où l’on retrouve aujourd’hui The Mandalorian sur Disney+.
Ainsi, comme écrit précédemment, quelques idées de l’ère Lucas ont perduré, même modifiées, aussi bien pour réussir à colmater quelques fissures scénaristiques des films que pour penser et donner un nouvel élan à l’après ou aux œuvres crées en parallèle à la postlogie.
Thibaut Claudel s’attarde alors quelques lignes sur le concept de la continuité rétroactive, qui consiste à rajouter des faits ou des petites aventures entre deux histoires majeures afin d’expliquer une information floue ou inexistante, ou bien pour régler des soucis de cohérence.
Et l’auteur n’hésite pas à piocher au sein de la multitude de créations autres que les films, dont le développement a commencé dès 2012, pour illustrer ce concept, mais pas seulement. Les séries, certes, dont nous avons parlé plus haut, mais aussi des romans (Liens du sang), comic books (L’Ascension de Kylo Ren, Dark Vador), jeux vidéo (Star Wars Battlefront II, Star Wars Jedi: Fallen Order), voire même avec les novélisations des épisodes de la postlogie, Disney ne se contente pas de rafistoler ce qui existe déjà dans l’univers de Star Wars, il explore d’autres histoires.
De cette manière, Thibaut Claudel révèle au public le moins assidu l’immense paysage de ce qu’il appelle « L’autre Star Wars ». Celui qui peut expliquer ce que les films n’ont pas eu le temps de faire, mais aussi celui qui permet de nuancer la vision manichéenne d’une lutte du bien contre le mal que l’on pouvait adopter depuis des années. Ou encore, celui qui n’hésite pas à s’attarder sur des personnages inédits, celui qui compte visiter de nouvelles époques, et même celui qui peut traiter de nouvelles thématiques, y compris celles d’actualité.
Faut-il céder au côté obscur de l’achat ?
Au final, avec Le Mythe Star Wars. Épisodes VII, VIII & IX : Disney et L’Héritage de George Lucas, Thibaut Claudel nous rappelle, en concluant que le plus dur reste à faire pour Disney, à quel point Star Wars semble donc nécessiter beaucoup de temps, d’investissement et d’attention. Du temps de développement et de l’investissement humain et financier pour toutes les réussites ou échecs connus par George Lucas, dans un premier temps, puis déjà expérimentés par Disney en seulement huit ans.
C’est en ce sens qu’il s’agit d’un héritage : Disney a récupéré une des licences les plus cultes au monde, vivier monstrueux de projets juteux, mais également ses éléments délicats à gérer d’une précision chirurgicale, comme sa mythologie, ses questions sans réponse, ou encore l’immense communauté de fans pour ne citer qu’eux.
Et l’attention, portée certes par cette communauté, l’est également par les équipes créatives qui composent le staff de Disney et de Lucasfilm, également fans de le saga pour la plupart, comme nous l’évoque l’auteur. Il remet ainsi en perspective le raccourci trop souvent établi selon lequel la simple mention de Disney suffirait à sous-entendre une « mickeysation » automatique et totale de l’univers de Star Wars.
C’est l’une des réussites les plus importantes du livre : refaire le point, en notre compagnie, sur les huit premières années d’une nouvelle dynastie, en reconsidérant les conditions et l’ampleur du chantier, en dépassant une analyse en surface, à chaud, ou émotionnelle que bon nombre d’entre nous a forcément réalisé à la sortie des différents visionnages de la postlogie. Mais est-ce là l’unique raison de se laisser tenter par le livre et ainsi débourser les 24,90 euros nécessaires à son acquisition ?
La réponse dépendra de votre assiduité et de votre passion liée à Star Wars. Si vous maîtrisez l’univers sur le bout des doigts, il y a des chances pour qu’une bonne partie du livre ne vous apprenne autre chose que vous ne connaissiez déjà. Mais, cela étant, le recul avec lequel Thibaut Claudel retrace la chronologie des événements, et dont nous venons de parler, vous permettra peut-être d’adopter un point de vue inédit, ne serait-ce que le temps de la lecture, afin de considérer autrement ces huit dernières années.
À l’inverse, si vous n’avez pas spécialement d’affinité avec l’œuvre créée par George Lucas, il paraît évident de devoir passer son chemin, mais vous découvrirez ici un univers d’une aura rare. Enfin, si vous vous situez entre les deux, l’intérêt est total.
En effet, celles et ceux pour qui Star Wars se vit surtout au cinéma, voire dans les jeux vidéo, vous apprendrez un certain nombre d’éléments sur ce qui entoure la saga, et pas seulement sa postlogie comme vous avez pu le remarquer tout au long de l’article. Mieux, et il s’agit probablement d’un effet collatéral imprévu par Thibaut Claudel, à l’issue de la lecture vous aurez peut-être envie d’explorer davantage la licence, qu’il s’agisse de la collection « Légendes » ou bien du nouvel univers étendu officiel que propose Disney.
Acheter Le mythe Star Wars, épisodes VII, VIII et IX sur AmazonC’est ce que l’auteur arrive à nous faire ressentir lorsqu’il creuse pour nous ce mythe. Un mythe certes traduit par les secrets internes de développement chez Lucasfilm et Disney qui au final, comme tout bon mythe, ne peuvent pas tous être révélés, mais aussi par tout ce qui n’a pas pu être encore exploré aux yeux du grand public et qui ne demande qu’à être découvert.
Et cet univers, avec tout ce qui gravite autour, n’est pas seulement conséquent : il est complexe, à l’image de la couverture qui symbolise le sabre de Kylo Ren/Ben Solo, dont l’analyse du personnage et de sa trajectoire relève de tout sauf de la simplicité. C’est donc une autre réussite de Thibaut Claudel : nous présenter la richesse de Star Wars, et la manière dont chacun peut y trouver son compte.
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