Pourquoi on aimerait un retour de ZombiU ?
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Rédigé par Nathan Champion
Survival Horror fortement axé survie et collecte de ressources, paru au lancement de la Nintendo Wii U, notamment via un bundle comprenant la console en version 32Go et le jeu en édition physique, ZombiU compte étrangement parmi les dernières expériences « originales » d’Ubisoft. Ce que j’entends par là, c’est qu’il s’agit d’un titre qui sort du lot, qui ne s’insère pas dans la mouvance naissante du monde ouvert, ne surfe sur aucune vague si ce n’est celle provoquée par la sortie d’une nouvelle machine estampillée Big N. Vague d’envergure assez modérée, en témoigne un carnage commercial qu’on aurait facilement pu qualifier de « sans précédent » pour la marque si le Virtual Boy n’avait pas existé. Au milieu de cela, ZombiU était, et demeure, l’une des meilleures expériences disponibles sur le support. Heureusement, il ne lui est pas resté fidèle très longtemps.
Cette console pratiquement morte née n’aura accouché que d’une risible poignée d’expériences inédites, si l’on excepte les versions adaptées au Gamepad de titres déjà parus ailleurs (je me permets de vous conseiller Batman Arkham City : Armored Edition), dont une minorité aura finalement fait date. Parmi cette minorité, on trouve bien entendu le mastodonte Xenoblade Chronicles X, dont je vous parlais dans une précédente chronique, et qui a fait l’objet d’une annonce récemment : Monolith et Nintendo ont retrouvé la raison, et vont offrir une sortie sur Switch à ce RPG d’exception. En dehors de celui-ci, on pourrait aussi citer les remasterisations plutôt convaincantes de The Legend of Zelda : The Wind Waker et Twilight Princess, qui étaient plus à voir comme des moyens de toucher à ces jeux devenus hors de prix sur Gamecube qu’autre chose ; ou bien sûr Bayonetta 2. Le grand oublié des listes de jeux autrefois exclusifs demeure ce ZombiU qui nous intéresse aujourd’hui.
Pourquoi ? Eh bien j’ai ma théorie sur la question, et elle tient en trois actes : d’abord, le titre est sorti en même temps qu’une machine morte née, et était donc voué à un échec commercial cuisant, mais fut aussi associé à cet échec pour le restant de son existence ; ensuite, la presse de l’époque a eu un peu de mal à se l’approprier et à en parler en des termes justes, axant finalement souvent l’angle d’attaque de ses critiques autour de la difficulté du jeu, sautant trop vite sur une comparaison flatteuse mais facile avec Deamon’s Souls et Dark Souls, ne jouant pas nécessairement en sa faveur ; enfin, le grand classique, la Wii U étant la descendante de la Wii, console familiale par excellence, le public n’a simplement pas compris d’où sortait ce jeu de morts vivants destiné à ficher la frousse, et l’a simplement dédaigné sans même lui porter le moindre intérêt, lui offrir le bénéfice du doute. Pourtant, laissez moi vous l’assurer, ZombiU mérite votre attention, et j’aurais aimé qu’il ait droit à une suite.
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Vu de l’extérieur, ça ne débute pas très bien pour ZombiU. On a déjà parlé de son support initial, qui s’est écoulé à moins de 15 millions d’exemplaires à travers le globe (contre pas loin de dix fois ce chiffre pour sa descendante directe). Mais au delà de cet état de fait dramatique mais inexorable, c’est aussi l’aspect technique du titre qui a de quoi faire de la peine. Pour rappel, à la sortie de la Wii U, personne ne sait trop de quoi la machine est capable. Il est de notoriété publique qu’elle ne rivalisera pas avec la PlayStation 4 et la Xbox One, toutes deux attendues pour l’année suivante, mais dans quelle mesure, cela reste encore à déterminer précisément. Or, malheureusement, cette première exclusivité ne va pas jouer en la faveur de la machine.
Parce que ZombiU aurait pu sortir sur une Xbox 360, ce qui n’est finalement pas étonnant quand on constate les similitudes entre les deux machines sur le plan des performances. Et pas une 360 en fin de vie, puisque le jeu d’Ubisoft ressemble plus à un Left 4 Dead un peu mou qu’à un Resident Evil 6 (disponible le mois précédant sa sortie d’ailleurs). Alors oui, on évoque ici des jeux assez différents en termes de genre, et j’ai personnellement choisi ces exemples parce qu’ils comportent des morts vivants, rien d’autre. Toujours est-il que ZombiU, face à la concurrence, même chez des titres plus proches de son genre premier, le Survival Horror, fait pâle figure. Dead Space et Alan Wake, déjà sortis, le mettent complètement à l’amende, et Alien Isolation ou The Evil Within, jouant dans la cour des expériences Cross Gen, jetteront les dernières poignées de terre sur le cercueil de ce jeu assez fade visuellement.
D’autant qu’au delà de la technique pure et dure, le titre est aussi assez vilain sur le plan artistique. Oui, il présente quelques environnements londoniens sympathiques, mais jamais il ne parvient à leur conférer la moindre âme, si tant est que ce soit le bon choix de mot pour un jeu orienté post-apocalyptique et invasion de morts vivants. Ses effets de lumière sont passables, les animations rudimentaires mais fonctionnelles, et voilà tout. Le reste est chaque fois assez décevant, que ce soient les gerbes de sang qui fusent lorsque notre batte rencontre le crâne d’un ennemi, les décors qui font de la peine en étant trop resserrés et trop peu détaillés, ou même les zombies en eux-mêmes, rien ne sort du lot. On est loin d’un I Am Alive, ayant lui aussi fait l’objet d’une chronique, qui cachait ses carences derrière un filtre du plus bel effet. Or, c’est dommage, car de nombreux autres détails font tâche dans cette expérience que je tenterai plus bas de défendre avec des mots plus élogieux.
Par exemple, le feeling des combats est assez désastreux, que ce soit au corps à corps ou à distance. On ne ressent pas les coups, quand bien même la manette vibre, là où l’on s’attend à quelque chose d’assez impactant étant donné le côté resserré de l’action, et son aspect sanglant. ZombiU est par ailleurs un jeu très lent, très mou, ce qu’il assume parfaitement en faisant concorder ses mécaniques vers ce but non avoué de rythme ralenti. L’inventaire ne s’ouvre pas immédiatement, par exemple, au contact de la touche associée, et notre personnage n’est pas disponible l’instant après qu’on ait à nouveau appuyé sur ladite touche pour le refermer. Les combats sont sporadiques, et manquent là encore de dynamisme, même au corps à corps. Notre personnage semble se traîner, ce qui ajoute une grosse part de stress lorsque des morts vivants sont dans les parages, mais peut irriter lorsque la zone a été nettoyée et qu’on désire juste la traverser rapidement.
28 jours plus tard
Cette volonté de lenteur, le jeu en fait presque son cheval de bataille, s’en servant pour appauvrir la bravoure du joueur se sentant rapidement impuissant face à une menace grandissant rapidement, et fondant sur lui à une vitesse effrayante. Première des qualités indéniables de ce ZombiU, il fait peur, et ne se contente pas de jumpscares à répétition pour en donner une simple illusion, comme un Outlast ou Amnesia par exemple. Le jeu d’Ubisoft nous fait nous sentir tout petits, cherche à nous paralyser face aux morts vivants qui font descendre très rapidement notre maigre barre de vie, et sa distribution chiche de ressources et surtout de munitions accentue encore cet état de fait. Si dans un premier temps il est parfaitement possible d’éliminer tous les ennemis d’une zone, en les prenant un par un, il devient rapidement compliqué de se lancer dans l’action sans un plan préalablement défini, ou sans le concours d’un gros baril d’essence explosif.
Linéaire, le jeu se divise grossièrement en niveaux séparés par des temps de chargement, reliés par un réseau d’égouts que l’on emprunte sans risque. Chaque niveau est l’occasion de faire face à une nouvelle menace, s’articulant d’abord autour des morts vivants présents sur place, ensuite autour d’un objectif défini qui a des chances d’en rameuter de nouveaux. Par exemple, très tôt dans le jeu on force la porte d’un magasin d’alimentation, ce qui déclenche une alarme. Ladite alarme aura fait débouler quantité de zombies à notre sortie du bâtiment, quand bien même on aura vidé la zone au préalable. Séquence assez marquante puisqu’il n’est clairement pas conseillé de nous frotter à cette menace assez conséquente. La voix dans notre oreille, notre donneur d’objectif, nous le dit sans détour : c’est l’heure de courir si l’on désire survivre. Or, vu d’ici, vous seriez peut-être tenté de vous dire qu’en cas de mort, un checkpoint vous ramènera rapidement au début de la séquence. Malheureusement pour les plus froussards, ZombiU ne l’entend pas de cette oreille.
Parce que le titre propose un système de mort permanente un peu particulier. Chaque fois que votre personnage meurt, il est en fait remplacé par un autre survivant, dépouillé des items portés par le précédent évidemment, même ses armes durement acquises. La bonne nouvelle, c’est qu’il sera possible de remettre la main sur le sac à dos porté par votre prédécesseur. La mauvaise, c’est que ce dernier a déjà muté, et qu’il ne vous fera pas de cadeau lorsque vous viendrez lui rendre visite. Un système intelligent, autrement plus punitif que celui des jeux de From Software, ajoutant une grosse dose de tension qui enrobe une ambiance déjà particulièrement oppressante, bénéficiant d’un Sound Design plutôt réussi, surtout en ce qui concerne les cris de morts vivants absolument terrifiants. Mais ZombiU ne s’arrête pas là.
Toujours dans le même état d’esprit, le titre ne se met pas en pause lorsque vous consultez votre inventaire ou fouillez un cadavre. Cela ouvre chaque fois un menu, affichant les items présents, mais vous êtes alors dans l’incapacité de voir ce qui vous entoure, et de vous défendre rapidement si vous êtes assailli. Les angles de caméra choisis lorsque l’on fouille une zone sont d’ailleurs plutôt intelligents. Alors certes, le jeu propose un genre de sonar (qui n’est pas sans rappeler ce que l’on voit dans Alien, et sera repris deux ans plus tard dans l’excellent Isolation) permettant de voir grossièrement les cibles vivantes dans un rayon assez étendu. Mais ce n’est pas toujours suffisant pour s’assurer que rien ne va nous tomber dessus, notamment parce que ledit sonar ne prend en compte que notre hauteur, et pas les étages supérieurs ou inférieurs. Autre subtilité, les rats (parfaitement inoffensifs) sont aussi affichés sur la carte, ce qui surprend dans un premier temps, et peut nous jouer des tours sur la durée.
Par ailleurs, le titre n’hésite pas à casser les codes habituels du jeu vidéo. Ainsi, on nous offre dès le début de l’aventure la possibilité de résider dans une zone dite « sûre », qui comportera un coffre pour ranger les items collectés, un sac de couchage pour sauvegarder, et une plaque d’égout pour rejoindre les différents niveaux. Rien de vraiment nouveau sous le soleil, même Dead Island proposait quelque chose d’assez similaire finalement, un genre de HUB permettant au joueur de souffler et s’organiser. Là où ZombiU est original, cependant, c’est quand il fait entrer une menace dans ladite zone sûre. On est alors contraint de nettoyer les lieux avant de poursuivre notre exploration des rues londoniennes, ce qui déroute complètement, dans la mesure où rien ne laissait présager que nous n’y serions pas en parfaite sécurité. Enfin, toujours dans l’originalité, ZombiU est assurément l’un des jeux qui utilise le mieux le Game Pad, cette manette qui prend la forme d’une tablette avec touches et joysticks. Rien de bien extraordinaire, mais la simple présence de la carte sur ce second écran, et l’utilisation du tactile pour gérer l’inventaire, nous faisant détourner les yeux quelques instants de la TV et donc de l’action, a quelque chose de plutôt efficace.
Un petit mot sur le mode multijoueur, pour finir sur les qualités, sur lequel j’ai personnellement passé beaucoup de temps. ZombiU propose bien des fonctionnalités online, mais rien de bien extraordinaire, puisqu’il s’agira seulement de retrouver les cadavres de nos « amis » tombés au combat. Non, là où le titre est intéressant, c’est dans son système de multijoueur local, utilisant en parallèle l’écran du Game Pad pour le premier joueur, et la TV pour le second. Celui qui écope de la tablette sera en charge de mettre des bâtons dans les roues de son adversaire, en plaçant judicieusement des morts vivants sur son passage, ou dans les coins sombres. Le joueur ayant les yeux rivés sur la TV devra quant à lui survivre le plus longtemps possible. Un mode qui ne paie pas de mine, mais qui se révèle toutefois très sympathique, et finalement assez original dans le paysage vidéoludique de l’époque, ou même actuel du reste. Cela dit, il a complètement disparu des version PS4, One et PC…
Pourquoi un retour ?
Non, ZombiU n’est pas le meilleur jeu de morts vivants que vous pouvez trouver sur le marché, et il faut reconnaître qu’il souffre de pas mal de petits défauts qui en font une expérience loin d’être universelle. Néanmoins, tout joueur ayant eu l’audace de s’y lancer et de chercher à en voir les crédits vous le dira : le jeu d’Ubisoft avait quelque chose que nul autre n’aura. Une ambiance viscérale, un sentiment de stress épais, une peur véritable, et des mécaniques faisant sens dans son univers et sa mise en jeu. Un titre honnête finalement, et complet par dessus le marché, qui aurait mérité un traitement un peu plus sérieux, peut-être, une meilleure campagne de publicité aussi, mais surtout une sortie initiale sur un support plus prometteur que la Nintendo Wii U. Enfin, cela n’a pas empêché l’entreprise française de réfléchir quelques temps à une suite, qui ne verra finalement jamais le jour, faute de réel engouement du public. Mais aussi, peut-être, parce qu’Ubisoft est de plus en plus frileux lorsqu’il s’agit de sortir des sentiers battus, et donc du monde ouvert et de sa recette façon Action-RPG qu’on commence à connaître par cœur.
Il y avait pourtant matière à faire quelque chose en se tournant vers la concurrence afin d’observer ce qui fonctionnait bien. Idéalement, ZombiU 2 n’aurait pas opté pour l’Open World, qui aurait été un bon moyen de faire disparaître la peur ressentie au contact du premier volet. Un système de zones relativement ouvertes et interconnectées aurait toutefois pu faire sens, un peu comme chez un God of War Ragnarök, surtout si cela signifiait la disparition des temps de chargement, histoire de rehausser l’immersion. Il aurait été de bon ton de s’inspirer des plus grands films de morts vivants pour le scénario aussi. Pas que celui du premier soit particulièrement mauvais, mais il faut dire ce qui est, il n’est pas mémorable, et souffre de longueurs, ainsi que d’un objectif peu vendeur (en dehors de la survie évidemment). Quelque chose à la 28 Semaines Plus Tard par exemple, n’aurait pas été de refus, pour rester dans les histoires d’outre-manche. Tant que le titre n’évoluait pas dans la même cour que Left 4 Dead, le multi coopératif faisant disparaître la peur recherchée, tout était finalement permis.
Quant aux mécaniques de gameplay, reprendre globalement la même base n’aurait pas été idiot, puisque tout fonctionnait plutôt bien. Hormis le feeling des affrontements, comme dit plus tôt, qui aurait gagné à devenir plus impactant. Dommage que la Wii U ait fait un pareil four, parce que l’utilisation du Game Pad servait clairement ZombiU et son ambiance, en forçant le joueur à se concentrer quelques instants sur un écran différent, éloignant son regard des menaces potentielles. Les autres versions du titre perdent quelque chose à mon sens. Mais il demeurait néanmoins possible de faire mieux, sans le concours d’un second écran. Peut-être en s’éloignant un peu de la volonté de « réalisme » (à mettre entre de très gros guillemets bien sûr) du premier, et en visant quelque chose de plus mystique. Un système de double vision façon Forbidden Siren aurait pu trouver sens chez ZombiU par exemple. Et ajouter encore une bonne dose de stress. Il y avait en tout cas moyen de faire quelque chose de grand pour la suite. Dommage que son existence soit à jamais compromise.
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Date de sortie : 18/08/2015