Pourquoi on aimerait un retour de Tomb Raider : Anniversary ?
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Rédigé par Neomantis Dee
À l’origine, Tomb Raider premier du nom a été développé par Core Design, ses suites également. Malheureusement, à partir du troisième opus les retours de la presse comme du public seront moins convaincants, jusqu’en 2003 et L’Ange des Ténèbres, titre le plus décrié de la franchise. Des déceptions répétées qui scellent le sort des studios. L’éditeur, Eidos, va alors décider de relancer la série deux ans plus tard. Confiant cette fois-ci la tâche à Crystal Dynamics, studio alors réputé pour son travail sur les plébiscités jeux Legacy of Kain.
Pour éviter un plantage de trop, Toby Gard et Warren Spector rejoignent les équipes en tant que consultants. Le premier étant le créateur de Lara Croft, le second le papa de Deus Ex. L’initiative d’Eidos débute avec Tomb Raider : Legend publié en 2006. Succès critique et commercial, le soft contribuera au redressement financier de l’éditeur. Deux suites suivront, parmi lesquelles Tomb Raider : Anniversary qui va nous intéresser aujourd’hui. Remake du tout premier volet, sorti en 1996 sur PS1. Le projet démarre durant la production de Legend, avec l’idée d’un retour aux sources pour les 10 ans de la franchise. La trilogie s’arrêtera en 2008 avec Tomb Raider : Underworld.
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Avant toute chose, précisons qu’ici c’est Tomb Raider : Anniversary qui va nous intéresser. En tant que second jeu de la trilogie Crystal Dynamics, il profite de l’expérience acquise sur Legend, autant que de la version revue du personnage de Lara, sans compter le nouveau moteur. Par conséquent, dans une certaine mesure, il propose une expérience plus solide que son prédécesseur. Mais surtout, c’est le remake de l’opus PS1. Ce faisant, il est logiquement le titre le plus proche de l’essence même de Tomb Raider. Puis, s’attarder sur la trilogie entière serait de trop. Et ce même si Tomb Raider : Underworld possède une place particulière dans mon cœur.
Concernant la chronique, plusieurs points me semblent nécessaires à mentionner afin d’appréhender au mieux ce remake. Si Legend fonctionnait, il lui manquait tout de même des choses. Le dépaysement y était, mais pas suffisamment ancré chez le joueur, la joueuse, ni même vis-à-vis de Lara Croft qui perdait de sa proximité avec la nature, avec ses découvertes. On ne retrouve pas la solitude qui pesait sur l’héroïne. On est systématiquement assaillit par les conversations avec nos coéquipiers. Leur présence, même extérieure à l’action, confère une sorte de soutien infaillible. À la fois psychologique et physique, ce qui enlève toute tension. On a moins peur pour le personnage, en plus d’être pris par la main.
À la différence d’Anniversary qui reprend les bases, les fondements de la licence. Avec une héroïne livrée à elle-même, dans des lieux aussi fascinants que dangereux. De même qu’ici, j’y reviendrai, on tuera bien plus d’animaux que d’humains. Le poids du meurtre revêt son importance dans la narration. Arrêtons-nous maintenant brièvement sur le développement et les intentions. Il s’avère que les développeurs ont refait plusieurs fois l’opus de 1996 pour s’en imprégner. Les équipes étaient aussi conscientes de la nostalgie qui irriguerait inévitablement l’opus. Malgré des qualités indéniables et adaptées au grand public, l’œuvre est aussi adressée aux fans de la première heure. Ces derniers étant plus à même d’apprécier l’entièreté de la proposition, ainsi que l’ampleur et le sérieux du travail accompli.
L’Odyssée de Lara
Pour Crystal Dynamics, l’objectif n’était pas seulement de faire un jeu adapté aux nouveaux standards, Legend ayant déjà fait ce travail. La mission, c’était de raviver les sensations, les émotions d’antan. Ayant saisi le propos et l’ADN de l’œuvre de Core Design, les équipes optèrent pour plusieurs changements pertinents. Déjà, trier. Avec l’ajout de contrôles, de mouvements pour Lara Croft, inaugurés dans l’opus précédent, des séquences de jeu devenaient alors obsolètes. Quand d’autres devaient être réadaptées pour solliciter aux mieux les compétences inédites du personnage. Ce n’est donc pas un copié-collé avec un rehaussement graphique et ergonomique. Mais bien une variation de proposition. Tomb Raider : Anniversary reprend évidemment la majorité du squelette de base.
Des passages réagencés donc, d’autres enlevés ou même des inédits, les variations sont visibles. Autant pertinentes dans le game design que raccord avec l’époque. Qui plus est, le scénario a lui-aussi logiquement évolué, subissant quelques retouches plus ou moins explicites. Dans tous les cas, cela amène plus de consistance à la narration qui forme un ensemble cohérent. Lara prend de l’ampleur, le récit se veut plus proche d’elle, garantissant un approfondissement légitime. Et comme dit plus haut, le premier meurtre humain, moment crucial de cet opus, est ici bien plus impactant et chargé émotionnellement qu’avant. Grâce aux possibilités techniques actuelles, bien loin des limitations de la PS1.
C’est très bien soutenu par la mise en scène réfléchie et réussie, même en plein jeu. L’inspiration cinématographique est présente et fonctionne, quelques séquences font leur effet. On sera d’ailleurs peu surpris d’y retrouver les QTE apparus dans Tomb Raider : Legend. Et que dire du gigantisme des décors, le souci du détail apporté. De quoi faire honneur à l’émerveillement que suscitaient ces lieux à l’époque sur nos cubes cathodiques. Les qualités graphiques du titre sont saisissantes. Ceci étant dit, c’est dans le game design que tout prend sens. Sur ce point, le remake est totalement maîtrisé. Chaque strate du jeu est interconnectée à l’autre. Il en ressort une atmosphère singulière, dépaysante, et que l’on ne retrouvera plus dans les opus suivants, hormis chez Underworld.
Tout sert la narration et le personnage. Incluant les composantes de sa personnalité ainsi que ses capacités physiques. Et cela découle des modifications apportées par les développeurs. Ce remake, c’est aussi le retour d’une difficulté. Un challenge plus proche de la version de 1996, mais débarrassé de plusieurs moments inutilement frustrants, afin de ne pas briser le rythme et l’immersion, atouts évidents de la trilogie, particulièrement de Tomb Raider : Anniversary. Les trois derniers opus édités par Square Enix, qui relança la machine en 2013, garderont ce sens du rythme, à défaut du reste. Entre les animaux sauvages, la solitude, la claustrophobie des lieux, ainsi que les énigmes çà et là, le soft incite intelligemment à nous impliquer dans l’aventure. À s’attarder sur les décors et le level design aussi tortueux qu’exemplaire.
À la poursuite du diamant vert
Une des composantes importantes de l’ADN de Tomb Raider, si on en reprend les origines, c’est l’implication par l’immersion. Via ses qualités esthétiques et de mise en scène le titre happe rapidement. La direction artistique magnifique et le level design sont pertinents dans le rapport qu’on entretient, en tant que joueurs, joueuses, avec Lara Croft. Nous sommes Lara, et nous nous intéressons autant qu’elle à l’architecture des lieux, à l’histoire et la culture qui en découlent. Parce que le game design se construit autour de cela. Une réflexion confuse qui ne prend sens que manette en main. Quoi qu’il en soit, ce ne sont pas des choses retrouvées dans les épisodes de Square Enix, et ce malgré la présence de Crystal Dynamics.
Depuis 2013, la licence s’embourbe dans un rythme trop cadré, comme chez Uncharted, influence première des reboots. À aucun moment il n’est réellement viable de s’attarder et s’intéresser aux environnements et ses mystères. L’action, le spectaculaire priment sur l’aventure et la découverte. À mon sens, et quand bien même les opus de Square Enix disposent de qualités certaines, ces derniers n’ont pas saisi l’essence dont je parlais plus tôt. À la différence de Naughty Dog qui s’est inspiré des anciens Tomb Raider pour devenir finalement autre chose, une franchise à part entière. Et que dire du game design qui se permet d’affubler Lara d’une pseudo vision d’aigle qui érafle, comme souvent, beaucoup l’intérêt porté sur les environnements et met à mal l’immersion.
De surcroît, cela n’a pas de sens dans un tel jeu. Là, où c’était acceptable pour un Batman possédant tout un attirail technologique, chez notre aventurière c’est difficile à accepter. Au moins, la réécriture du personnage a le mérite d’être intéressante, sans compter le character design revu. Fini la sexualisation à outrance, Anniversary n’y déroge pas, priorité au personnage et sa caractérisation. Mais c’est un des rares éléments que je salue de l’expérience. Bien loin de l’influence qu’était Indiana Jones, Crystal Dynamics a décidé de s’éloigner ce que pouvait représenter la licence et le personnage de Lara Croft. Malgré un aspect badass toujours aussi présent et une place inchangée dans le cœur des fans, en atteste le succès grandissant de la saga.
Si je suis plutôt fan de la franchise, aujourd’hui je ne retrouve pas ce qui faisait son charme dans un titre tel que Tomb Raider : Anniversary. L’aventure n’est plus à l’ordre du jour. Alors oui, en terme de gunfight c’est potentiellement plus intéressant, pour certains, d’être dans du cover shooter et dézinguer des bonhommes. Néanmoins, il y avait un côté cool et over the top plus arcade avant, ce qui n’était pas pour me déplaire. L’aisance acrobatique de Lara permettait d’effectuer des roulades et pirouettes en tout genre, le tout avec deux flingues en main. Le mix parfait entre Harrison Ford, Carrie-Anne Moss et Chow Yun-Fat. Du pur fun référencé par un cinéma d’action visuellement créatif dans les années 90 et début 2000. Notamment via l’influence croissante du cinéma hongkongais et des films de John Woo, monsieur Bullet-Time.
The Lost City
Sensible à ce cinéma et à cette philosophie d’un game design porté sur le plaisir de jeu plus que sur la narration, bien que sur Tomb Raider : Anniversary on peut estimer qu’un point d’équilibre est atteint, ces acrobaties ont toujours participé à mon appréciation des scènes d’action décomplexées de la franchise. Cette confrontation rapide entre les deux visions de la saga est pour moi un moyen d’exprimer plus simplement en quoi les récents volets me posent problème. Et donc que j’attends une autre direction pour la suite. Ce n’est pas une question de fermeture à la nouveauté, mais bien un problème de respect d’un ADN de base. Qui a fait de la licence et de son héroïne ce qu’elles sont.
Encore une fois, selon ma vision des choses. Je ne m’y retrouve pas, alors que Tomb Raider : Anniversary m’a remis une petite claque. De nostalgie, en partie oui, mais aussi devant ce que le jeu offre comme expérience. Il y a encore à apprendre de son game design. Alors, est-ce que je veux un retour de Tomb Raider : Anniversary ? Et bien non. Ce jeu m’a permis d’exposer des choses que la saga n’arrive plus à m’offrir, alors même qu’elle y parvenait par le passé. En outre, un nouveau départ se dessine pour Lara, c’est pourquoi c’était l’occasion d’exposer mes attentes au travers d’Anniversary, et plus globalement avec l’ensemble des titres qui se rapprochent de ce génome. Pourtant, c’est lui qui, à mon sens, cristallise ce qu’est Tomb Raider.
Je souhaite donc bien de la nouveauté, cependant je veux retrouver un game design cohérent avec son héroïne et repartir en quête d’aventure et d’énigmes. Quoi de mieux en ces temps troublés écologiquement que de voyager aux quatre coins du monde, seul avec soi-même, en totale immersion. Cherchant désespérément à déjouer l’hostilité de lieux aussi beaux que menaçants. Comme des ruines au Pérou ou l’intérieur d’une pyramide. Puis, niveau contenu il faut des efforts. Je pense forcément à quelque chose à la hauteur du manoir Croft. Pour ceux qui l’ignorent, il s’agit d’un niveau à part entière avec pour terrain de jeu l’incroyable demeure qui reprend d’ailleurs l’esthétique du film Lara Croft : Tomb Raider (2001), avec Angelina Jolie. À noter, la doubleuse française de l’actrice double aussi Lara dans les jeux vidéo.
Bel hommage pour un film imparfait, mais respectueux du lore et qui nous gratifiait d’une intro assez culte. Le mode de jeu, qui n’est pas exclusif à Anniversary, vous fait donc déambuler dans le manoir à la recherche de secrets et autres passages dissimulés par des énigmes à résoudre. Il y a aussi des éléments de plateformes et la possibilité de changer de tenue pour Lara. Celles-ci se débloquent en jeu. Sorte de hub d’entraînement, c’est un bon moyen de se détendre sans danger entre deux missions périlleuses. De surcroît, quand on connaissait le film cela apportait un petit cachet supplémentaire. Ça fait toujours son effet de se balader dans un tel lieu, aussi gratifiant que de se promener dans le manoir Wayne. On entre un peu plus dans l’intimité du personnage.
Cliffhanger
Pour revenir rapidement sur les situations de combat, il sera intéressant de retrouver plus de présence animale parmi les ennemis. Proximité avec la nature certes, mais surtout possibilités de diversifier les affrontements, et situations. On pense à la séquence du T-Rex dans Tomb Raider : Anniversary ou l’introduction hallucinante d’Underworld en plein océan, nageant au milieu des requins. Ce genre de sensations manquent. Quant aux scènes de gunfights, les possibilités d’actions offertes, ne serait-ce que sur l’opus de 2005, ont un potentiel certain. L’expédition a toujours primé, à juste titre, cependant les combats n’ont jamais été suffisamment exploités pour faire honneur aux bonnes idées de gameplay.
Enfin, il y a toute la question du level design et des énigmes proposées, qui rappellent aussi la mythique trilogie Prince of Persia. Deux franchises aussi proches que distinctes, mais fortes d’un game design inspirant à bien des égards. Ce travail sur la conception des niveaux et l’architecture est primordial si l’on veut un jeu d’aventure et de plateforme digne de ce nom. J’ajouterai qu’appuyer le côté didactique de la saga pourrait être un plus non négligeable. C’est toujours agréable d’apprendre des choses sur le monde en jouant. Bien que Lara a coutume de commenter les lieux, objets et cultures rencontrés, pousser ces interventions vers quelque chose de plus précis encore apporterait davantage d’attrait à l’ensemble. Toujours plus d’implication par l’immersion.
La revente des studios à Embracer Group permettra potentiellement à Crystal Dynamics, qui récupère la totalité des droits de la franchise, d’être plus libre dans leur vision, ce qui n’était peut-être pas forcément le cas avec le géant japonais. On s’attend à un reboot supplémentaire et cela relance l’espoir d’un volet fédérateur, comme avait pu l’être Tomb Raider : Anniversary à sa sortie, Legend se permettant des libertés pas toujours appréciables. Après avoir bouclé à plusieurs reprises la boucle des influences, la saga a maintenant un peu de champ libre pour imposer une nouvelle conception de l’aventure, et ainsi récupérer sa singularité perdue depuis bientôt 10 ans.
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