Pourquoi on aimerait un retour de Silent Bomber ?
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Rédigé par Neomantis Dee
Beaucoup de joueurs, moi le premier, penseront à Bandai Namco ou bien aux adaptations vidéoludiques de Naruto en voyant apparaître le nom « CyberConnect2 ». Difficile de penser autrement étant donné la fructueuse collaboration entre le studio et l’éditeur, sans compter le nombre de jeux adaptant l’œuvre du mangaka Masashi Kishimoto. La majorité des projets développés par CyberConnect2 furent en effet consacrés aux shinobis de Konoha et ses alentours. Cependant, deux autres morceaux significatifs apparaissent sur le CV des équipes : la licence Fuga (Fuga : Melodies of Steel 3 doit sortir cette année), ainsi que le projet transmédia .hack//G.U.. Et au milieu de ces prolifiques productions, deux titres singuliers à plus d’un titre : Asura’s Wrath, déjà abordé lors d’une précédente chronique, mais aussi Silent Bomber.
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Si Silent Bomber ne vous dit rien, c’est normal. Pour ma part, je l’ai découvert il y a environ deux ans, quand je cherchais d’anciens jeux, obscurs et/ou oubliés, à (re)découvrir. Peut-être n’est-il pas obscur, néanmoins, le soft de CyberConnect (qui n’avait pas encore son 2 à l’époque) est bien un oublié, ou simplement méconnu. C’est du moins le constat relaté sur la toile de l’internet. Depuis que j’y ai joué, j’y pense régulièrement et me demande comment, à la maison, nous sommes tous passés à côté malgré les multiples magazines papiers que l’on feuilletait pour s’informer. Même plusieurs années plus tard, lorsqu’internet investissait pleinement notre domicile et que l’on découvrait sites de presses et forums, rien.
À défaut d’être connu, le jeu de CyberConnect reprenait à son compte le concept de gameplay de la célèbre franchise Bomberman et s’affublait d’une direction artistique que l’on jurerait reprise de MGS, voire d’Armored Core. Parce que oui, pour le dire grossièrement, Silent Bomber c’est un peu une rencontre entre ces trois licences. Un Bomberman en 3D, reprenant une vue du dessus proche de celle du premier Metal Gear Solid ou d’un Loaded (1996), mais boosté via une substance peu recommandable. Pour un exemple plus récent, imaginez Ruiner, sauf que l’arsenal communément admis (armes à feu et armes blanches) est remplacé par des bombes.
Malgré son titre, Silent Bomber, le jeu est un pur défouloir où tout va péter de partout. C’est nerveux, jouissif et techniquement très solide, à défaut d’en mettre plein la vue via les graphismes. Vous en aurez plein les oreilles par contre, entre le sound design appuyé et de qualité, les déflagrations dans tous les sens et l’OST baignant dans une techno bien connotée 90’s, et qui n’aurait pas déconné dans un Mortal Kombat. Le ton est donné.
Comme dit, la direction artistique opte pour des environnements métalliques, avec des teintes grisâtres, comme MGS. Une mission est assez explicite, puisqu’elle reprend le level design présenté dans la section qui précède le combat contre Revolver Ocelot dans l’oeuvre de Kojima et ses équipes. De fait, avoir choisi un genre musical tel que la techno, de surcroît une techno qui sonne industrielle, fait sens en plus de nous stimuler dans l’action. Quoi de mieux pour maintenir l’euphorie dans un jeu aussi dynamique et qui ne tient pas en place ?
Bomberman Solid
Sorti fin 1999 sur pS1, Silent Bomber est une proposition atypique dont l’intérêt majeur réside dans son très bon gameplay. Si le jeu est reconnu, à juste titre, pour sa difficulté, sa prise en main est plutôt simple. Notre personnage, Jutah– un super soldat génétiquement modifié – combat à l’aide de bombes. Comme dans Bomberman, nous posons des bombes aux pieds d’éléments du décor ou d’ennemis pour les exploser, en prenant soin de nous éloigner, puisque nos bombes peuvent nous blesser. On retrouve également le nombre de bombes illimité et la contrainte de ne pouvoir en poser qu’une quantité restreinte. En échange d’items à collecter dans les niveaux, il est possible d’améliorer sa santé, la quantité maximale de bombes que l’on peut poser, ainsi qu’élargir leur zone de dégâts.
Parmi les subtilités supplémentaires, nous avons la possibilité d’empiler des bombes les unes sur les autres afin de gagner en puissance de feu. Il existe aussi des bombes spéciales : feu (pour laisser des flammes au sol), électrique (pour paralyser les robots) et gravitationnelle (pour attirer les ennemis dans un simili-trou noir). A contrario des normales, ces bombes disposent d’effets élémentaires et peuvent seulement être posées. En effet, autre spécificité du gameplay, un cône de visée nous permet de verrouiller un ennemi pour lui lancer une bombe collante et télécommandée.
Là où les équipes de CyberConnect tirent leur singularité, c’est dans les mouvements du personnage. Je n’ai pas mentionné Loaded et Ruiner pour rien, puisque les œuvres proposent des expériences finalement assez proches. En termes de sensations dirons-nous, même si Silent Bomber, du fait de ses explosions et du travail sur le level design, procure bien plus. Outre les bombes pour l’approche offensive, pouvons nous déplacer rapidement sur la map, effectuer un dash, exécuter des sauts (importants pour se protéger des explosions) et même rebondir sur les murs. Nous sommes loin de la faible mobilité du plus célèbre poseur de bombes de l’industrie.
En jouant sur la 3D et la verticalité, le soft se démarque logiquement de ses références. Les équipes ont pu imaginer des situations pour renouveler l’expérience en mettant à contribution toutes les mécaniques – toutes ne seront pas pleinement exploitées, cela dit. Ne pas être cantonné à jouer au sol change énormément de choses dans la conception des niveaux, et dans la conception de l’action. Sans aller jusqu’à dire que le level design excelle, force est de constater qu’il sait proposer des variations et nous mettre à l’épreuve au fil de l’aventure.
KABOOM !
Entre la dominance du rouge dans le niveau final, les flammes des explosions qui nous suivent depuis les premières secondes de jeu et la difficulté outrancière, nous ne sommes pas si loin de l’enfer de Dante. L’écrivain, Dante Alighieri, pas le chasseur de démons de Capcom. Cela dit, on notera la similitude sur la couleur de cheveux (Devil May Cry n’est sorti qu’en 2001), ainsi que la séquence de combat se déroulant sur un échiquier. Dans DMC 3, comme dans ce Silent Bomber, c’est présent, avec de curieuses ressemblances. La structure en mission, avec une notation, est également commune aux deux œuvres, entre autres choses. Les équipes d’Itsuno ont-elles expérimenté le soft de CyberConnect ? Allez savoir.
Silent Bomber s’en sort aussi très bien lors des affrontements de boss qui ponctuent les niveaux. Ils savent mettre à l’épreuve notre habileté et notre connaissance du gameplay. Et si la majorité d’entre eux, comme du bestiaire, est une collection de robots et/ou d’engins mécaniques, les dernières missions changent la donne. Des créatures biologiques font leur apparition et apportent du sang frais aux confrontations. Visuellement d’une part, mais aussi, à minima, dans l’action. Sur certains aspects, ils nous contraignent à revoir notre stratégie, notamment dans l’utilisation des bombes spéciales.
Il en va de même pour les niveaux, le level design se diversifie en se libérant des espaces renfermés et métalliques pour s’ouvrir sur la fin. Ainsi, Silent Bomber nous emmène jusque dans la stratosphère – une scène semble même avoir été reprise pour Asura’s Wrath – et donne un coup de fouet appréciable. Sous ses airs prononcés de twin-stick shooter (ce qu’il n’est pas compte tenu de l’absence de stick analogique pour contrôler la caméra), le soft de CyberConnect convoque des sensations que l’on s’attend habituellement éprouver dans un shmup. Seul une manette entre les mains pourra prouver ces dires qui, par ailleurs, n’engagent que moi.
Pourquoi on aimerait un retour ?
À mon sens, un nouveau Silent Bomber est une évidence. De surcroît en considérant le gameplay qui tient toujours la route deux décennies plus tard. Il y a quelque chose d’admirable dans le soft. Même les cinématiques, pourtant au service d’un scénario troué et d’une narration discutable, réussissent à projeter quelques scènes impactantes. L’intro en est un bel exemple, des passages sur la fin ne déméritent pas non plus, à condition que la mise en scène fassent des efforts. En parlant de faire des efforts, on apprécie d’avoir un jeu doublé. Malheureusement, c’est au prix de prestations globalement ratées. Vraiment ratées.
Silent Bomber avait les moyens de raconter quelque chose. Il essaie d’ailleurs, le scénario prend une place non négligeable dans l’aventure, mais le résultat ne convainc pas. Il déçoit même, puisque le potentiel était là. À ce titre, un bref contexte et des scènes pour introduire les boss, ce qu’il y a déjà, suffisaient amplement. C’est une pure expérience arcade que proposait CyberConnect. C’est dans le gameplay que l’expérience brille et se démarque. De vastes espaces pour se déplacer, des zones avec des pièges et des obstacles, quelques moments de verticalité et de plateforme, ou bien un couloir étroit, etc. Les situations évoluent intelligemment.
En l’état, il y a une sacrée marge de manœuvre pour enrichir la formule, afin d’apporter davantage de rejouabilité également. Faire revenir le soft serait aussi l’occasion d’aller plus loin dans le game design. Enrichir le gameplay amènerait les équipes à complexifier le level design, les ennemis et les boss se développeront en conséquence. Sans parler de toute la partie plateforme bien trop sous-exploité dans ce Silent Bomber. Et, bien sûr, retrouver le mode intitulé « mode VR » serait un plus.
Il s‘agit de combat en 1 vs 1 se déroulant dans de vastes arènes, ni plus ni moins. La plus-value, c’est de pouvoir contrôler le bestiaire du jeu (robots, engins mécaniques, créatures biologiques) et de se mettre sur la tronche avec. D’autres jeux devraient s’inspirer de ce mode. Un petit côté Custom Robo Arena s’en dégage. Au vu de la proposition globale de CyberConnect et des sensations procurées, des phases de shmup ne seraient pas de trop dans un nouvel opus, au même titre qu’introduire des bombes élémentaires supplémentaires et que sais-je encore.
Il y a matière à creuser des heures, tant les possibilités sont nombreuses. Une chose est sure, cela dit, Silent Bomber méritait de devenir une licence vidéoludique à part entière. Nous avons là un pur produit de gameplay qui ne demande qu’à revivre pour expérimenter davantage sa formule explosive. À l’instar d’Asura’s Wrath, que CyberConnect développera des années après, dans Silent Bomber le game design se concentre sur une idée de gameplay précise et qui sera exploitée au maximum, en théorie. Car le maximum ne fut pas atteint en 1999. Le studio n’avait pas encore l’expérience suffisante, ni les fonds vraisemblablement. Malgré tout, pendant que je nourris l’espoir que le tir soit corrigé un jour, dans un avenir plus ou moins proche, je ne peux que vous inviter à tenter cette expérience aussi brève qu’explosive.
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