Pourquoi on aimerait un retour de Rage ?
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Rédigé par Nathan Champion
Bien que le game system du DOOM de 2016 et de DOOM Eternal soit particulièrement bien trouvé et malin, on ne reconnaissait pourtant pas id Software pour l’intelligence de ses productions jusque là. D’un point de vue extérieur, tout ce qu’a pu produire l’entreprise américaine se cantonne à du FPS bourrin, gore, souvent bas de plafond. Et il est vrai, d’une certaine façon, que les recettes qui ont fait son succès ne reposent pas sur grand chose d’autre que sur l’hémoglobine et les grosses pétoires. Est-ce que c’est une mauvaise chose ? Non, bien évidemment, mais c’est sûrement un point de vue difficile à défendre devant une cour composée de détracteurs du jeu vidéo. Quant à Rage, sujet de cet article, vous vous demandez certainement ce qu’il vient faire dans cette histoire.
Eh bien je vous le donne en mille, après une longue carrière sur du FPS bête et méchant (encore une fois, ce n’est pas à prendre pour un reproche), id Software s’écartait un brin de sa recette de prédilection pour Rage. Un titre qui reprend beaucoup des aspects de ses productions passées, notamment dans son visuel, pour voir plus grand, plus beau, et plus bourrin encore. En somme, en se reposant sur les acquis d’un studio reconnu pour la qualité de ses productions, aussi bas de plafond soient-elles, le jeu de 2011 s’offrait une place au firmament du FPS. Et si je vous donne l’impression d’écrire ça parce que c’est un jeu que j’affectionne énormément, sachez que vous ne vous trompez qu’à moitié !
Note : Les images que vous trouverez dans cet article ont été capturées par nos soins via les éditions de Rage et Rage 2 disponibles sur le Game Pass, le tout sur une Xbox Series X.
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Toggleid Software, ou les mecs à qui le FPS doit sa longévité
On parle beaucoup de créateurs japonais dans cette chronique. Il faut dire que, non contents d’être particulièrement prolifiques, les nippons ont une culture de la personnalité qui place très souvent au premier plan les têtes pensantes de projets vidéoludiques. Au hasard, si je vous parle de Kojima, Suda51 ou Shigeru Miyamoto, il y a de fortes chances pour que vous puissiez au moins en situer un. Pourtant, l’Occident n’est pas en reste niveau créateurs. On peut même dire que certains genres n’en seraient pas là où ils en sont aujourd’hui si les japonais avaient été les seuls à faire du jeu vidéo. C’est le cas du First Person Shooter, comprenez jeu de tir en vue subjective, qui doit sa démocratisation et sa popularité à une petite équipe américaine.
Aux commandes, plusieurs têtes pensantes, dont deux que l’histoire retiendra plus que les autres : John Romero et John Carmack, à qui l’on attribue la parenté de DOOM. À leurs cotés, d’autres hommes au potentiel créatif certain. Notamment Sandy Petersen, qui a fini par délaisser le jeu vidéo au profit de son autre passion, le jeu de plateau ; Tom Hall, un grand monsieur de l’ombre qui a travaillé sur quantité de projets, dont certains ne verront malheureusement jamais le jour ; ou encore American James McGee, un véritable créatif de génie qui, non content d’avoir bossé chez id Software sur des titres dont on se souviendra encore dans cinquante ans, a sorti de terre plusieurs licences, dont American McGee Alice, une relecture très sombre de Alice au Pays des Merveilles.
Une joyeuse équipe qui finira par éclater, malheureusement, à force de discordances d’opinion, et peut-être aussi, c’est un fait, à cause de l’ego de John Romero. D’une certaine façon, on peut d’ailleurs associer cette séparation à la petite traversée du désert que connaît id Software au cours des années 2000. Pour commencer, DOOM 3 renie son héritage en oubliant d’être un Fast-FPS, et en choisissant de plonger dans l’horrifique plutôt que dans le fun. À croire que les développeurs n’avaient rien compris du DOOM originel. Ce fut ensuite au tour de Quake 4, qui eut du mal à se faire accepter par les fans de la licence, et par la critique, qui virent en lui un shooter très bateau, à juste raison.
En 2011, lorsque sort Rage, l’équipe s’est agrandie, mais une très grande partie des anciens a déserté. Ainsi, bien que l’on puisse voir dans son approche Fast-FPS une tentative de retour aux sources, c’est peut-être, au final, une véritable émancipation de son héritage que vise id Software. DOOM semble loin derrière, Quake s’est reconverti dans le jeu de stratégie en temps réel… bref, il était temps pour le studio d’ouvrir la voie à une nouvelle façon de faire, qui ne cracherait certes pas sur son passif, mais réussirait à le transcender. Et Rage naquit.
La rage au ventre
Lorsque Rage sort le 7 octobre 2011, tout le monde s’accorde à le dire : il est sublime. Ses décors sont soignés et fourmillent de détails. Son character design est une franche réussite. L’ambiance post-apocalyptique est palpable. Quant à l’action, elle a droit à un traitement exceptionnel. Rien n’est laissé au hasard, des animations des ennemis jusqu’aux explosions d’hémoglobine. Tout y est. Pour ne rien gâcher, le titre est fluide en toutes circonstances. Du moins sur PC. Car sur consoles, il va falloir l’installer sur votre disque dur si vous souhaitez pouvoir en profiter pleinement. C’est ainsi que la version Xbox 360 s’est retrouvée avec pas moins de trois CD dans son petit boîtier de plastique… on avait rarement vu ça, excepté avec Final Fantasy XIII l’année passée bien sûr.
Mais qu’importe, l’installation vaut le coup, puisqu’elle permet de profiter de ce First Person Shooter bourrin et pensé pour la manette. On peut reprocher beaucoup de choses à id Software, mais force est de reconnaître que les versions consoles de ses productions disposent chaque fois d’un mapping des touches efficace, voire intuitif, et Rage ne fait pas exception à la règle.
Rage, c’est donc un jeu de tir en vue subjective, situant son action dans un univers post-apocalyptique qui emprunte beaucoup à Mad Max, tout en piochant dans l’esthétique des productions passées de id Software. Le résultat, c’est une histoire dont on se balance dès les premières minutes, mais une progression qui, à défaut d’être originale, s’avère particulièrement efficace. Il faut dire que le titre fait le choix osé de ne pas opter pour de l’open-world, alors que la tendance est aux grands espace. Il préfère, à contrario, s’axer sur des séquences d’action linéaires, dans des décors plus travaillés que de coutume, mais au level design pas foncièrement plus compliqué que celui d’un Call of Duty 4.
N’oubliant pas de contenter ceux qui bavent devant le moindre open-world, et ils sont nombreux, le titre nous offre deux zones de taille conséquente, qui serviront de HUB. Il n’y a rien à y faire d’autre qu’affronter quelques bandits, mais surtout piloter de puissants bolides, dont la conduite est d’ailleurs étrangement réussie. Plus que chez certains jeux de course de l’époque, aussi étrange que cela puisse paraître. Même le premier Motorstorm semble manquer de punch après avoir touché à Rage. Le tout est accompagné de sensations de shoot particulièrement jouissives. Ce que le titre doit à sa petite galerie d’armes au retour visuel et sonore impactant ; mais aussi à ses animations, qui ne manquent pas d’appuyer la puissance de notre arsenal.
Notre test, publié plus tôt ce matin, n’est pas avare en compliments. Et c’est normal : Rage réussi pratiquement tout ce qu’il entreprend. D’accord, on se cogne de son histoire, et sa progression n’a rien d’original. Effectivement il a quelques défauts irritants, à commencer par l’absence de sauvegarde automatique et de boss final. Mais grâce à la nervosité des combats et du pilotage, couplé à l’ingéniosité de certaines mécaniques, on oublie bien vite ces quelques déboires.
La suite qui n’a rien compris à l’original
Parce qu’il y a effectivement eu une suite, et elle n’est pas si vieille que ça, puisque datant de 2019, il nous fallait l’aborder. Pas pour l’encenser, comme ce fut le cas de son prédécesseur, mais plutôt pour pointer du doigt tout ce qui ne va pas, et se servir de ce constat pour se tourner vers l’avenir.
Rage 2 reprend tout ce qui faisait le sel du premier volet : du shoot bourrin, de l’hémoglobine, des bolides surpuissants, et un univers post-apo. Bref, tout semble réuni pour que l’on passe un bon moment, et pourtant…
Pourtant, Rage 2 semble ne rien avoir compris de son prédécesseur. Huit ans séparent les deux jeux, et c’est comme si toute l’équipe derrière le premier volet avait quitté la barre. Ce qui est peut-être le cas, d’ailleurs, puisque contrairement au soft de 2011, celui de 2019 est développé par deux studios. Le mythique id Software est encore là, fidèle au poste, mais est cette fois-ci accompagné par Avalanche Studios, à qui l’on doit le Mad Max de 2015, mais surtout l’intégralité de la série Just Cause. Coïncidence ?
Eh bien non, puisque Avalanche a clairement été appelé en renfort pour faire bénéficier au studio américain de son expertise sur la création de mondes ouverts. C’est encore et toujours la grande mode, et il faut croire que quelqu’un a cru bon que Rage s’y prêterait à merveille. Ce qui n’était malheureusement pas le cas. La profusion de points d’intérêts sur la map, les joutes mécaniques à outrance, le level design immensément plus ouvert ; tout cela tue à petit feu la recette du premier, qui avait besoin d’un juste dosage pour fonctionner.
Autre preuve que ce second volet n’a rien retenu de son prédécesseur : il développe son lore jusqu’à ce qu’on le vomisse, en jouant d’un humour débile qui ne marche en aucune circonstance. Or, Rage premier du nom avait pris le parti d’un premier degré ridicule, rendant son univers plus amusant que celui de Rage 2 qui essaye d’en faire des tonnes pour nous décrocher un sourire ; mais surtout il n’avait que peu d’ambitions scénaristiques, tout juste assez pour donner un contexte à son univers et lui offrir des personnages charismatiques.
En somme, on ne passe pas un si mauvais moment sur Rage 2, c’est un fait. Mais celui-ci ne comprend rien de ce qu’était son prédécesseur, interprétant peut-être la surabondance de mondes ouverts insipides, à laquelle fait face l’industrie depuis Far Cry 3, comme l’unique façon de faire du jeu vidéo en 2019. Or c’est oublier bien vite que des titres comme DOOM existent, et fonctionnent en ne cherchant pas à proposer une liberté d’action abusive au joueur. Mais surtout, c’est oublier les fans du premier jeu.
Pourquoi un retour de Rage ?
Vous l’aurez compris, je ne porte pas Rage 2 bien haut dans mon cœur. Comme beaucoup d’autres, le monde ouvert me sort par les yeux, à force d’en avoir bouffé et encore bouffé au cours de la dernière décennie, à grand coup de projets Ubisoft développés en deux ans, et de productions Sony pas toujours très inspirées notamment (oui, toi Horizon Zero Dawn, tu me débecte !). Placer Avalanche Studios sur le développement de cette suite était la pire chose à faire. Le jeu n’est pas mauvais, mais il ne s’adresse pas aux amoureux du travail de id Software.
À contrario, Rage est une vraie pépite qui n’a pas pris une ride. Et je dois avouer que je crains fort que le second, qui a soufflé le chaud et le froid coté critiques, n’ait mit un terme définitif à cette licence pourtant prometteuse. DOOM nous a prouvé qu’il était possible de faire du Fast-FPS bourrin, jouissif et dans des environnements fermés, le tout pour un résultat exceptionnel. Et si DOOM Eternal ne manque pas de qualités, surpassant son aîné sur beaucoup de points, il s’ouvre certes, mais ne fait pas le choix du monde ouvert non plus. Comme si id Software avait appris de ses erreurs tiens !
Ce que j’aimerais, c’est que id Software ne se fasse plus voler la vedette sur ses productions, pour commencer. Que personne ne cherche à contrôler ce studio de génie qui fonctionne parfaitement bien seul. Pas besoin de sortir un jeu tous les deux ans si le résultat est chaque fois au rendez-vous ! Ainsi, j’espère qu’un nouvel opus verra le jour, et qu’il reniera tout ce qu’a fait Rage 2. À commencer par son monde ouvert et tout ce qu’il implique, mais aussi ses mécaniques de light RPG qui n’apportaient absolument rien de bon à l’expérience.
À l’inverse, j’aimerais retrouver une progression très old school sur ce nouvel opus. Un truc plus proche du premier DOOM par exemple, qui était découpé en niveau, et qui nous confiait ses nouvelles armes au compte goutte. Rage premier du nom s’en rapprochait, en distillant ses gadgets sur le long de son aventure, et cela marchait plutôt bien, permettant de surcroît de renouveler l’expérience, même dans une seconde moitié de jeu en deçà. Le tout en n’essayant pas de faire trop grand, trop gros, trop complet. Un bon jeu, avec un bon concept, n’a pas besoin de durer 25h. Douze, c’est largement suffisant. Et pour ceux qui en veulent plus, plusieurs modes de difficultés sont à prévoir, et pourquoi pas un New Game+. Il y a toujours des solutions.
Pour finir, pas besoin d’un gros lore, d’une histoire très travaillée, et pas besoin d’en faire des caisses pour essayer de faire rire l’auditoire. Un univers nanardesque, ça fonctionne toujours, et l’humour est toujours plus efficace quand il est subtil. Certains humoristes français pourraient d’ailleurs en prendre de la graine…
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Date de sortie : 01/12/2010