Pourquoi on aimerait un retour de Wet ?
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Rédigé par Neomantis Dee
Après avoir déterré Marc Ecko’s Getting Up et son ambiance hip hop, on se tourne aujourd’hui vers de la série B crasseuse et plus rock and roll. Développé par Artificial Mind & Movement – renommé Behaviour Interactive depuis, et connu pour Dead by Daylight – publié par Bethesda Softworks sur PS3 et Xbox 360 en 2009, Wet est un TPS action s’inspirant des films de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez, entre autres références, et qui tentait de se démarquer via son esthétique, tout en se réappropriant la mécanique du bullet time héritée de Max Payne et Stranglehold. Sur le papier, tout était réuni pour obtenir un jeu aussi jouissif que décomplexé. Malheureusement, le pétard de Rubi fut bien mouillé, allant jusqu’à noyer le projet de suite pourtant bel et bien envisagé. C’est pourquoi, en attendant le retour du flic dépressif de chez Remedy, et par ce qu’il est toujours bon de mettre un coup de projecteur sur les softs osant ignorer la course au réalisme pour prioriser l’aspect ludique, parlons un peu de Wet.
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Au commencement, Rubi Malone – doublée par l’actrice Eliza Dushku, connue pour son rôle de Faith dans Buffy contre les vampires – est perchée en hauteur et s’apprête à faire un saut de la foi dont le cadrage, comme le saut à suivre, ne laisse que peu de doute quant à l’emprunt du côté de Ghost in the Shell. Le plongeon iconique pour introduire le major Kusanagi, précisément. Pourtant, dans Wet, l’ambiance globale, de même que la direction artistique, va davantage renvoyer au cinéma fauché de Robert Rodriguez. Celui de ses débuts, quand il réalisait El Mariachi (1992).
Une certaine folie en moins cela dit. Malgré son côté badass évident, ainsi que l’arsenal présageant du danger qu’elle représente pour ses adversaires, Rubi peine à taper dans l’œil. Une sorte de revisite de Béatrix Kiddo, bien que l’attachement au personnage ne soit pas aussi réussi que dans le film de Tarantino. Notre héroïne du jour est payée pour régler toutes sortes de problèmes tant qu’elle peut faire parler la poudre, boire un verre et faire gicler le sang. Peu importe l’ordre. D’ailleurs, le nom du jeu, Wet, découle de l’expression Wet Work : un travail ou une tâche salissante qui implique d’avoir du sang sur les mains.
Armé d’un katana et de deux flingues, notre protagoniste peut aussi bien faire penser à Dante, le chasseur de démon – on retrouve même un système de skill et de scoring rappelant la licence – qu’au prince de perse, quand elle se met à courir sur les murs ou se balance sur une barre fixe tout en mitraillant à tout-va. Parce que oui, si le récit et la partie visuelle – passant par une sorte de filtre un peu crade mais qui, tel un film de série B des 70’s, donne une peu d’identité au titre – puisent dans un certains cinéma, quand il s’agit d’action, Wet sait s’inspirer d’autres œuvres vidéoludiques.
Comme nous le disions plus tôt, le bullet time fait partie intégrante du gameplay. A l’instar du héros de Stranglehold, Rubi n’a qu’à se mettre en mouvement – esquive, saut – pour que la mécanique s’active. Je le répète à chaque chronique parlant d’un soft utilisant le bullet time, mais c’est un régal en termes ludique. De surcroît, quand les personnages sont capables d’autant d’agilité et d’aisance martiale. Rubi peut carrément cibler deux ennemis à la fois, un par bras, et, du fait de son katana, se débrouille aussi au corps à corps. concernant la visée ; un bras vise automatiquement la menace la plus proche tandis que l’autre peut ajuster librement la cible de son choix. Astucieux.
Switchblade Kiss Come Close
Le jeu construit ses niveaux comme des arènes avec des voix prédéfinies – appelés « chemin de style » – qu’on nous invite ouvertement à emprunter afin de réaliser les meilleures acrobaties dont va majoritairement dépendre notre score. Une approche un peu à la Tony Hawk – on voit d’ailleurs un aperçu de la zone de jeu et de l’emplacement des multiplicateurs de points comme dans ce dernier – ou bien, plus récemment, à Rollerdrome du studio Roll7. Notons que le choix de ces multiplicateurs ostentatoires paraît assez discutable.
Les environnements déjà peu séduisants, et à la construction peu inspirée et répétitive, semblent presque plus grossiers avec de tels éléments, les multiplicateurs, présents à l’écran. Et puis, si les développeurs n’hésitaient pas à s’emballer sur l’aspect jouissif de leur titre, Wet n’a finalement que peu de décors destructibles, nous sommes à des années de ce que proposait Stranglehold, par exemple. Dans ce dernier, les environnements étaient bien plus denses et détaillés, on se souvient encore de lieux iconiques, en plus de pouvoir être violemment saccagés.
En revanche, les décors parcourus avec Rubi n’ont rien de franchement mémorable, ils font même de la peine. Les faiblesses graphiques n’ayant rien à voir dans ce constat. C’est bien le vide apparent des lieux et décors, couplé au décevant level design qui le confirme. D’autant plus, quand le jeu nous contraint trop régulièrement à devoir bloquer des portes pour endiguer les vagues ennemis. Un ressort constamment réutilisé et qui terni durement l’expérience de jeu. Dommage.
Au fond, Wet me fait penser à ces jeux pourtant bien intentionnés, avec de la suite dans les idées, mais ne parvenant pas à les exploiter comme souhaité. Un déficit de maîtrise qui, finalement, gâche totalement les projets ; citons les cas Bullet Witch, Velvet Assassin ou bien, récemment, Wanted : Dead même si là c’est un peu particulier. Des jeux que l’on désir aimer de tout son cœur… néanmoins, à chaque fois que l’on y revient, ils finissent par nous résister jusqu’à ce que frustration s’en suive.
On continue à l’appeler Rubi Malone
Ce qui bousille l’expérience, c’est le cocktail d’imprécisions. Dans le jeu, tout est passable. On s‘amuse un temps puis, inévitablement, survient l’ennui. Parce que les arènes de combat manquent d’inspiration, les chemins de style peuvent déstabiliser et, surtout, les environnements déçoivent. Quid du gameplay ? Et bien il n’évolue pas d’un iota. L’arbre de compétences n’est pas pensé pour enrichir les affrontements, tandis que les armes ramassées ne changent pas foncièrement le gameplay. Aucune profondeur, nous sommes contraints de répéter les mêmes actions.
A l’image de son scénario se voulant décomplexé et digne des séries B les plus iconiques, dans les faits, Wet manque cruellement de lâcher prise. De maîtrise dans le gamedesign également. Pourtant, ne serait-ce que par les promesses offertes sur les deux premières heures de jeu, via les séquences de courses-poursuites, les phases de QTE qui s’imbriquent très bien, sans parler des missions en mode enragé aussi, que nous n’avons pas encore mentionnées.
Bruce Lee léchait son propre sang avant de laisser la fureur s’emparer de lui. Rubi attendra d’avoir le visage souillé d’hémoglobine pour s’enrager. Cela se manifeste en jeu par un écran sombrant dans un rouge vif total, très stylisé, et mis en contraste par des éléments apparaissant en noir et/ou blanc. Le rendu tranche avec les standards esthétiques imposés durant la quasi-totalité de l’aventure. Visuellement, ces séquences renvoient à la BD, aux travaux de Frank Miller sur Sin City notamment.
Le seul véritable bémol étant que ces séquences soient uniquement réservées à des niveaux précis du jeu. Il est impossible de passer en mode rage lors d’un combat comme dans l’adaptation vidéoludique de Scarface, bien que le résultat demeure plus convaincant dans Wet. Si la démarcation apparaîtrait logiquement moins abrupte qu’en l’état, investir totalement le Cell Shading pour un futur opus pourrait être intéressant. Quand bien même le symbolique million d’exemplaires écoulés fut franchit, le soft ne semble pas prêt à être déterré.
Pourquoi on aimerait un retour ?
Malgré pas mal de défauts préjudiciables pour l’expérience, Wet n’en demeure pas moins pétri de bonnes choses. Suffisamment pour qu’un retour de Rubi Malone ne soit pas déconnant même si, à l’évidence, il va falloir repartir de zéro. Sans se perdre dans de trop grandes ambitions impossible à atteindre, mais plutôt en se concentrant sur une courte, mais intense, expérience. Que les graphismes apparaissent datés n’est pas bien grave pour un titre de la trempe de Wet.
En revanche, ne pas proposer un gameplay assez riche et profond pour tenir en haleine les joueurs, joueuses des heures durant, c’est un préjudice plus sérieux et dommageable. J’ai beau penser régulièrement au soft, je me rappelle aussi de la déception manette en main. Au vu du trailer de lancement, très vendeur, il n’y avait qu’en jouant que l’on pouvait se rendre compte des problèmes. L’aventure n’allait pas être aussi folle et addictive que le laissait présager les promesses du studio.
Non pas qu’on s’attendait à un titre grandiose. Mais on espérait tous mieux, car, qu’on le veuille ou non, qu’on l’aime ou non, Wet n’est pas un très bon jeu. Plaisant oui, un temps en tout cas, mais terriblement maladroit et (trop) peu appliqué. Même la bande son du soft, du rockabilly de qualité il faut le dire, ne traduit absolument pas ce que le compositeur principal, Brian LeBarton, souhaitait transmettre en jeu. Quelque chose cloche avec l’expérience, j’aimerai donc qu’on laisse l’opportunité à Rubi de revenir en meilleure forme.
On pourra se consoler devant ce potentiel gâché en sachant que l’éditeur, Bethesda, annonçait l’annulation du soft avant même sa sortie. Ce qui en dit long sur les coulisses du projet. Un développement qu’on imagine compliqué et dont les contraintes vraisemblablement imposée n’ont pas su être apprivoisées. Déjà en 2009, le charme de Rubi Malone n’a pas pu faire effet, ne laissant que la frustration d’être passé à côté de quelque chose qui valait bien mieux sur le papier, dans l’esprit des équipes créatives aussi.
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