Pourquoi on aimerait un retour d’Onimusha ?
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Rédigé par Neomantis Dee
En 2000, la sortie de la PS2 permettait à l’industrie de considérablement évoluer, offrant la puissance nécessaire pour réaliser de nouvelles ambitions créatives. Chez Capcom, c’est le monument de la PS1 Resident Evil de Shinji Mikami qui va insuffler l’inspiration suffisante pour que des créatifs en réadaptent les fondements, pour des œuvres qui sauront se construire leur propre identité. Avec l’envie, toujours, d’aller plus loin dans l’exploration des possibilités vidéoludiques. Je pense à Dino Crisis dès 1999 sur PlayStation, mais surtout à deux classiques de la PS2 tous deux sortis en 2001 : Devil May Cry et Onimusha.
Deux grandes licences aux liens indéfectibles venues s’émanciper de toute concurrence pour revitaliser le Beat’Em All. DMC va quasi créer une variante au genre, tandis qu’Onimusha va poser les bases, construire les fondations structurelles, celles qui irrigueront ces deux franchises et tant d’autres après. Premier jeu de la PS2 à passer le cap du million d’exemplaires vendus, Onimusha ne faiblira pas avec ses suites, ni économiquement ni qualitativement. S’imposant en seulement quatre années comme une des franchises phare de la console de Sony. Malheureusement, depuis toutes ses années, c’est dans l’oubli qu’est terrée la licence.
Il y a bien eu un remaster, Onimusha : Warlords en 2019, mais si ce n’est dans le fait de pouvoir jouer plus confortablement sur les consoles actuelles, la refonte est feignante. L’expérience est aussi trop courte pour relancer l’engouement. Ce n’est pas l’absence d’un réel dépoussiérage qui dérange, mais plutôt de ne pas avoir opté pour la trilogie dans son entièreté. Devil May Cry HD Collection ou récemment Ninja Gaiden Master Collection, etc. Beaucoup l’ont fait. Et puisque personne ne parle d’Onimusha, je me suis décidé à le faire, dans l’espoir que l’animé annoncé par Netflix amène un retour.
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C’est en 1997 que la première graine est plantée. Celle qui, après quelques saisons à fermenter, verra éclore Onimusha tel qu’on le connaît. La main qui déposa cette germe appartient à Yoshiki Okamoto, producteur de Darkstalkers, The Legend of Zelda : Oracles of Seasons / Ages, ou encore Street Fighter III. De surcroît, son CV mentionne un poste de superviseur sur RE 2, expérience qui le fait collaborer avec Shinji Mikami, producteur, ainsi qu’Hideki Kamiya qui réalisa cette suite de Biohazard. Au départ, l’idée d’Okamoto était simplement de réaliser une version samouraï de Resident Evil, qui se serait appelée Sengoku Biohazard.
L’emblématique manoir deviendrait une maison féodale remplie de pièges, embuscades ninjas, passages secrets, etc., à l’instar du film Ninja in the Dragon’s Den (1982). Cependant, après réflexion, les ninjas seront évincés au profit quasi exclusif des samouraïs. Quant au support, c’est initialement la N64 de Nintendo qui est visée avant que le dévolu soit jeté sur la PS1. Finalement, la mouture sera annulé à un stade avancé pour privilégier la PS2. De quoi expliquer le temps de gestation relativement long entre le concept imaginé en 97 et la sortie d’Onimusha : Warlords en 2001.
Quand bien même la reprise à zéro du projet, les ambitions sont rehaussées grâce aux capacités techniques qu’embarque la nouvelle console. En outre, le concept global était pensé depuis un moment et la mauvaise expérience sur PS1 a sans doute permis de faciliter la transition de support malgré tout. C’est avec l’appui de Mikami et de Jun Takeuchi, concepteur de mouvements sur RE 2, que les équipes vont honorer et baptiser la PS2 comme il se doit. Quoi de mieux pour cela que de réaliser une trilogie épique sur fond de mythologie et de contexte historique dans le Japon féodal.
Le développement va alors de plus en plus ressembler à un tournage de film. Pour chacun des trois jeux d’ailleurs. Pour commencer les choses de la meilleure des manières, des habitués du cinéma sont embauchés, avec dans un premier temps l’acteur Takeshi Kaneshiro qui incarnera le héros Samanosuke Akechi. À l’époque, c’était une des plus grandes stars du cinéma asiatique. Un choix intelligent pour attirer des collaborateurs expérimentés, mais également pour montrer le sérieux du projet Onimusha. Des signes annonciateurs du succès futur de la licence.
Returner
Kaneshiro va donc prêter sa voix et ses traits au protagoniste principal du premier jeu, avant de revenir pour le 3e opus au côté d’un Jean Reno qui jouissait déjà d’une bonne cote de popularité en Asie à cette période. Il n’y a que dans Onimusha 2 : Samurai’s Destiny (2002), que Takeshi Kaneshiro n’apparaît pas, remplacé par Yusaku Matsuda qui endosse le rôle de Jubei Yagyu. Un casting loin d’être anodin et allant de pair avec les ambitions des studios. On peut également citer l’enrôlement du réalisateur Takashi Yamazaki pour l’ultime volet de la trilogie.
Le cinéaste récompensé en festival, qui avait déjà bossé avec Kaneshiro, est chargé de clore cette fresque épique à la manière d’un film d’animation. Pour l’appuyer sur les scènes d’action, ce n’est autre que la légende Donnie Yen qui officie comme chorégraphe sur Onimusha 3 : Demon Siege. L’artiste martial sortait de son interprétation dans l’excellent wu xia pian, Hero (2002) de Zhang Yimou, ainsi que de Blade 2 de Guillermo Del Toro où il orchestrait les combats. Signalons aussi que Yen comme Kaneshiro vont permettre de rameuter pléthore de techniciens du cinéma hong-kongais.
Des productions frénétiques dignes de blockbuster, avec des sorties respectivement en 2001, 2002 et 2004. Les artisans à l’œuvre vont aussi populariser l’usage de méthodes de réalisation héritées d’Hollywood, mais novatrice dans le jeu vidéo. C’est le cas avec les maquettes utilisées dans Onimusha, bien que cela puisse se rapprocher des confections en Lego d’Hideo Kojima sur MGS. Un logiciel numérique fut également créé et finira, par la suite, entre les mains d’importantes sociétés japonaises spécialisées en CGI.
Une floppée d’efforts et de trouvailles qui vont permettre de consolider l’univers de la licence et nous aider à passer outre les quelques errances d’écriture. L’histoire contée prend place dans l’époque Sengoku à la fin du XVIe siècle, période marquée par les guerres de provinces avec nombre de conflits sociaux, militaires et politiques. C’est dans ce contexte qu’Oda Nobunaga s’est fait un nom, écumant les champs de bataille avec pour but d’unifier le pays. Ces éléments donnent le contexte historique suffisant à Onimusha pour qu’il s’en démarque ensuite, via l’irruption du fantastique et d’un semblant d’horreur.
La Voie de la Lumière
Dans Onimusha : Warlords (2001) nous débutons l’aventure plusieurs jours après la mort d’Oda Nobunaga, tué lors de son combat contre le clan Saito. Nous jouons le ronin Samanosuke qui assiste à l’enlèvement de la princesse Yuki du clan Saito. Ne pouvant rien faire dans l’immédiat, il se met en tête de la sauver mais apprend que Nobunaga a ressuscité en nouant un pacte avec les démons. Les récits narrés sur l’ensemble de la trilogie se laissent apprécier, notamment grâce à la puissance évocatrice de l’univers et l’ambiance qui règne.
Sur le fond, l’histoire reste dans de la série B de bonne facture, comme c’était le cas dans Resident Evil d’ailleurs. L’avantage pour Onimusha est de profiter d’une mise en scène et d’une qualité visuelle de haute volée, d’autant plus à l’époque, garantissant l’immersion. De plus, le rythme des jeux est prenant, bien calibré. Il y a tellement de choses à dire sur la licence, ne serait-ce que sur la place du cinéma, son impact dans le game design, mais ce serait trop long pour cette chronique déjà bien fournie.
C’est plus qu’un simple Sengoku Biohazard, même si les points communs fourmillent avec RE jusque dans la structure des jeux, surtout Warlords. Ce n’est pas tant l’atmosphère que les composantes de gameplay qui en font des œuvres novatrices. Importance des parades, des contres et des esquives mêlées à un combattant dynamique katana en main, offrent un rapport nouveau à l’action. Gratifiants, les combats ont marqué une génération de joueurs et de game designer. Si l’on pourrait entrapercevoir les prémisses des affrontements de chez FromSoftware, c’est plutôt vers Ninja Gaiden Black d’Itagaki que vont nos pensées.
Le samouraï laisse place au ninja, mais toute la mécanique de garde va être reprise, au même titre que les fameuses embuscades. Bien qu’encore léger dans Warlords, le gameplay va s’enrichir dès Onimusha 2, mieux maîtrisé et plus généreux en tout point, mais parfaitement cohérent avec le fait de jouer un ronin. L’important étant que les suites aient réussi à faire évoluer cela de manière toujours pertinente. Un atout de la série qui amènera l’épisode non canonique Onimusha : Dawn of Dreams qui n’a pas grand chose à voir avec la trilogie pensée comme telle. Au delà de ça, d’autres idées instaurées dans Onimusha vont influencer et marquer l’industrie, comme le système d’orbes rejetés par les ennemis tués.
Les Guerriers de l’Apocalypse
Elément omniprésent dans les Beat’Em All aujourd’hui, les orbes à récolter pour améliorer son arsenal viennent de la licence de Capcom, tout comme l’idée de débloquer de nouvelles armes à améliorer au cours de l’aventure. DMC se sert également des orbes et est sorti la même année, néanmoins son développement est bien plus tardif en comparaison d’Onimusha, bien qu’il soit difficile de définir le moment précis de l’apparition de la mécanique. Je trouve d’ailleurs la présence de ces orbes plutôt pertinente du fait de combattre des démons.
On peut y voir une forme de purification liée au pouvoir de nos protagonistes. Ce qui est expliqué de façon intra diégétique. On retrouvait un peu de cela dans Castlevania : Symphony of the Night où presque toute mécanique est justifiée dans le jeu. Quoiqu’il en soit, c’est tout une grammaire du Beat’Em All qui naît ici. De même qu’Onimusha va exceller dans la maîtrise de son rythme et de ses boucles de gameplay. En effet, la recette mélange combat, exploration et énigme. On retrouve des puzzles à résoudre, des lieux secrets, des collectables utiles ainsi que des changements de personnages et de gameplay.
Ainsi, changer de personnage en fonction du moment de l’histoire se retrouvera dans les Ninja Gaiden d’Itagaki et plus récemment dans Bayonetta 3. Notons aussi l’introduction des liens sociaux à nouer avec ses comparses dans Onimusha 2, ce qui influencera l’aventure avec quelques embranchements spécifiques. L’univers s’étoffe, le gameplay aussi et on a le droit à une direction artistique qui claque et se diversifie intelligemment d’un titre à l’autre. Je ne vais pas tout détailler, mais vous comprenez que cela participe à renouveler intelligemment le gameplay, en prenant soin d’éviter la lassitude.
Il est aussi intéressant de voir que malgré une durée de vie bien plus courte que ses suites, Warlords dispose aussi d’une profondeur plus restreinte et d’un héros à l’expérience de combat encore timide. La formule n’était peut-être pas encore pleinement aboutie, cela dit, j’y vois du sens puisqu’au final ce premier voyage avec Samanosuke nous permet de découvrir tranquillement les possibilités du soft. Se stoppant avant le plafond de verre toujours désagréable à briser et n’étant pas incohérent avec la trajectoire du protagoniste. Une autre spécificité, qui débute dans Onimusha 2, c’est le contenu bonus.
Le Château de l’araignée
Nous étions encore à une époque où il était courant de débloquer du contenu in-game, et la licence de Capcom savait être généreuse sur ce point avec du new game plus, des costumes, difficultés et mini-jeux cachés. Onimusha 3 ne lésine pas sur les récompenses et vous incitera à passer du temps sur le jeu. C’est agréable de voir des softs évoluer de façon bien visible, et dans la bonne direction, sans se dénaturer d’un épisode à l’autre. La trilogie sait également se montrer dépaysante.
Via sa très bonne direction artistique et des décors en 2D précalculée sur lesquels sont ancrés les personnages en 3D. Les OST vont également participer à l’ambiance et au déracinement culturel, les sonorités japonaises se marient parfaitement à l’expérience de jeu. En 2001, c’était remarquable, les ambitions vidéoludiques et cinématographiques de la franchise étaient saisissantes. Il ne suffit que de la scène d’intro d’Onimusha 3 en image de synthèse pour comprendre la démesure à l’œuvre.
Que ce soit Warlords qui limite ses lieux pour offrir une sorte de huis clos, Samurai’s Destiny qui s’ouvre un peu plus tout en faisant habilement le lien avec les évènements passés ou le 3 qui nous fait voyager entre le Japon Féodal et un Paris contemporain, entre autres, chaque titre apporte des variations. Et ce, sans altérer l’essence retrouvée dans l’esthétique et l’ambiance, si marquantes. Quand bien même un second opus au ton plus léger. Pour parler un peu d’Onimusha 3 : Demon Siege, nous avons ici un titre faisant office de conclusion et qui se permet donc d’aller au bout de son game design.
Les combats gagnent grandement en fluidité et jouer Jean Reno qui manie le fouet offre une variante de gameplay tout aussi cool à prendre en main. On pardonnera des soucis de localisation et une intrigue tournée autour d’un voyage temporel un peu douteux, car en terme ludique, comme technique, l’expérience reste excellente à parcourir. Des œuvres qui ne peuvent pas rester perdues dans les méandre de la PS2 et qui auraient beaucoup à gagner à revenir d’une manière ou d’une autre, tant que le respect anime le projet.
Pourquoi un retour d’Onimusha ?
L’attachement que je porte à Takeshi Kaneshiro ne pourra jamais s’amoindrir, il est le visage que je vois quand je pense à Onimusha. Par conséquent, je ne sais pas si je souhaite le retour de la licence via un reboot. Néanmoins, en l’état, hormis pour Warlords, l’accès aux opus Samurai’s Destiny et Demon Siege nécessite une PS2 ou des moyens peu légaux. Comme je le soulignais au début de cette chronique, c’est d’une trilogie remasterisée que je veux. Cependant, il est évident qu’un véritable remake de la trilogie pourrait faire l’affaire, en suivant toujours l’exemple des RE et si tant est que ce soit possible.
Les qualités principales de la série sont toujours là, il ne suffit que d’un bon coup de poliche, une jouabilité plus souple et dynamique, ainsi que quelques passages à retravailler gentiment. Chambouler totalement la refonte de la franchise peut se montrer casse-gueule. Je pense aussi beaucoup à Onimusha premier du nom et son contenu bien plus léger que ses suites et qui, de fait, nécessiterait d’être un peu rallongé, notamment en reprenant le new game plus abouti des opus suivants. L’autre idée serait d’entamer une fusion des trois softs comme pour le retour de Max Payne orchestré par Remedy et Rockstar.
Revoir l’écriture ne serait pas de refus. Sans dire non au style série B qui confère du charme à l’ensemble, il reste quelques soucis dans les doublages, précisément Demon Siege, et des errances d’écritures aujourd’hui discutable. J’ai peu à dire sur ce que j’aimerai voir chez Onimusha puisque pour moi la recette fonctionne toujours à merveille. Ceci étant dit, il va de soi que faire un jeu post 2023 oblige, plus ou moins, à suivre certaines normes. Sur ce point, continuer l’entreprise du quatrième volet Dawn of Dreams me semble judicieux.
Bien que réalisé pour répondre aux réclamations de fans, Keiji Inafune décida de rendre l’opus canon, sans pour autant l’affubler d’un numéro ce qui montre le chemin tout de même différent du jeu. En effet, la trilogie initiale n’était que l’arc Nobunaga. Reprenant la recette Onimusha, le 4 prenait aussi une direction plus fun, fortement axé sur le gameplay qui atteint ici maturité. L’absence de comédiens pour incarner le héros de Dawn of Dreams permet aussi de ne pas empiéter sur le rapport affectif que l’on peut entretenir avec les protagonistes d’origine. Je pense donc que c’est dans cette voie du bushido que doit se lancer Capcom, tout en ressoudant les liens forts entretenus avec DMC.
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