Pourquoi on aimerait un retour de Remember Me ?
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Rédigé par Neomantis Dee
Dontnod Entertainment est un studio français fondé en 2008 et comptant dans ses rangs des vétérans qui ont travaillé sur des licences comme Splinter Cell, Rainbow Six et Heavy Rain. Les ambitions sont évidentes et vont se cristalliser dans leur premier projet, Remember Me, sorti en 2013. Bien que ce sera un échec cuisant qui faillit coûter la peau de la société, les réalisations suivantes, Life is Strange, mais aussi Vampyr, aideront à remonter la pente, en plus d’imposer un savoir-faire. Laissant à l’aîné le temps de trouver son public.
Au vu des qualités du titre, la déclaration du directeur artistique annonçant que le scénario d’une suite était déjà rédigé, m’a convaincu d’en parler et de donner une voix en faveur de son retour. L’info vaut ce qu’elle vaut, mais reste intéressante. Plus que ces mots prononcés il y a plusieurs années, c’est l’existence du scénario pour un second opus qu’il faut retenir. Serait-il dans la liste de jeux prévus entre 2023 et 2025 par les studios français ? Compliqué, d’autant que les droits appartiennent à Capcom et qu’aux Game Awards ce n’est pas Remember Me qui fut présenté, mais Banishers : Ghosts of New Eden, pas moins ambitieux de ce que l’on a pu apercevoir. L’espoir de revoir Nilin reste tout de même permis.
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Dontnod fut créé par plusieurs individus, parmi lesquels l’écrivain Alain Damasio et l’illustrateur Aleksi Briclot, qui a travaillé dans divers secteurs, des cartes Magic au comics Spawn, brièvement mentionné lors d’une chronique ultérieure. Comme nous le disions en introduction, les équipes sont expérimentées, qui plus est sur de gros titres, notamment Heavy Rain de Quantic Dream. Un soft important pour le studio, vu l’importance accordée à la narration dans leurs jeux. Remember Me n’y échappe pas, le game design semble s’être modelé autour du récit, et non l’inverse, sans pour autant avoir un gameplay essentiellement tourné là-dessus. Des combats vont régulièrement ponctuer l’aventure.
Cette première création reste un échec, malgré le million de ventes franchit en 2016. Le développement a connu des complications majeures, nécessitant de revoir pas mal de choses, dont une ambition à la baisse. À l’origine, c’est Sony qui devait éditer le titre et en faire une exclusivité PS3. Finalement, suite à des désaccords créatifs, ils annuleront le projet en 2011, deux ans après sa mise en chantier. Capcom décidera de reprendre Remember Me sans pour autant permettre au studio de réaliser leurs ambitions initiales.
L’ampleur du projet demandera tout de même une sérieuse campagne marketing, avec la diffusion d’un prélude officiel publié sur un site interactif, ainsi que la publication d’une bande-dessinée chez Dark Horse Comics. Les deux éléments qui ont fait la réputation du titre sont le scénario et la direction artistique. Pourtant, ce serait omettre un point essentiel, bien qu’imparfait, le gameplay lors des combats. Sous-exploité compte tenu de son potentiel, mais ingénieux, logique et gratifiant dans une certaine mesure.
Avant de rentrer dans les détails, un peu de contexte. L’histoire narrée se déroule à Neo-Paris en 2084, la ville est dominée par la société Memoriza qui permet aux citoyens de modifier leurs souvenirs et de se les échanger. Ce faisant, une nouvelle forme de délinquance est née, les chasseurs de souvenirs. Parmi eux, Nilin, l’héroïne, qui se réveille incarcérée et amnésique. Un univers qui va s’inspirer de l’avènement des réseaux sociaux, autant que des classiques du cyberpunk, Akira, Ghost in The Shell ou encore 1984 de George Orwell, sans parler des écrits de Philip K. Dick.
Les Chaînes de l’avenir
De belles promesses d’immersion dans un Paris comme rarement vu, si ce n’est jamais. Remember Me a presque 10 ans, mais sa direction artistique est toujours incroyable. Le souci du détail est tout bonnement fou. La linéarité du soft lui permet d’avoir ce résultat et de nous embarquer immédiatement. Réussissant même à donner l’illusion d’un espace bien plus vaste et bel et bien vivant. Un peu à l’image de ce qu’a réussi à faire Final Fantasy VII Remake. Ajoutez les compositions musicales d’Olivier Derivière et vous serez aspiré dans ce futur saisissant concocté par les équipes de Dontnod.
Si le compositeur a pu être entendu sur des softs tels que Streets of Rage 4 ou encore A Plague Tale : Requiem, son travail sur Remember Me est à la hauteur de l’ambitieux projet. Il a en effet enregistré la partition avec un orchestre de 70 musiciens, puis opéré des modifications grâce à de l’équipement électronique. Ambiance futuriste et vaporeuse, d’autres morceaux plus électro pourront rappeler le travail d’un Aphex Twin, quand ce ne sont pas des renvois au cinéma. Une ambiance à la fois pesante, palpable et presque pessimiste.
Comme si l’on ressentait le poids du monde que l’on traverse. Mais l’artiste n’en oublie pas les petites touches plus mélodieuses, quand une musique ne s’enraye pas comme un souvenir qui aurait du mal à émerger. La question de la mémoire est omniprésente dans Remember Me, donnant du sens et de l’intérêt à l’amnésie de notre protagoniste, loin de la facilité scénaristique maintes fois servie. Dense et complexe, l’histoire n’en demeure pas moins prenante et intéressante, posant de bons questionnements. Pour Nilin comme pour nous.
Cela passe aussi au travers des environnements qui ont des choses à nous raconter sur le monde dans lequel nous évoluons. Au travers d’un tague, de discussions ou de traces de vies tout simplement, quand on ne s’imagine pas en train d’arpenter la ville dans son entièreté, attiré par l’ampleur des panoramas croisés. Pour en revenir à l’aspect mémoriel du titre, cela va se retranscrire jusque dans l’apprentissage des capacités de Nilin. Bien que combattante accomplie, certains mouvements ne sont pas accessibles immédiatement à cause de son amnésie.
Le Temps désarticulé
Ce n’est qu’en avançant dans l’intrigue, aidé par un mystérieux guide, que ses souvenirs vont peu à peu revenir, incluant ses connaissances martiales. Ainsi, à l’instar d’un Jason Bourne, face à une situation tendue Nilin pourra donner libre cours à ses réflexes, laissant son corps lui rappeler ses capacités. Un fonctionnement pertinent. On débloque donc de nouveaux coups et combos en même temps que l’héroïne se remémore son passé de chasseuse, accentuant notre proximité avec cette dernière.
Les combats représentent d’ailleurs un bon pourcentage de l’aventure et vont se construire assez simplement. Reprenant les codes du Beat’Em all, tout en suivant un level design basique, bien que savant jouer sur la verticalité, les affrontements ont systématiquement lieu dans des arènes bien visibles, évitant toute surprise. Volontaire ou non, les animations sont un peu rigides et paraissent saccadées. C’est d’ailleurs renforcé par l’importance du rythme, des esquives aux combos il y a une cadence à suivre, ce qui se rapproche des confrontations d’un Batman Arkham.
Cependant, ça va ici plus loin en intégrant un système de création de combos. Il est possible de confectionner des enchaînements dans le Combo Lab accessible à n’importe quel moment. Il est donc possible de transformer ses enchaînements à sa guise afin de s’adapter à tout type d’ennemi. Privilégier les dégâts ou la régénération de santé, ce sera à vous de choisir ce qui vous convient le mieux. Une idée hyper intéressante et qui donne toute sa spécificité au gameplay du soft, en plus de s’imbriquer intelligemment dans l’univers narratif.
Cette connexion avec l’intrigue est systématique. Les séquences de plateforme ultra-dirigistes en sont un bon exemple. Un aspect qui terni la dimension ludique du titre, puisqu’on est toujours pris par la main pour se diriger et pour effectuer un saut d’une corniche à une autre, il est vrai. Tout, littéralement tout est affiché à l’écran. Lourd, intrusif, il est facile de rapidement décrocher et faire une overdose. Ceci étant dit, dans l’univers de Remember Me, c’est cohérent, et le titre ne cache aucunement ses intentions narratives.
Lies, Inc.
À Neo-Paris, tout le monde possède des Pressens qui confèrent des facultés diverses, comme pirater un appareil ou s’équiper le bras avec un armement. Mais ce sont également des technologies donnant accès à pléthore d’informations, que ce soit la carte d’un restaurant, les horaires d’ouvertures d’un magasin ou les dangers apparents. Peu surprenant qu’une personne comme Nilin puisse aisément trouver la route optimale sur les toits de la ville ou même esquiver habilement tout système de sécurité. Sans que nous, joueurs, joueuses, n’ayons beaucoup d’efforts cognitifs à fournir.
Ça ne plaira pas à tout le monde, le parti pris peut déstabiliser, résultant probablement des complications de développement. Et pourtant, Remember Me parvient à proposer une expérience assez unique en son genre, à la direction artistique incroyable et au game design rodé, véritable cœur autour duquel vont se greffer les autres éléments du jeu. Plus de liberté, avec l’obligation de s’approprier les décors pour progresser, aurait pu faire honneur à la direction artistique, même si l’on s’arrête facilement pour contempler. Or, au vu de la proposition, il n’est pas déconnant d’être envahit d’informations visuelles ni d’être autant dirigé.
Une question de crédibilité probablement. C’est également une vision assez courante vis-à-vis de notre rapport aux technologies. L’humain délaissant certaines réflexions, certaines tâches banales et primaires à une technologie le faisant pour lui. Une paresse intellectuelle qui, dans l’univers de Remember Me, a fini par normaliser l’usage des Pressens. Rendant tout individu capable d’être plus performant, plus optimal, sur bien des points, paradoxalement. Questionnement que ne va pas vraiment expliciter le jeu, mais qui se pose dès qu’on s’intéresse à Neo-Paris.
Parce que, dans cette ville d’êtres augmentés, entrer simplement dans une pièce, c’est connaître la température des lieux et le taux d’humidité de l’air, etc. Sans parler des objets électroniques pouvant être piraté. Et que dire des vols et transformations de souvenirs faisant parties de la routine d’un chasseuse de souvenir comme Nilin. Tout une thématique autour de la dépossession de son identité, l’esprit brouillé par une pollution visuelle, certes plus subtile que dans un Tokyo Ghost, mais tout aussi pertinente et déroutante.
Pourquoi un retour de Remember Me ?
S’imaginer avec plus de liberté de mouvements, débarrassé de certaines fonctionnalités de Pressens, peut-être grâce à une trouvaille scénaristique, pourrait permettre à Remember Me de prendre une tout autre dimension. Au vu des capacités de Nilin, reprendre des idées d’un Prince of Persia pour les phases de plateforme pourrait rendre ces moments plus ludiques. Il en va de même pour les séquences légèrement tournées infiltration, on gagnera à perdre en informations et à ce que cela soit plus engageant pour nous. L’initiative a le mérite de casser la redondance et apporter un peu de fraîcheur, mais il y a quelques points à améliorer.
Même chose pour les combats. Ce serait bien trop long de dérouler toutes les possibilités d’améliorations dont devrait bénéficier l’opus, mais il faut prioriser la richesse et rendre le tout plus prenant, plus jouissif. Non pas que plus de dynamisme serait forcément mieux, mais en l’état, à titre personnel, je trouve que l’action manque d’explosivité. Ce que je ressentais moins avec Batman. De surcroît, avec des animations aussi rigides, les chorégraphies perdent en élégance. Les coups sont relativement peu nombreux et ne sont pas très stylisés. Enfin, il y a un manque de punch évident, que ce soit sur les feedbacks ou même dans les indications visuelles et sonores. Des points à peaufiner pour un Remember Me 2, car les idées sont là.
Bien entendu, renouveler les situations et se montrer plus créatif sur le déroulement des combats, les lieux d’affrontements aussi, ou même des boss, améliorerait l’ensemble. Parce qu’au fond, j’ai l’impression que ce système de combat manque juste de profondeur. Si les niveaux de difficulté supérieurs permettent potentiellement de moins se reposer sur un combo, difficile de nier que la redondance pointe vite son nez avec une courbe de progression absente. Une claque sur des aspects, un peu de frustration sur d’autres moins approfondis, Remember Me ne pouvait clairement pas plaire à tout le monde, encore moins en 2013, sans parler du produit fini qui, au fond, ne représente pas ce qu’était le projet à la base.
Mais comment ne pas vouloir une suite ? Un remake peut valoir le coup, une sorte de seconde chance. Ceci étant dit, miser sur une suite, en permettant à un inconnu de comprendre l’histoire, paraît plus judicieux et intéressant. Si ce n’est les quelques éléments bancals et sous-exploités, peu de défauts majeurs viennent ternir l’expérience. À bien des égards, le soft est très inspirant en tant que tel, en plus de posséder des atouts encore bien solides aujourd’hui. Pour un premier jeu de studio, ça reste impressionnant, je ne doute pas qu’ils peuvent faire bien mieux. Remember Me le mérite.
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