Pourquoi on aimerait voir un retour de Parasite Eve ?
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Rédigé par Neomantis Dee
Du début des années 90 jusqu’au milieu de la décennie 2000, le jeu vidéo nous a gratifié d’œuvres se voulant de plus en plus proches du cinéma. Potentiellement vu à l’époque comme une clé vers davantage d’immersion et de puissance évocatrice pour le jeu vidéo. Une époque également charnière avec l’avènement du numérique et le développement des technologies. Que ce soit avec des licences comme Metal Gear Solid (1998) ou Devil May Cry (2001), l’influence du septième art, et de l’occident, est bien plus explicite. Car oui, ce sont aussi des propositions guidées par une volonté réelle de toucher le reste du monde. Dans la droite lignée d’autres licences avant elles, Resident Evil et Final Fantasy VII, respectivement sortis en 1996 et 1997 sur PS1.
RE a redéfini les codes de l’horreur dans le jeu vidéo grâce à la vision de Shinji Mikami, récemment de retour avec l’atypique Ghostwire Tokyo, de l’action en monde ouvert bien loin de ce qui a fait sa réputation. L’aura de RE sera telle, qu’elle inspirera rapidement de futures œuvres, parmi lesquelles le déjà cité DMC mais aussi Onimusha. Aujourd’hui nous nous intéressons à Parasite Eve, qui fait partie de ces titres dont on ne peut parler sans faire de comparaison avec le monument de Capcom. Bien que le rapprochement soit logique, ce serait oublier l’importance de FF VII. Sans doute, à sa sortie, le jeu vidéo le plus ambitieux vis-à-vis de ses vocations cinématographiques.
Franchise créée par Hironobu Sakaguchi et développé par SquareSoft (la fusion avec Enix date de 2003), ce septième opus va lui aussi transformer l’industrie vidéoludique. Grand créatif passionné de cinéma et très ambitieux, Sakaguchi ira jusqu’à réaliser le film Final Fantasy : Les Créatures de L’Esprit en 2001. Véritable échec critique et commercial, allant jusqu’à mettre l’entreprise en péril, le long-métrage n’en reste pas moins innovant et précurseur. Précisément dans l’utilisation d’images de synthèse ayant vocation à représenter des humains de façon réaliste. Et Parasite Eve dans tout ça ? Et bien il s’agit d’un jeu unique mêlant action, survival-horror et mécaniques RPG développé par SquareSoft et distribué en 1998. Imaginé et produit par Hironobu Sakaguchi, c’était le premier jeu des studios s’adressant à un public adulte. Le développement fut confié à SquareSoft USA, présidé alors par Sakaguchi lui-même. Pour Square, il s’agissait là de la plus grosse collaboration avec des studios américains.
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ToggleNew-York 1997
Il y a énormément à dire sur le développement et la production de Parasite Eve. Trop pour être abordé ici. Cette introduction nous a quand même semblée nécessaire afin de voir les résonances entretenues par la licence avec d’autres. Il se dit même que le monsieur souhaitait placer l’intrigue de Final Fantasy VII à New-York et nous faire incarner des détectives. Si l’idée n’est pas retenue pour le RPG, ces germes se retrouveront dans Parasite Eve, comme d’autres idées. Une licence étrange, qui pioche un peu partout mais reste singulière, d’autant plus qu’elle fait office de suite au roman du même nom écrit par Hideaki Sena. Des adaptations de livres, il y en a eu, cependant proposer une suite est assez novateur. Surtout que l’auteur, s’il n’a pas participé au projet, n’en a pas moins apprécié le résultat. A l’inverse de l’adaptation cinématographique qui ne l’a pas convaincu.
Sorti en 1998, Parasite Eve sera suivi par deux autres volets, une pseudo suite dès 1999 et un spin-off une bonne décennie plus tard. Ceci étant, ces épisodes prennent une orientation différente en terme de gameplay, particulièrement l’opus 3rd Birthday. Nous n’allons pas nous attarder sur ces titres, l’essentiel de cette chronique sera dédiée au premier jeu. Les équipes de développement ont changé, Sakaguchi n’est plus à la manette. Par conséquent, l’approche du game design sera tout autre elle aussi. Malgré un amour pour ses trois volets, nous voulons ici parler de ce qui fait l’essence pure de la série, et cela passe par l’opus de 1998. Nous laissons la porte ouverte pour une éventuelle future chronique qui reviendrait plus en détail sur le reste de la franchise.
Venons en maintenant au jeu qui nous intéresse. Nous l’avons rappelé, le cinéma joue une place centrale dans le game design de Parasite Eve et pour Sakaguchi. Dans cette optique, il était impératif que le soft soit encore plus cinématographique qu’FF VII. Porté par plusieurs cinématiques FMV de grande qualité, il faudra deux CDs pour contenir le bébé, quand bien même une aventure se terminant en environ 10 heures. Au vu des ambitions, il fallait pousser la PS1 à son maximum. Au point que les cinématiques ont clairement meilleure allure que celles de la concurrence de l’époque. Cette optimisation va aussi se retrouver dans bien d’autres aspects du soft. A commencer par son esthétique. Avec de magnifiques décors précalculés fourmillant de détails minutieux, on est vite saisis par l’ambiance. L’utilisation des caméras fixes héritées de RE est aussi exemplaire. Leur usage est intelligent, du même calibre que ce que fera Hideo Kojima sur MGS.
Divisant les zones de jeu en portions de plans fixes, les développeurs ont su habilement en tirer parti en proposant des angles de vue saisissants et à la mise en scène parfaitement maîtrisée. L’attention apportée aux décors et aux bruitages, les animations ou encore la colorimétrie désaturée imposent une atmosphère presque palpable et très immersive. En plus d’apporter ce qu’il faut de tension et de réalisme pour transcender l’expérience. Chaque scène, chaque plan fixe donc, semble minutieusement pensée et transmet des émotions, raconte quelque chose du personnage et/ou de l’univers du jeu. Un travail d’orfèvre qui se ressent bel et bien en jouant. Des attentions qui peuvent être difficiles à percevoir mais qui, dans tous les cas, sont essentielles. Du réalisme, il y en a dans PE, parfois trop, il faut voir la lenteur des mouvements des personnages. Mais on peut facilement y déceler une volonté d’ancrer le récit dans le monde réel. Ca donne de la pertinence aux thématiques, en plus d’être en phase avec son époque.
Sonatine, mélodie mortelle
Tout le game design est conçu pour viser un certain niveau de réalisme et de cohérence. Le gameplay ne fait pas exception. En témoigne l’inventaire limité et l’importance des munitions au combat, ou encore le système de sauvegardes intradiégétiques nécessitant d’interagir avec un téléphone. Et pas seulement, car le jeu, en plus de se dérouler dans un New-York crédible, base aussi son intrigue autour de notions scientifiques, avant de vriller vers le fantastique. Pourtant, cela fonctionne très bien. Une fois embarqué dans l’histoire, on se laisse bercer par des réflexions et propos pertinents, documentés, et peu importe la direction prise par le scénario, la surenchère est finalement relativement cohérente avec le sujet. Ce mélange entre réalité et fiction peut nuire au réalisme, mais n’impacte pas l’ambiance si prenante de la licence. Cela a même tendance à apporter une sorte de souffle épique qui n’est pas pour nous déplaire, et n’est pas sans rappeler les envolées scénaristiques d’un Kojima.
L’histoire de Parasite Eve se déroule durant la période des fêtes de Noël en 1997. On y incarne l’officier de police de New-York Aya Brea qui, pendant 6 jours, va tenter d’appréhender une chanteuse d’opéra transformée en monstre. Se faisant appeler Eve, cette dernière désire anéantir la race humaine par la combustion spontanée. Derrière ce pitch se cache des thématiques matures et profondes, en plus d’être rarement abordées dans le jeu vidéo. Tout le récit s’articule autour des mitochondries, des micro-organismes présents dans tout corps humain et animal. Bio-technologie, questionnement ADN, sur l’humain ou encore sur la femme, le scénario est riche et passionnant, surtout pour l’époque. L’écriture est solide et prend le temps de s’attarder sur la psychologie et le caractère des personnages, comme avec Daniel, un PNJ important avec une personnalité et un vrai background qui le rend attachant. Surtout que Parasite Eve arrive à distiller ce qu’il faut d’informations tout en nous maintenant en immersion. En attestent les séquences dialoguées en voiture. Un élément récurrent simple d’apparence, mais tellement engageant.
Dans son fonctionnement narratif comme dans son esthétique, avec ce désir d’optimiser les plans et les situations, par la mise en scène, Parasite Eve a beaucoup de chose à raconter. Une des grandes force de la licence découle de tout ça et de sa narration environnementale. Même sans vraiment s’attarder sur la richesse du gameplay proposé, il y a déjà toute une magie, tout un univers qui s’installe et s’ancre en nous. Et le fait de faire office de suite au roman n’entrave pas sa compréhension. Des éléments sont reliés à ceux du livre. Bien entendu l’OST concoctée par Yoko Shimomura, à qui l’on doit les superbes bandes-son de Streets Fighter II ou encore Kingdom Hearts, n’est pas étrangère à cette immersion.
Les morceaux sont souvent superbes, parfois sublimes, avec des partitions pleines d’émotion et très évocatrices. Shimomura semble être parvenue à saisir l’ambiance et l’univers de l’œuvre. Sans surprise, deux albums découleront de ce travail de la compositrice. La seule ombre au tableau, c’est l’absence de doublages. On s’en accommode, et sans doute que c’était justifié d’un point de vue technique et/ou financier, mais ça fait un peu tâche au milieu de tant de maîtrise. Paradoxalement, on peut déceler des situations, minoritaires cela dit, où ce mutisme pourra faire sens. Mais dans l’ensemble, c’est une chose qu’il faudra corriger.
Entre le ciel et l’enfer
Sans entrer dans le détail de tout le gameplay, force est de constater qu’il a quelque chose de très stimulant, séduisant à bien des égards et ne manquant pas de richesses. Les combats se déroulent en temps réel, bien que vous puissiez stopper le temps pour effectuer une action, et vous disposez d’une jauge ATB. En plus d’autres mécaniques issues de RPG. Vous évoluez dans des décors saisissants, sans âme qui vive, seulement des créatures qui peuplent les lieux. Pourtant, ces dernières ne sont pas visibles à l’écran, les combats s’enclenchent quand vous entrez dans une zone et ne peuvent pas être esquivés. Les combats sont limités en nombres et n’invitent pas au farm, le jeu étant relativement linéaire.
Là où le titre est prenant, c’est que vous devez jongler intelligemment avec vos armes à feu, vos sorts et objets. Car oui, Aya développe des pouvoirs grâce aux mitochondries. Chaque action effectuée vous coutera un tour et vous ne pouvez agir qu’une fois votre jauge ATB pleine, que ce soit pour attaquer, utiliser un objet ou juste changer d’arme. De surcroît, les ennemis bougent en temps réel, vous devez donc constamment être en mouvement sur la portion de terrain afin d’éviter leurs assauts. Il faut planifier sa prochaine action en prenant compte de leurs déplacements. Surtout que pour infliger des dégâts, la cible doit se trouver dans un dôme de visée, sous peine de rater votre attaque. En outre, vous devez choisir le nombre de coups à tirer, le but étant d’éviter de se retrouver avec un chargeur vide en pleine action. Auquel cas Aya devra recharger l’arme, vous laissant alors sans défense.
Le gameplay a d’autres spécificités. Tandis que chaque affrontement vous fera gagner de l’expérience pour, à terme, augmenter votre niveau et vos statistiques, vous ferez aussi l’acquisition de points bonus à dépenser pour vos armes. En effet, dans Parasite Eve il est totalement possible de personnaliser sa façon de jouer en modifiant ses armes. Augmentations de dégâts, de portée et de munitions, les armes possèdent aussi des compétences. Moyennant des outils à dénicher en jeu, vous pouvez détruire une arme pour transférer sa compétence sur une autre. C’est aussi viable de faire entièrement l’aventure avec un pistolet surpuissant qu’avec un bazooka qui tire en rafale. Les points bonus peuvent aussi servir à augmenter votre capacité de stockage ou booster votre jauge ATB. Ces possibilités et mécaniques enrichissent considérablement le gameplay.
Tout n’est pas jouable sur une seule partie, mais Parasite Eve offre une alternative. Un New Game + digne d’intérêt. En plus d’avoir accès à une arme de votre partie précédente, augmentée et choisie par vos soins, qui permet de one-shot les premiers ennemis du jeu, vous aurez accès à la tour Chrysler. Pour la débloquer il faut rester jusqu’à la fin des crédits de fin du jeu. Le principe de la tour Chrysler c’est de gravir 77 étages peuplés de créatures diverses à éliminer. Des paliers avec des boss vous attendent, de même qu’une fin bonus pour ceux qui parviennent au sommet. De quoi apporter une dose de challenge et profiter pleinement de la richesse du gameplay, comme du système de combat.
Pourquoi un retour de Parasite Eve ?
Si les nombreuses qualités du titre original suffisent à désirer un retour, au vue du travail effectué sur Resident Evil 2 Remake et Final Fantasy VII Remake, nous voulons la même chose pour Parasite Eve. Parce que comme nous l’avons vu, la licence ne manque pas d’envergure et il est clair que les possibilités actuelles pourraient offrir l’opportunité au soft de titiller d’un peu plus près ses grandes ambitions de l’époque. Un remake semble une bonne option en ces termes. Nouvelles cinématiques, présence d’un doublage intégral, sans compter une bonne refonte ergonomique avec des raccourcis pour la gestion de l’inventaire. Tout ce qui touche à l’ergonomie doit être revu pour une expérience de qualité, il faut se mettre aux standards actuels.
Ce serait aussi l’occasion d’agrandir les espaces d’affrontements et pourquoi pas, en restant cohérent avec la licence et le personnage d’Aya Brea, tenter de styliser les combats en s’inspirant de ce que propose Resonance of Fate. Evidemment des séquences de jeu devront être réalisées différemment pour rester pertinentes et ludiques aujourd’hui. De même qu’enrichir encore le gameplay ne pourrait être que bénéfique. Surtout pour le New Game + et la tour Chrysler. On pense aussi à l’ajout d’interactions avec le décors et/ou une voix off pour Aya, à l’instar de Max Payne 3. En moins bavard cela dit, il ne faudrait pas gâcher l’ambiance de PE ni même l’espace sonore si important.
Animé par une volonté et une ambition sincère, un remake de Parasite Eve pourrait plus concrètement imposer la dimension cinématographique souhaitée à l’époque par Sakaguchi. L’écriture pourrait aussi bénéficier d’un approfondissement, voir même ajouter des séquences supplémentaires pour le lore et gonfler un peu la durée de vie. Tout en restant dans quelque chose de condensé. Après les retours de Resident Evil et Final Fantasy VII, nous espérons vraiment revoir Parasite Eve. Et si ça prend, il sera toujours possible de ramener la suite, puis relancer la série avec un autre opus. Et pourquoi pas tenter de s’imposer en même temps au cinéma avec une adaptation animée ou en live-action ? Pour nous Parasite Eve est une grande œuvre qui mérite de revivre et d’avoir les louanges qu’elle mérite.
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