Pourquoi on aimerait un retour de Original War ?
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Rédigé par Nathan Champion
Il y a énormément à dire et à apprendre sur le milieu du jeu vidéo, au point que ce que certains considèrent désormais comme un art est en train de se frayer un chemin vers les écoles traditionnelles, et s’est déjà imposé chez les médias mainstream. Bonne ou mauvaise chose, nous sommes évidemment de ceux qui pensent que la démocratisation de ce produit culturel a des avantages, bien qu’elle ait aussi quelques inconvénients, avec en tête de liste un marché saturé, des superproductions toujours plus coûteuses, et des tarifs qui s’envolent chez le rétro. Tout cela pour dire, sous forme de digression à la limite du digeste, que le jeu vidéo est en train de vaincre les arts conventionnels sur le plan mercantile. Pourtant, la plupart de ses expériences majeures ne font que de fugaces remous à la surface d’un océan de sorties oubliées quelques instants après leur parution.
Alors bien sûr, en partant de ce constat qui en alarme certains, à juste raison, il y a de quoi être impressionné devant la longévité de quelques expériences, comme Team Fortress 2 ou Minecraft. Dans un autre registre, Skyrim peut aussi rentrer dans cette catégorie, avec sa communauté qui développe encore et toujours plus de mods pour améliorer certains de ses aspects spécifiques, voire pour ajouter de nouveaux contenus… ou ses nouvelles versions régulières tarifées plein pot. Mais ce ne sont que des cas rarissimes, portés par des entreprises gigantesques, qui peuvent se permettre des mises à jour dans le temps, des re-sorties sur les derniers supports du marché, ou des campagnes de publicité pour faire revenir les joueurs, le temps de leur faire dépenser quelques piécettes dans un skin ou la dernière édition en date du logiciel.
Le rapport avec Original War ne vous apparaît probablement pas, dit comme cela. Il faut dire que le jeu de 2001 n’a pas fait grand bruit, ne s’est pas énormément vendu à l’époque, et n’a pas eu de suite. Jeu de niche, issu d’un genre de niche, développé par un studio méconnu par chez nous, pour rester polis, et disparu depuis longtemps, du reste. Pourtant, il semblerait que cette expérience singulière, profondément imparfaite, soit parvenue, par quelque miracle demeurant difficile à expliquer, à imposer son statut culte, avec le temps, en gagnant en popularité chez une communauté bien vivante, et même vivace, qui a entièrement repris les rennes après la mort du développeur, afin de lui offrir de nouvelles mises à jour salvatrices. Un titre encore en vie, donc, bien que sous respirateur artificiel, dont on aimerait un retour sous une forme un peu différente. Mais laissez nous vous expliquer cela en détails.
Note : Les images que vous trouverez dans cet article proviennent de la version Steam du jeu. À noter que nous allons divulguer certains pans d’histoire afin de pouvoir parler plus en profondeur de l’expérience, mais tâcherons de ne pas rentrer trop dans les détails, autant pour le jeu que pour le roman dont il s’inspire.
Sommaire
TogglePetit retour sur le contexte
Une fois n’est pas coutume, Original War n’est ni une licence sortant de nulle part, ni une relecture d’un film, mais bel et bien une adaptation de roman. Chose beaucoup mise en avant à la sortie d’un Metro 2033, mais complètement passée à la trappe en 2001, quand le jeu de Altar Games débarque sur PC. Il faut dire, en même temps, que la campagne de publicité du titre est aux abonnés absents, malgré la présence de Virgin Interactive à l’édition. Une société qui, à l’époque, pèse relativement lourd dans l’industrie, jusqu’à son rachat par Titus.
Cela étant dit, il faut aussi avoir conscience du tableau dans sa globalité : 2001 est une année absolument folle au niveau du jeu vidéo. On parle des sorties du premier Devil May Cry, de Metal Gear Solid 2, GTA 3, Super Smash Bros. Melee, Ico ou encore Shenmue II. La liste est longue, et rien qu’en partant de ce constat, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi de nombreuses productions ont été complètement éclipsées, même dans des genres moins communs. Original War, petit STR sans prétention, ne pouvait que passer à la trappe.
Chose qui ne manqua donc pas, d’autant qu’il ne fut pas excessivement bien reçu par le peu de journalistes jeu vidéo lui ayant accordé du temps et de la visibilité. Sur le site metacritic, qui recense les différents tests accordés aux œuvres, en permettant de les comparer à l’avis du public, Original War cumule un total de 61%. Ce qui, sans être minable, il faut en avoir conscience, n’est toutefois pas bon. Un jeu à 6/10, quoi qu’on en dise, ça ne se vend pas bien, excepté peut-être quand une grosse communauté est derrière sa licence (exemple : Warhammer).
Or, chose plutôt surprenante, quoique pas si rare que cela dans le jeu vidéo, la note moyenne des joueurs, toujours sur metacritic, atteint quant à elle les 8,7. Un score presque parfait, qui le classe dans les meilleurs aux yeux des acheteurs, bien loin du constat avancé par la presse de l’époque. Mais alors, pourquoi une telle différence de jugement ?
Divine Comédie
Dans les faits, Original War n’est pas un très bon jeu. Si l’on se penche de manière triviale sur son gameplay, il faut dire ce qui est, une part de ses mécaniques sont sympathiques, mais le reste n’est pas forcément très bien pensé. Le jeu est donc un STR, comprenez Stratégie en Temps Réel, qui demandera de gérer de petites équipes de soldats non remplaçables, construire des bases et des véhicules, et bien sûr de détruire l’armée (ou les armées, nous y reviendrons) adverse. Les contrôles sont ordinaires pour le genre, pratiquement exclusivement à la souris, le clavier servant seulement pour quelques points spécifiques, comme mettre en pause, ou pour le chat en multijoueur.
Extrêmement classique, Original War propose des missions relativement courtes pour le genre, sauf exceptions ponctuelles, et une durée de vie moyenne. S’il est possible de boucler une campagne en environ 20h, sans se presser, le jeu en possède en vérité deux, avec des embranchements différents. Un de ces embranchements est, à juste titre, considéré comme le plus dur, s’offrant non pas du challenge mais plutôt une sorte d’aspect extrêmement punitif et incompréhensible. Quant aux deux campagnes, l’une pourrait presque être prise pour la mise en bouche, face à l’autre, un peu plus complexe.
Le plus gros défaut du titre de Altar Games, c’est assurément sa difficulté. À une époque où les sauvegardes automatiques ne sont pas courantes, et les temps de chargement longuets, devoir reprendre une mission de zéro plusieurs fois sonne comme une vraie punition, au même titre que sauvegarder régulièrement sa partie pour être sûr d’éviter de perdre sa maigre progression. Le challenge est extrêmement mal dosé, faisant passer certaines missions pour faciles, quand d’autres sont de véritables tortures.
Parce que le développeur, manquant probablement de retours sur son travail, n’a pas pris trop le temps de s’assurer que les joueurs auraient bien en main les mécaniques de Original War passé un certain stade, ou s’amuse à leur faire tomber sur le coin de la tête des quantités ahurissantes d’ennemis dans des espaces qui ne se prêtent pas toujours très bien à la défense. Bien sûr, quelqu’un qui connaît bien le jeu et son fonctionnement s’en sortira sans trop de heurts. Mais tout joueur de Original War vous le confirmera, il arrive parfois qu’on ne puisse compter que sur la chance pour progresser dans l’histoire. Tout particulièrement lorsque le titre impose des objectifs chronométrés…
Le Dernier Jour de la Création
Vous comprendrez donc que ce n’est pas son gameplay qui a permis au titre de se forger une solide communauté, mais bien tout le reste. Le jeu n’est pas très beau (décidément, où sont ses qualités ?), mais possède néanmoins un certain charme, une certaine identité, qui en font une production à part. Ce que l’on remarque surtout, en premier lieu, c’est un Character Design singulier, assez caricatural, mais qui fait mouche, et permet de rapidement cibler les personnages. Même si ce ne sont pas toujours des personnalités appréciables, on s’attache rapidement à ces enfants de salauds qui tiennent place de héros.
Des héros plus proches du petit soldat, puisque l’on n’incarne qu’une poignée de militaires. Original War nous propulse deux millions d’années dans le passé, grâce à une machine mystérieuse, artefact découvert en même temps qu’une nouvelle forme d’énergie quasi-divine. Forme d’énergie qui représente l’objectif ultime de cette mission que l’on pourrait qualifier de suicidaire, dans la mesure où aucun retour vers le présent ne semble envisageable. Les soldats envoyés au paléolithique savent qu’ils ne reviendront pas, ce qui confère alors au soft un petit quelque chose de déprimant, en premier lieu.
Mais pas le temps de se morfondre, puisque la guerre est à vos portes. Le titre vous permet de choisir entre deux campagnes distinctes, représentant deux factions : les américains et les russes. L’une comme l’autre a pour objectif de sécuriser la Sibérite, ou l’Alaskite, autrement dit la forme d’énergie solide dont nous parlions plus haut, et qui ne porte pas le même nom selon le côté du globe que vous représentez. D’ailleurs, les différences entre les deux factions ne s’arrêtent pas là, puisqu’elles ne proviendraient, visiblement, pas du même futur non plus…
Le propre du scénario du titre, c’est de nous pousser à nous questionner constamment sur nos ennemis, leurs intentions et leur origine, mais aussi sur nos alliés. Très vite, une troisième faction entrera en jeu, faisant naître encore plus d’interrogations. Ce qui apporte une vraie saveur à l’intrigue qui, sans cela, ne vole pas très haut. Comme pour faire écho au Character Design, les traits de personnalité des différents protagonistes, d’un côté comme de l’autre, sont assez grossiers, et l’on devine généralement les intentions de chacun en quelques secondes. Chose que les doublages en français parviennent à rendre bien plus digeste, bien qu’ils soient eux aussi assez caricaturaux.
C’est donc exclusivement son univers et ce qu’il raconte qui ont finit par faire entrer Original War dans le cercle très fermé des jeux cultes. Le titre s’est forgé, avec le temps, une communauté très solide, au point que celle-ci ait repris le développement à la mort d’Altar Games, lui offrant tout un tas de correctifs et d’ajouts divers. Et ce jusqu’à très récemment, puisqu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, la dernière mise à jour date du mois d’avril 2024. Mieux encore, en grattant dans les fichiers du jeu, les fans ont découvert l’existence d’une troisième campagne jamais sortie, et l’ont rendue disponible pour tous, permettant d’épaissir encore un peu le lore et de préciser le scénario global.
Pourquoi un retour ?
Nous l’avons vu, Original War n’est, objectivement, pas un très bon jeu. Il peut se targuer d’un univers qui fonctionne bien, adaptant de très loin un roman nommé Le Dernier Jour de la Création, par Wolfgang Jeschke, lui-même assez anecdotique (bien qu’on vous recommande, si vous avez l’occasion, de vous y pencher si les histoire de voyage dans le temps vous intriguent). Le titre est toutefois devenu culte pour toute une communauté encore en vie plus de vingt ans après sa sortie, au point que des projets divers et variés ont vu le jour autour, toujours indépendants, jusqu’à une tentative de remake complet via le modding de Arma III.
À titre plus personnel, le jeu fut une découverte assez marquante, au début de l’adolescence. Il faut dire qu’il regroupe plusieurs choses qui fonctionnent bien chez moi, à savoir la Science Fiction, la guerre froide, et des personnages qui n’auraient pas dénoté dans un film d’action des années 80. Je ne saurai dire précisément pourquoi, mais je lui pardonne volontiers ses nombreux défauts, et même son aspect extrêmement punitif qui m’a fait plusieurs fois rager, plus jeune. Et je ne suis pas le seul, puisque Original War passionne encore nombre de joueurs.
Mais s’il n’était déjà pas bien accessible en 2001, en raison des défauts cités plus haut et d’un aspect visuel somme toute désuet, c’est évidemment bien pire aujourd’hui, et on serait bien incapable de vous recommander le titre tel quel. Ainsi, un retour nous semble être la meilleure option. Mais pas n’importe quel retour. Parce que le remake avec des graphismes d’aujourd’hui ne serait pas une mauvaise idée, assurément, mais qu’il faudrait que celui-ci ne se départisse pas des intentions du jeu d’origine, et donc de son côté un peu kitch.
À la vérité, puisque ce qui fonctionne le mieux dans Original War c’est son univers et ses personnages, mais surtout que son gameplay n’est pas bien excitant, il ne semble pas forcément important de conserver l’aspect STR. On pourrait donc partir vers n’importe quel style vidéoludique, du moment que les intentions sont respectées. Ainsi, un First Person Shooter ferait parfaitement l’affaire, par exemple, avec pourquoi pas une dimension tactique façon Brothers in Arms pour conserver quand même un sentiment stratégique. Mais il ne faudrait pas exclure d’autres voies, comme des genres plus narratifs. Une expérience plus proche d’un Citizen Sleeper, par exemple, pourrait fonctionner à merveille.
Néanmoins, et c’est l’un des points qui rend ce projet hypothétique si compliqué, il faudrait que la bande sonore reste, car elle représente une part importante de l’ADN du titre. Idem pour les doublages originaux, en français s’il vous plaît, sans lesquels Original War ne serait pas ce qu’il est. Les possibilités de nouvelle version sont quasi-infinies, quoique la probabilité d’en voir une un jour, qui ne soit pas amateure, est nulle. Mais le plus compliqué demeure certainement la récupération, à titre légal, de tout l’audio du jeu d’origine.
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