Les créateurs de jeu vidéo #1 : David Cage
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Rédigé par antoinerp
David Cage (ou de Gruttola de son vrai nom) est la tête pensante et le PDG de Quantic Dream, studio parisien fondé en 1997. A la base, David n’est qu’un simple compositeur pour divers jeux (dont Timecop sur Super Nintendo). Il décide de concevoir ses propre jeu et en 1995 il recrute 5 amis pour concevoir un protoype de jeu. Ce prototype conçu en un semestre, proposait un personnage se déplaçant dans une ville futuriste en 3D. Il finit par décrocher un rendez-vous chez Eidos en Angleterre et obtient un contrat, lui permettant de concevoir son jeu et en même temps de créer une réelle structure : Quantic Dream.
Le développement débute et le jeu prend forme, mais dans le contrat, il était question d’une collaboration avec un artiste musical, et si David Cage envoie une liste à Eidos, c’est David Bowie qui répond à l’appel et, après une réunion entre les deux David, décide en lieu et place de céder les droits d’une chanson (en l’occurrence Heroes), de composer la bande son du titre et d’être lui-même modélisé dans le jeu.
La sortie est prévue pour 1999 et durant cette même année le soft est présenté, en présence des deux David, à L’E3. Il emballe de plus en plus et promet d’être une œuvre unique.
Sommaire
ToggleThe Nomad Soul, œuvre novatrice de l’Open World
The Nomad Soul sort fin 1999 et se présente comme un jeu d’aventure dans la ville de Omikron. La séquence d’ouverture nous plonge littéralement dans la peau du personnage principal, qui nous « prête » son corps pour l’aider. Sitôt entré dans notre nouveau corps, nous nous faisons maraver sévère par une bête dans une impasse. Lorsque un robot policier nous réveille, nous sortons tout peiné de cette impasse pour découvrir face à nous cette ville d’Omikron.
Si vous avez joué à Nomad Soul, ce que je vous ai raconté vous éveillera une certaine nostalgie. Si la première production de Quantic Dream a marqué les esprits, c’est bien par sa capacité a nous créer des instants mémorables, grâce à la cohérence de son univers et sa mise en scène de chaque instant. Le jeu nous propose de nous balader de façon complètement libre dans la ville, d’aller voir un concert dans un bar, d’aller dans le commissariat travailler… Il faut se rappeler que le monde de The Nomad Soul est entièrement en 3D à une époque où Rockstar venait a peine de sortir ses premiers jeux… en 2D vue de dessus. De plus le titre nous proposait une mécanique de choix et de conséquences inédite à l’époque.
Mais si le jeu est envoûtant et impressionne, le parti pris de la multiplicité des gameplay (aventure, fps, combat) quant à lui pose problème, et cet échec de proposer un game design varié et réussi va marquer David Cage et lui servir de leçon pour la suite.
Crise identitaire chez Quantic Dream
Malgré ce succès en demi teinte, le jeu séduit et plait, et Quantic Dream se retrouve propulsé sur le devant des projecteurs, David Cage en leader, annonçant au fil des années moult de projets différents : Nomad Soul 2 (prévu sur pc/ps2/dreamcast mais annulé), Quark (annulé) ou un certain Fahrenheit.
C’est ce projet qui sera mené a bien pendant ces longues années où le studio se cherche, au travers de ces projets manqués, de ses collaborations techniques dans le cinéma (notamment la motion capture du film Immortel de Enki Bilal), afin d’étoffer une vision du jeu vidéo leur correspondant.
Lors d’une interview donnée pour la suite de Nomad Soul, David Cage avait dès lors en tête de proposer une idée de film interactif, de donner une immersion totale du joueur dans l’aventure qu’il vit.
Malgré l’annulation de Nomad Soul : Exodus (« expliqué » par un différent entre Quantic Dream et Eidos), David Cage, lors d’une lettre ouverte annonce le projet Fahrenheit, présenté alors, comme d’un jeu au format épisodique (5 ans avant la première saison de Sam & Max par Telltale !), inspiré de série TV comme X-Files ou encore Twin Peaks.
Cette idée de format épisodique continuera d’être envisagée jusqu’en 2003, où ses ambitions sont stoppées par moult problèmes : le prix, la distribution, internet encore balbutiant pour une telle distribution, le piratage (malgré le fait qu’il ait pensé à changer de système de protection à chaque épisode). Les coups de production devenant de plus en plus élevés.
Le plus gros du jeu est déjà prêt à cette époque, mais l’ambition de David Cage est stoppée par leur séparation avec Eidos, qui devait alors sortir Farhenheit dans les conditions prévues pour le jeu, mais les diverses contraintes firent que l’éditeur décida de jeter l’éponge. Après plus d’un an de silence radio, Quantic Dream annonce un partenariat avec Vivendi Universal, qui éditera le jeu pour uen sortie prévue en Septembre 2004.
Si l’idée de format épisodique est abandonnée pour le jeu, David Cage, lors de différents entretiens, annonce réfléchir à une version pour téléphone de son jeu, chapitré également. Il reconnaît tout de même qu’il est trop tôt alors pour concevoir et produire un tel format sur des consoles de jeu (nous sommes toujours en 2003, Valve vient tout juste de publier la plateforme steam).
Il annonce dès lors que Fahrenheit sera un tournant à 180° pour le studio : pas de multiplicité de genre, pas d’open world, rien de tout ça, mais une histoire avec plusieurs chemins, dépendant des choix du joueur (son principe de Bending Stories). Il donne comme inspiration alors ses ballades à New York et les thrillers pour l’ambiance ainsi qu’une vraie volonté que son jeu marque autant l’industrie que The Nomad Soul a pu le faire.
Fahrenheit, un coche raté ?
Fahrenheit sort en 2005 dans la difficulté, souffrant d’un autre changement d’éditeur et manquant donc d’une promotion (on a su du jour au lendemain que le jeu allait sortir), comme si Quantic était pressé de se libérer de ce boulet qu’il traîne depuis trop longtemps.
On peut d’ailleurs deviner pourquoi sans trop de soucis, vu que plus de la moitié de l’ambition de David Cage envers cette production est réduite à néant, il se voit ,en plus, critiqué par des anciens confrères sur les conditions de travail et la liberté d’action réduite elles-aussi, au néant. David Cage est montré tel un réalisateur tyrannique, engagé à 300 % sur son œuvre au point d’avoir peur de ses propres collaborateurs. Sa présence modélisé dans le jeu tel un Orson Welles dans ses films ne va que confirmer cette idée là.
Le jeu s’avère être au final un jeu d’aventure en 3d à la troisième personne plutôt classique, comme a pu le faire les Chevaliers de Baphomet à partir du troisième épisode, ajoutant une mécanique de dialogue influençant sur l’histoire, et un système d’action dit QTE (quick time event). Le problème du soft, en dehors d’un scénario si inédit dans le jeu vidéo mais ultra classique au cinéma, est que ces mécaniques ont plusieurs années de retard, les QTE de God of War ont marqué tout le monde, et en terme d’immersion, Half Life 2 a mis la barre très haute.
C’est bien là tout le problème de Fahrenheit, il est bel et bien sorti trop tard, de trop grosses contraintes de production, plusieurs changement d’éditeurs et donc de contraintes de publications, et de l’autre, la problématique de l’ambition de son créateur, David Cage.
Entre 1999 et 2005, on a pu voir trois à cinq versions de Fahrenheit, une version annulée de Nomad Soul 2, une version annulée du projet Quark (un jeu d’action dans un univers d’heroic-fantasy) pour un total de presque 10 jeux crées en l’espace de 6-7 années, durant lesquelles le studio à réfléchi, expérimenté, et tenté de comprendre comment transmettre l’émotion dans un jeu vidéo.
Fahrenheit a pourtant tout pour convaincre : la mise en scène est excellente, l’univers cohérent, ou encore l’aventure envoûtante jusqu’à ces deux tiers. Le jeu est malheureusement massacré par ses phases de gameplay poussives, et une fin aussi grandiloquente qu’elle en devient caricaturale. David Cage mentionnait énormément Ico lors de ses interview comme étant un modèle pendant la fin de développement du titre, mais bizarrement Fahrenheit se trouve dans la position contraire de Ico. En effet, si Ico arrive, par son gameplay, à nous transmettre une émotion, Fahrenheit utilise son histoire en tant que mécanique d’émotion, et se met ainsi au même rang qu’un simple film.
Malgré tout, David Cage et son équipe ne désespère pas pour autant : le jeu se vend bien et ils décident de pousser encore plus loin leur concept de film interactif avec leur prochaine production : Heavy Rain.
Le Casting, Sony et Heavy Rain
Annoncé dès 2006, Heavy Rain est annoncé comme une nouvelle production pour le studio, ajouté à la nouvelle liste de projets du studio : Nomad Soul 2 est remis sur les rail, (B)last est mentionné lors d’une interview et Heavy Rain, projet mystère du studio, fait planer le mystère autour d’un projet annoncé comme révolutionnaire.
Lors de l’E3 de cette même année, Sony annonce lors de sa conférence un partenariat avec Quantic Dream qui vient alors présenter une démo technique pour la ps3 sous le nom de « Le Casting ». La vidéo présentait, au travers d’un faux casting, la puissance de la console et du nouveau moteur graphique, donnant la part belle à la Motion Capture, désormais spécialité du studio. On apprendra un an plus tard que cette démo technique était un réel casting, servant alors pour un des personnages de… Heavy Rain, devenant ainsi une exclusivité de Sony et de sa PS3. David Cage décide alors de consacrer toute les forces sur Heavy Rain, afin de sortir un jeu inoubliable.
Mais si David cage est vu comme un tyran, il est capable de laisser son égocentrisme pour le bien commun de son œuvre. Il écoute et lit énormément les retours sur Fahrenheit et décide de faire évoluer son système de jeu : fini le Simon en guise de mécanique de jeu, développer plus encore le principe de « bending stories » (histoire élastique, ou l’utilisation de l’effet papillon dans un jeu), et affiner son script, rajouter encore plus de situation de normalité afin d’immerger encore plus le joueur dans l’aventure. Le jeu est alors annoncé pour 2009
Heavy Rain sort finalement le 18 février 2010 après 4 années de développement calme et sereine en comparaison à la production de Fahrenheit. Le jeu est immédiatement encensé et considéré comme LE chef d’œuvre attendu par le média depuis tant de temps.
La consécration de Quantic Dream
Heavy Rain se dévoile comme un réel film dit interactif, dans le sens où le gameplay est cette fois au cœur de l’histoire, et non plus un prétexte à faire avancer celle-ci. La majorité des mouvements est effectuée soit par les sticks analogiques, soit par la détection de mouvement de la manette dualshock 3 de Sony. Si ce game design est au premier abord pensé pour que les non-joueurs puissent tout de même découvrir ce titre, certaines phases s’avère assez maladroite et mal pensé par rapport à l’ensemble. Ce gameplay va en déstabiliser plus d’un et une partie de la communauté des joueurs va dénigrer totalement Heavy Rain par cette pauvreté de gameplay. Le jeu s’avère, par son gameplay minimaliste, devenir une réelle adaptation des livres dont vous êtes le héros en jeu vidéo, remplaçant ainsi le changement de pages par les déplacements, et les séquences d’action par des recherches d’indices et phases de QTE. Les-dites QTE sont d’ailleurs ici bien mieux pensées et correspondent plus à ce que le personnage ferait en réalité.
L’histoire quand à elle, nous transporte dans la peau de plusieurs protagonistes, qui tel un film choral, vont voir leurs destins se croiser et s’entremêler, afin de nous surprendre de bout en bout. Si quelques longueurs existent néanmoins, avec une lourdeur et une maladresse dans certains moment, Heavy rain envoute et séduit, et nous propose une des expériences les plus marquantes de la génération ps3. Le concept de Bending Stories trouve également toute sa profondeur dans ce titre, où nos choix vont influencer l’histoire au point d’avoir pas moins de 50 variations de l’épilogue. L’expérience du joueur est donc de plus en plus personnelle et Quantic Dream réussi son pari de l’impliquer au plus proche tout en proposant une œuvre accessible.
Heavy Rain se vend à plus de 3 millions d’exemplaires et est le succès planétaire espéré du studio. C’est donc avec logique que Quantic Dream annonce lors de l’E3 2012 le projet Beyond Two Souls, avec comme à son habitude une démo technique sous le nom de Kara.
Beyond Two Souls, la confirmation ?
Beyond Two Souls est annoncé en grande pompe, avec la collaboration de Ellen Page et Willem Dafoe, et proposera une aventure encore plus immersive qu’Heavy Rain. Le jeu s’annonce comme une véritable fresque humaine de quinze années où les choix du personnages nous donneront corps avec le personnage principal.
La volonté du studio est de repartir de zéro, et de rechercher une nouvelle évolution d’histoire interactive : d’un coté avec la technique et son nouveau système de Performance Capture, de l’autre scénaristiquement avec un script de 2000 pages, contenant l’ensemble des possibles interactivités du joueur et comment les acteurs doivent l’interpréter. De plus, Beyond Two Souls marque le retour de fantastique chez Quantic Dream après l’ultra-réalisme froid de Heavy Rain. Après un temps de développement record de deux ans pour le studio, Beyond sort en grande pompe, jouissant du succès de Heavy Rain et de la nouvelle réputation du studio. La communication du jeu est de plus favorisée par le cast du titre, permettant ainsi à David Cage de toucher un public qu’il a voulu chercher depuis toujours : le public non-gamer.
Si Beyond Two Souls se rapproche énormément de Heavy Rain par son gameplay, sa mise en scène, il se différencie énormément de son aîné par son histoire et sa narration. Exit la narration chorale mêlant moult protagonistes, ici nous suivons l’histoire de Jodie Holmes, de son enfance à ses débuts d’adulte. Elle est ici accompagnée également d’Aiden, un « feu follet », une sorte d’ange gardien, qui aidera autant que desservira. L’histoire, aussi passionnante qu’elle est, marche énormément par son ambiance, et sa narration non chronologique et éclatée permet de nous plonger dans le personnage, et de vivre moult séquences tel un souvenir que nous recherchons dans notre mémoire. Mais, à l’inverse de l’ancienne production du studio, la réussite ou l’échec d’une scène à que peu d’incidence sur une grosse partie de l’histoire, et les derniers gros moment vont vraiment influer sur le dénouement. L’histoire reste tout de même haletante et si le soft souffre d’un milieu de partie assez creux et ennuyeux, l’expérience, même si moins marquante qu’Heavy Rain, n’en reste pas moins plaisante.
L’avenir de Quantic Dream
Si Quantic Dream s’est révélé au fil des années devenir un des studios les plus influents de l’industrie vidéoludique, avec seulement 4 productions en vingt années. Si ils ont su proposer à chaque fois une innovation technologique, reposant des standards graphiques, il ont su de plus proposer une innovation dans la narration interactive, qui, nous permet ainsi de vivre une réelle aventure dans la peau d’un protagoniste. Leur influence est telle que des productions plus moderne comme Until Dawn ou les dernières production de Telltale Games affirment sans trop de soucis la puissance du studio de David Cage.
Au vu des premières images de Detroit, leur prochaine production, on se retrouvera dans un univers futuriste, pourquoi pas contemporain de Heavy Rain, et on peut en tout cas vous promettre que l’expérience, bonne ou mauvaise, vous marquera autant qu’a pu marquer les précédentes productions du studio, car c’est leur marque de fabrique.
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Date de sortie : 24/02/2010