Pourquoi on aimerait un retour de Prince of Persia (3D) ?
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Rédigé par Neomantis Dee
Jordan Mechner, cinéma, Ubisoft, parkour, Les Mille et Une Nuits… Avant que l’été ne s’achève, que le Soleil raréfie ses rayons, profitons de la chaleur du Moyen-Orient pour parler d’un prince, du sable chaud et de temporalité. Si la trilogie rattachée à la PS2 sera ici abordée, Prince of Persia : Les Sables du Temps (2003) concentrera majoritairement l’attention. Il sera surtout question de raviver des souvenirs, d’extirper le prince de l’oubli, autant que de partager un amour pour le jeu réalisé par Patrice Désilets, que l’on retrouvera à l’initiative d’Assassin’s Creed, Jordan Mechner et tout le staff.
Parce que bien avant d’inspirer la franchise d’assassins à capuche et de bloquer Ubisoft dans les limbes de la créativité, comme de l’ambition, il fût une époque propice aux prises de risques. Des plongeons dans l’inconnu, réfléchis, animés par une passion. Pour sûr, par l’envie de bien faire, sans penser en priorité à la rentabilité. Prince of Persia fait partie de ces œuvres importantes. C’était le cas lors de sa parution en 2D, et PoP : Les Sables du Temps réitèrera en laissant à son tour une empreinte dans l’industrie. Profitons que l’éditeur soit, semble-t-il, piégé dans les sables mouvants avec le projet discutable de remake, pour retourner dans le passé lorsque le prince nous contait son récit.
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ToggleLe temps c’est du sable
Petit aparté avant d’entrer dans le vif du sujet. Après des retours que, personnellement, j’estime incapables d’effleurer ce qui faisait le charme, l’essence, la magie de la trilogie PS2 (je pense à l’itération cell shading de 2008 qui n’avait que sa beauté pour charmer et l’oubliable Les Sables Oubliés, sans mauvais jeu de mots), la franchise fit tout de même un retour plus convaincant. En effet, afin de patienter pour le retour tant attendu du prince en 3D, The Lost Crown et The Rogue Prince of Persia ont le mérite de faire au moins honneur qualitativement.
Une démarche surprenante que ce retour à la 2D, mais à saluer, cela reste une prise de risque que l’on attendait plus, tout en renouant avec les origines de la série. Cependant, ces deux volets n’ont, hélas, pas résonnés avec moi. Déjà, car mes attentes sur Prince of Persia sont sur la 3D. Ensuite, parce que je souhaite retrouver Dastan et l’ambiance Mille et Une Nuits, la finesse du gamedesign au service de l’immersion. The Lost Crown est davantage une étiquette « PoP » accolée au jeu, là où la proposition roguelite des français d’Evil Empire paraît plus convaincante dans sa démarche.
Cela n’engage que mes goûts et attentes personnelles et ne remet pas en cause les qualités de ces œuvres. Chacun ses sensibilités. Un rapport conflictuel que j’entretiens avec d’autres titres, à l’instar des Tomb Raider dont je n’adhère pas à la proposition de la dernière trilogie. Mais revenons à notre sujet, Prince of Persia : Les Sables du Temps. En 2003, la franchise possède une renommée grâce aux deux premiers jeux, novateurs en leur temps, même si une tentative de passage à la 3D ratée était en passe d’enterrer la licence. Ce qui n’est pas sans rappeler le cas Mortal Kombat 4.
La résurrection se fera par l’intermédiaire d’Ubisoft qui, en 2001, récupéra les droits Prince of Persia. Très rapidement, le désir de réhabiliter la série et d’en reprendre les fondements qui ont fait son succès émergent. Des premières idées, ainsi qu’une maquette du concept voient le jour et Jordan Mechner découvre alors le projet. Son enthousiasme lui permet de rejoindre l’équipe de développement et d’officier comme scénariste sur Les Sables du Temps. Parmi les premières idées imaginées, il y avait la course murale du prince.
Nous connaissons le résultat final, les courses murales sont d’une classe folle et d’un réalisme saisissant, et ce, encore 20 ans après. Clin d’œil évident au tout premier PoP, sorti en 1989, pour lequel Mechner reproduisait les mouvements et actions exécutés par son frère grâce à la technique de la rotoscopie, héritée du cinéma. Si cet opus fondateur a influencé des jeux comme Ico, Mechner avoua que ce dernier l’inspira à son tour. Précisément pour la direction artistique et la collaboration entre personnages, on en reparle plus loin.
D’autres influences sont à mentionner pour comprendre la démarche. Compte tenu des ambitions, les équipes créatives devaient s’inspirer des meilleurs, ainsi : Onimusha, Devil May Cry, Tomb Raider, et même Ninja Gaiden, ont été des modèles importants dans la conception du jeu. Au point qu’Ubisoft est parvenu à digérer le tout, pour en tirer un jeu à la singularité indéniable et, finalement, devenu à son tour un modèle à suivre pour des œuvres futures.
Trois mille temporalités où t’attendre
« Les gens pensent que le temps est tel un fleuve, suivant toujours le même court, mais moi, je l’ai vu face à face et je vous assure : ils se trompent. Le temps est un océan dans une tempête ». Ce sont les mots du prince introduisant les aventures du premier volet de la trilogie. Si vous vous demandez ce que tout cela veut dire, c’est normal. Alors asseyez-vous et laissez-moi vous conter mon ressenti après avoir joué dans la peau du prince. Ce qui vient tout de suite à l’esprit en pensant à Dastan, c’est bien son aisance héritée des pratiquants du parkour, mais également les sables du temps, littéralement.
Difficile de nos jours, pour qui a connu et potentiellement grandit avec la trilogie PS2, de ne pas penser à la mécanique du rewind permettant de remonter le temps, afin de corriger une erreur fatale commise en jouant. Et qui, de surcroît, trouve un sens narratif et dans la diégèse. Parmi ses nombreuses qualités vidéoludiques, Prince of Persia : Les Sables du Temps c’est avant tout une efficacité dans le gamedesign et l’immersion. Outre, une OST du plus bel effet concoctée par Stuart Chatwood (présent sur la trilogie et, plus récemment, sur la licence Darkest Dungeon), c’est bien la direction artistique et le level design qui saisît.
Le souci du détail également. Le héros évolue physiquement et mentalement du début à la fin, ses vêtements et son corps finissent par porter les traces des affrontements et des obstacles surmontés, tel Goku au fil des combats sur Namek. L’immersion passe beaucoup par l’absence d’indication à l’écran. Nous étions bien loin de tous ces marqueurs et directives, aussi absurdes qu’infantilisants, qui polluent les jeux actuels, en particulier les AAA.
S’il arrive tâtonner, trouver la solution aux problèmes posés par le level design, ou à une énigme environnementale, ne tarde jamais. Il y a systématiquement des détails, souvent subtils, pour nous aiguiller dans la marche à suivre. Les énigmes ne valent pas celles d’un Tomb Raider premier du nom, difficile néanmoins de ne pas penser au jeu de Core Design qui nous laissait lui aussi nous débrouiller. Deux licences éprises de cinéma, mais dont l’influence du septième art diffère. Prince of Persia se concentre davantage sur la plateforme, mais surtout sur la narration.
Farewell Princess
En comparaison aux jeux Core Design, et à beaucoup d’autres de l’industrie au début des années 2000, Prince of Persia : Les Sables du Temps fit sensation pour son écriture et sa narration. Non pas parce que le jeu propose un sénario d’une folle complexité et profondeur, les thèmes restent communs et universels. En revanche, la narration insuffle une autre dimension au soft et à son histoire, surtout à ses deux personnages principaux. Comment parler du prince de Perse sans mentionner Farah.
Plus qu’une alliée, c’est une femme et une guerrière complexe. Sa relation avec le prince se développe au fil de l’aventure, nous prenant comme témoin de cette relation soufflant le chaud et le froid. Que ce soit lors de rencontres fortuites, au détour d’une séquence de jeu dans laquelle elle nous aide à franchir une salle, pendant qu’elle et le prince échangent verbalement. Ou encore lors de scènes d’apparences aussi futiles que le contenu des conversations. Pourtant, cela participe grandement à l’immersion en affichant un degré de réalisme peu commun dans le jeu vidéo.
Prince of Persia : les Sables du Temps, c’est une romance naissante, sur le champ de bataille, et qui devra survivre à l’instabilité du temps, comme aux conséquences des actes du prince, et de son père Shamaran, puissant roi de Perse, ce que ne manqueront pas d’aborder plus frontalement les opus suivants, particulièrement l’ultime volet de la trilogie. Farah est une sorte de phare pour Dastan et, tandis qu’elle est absente de l’intrigue de l’épisode suivant, Prince of Persia : L’Âme du Guerrier, plus sombre et moins « chaleureux », elle réapparaîtra dans la conclusion, Prince of Persia : Les Deux Royaumes.
Bouclant ainsi la boucle. On notera qu’en plus de revoir Farah, le troisième épisode renoue en partie avec l’ambiance Mille et Unes Nuits presque indissociable de la série, tout en gardant une part des ténèbres héritées d’un opus de transition qui ne démérite pas tant. De surcroît en comparaison des tentatives suivantes. A croire que Farah revient éclairer la voie d’un prince définitivement en prise avec les ombres, avec le sable faisant maintenant partie de lui.
Du fait de cette romance faisant office d’intrigue secondaire intéressante, le soft prouve sa maîtrise de la narration et sa capacité à raconter une histoire. Simple, mais efficace. Ne serait-ce que par le fait que Prince of Persia : Les Sables du Temps soit narré verbalement. Une histoire narrée par le prince lui-même et qui se permet des réactions en fonction de nos échecs. Que ce soit mourir ou quitter sa partie, des commentaires seront faits.
Avec, toujours, la vocation de rappeler que l’histoire est contée à un auditoire, dont on fait inévitablement partie. Comme lorsque l’on vit visuellement un livre au travers des mots et de leur puissance évocatrice, ou devant un film et que l’on se projette dans le corps et l’esprit du héros. PoP prend cela en considération tout en en jouant intelligemment avec le potentiel immersif et interactif unique du médium.
Pourquoi on aimerait un retour ?
Prince of Persia : Les Sables du Temps traduit à lui seul une période de l’histoire du jeu vidéo et, malgré son absence depuis pas mal d’année maintenant, son influence demeure encore belle et bien présente et palpable. A l’heure où l’industrie patine, quand bien même des sursauts de créativité de plus en plus nombreux et notables, particulièrement chez les indés, et que les AAA nous prennent encore trop par la main, PoP manque. La chaleur du Moyen-Orient n’enlève en rien une vérité : en 2024, Prince of Persia est une oasis.
Je souhaite voir ressurgir la dague des sables, qu’avec elle, nous nous embarquions au cœur d’une timeline où la créativité n’est pas ensevelie. Le projet de remake ne m’intéresse pas plus que ça, proposer la trilogie en remaster avait, selon moi, plus de sens. Dans le même ordre d’idées que la récente trilogie Tomb Raider. Sinon, à défaut, une nouvelle aventure inédite du prince Dastan fait sens pour moi. Déjà, pour ne pas renier la trilogie « Les Sables du Temps », mais aussi parce que l’industrie a évolué et qu’un nouveau volet pourrait totalement relancer la franchise en profitant de ce que le jeu vidéo est maintenant capable de réaliser.
Garder toute la magie, toutes les qualités qui permirent à la licence d’être le monument que la licence était en 3D, tout en réitérant l’analyse de la concurrence afin d’en tirer le meilleur. Et pas pour faire ce que tout le monde fait, je me passerai bien d’un monde ouvert ou d’un prince muni d’un grappin (cela dit l’idée du gant de la version 2008 mériterait une réutilisation), mais bien pour construire un projet digne et cohérent avec le gamedesign pensé.
Ce qui passe évidemment par une confiance accordée aux joueurs et joueuses, sans parler des justifications narratives des mécaniques de jeu, de leur implémentation intradiégétique également. La narration environnementale est plus à même de transmettre des informations et le réalisme toujours plus poussés des moteurs pourront offrir des décors plus riches et parlants. Parce que le jeu vidéo possède ce pouvoir immersif. En fait, j’espère que le retour du prince de Perse sera tel, qu’il changera une fois de plus la face du monde.
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