Pourquoi on aimerait un retour de Dead or Alive ?
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Rédigé par Neomantis Dee
Game designer aussi talentueux que prétentieux et reconnu pour sa vision radicale, Tomonobu Itagaki a su se démarquer coup sur coup avec Dead or Alive (1996) puis le reboot 3D de Ninja Gaiden (2004). Deux licences scénaristiquement imbriquées, des personnages apparaissant dans l’une et l’autre, et qui marquèrent pour leurs qualités techniques mais aussi grâce à des gameplays d’une rare excellence. Le monsieur est également réputé pour ses multiples frasques verbales, précisément via l’étrange querelle entre les équipes de Namco bossant sur Tekken et lui-même.
Sans avoir été au sommet des ventes, les deux licences phares imaginées par Itagaki, avec le soutien de la Team Ninja qu’il a par ailleurs créé et dirigé jusqu’à son départ, le million de ventes était systématiquement dépassé et DOA restait un sérieux concurrent sur le ring de la 3D. Néanmoins, depuis le départ du game designer Dead or Alive s’est un peu perdu, ne cessant d’attirer de moins en moins de joueurs, joueuses. Malgré un 5e volet parvenu à passer le million symbolique en cumulant les diverses versions publiées, le 6e et dernier opus fut bien trop discret avec ses 350 000 ventes revendiquées par l’éditeur. Les rumeurs d’un reboot allaient bon train suite à la publication d’une photo explicite, mais l’actuel directeur des studios a vite tempéré les choses, sans pour autant exclure l’idée pour l’avenir .
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Multiples sont les facteurs pouvant expliquer la chute de Dead or Alive, cependant il en ressort un constat évident. Depuis le départ d’Itagaki après le 4e épisode la qualité s’est amoindrie, couplée à de mauvaises décisions prises par Team Ninja, le public a fini par s’en détourner. Parce que, à côté, malgré des difficultés sur l’ère PS3/360 vécues par la majorité des studios japonais à l’époque, Tekken et Soulcalibur ont su relever la tête et prendre des risques.
DOA 5 tenta aussi des choses, notamment sur son mode histoire, mais c’était insuffisant et contrebalancé par des choix plus discutables. En comparaison, l’épisode 6 n’a pas su renchérir comme il fallait, abandonnant des choses, en ratant d’autres, malgré quelques ajouts intéressants. Ne pas faire mieux que le papa de la série est finalement logique, en plus de confirmer qu’Itagaki avait bien une vision précise et personnelle de ce que devait être Dead or Alive, et les jeux de combat en général.
Pour autant, ce serait faire preuve de mauvaise foi que de dire que les volets pondus sans le maître ne valent rien. Disons qu’ils se reposent trop sur les solides fondations de la licence, sans parvenir à proposer de changements significatifs. De fait, si ce n’est grâce à un roster logiquement plus conséquent, difficile de ne pas préférer jouer aux premiers épisodes.
En tout cas de DOA 2 jusqu’au 4, tant ces derniers ont bien vieilli, sont scénaristiquement plus intéressants et ne sont pas dépendants d’un modèle économique douteux qui explosa en vol avec le dernier volet, en plus d’avoir abandonné le Tag Battle pourtant indissociable de la série. Néanmoins, les sensations en combat demeurent encore exemplaires, au même titre que la qualité des animations. DOA 5 a aussi le mérite d’avoir tenté des choses sur le mode histoire.
Mugen Tenshin
Narration plus éclatée et non chronologique, divers points de vue se débloquant au fur et à mesure. La suite se rapprochera de cette formule prometteuse, sauf que le résultat sera bien moins concluant. Un parti pris quand même efficace sur le papier, mais souffrant malheureusement d’un scénario oubliable et s’éloignant des aspirations d’Itagaki. Au moins les protagonistes principaux sont bien traités, je parle évidemment d’Ayane, Kasumi, Hayate et Hayabusa, ce qui est moins le cas pour les autres intervenants, à l’exception d’Helena, entre autres.
Cela dit, difficile de ne pas déplorer une intrigue tournant un peu en rond et des facilités dont on se serait volontiers passé. Qui plus est, bien que le sixième opus rattrape un peu le coche en comparaison de son aîné, les arènes persistent à décevoir. C’est bête, car en regardant de plus près les licences de jeu de combat les plus lucratives, sans prendre en compte celles reprenant des franchises existantes comme la plupart des animés fighter ou Super Smash Bros., on constate systématiquement un soin particulier apporté au lore et à la narration. Et les stages ont leur rôle à jouer.
Ne serait-ce que dans l’identité visuelle d’un jeu. Ces questions narratives et esthétiques ne doivent pas être négligées. Tout ça pour dire que Dead or Alive pêche considérablement sur ce point selon moi. La licence n’en demeure pas moins une franchise pleine de ressource, et influente. Depuis une bonne décennie son impact sur le genre est visible. La preuve en est avec Tekken qui a repris les stages destructibles et à plusieurs étages, ou encore l’arène alternative présente dans le 8e volet faisant écho à un ancien stage de DOA.
En revanche, le gameplay singulier imaginé par Itagaki n’a pas, semble-t-il, été repris, en particulier la mécanique phare de la série qu’est le contre. Quoique le parry de Tekken n’a cessé de prendre de la place dans l’expérience. En tout cas c’est bel et bien cette mécanique qui fait office de signature pour la série de Team Ninja. De surcroît, dans DOA, exit les combos à aériens et à rallonge, même si le 6eme opus s’ouvre davantage là-dessus et que des ninjas peuvent virevolter dans les airs, la gravité agit généralement avec un minimum de vraisemblance.
The Shadow Wars
Par ailleurs, au vu de la violence des contres, la mécanique devient cruciale à maîtriser, autant qu’à redouter en phase offensive. Sans compter les ajouts de mécaniques plus subtiles pour paralyser l’adversaire, les choppes, etc. On le comprend assez vite, DOA est profond et n’a jamais visé la simplicité ni l’accessibilité, sauf récemment d’une manière discutable à mon avis. Et qui n’a apparemment pas suffit. N’en reste que, comme souvent, c’est la vocation du haut niveau de jeu qui rend l’apprentissage complexe et chronophage.
Seulement âgé de 10 ans à l’époque, je m’amusais déjà et m’en sortais raisonnablement bien sur les premier volets. C’est un des points que j’apprécie particulièrement dans la licence, son exigence. Exigence qui, malgré un dynamisme n’ayant rien à envier à Tekken, amène un tempo finalement unique lors des affrontements. Une philosophie héritée de celle de Yu Suzuki et son Virtua Fighter, à l’opposé de celle prônée chez Namco. Le soft de Sega reste ce qui se fait de plus réaliste en termes d’arts martiaux, il est également plus complexe à prendre en main.
Au vu des tendances actuelles, avec la simplification des jeux, de combats ou non, difficile d’imaginer la licence de Team Ninja réapparaître et prôner fièrement ce qui est vu comme dans l’élitisme. Cela vaut pour le bébé de Yu Suzuki. Faut-il suivre la tendance ? La question mérite d’être posée, qui plus est après les échecs successifs de la franchise. Personnellement, j’ai du mal avec l’hégémonie d’une recette, d’une vision ou d’un concept.
J’aimerai donc que DOA, ou bien Virtua Fighter qui, je l’espère, fera son grand retour, prenne le risque d’aller à contre-courant afin de proposer une expérience bien différente. Parce que, j’en suis convaincu, ce n’est pas obligatoirement via cette démarche que le public reviendra. A plus forte raison sur Dead or Alive et ce que la franchise représente, l’ombre de Tomonobu Itagaki plane constamment dessus et ce n’est pas à l’accessibilité que l’on pense immédiatement, au contraire. Un sujet qui mérite toujours débat.
Pourquoi on aimerait un retour ?
Déjà par manque de concurrence sur la scène des jeux de combat 3D où seul Tekken est présent. La concurrence a du bon, l’histoire a prouvé que les jeux s’influencent les uns les autres. C’est aussi une manière d’apporter davantage de diversité sur la 3D et toucher potentiellement un autre public. Parce qu’en définitive, l’actuel combat mené par le genre est bien au sujet de sa pérennité, 2D ou 3D n’étant pas la question. Même si les coûts ne sont potentiellement pas les mêmes.
Cela étant dit, on constate que Tekken 8 a pioché des mécaniques chez les représentants de la 2D, sans compter les personnages 2D du septième volet, Gouki/Akuma, Eliza et Geese Howard. Ainsi la course en Heat renvoie à la ruée de Guilty Gear, les dégâts de gratte peuvent venir de Street Fighter, etc… Soulcalibur a aussi inspiré l’évolution de la licence de Namco. La présence de Dead or Alive sur le ring pourra enrichir l’avenir du genre, je n’en doute pas, à condition de soigner son lore.
Ainsi, partir sur un reboot et des bases solides, comme MK 9 en son temps, semble judicieux. Les standards évoluent et il va falloir tenter quelques choses sur ce terrain. En parallèle de quoi le mode histoire pourra permettre de continuer d’expérimenter, tout en portant davantage son attention sur le roster, dans son intégralité. Les histoires de personnages de Tekken 8 sont un bon exemple à suivre. Evidement, tout ce travail n’est rien sans une direction artistique adéquate et des arènes dignes ce nom.
Qu’on se le dise, dans la mesure du possible, je souhaite éviter une évolution de gameplay aussi radicale que celle effectuée par Namco et les équipes d’Harada, ou initiée par DOA. Je ne peux pas nier que le spectaculaire à l’œuvre depuis plusieurs années ferait sens dans un Dead or Alive, afin d’accentuer la démesure qui manque un peu, mais la crainte d’une déviance préjudiciable pour le gameplay demeure. Je n’ai pas envie d’y retrouver toutes les mécaniques tape-à-l’œil que l’on retrouve déjà partout.
En réalité, être ambitieux sur la partie solo serait, je pense, déjà un argument de taille pour attirer. Pléthore de costumes à débloquer en jouant, le Tag et le mode survie, mais aussi capitaliser sur l’idée du solo de Street Fighter 6. Parce que j’estime nécessaire pour le genre d’offrir d’autres gameplays pour casser la routine des combats. L’idée des défis dans Dead or Alive 6 doit revenir, mais sans être autant chronophage. Des idées faciles et ne prenant pas en compte la réalité économique de l’industrie, mais je persiste à croire qu’un bon équilibre est trouvable, même avec des DLCs.
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