Pourquoi on aimerait un retour de Fable II ?
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Rédigé par Nathan Champion
Si vous demandez à un trentenaire pourquoi, à la fin des années 2000, il a préféré s’orienter vers une Xbox 360 plutôt qu’une PlayStation 3, il y a de fortes chances pour qu’il vous réponde, au choix, Gears of War ou Fable II. Deux titres qui, aux côtés de Dead Rising, Blue Dragon ou Halo 3, représentaient de véritables Killer Apps, à une époque où les exclusivités faisaient encore loi. Et si certaines d’entre elles ont perduré, d’autres se sont malheureusement perdues, ou ont sombré vers des techniques commerciales peu scrupuleuses (coucou Halo Infinite), des formules plus standardisées (coucou Gears 5), voire n’ont pas su saisir leur chance d’évoluer pour de bon (coucou Dead Rising 4).
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Le cas de Fable est assez singulier. Non seulement la série est principalement représentée par ce second volet adulé, mais en plus sa suite sera une véritable déception pour de nombreux joueurs, au même titre que chacun des spin-off à paraître ensuite. Fable II représentait, d’une certaine façon, l’apogée d’une série aujourd’hui complètement disparue, d’une idée ayant germé dans le cerveau un peu malade, mais malgré tout génial, de monsieur Peter Molyneux (à priori à l’œuvre ces derniers temps sur l’énigmatique Masters of Albion). Pourtant, ça ne partait pas très bien pour cette suite qui se voulait encore plus ambitieuse que l’opus original.
Parce qu’on connaît bien, aujourd’hui, la propension de Peter Molyneux à nous en dire des tonnes sur ses jeux, alors que rien n’est encore déterminé en interne. À inventer des systèmes qui ne pourront jamais voir le jour avec les techniques de l’époque. Oui, le créateur nous a offert quelques titres mémorables et singulièrement en avance sur leur temps, de Populous à Black & White, en passant par Dungeon Keeper et Theme Park. Mais le cas de Fable premier du nom est assez parlant : on nous l’a vendu comme un jeu révolutionnaire, et il n’était finalement qu’un très sympathique Action-RPG dans l’ère du temps. Alors pourquoi les joueurs gardent-ils un souvenir aussi mielleux de sa suite ?
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ToggleDes craintes pour l’avenir
Oui, on sait, Fable n’est pas exactement mort, comme dit en introduction. Du moins, un nouvel opus est bel et bien sur les rails. Mais faut-il vraiment que l’on développe autour de la question ? Oui ? Bon… Alors pour commencer, Fable, le prochain épisode pensé comme un reboot de la franchise, n’est plus développé par l’équipe originale ayant accouché des trois premiers volets. La société Lyonhead Studios a mis la clé sous la porte en 2016, et c’est Playground Games qui a été missionné par Microsoft pour produire ce nouvel épisode. Un Action-RPG, donc, confié à un développeur n’ayant, jusque là, accouché que de jeux de course de la franchise Forza Horizon… qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?
Mais on peut aller plus loin, et parler de temps de développement, puisque à priori le titre est dans les tuyaux depuis un moment, puisqu’on en entend parler dès 2020, et serait prévu pour 2025 selon le premier teaser (sans once de gameplay) diffusé l’an passé. Pourquoi nous ne savons rien du jeu alors qu’il est prévu pour cette année ? Où est le gameplay que l’on attend ? Difficile à dire, et on pourrait bien se tromper en affirmant que le développement s’est longtemps cherché, et que c’est la raison pour laquelle on en a vu si peu (pour ainsi dire, rien) jusque là.
L’autre point qui dérange, et il a lui-aussi son importance, c’est la direction artistique du projet. Fable et sa suite (comptons nous vraiment Fable III dans cette histoire ?) sont des jeux très colorés, empreints d’une ambiance singulière, d’aucun dirait unique dans le paysage vidéoludique passé comme présent. Et si certains titres ont essayé, à leur échelle, de s’en rapprocher d’une manière ou d’une autre, on pense par exemple au sympathique Kingdoms of Amalur, le résultat n’est étrangement jamais vraiment dans le ton des titres de Lyonhead Studios. Il y a quelque chose de cartoon et de décalé dans Fable, mêlé à des enjeux assez sérieux.
Or, à première vue Fable, le reboot, part plutôt sur des personnages réalistes et un monde très détaillé. Non pas que cela soit forcément aux antipodes de ce qu’un Fable doit être, mais il faut reconnaître que les premières images, même si uniquement composées de cinématiques, semblent très éloignées des précédents jeux. C’est peut-être le vieux réac qui parle, certainement même, mais on a un peu l’impression, au sortir de ce premier teaser, que le titre ressemblera à tous les autres mondes ouverts du moment, avec peut-être juste une pincée de couleurs en plus, histoire de faire comme si les développeurs avaient saisi l’essence de la série. Et d’ailleurs, cette essence, quelle est-elle ?
Exercices de style
Pour faire un bon Fable, il vous faut : un personnage au destin tragique, si possible ayant assisté à la mort brutale de ses proches alors qu’il n’était qu’un enfant ; une histoire de héros accomplissant diverses œuvres magistrales et mémorables, dans laquelle notre protagoniste viendra se greffer par le biais d’une prophétie un peu simpliste ; des possibilités d’approche assez vastes, permettant au joueur de devenir un bon samaritain reconnu pour ses bienfaits, autant qu’un terrible tortionnaire adoubé par Satan lui-même… Et bien sûr une ambiance et une écriture singulières, permettant au pet fumant et aux doigts d’honneur de côtoyer de funestes histoires, où la mort d’un enfant et la disparition d’un homme en mer ne sont finalement que banal quotidien.
Avec cela, si possible, il faut un design relativement caricatural, permettant de mettre l’accent sur les proportions parfois rocambolesques des personnages, ou de grossir le trait de décors plongeant dans une dark fantasy plus bariolée que de coutume. Le Bowerstone de Fable II est le parfait exemple de cette orientation graphique : une ville de taille modeste, assez sale, avec des bâtiments un peu bancals, mais malgré tout esthétiques et laissant un arrière goût de luxe en bouche. On est quelque part assez proche des capitales proposées dans un The Witcher III, tout en s’en éloignant singulièrement via un aspect plus cartoon, loin du réalisme cherché chez la production de CD Projekt Red.
Et puis, bien entendu, puisque l’on est sur de l’Action RPG aux possibilités se voulant vastes, il faut un gameplay qui permette à ces ambitions de trouver grâce aux yeux des joueurs. Il faut ainsi de nombreuses capacités magiques à apprendre et à améliorer, jusqu’à devenir maître dans des arts très différents, comme la nécromancie ou l’utilisation de boules de feu. Mais aussi une personnalisation poussée du style de jeu et des capacités physiques de notre héros. Non seulement on apprécie augmenter la taille de notre barre de vie dans Fable II, mais aussi d’offrir plus d’impact à nos coups, et plus de vélocité à nos flèches. Même si cela passe par un système d’expérience rudimentaire.
Le vagabond solitaire
Au risque de vous décevoir, non Fable II n’a pas bien vieilli. En le relançant en 2025, et en allant jusqu’au terme de son aventure, nous avons certes passé un agréable moment, mais il fut plus soutenu par une nostalgie viscérale que par des mécaniques et une aventure mémorables. Le système de combat est par exemple particulièrement décevant, puisque très brouillon et n’offrant guère de sensations manette en main. On ne ressent pas vraiment les coups portés aux adversaires, et les différents sorts à apprendre n’ont rien de jouissif. Ce qui est assez déroutant, quand on sort de titres comme Infinite Undiscovery, Tales of Vesperia ou Star Ocean : The Last Hope. Oui, difficile de citer des Action-RPG occidentaux sur la même période.
L’histoire et le système de progression sont par ailleurs très classiques, pour ne pas dire assez soporifiques. Fable II raconte quelque chose, mais ce quelque chose fait vraiment plus office de fil rouge très vague que d’histoire captivante. Il peut remercier quelques personnages clés qui apportent un peu de corps à l’ensemble, mais ce n’est toutefois pas suffisant pour permettre à ce récit de marquer véritablement. Évidemment, puisque l’on fait face à un jeu se voulant rejouable et permettant de véritables choix, en théorie, alors c’est plutôt dans la personnalisation de son aventure qu’il faut chercher un intérêt.
Malheureusement, là encore c’est assez vain. Oui, on peut devenir mauvais, ou bon, et oui cela a un impact sur la manière dont les PNJ s’adressent à nous, voire dont certaines quêtes se déroulent. Mais dans l’absolu, deux parties où nos choix seront drastiquement opposés, l’une où l’on tuera plus que de raison et l’autre où l’on jouera les saints, ne seront pas si différentes que cela. Puisque l’histoire est très bateau, très en surface, alors on ne perçoit que peu les différences entre ces deux types de choix drastiquement opposés. Et c’est vraiment dommage, parce qu’il y avait clairement quelque chose à creuser.
Alors ne nous faites pas dire ce qu’on n’a pas dit, Fable II conserve des qualités. Et d’une certaine façon, sa grande liberté d’approche, pour l’époque, l’honore. Ce qui, étrangement, est encore valable aujourd’hui. Pouvoir se marier avec à peu près tout le monde dans le jeu, acheter n’importe quel commerce ou maison et les mettre en location ou les redécorer, constater l’évolution de certaines sections du monde en fonction des événements qui viennent de s’écoulent… tout ça fonctionne encore très bien, et trop peu de jeux, aujourd’hui, se permettent des choses aussi poussées. Seulement voilà, si à l’époque ces simples détails suffisaient pour faire tenir l’aventure debout, et ont permis à Fable II d’acquérir un statut culte, aujourd’hui ils semblent bien fades.
Pourquoi un retour ?
Sur la base de ce que l’on vient de dire, et après avoir successivement bâché le prochain opus et le plus culte des précédents, pourquoi avoir choisi de vous parler de Fable II dans ces lignes ? Eh bien parce que l’engouement est toujours là, vingt-cinq ans (vous êtes vieux) après la sortie de ce jeu resté dans les mémoires de nombre de possesseurs de Xbox. On aurait aimé vous dire que relancer le titre sur Xbox Series X (puisqu’il est rétrocompatible) suffit pour faire passer cette envie de Fable qui peut vous assaillir de temps à autres. Mais que nenni.
Parce que la structure même du titre, qui fait le choix d’un monde semi ouvert plutôt charmant, mais tombe dans une écriture et un classicisme déplaisants, le dessert aujourd’hui. Mais aussi, et surtout, parce que tout ce qu’on lui pardonnait à l’époque, de son gameplay sans saveur à son IA absurdement débile, ne passe simplement plus aujourd’hui, alors que sa liberté d’approche paraît encore plus illusoire face aux titres actuels mieux fournis en la matière, tel que le très bon Avowed fraîchement sorti. Fable II n’est plus ce qu’il a été, et c’est à déplorer.
Ainsi, ce que l’on aurait aimé, mais c’est visiblement très mal parti, c’est un retour de ce jeu culte, mais sous une forme le mettant plus en valeur. Un remake, d’une certaine façon, qui reprendrait l’ensemble de ce que propose le jeu d’origine en le bonifiant. À commencer par le système de combat, si possible qui gagnerait à s’intéresser à ce que des titres plus récents ont produit, comme Visions of Mana ou Nier Automata par exemple. On n’aurait pas été contre un système de quêtes plus clair, et un monde sans temps de chargement aussi, quitte à conserver une structure par zones plutôt qu’un vrai monde ouvert (parce que l’Open World n’est pas la meilleure façon de faire du RPG).
Mais ce qu’on aurait surtout aimé, c’est que Lionhead Studios ne finisse pas sa carrière dans une telle indifférence, et reprenne le développement, sous l’égide de Microsoft, de cette franchise qui a su, un temps, fasciner les joueurs de tous bords. Fable et sa suite, bien qu’ayant plutôt mal vieillis, nous rappellent vite une chose essentielle : il y a deux ou trois générations de consoles, les développeurs n’avaient pas peur de prendre des risques, afin de proposer quelque chose de vraiment original. Fable aurait pu rater son public.
Alors comme souvent ces derniers temps, terminons cet article sur une touche amère. Non, on ne vous conseille pas de jouer à l’un des Fable disponibles sur le marché actuellement, bien que tous puissent tourner sur Xbox Series X. Ce qu’on vous propose, c’est une alternative plus solide (même si moins unique en termes d’ambiance), tant en matière d’écriture que de mécaniques ou de World Building : Kingdoms of Amalur. Ceci en attendant de voir si nos craintes s’estompent concernant le prochain volet de la saga de Molyneux.