Pourquoi on aimerait voir un retour de Dementium ?
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Rédigé par Nathan Champion
Avant l’arrivée de la Nintendo Switch, qui accueille des titres comme Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires ou encore le remake de Resident Evil premier du nom, faire peur sur console portable était un pari osé, pour ne pas dire parfaitement loufoque. Certains ont peut-être sursauté ou connu un stress léger en jouant à des versions de poche de DOOM. D’autres ont expérimenté l’angoisse avec l’exceptionnel Metroid Fusion et son terrifiant SA-X. Mais rien qui puisse s’apparenter à de la vraie peur, à une ambiance oppressante digne d’un Silent Hill 2 ou d’un Forbidden Siren, voire aux jumpscares d’un Slender.
Il a fallu attendre la PSP et la Nintendo DS pour qu’enfin des développeurs ambitieux (ou complètement fous, c’est à se demander) envisagent de transposer sur portable la peur que les joueurs connaissaient dans leur salon. Nous avons ainsi vu débarquer Silent Hill : Origins sur la PlayStation Portable, ainsi qu’un certain Obscure : The Aftermath. Mais c’est bien la Dual Screen de Big N qui rafle le prix de l’inventivité et de l’originalité, avec plusieurs titres aux concepts surprenants, et à l’ambiance impressionnante, dont une grosse partie nous arrivent du Japon.
Si l’on pourrait citer le très moyen Dead’n Furious, le portage du premier Resident Evil, ou encore les dérangeants Theresia : Dear Emile et Nanashi no Game, les deux titres qui sortent clairement du lot sont étrangement développés par la même équipe. Dementium : L’asile et Dementium II sont tous deux réalisés sur le même moteur, suivent tous deux les pérégrinations du même protagoniste, et ont tous deux une qualité à laquelle on ne s’attend guère sur DS : leur ambiance oppressante. Une licence méconnue, mais dont on aimerait voir le retour !
Note : Dans l’impossibilité de réaliser des captures sur DS, et les titres étant tellement obscures, nous ne sommes pas parvenus à mettre la main sur des images de gameplay exploitables. Vous trouverez tout ce que vous souhaitez sur YouTube en quelques clics !
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ToggleRenegade Kid, une bande de fous furieux
La première chose à savoir sur le cas étrange de Dementium : L’asile (ou The Ward dans sa version originale américaine), c’est qu’il découle d’une volonté surprenante de son développeur de faire du First Person Shooter sur Nintendo DS. Pourquoi ? Difficile à dire, si ce n’est que les fans du genre attendaient, pour certains tout du moins, l’arrivée du premier véritable et décent FPS nomade avec une certaine impatience. Et dans les faits, il aura tout de même fallu attendre la sortie de Killzone Mercenary sur PS Vita pour qu’enfin ils soient servis, avec un gameplay parfaitement adapté aux deux joysticks, et une expérience très proche de ce que l’on trouvait dans nos salons.
Entendons nous bien, plusieurs représentants du genre ont vu le jour avant cela, notamment une petite floppée de DOOM-like sur Game Boy Advance. Mais c’est bien avec la Nintendo DS que le marché du FPS sur console portable décolle, notamment grâce à Activision qui transpose tous ses Call of Duty sur la machine dans des versions adaptées. Mais s’il est un jeu de tir en vue subjective à retenir sur la Dual Screen, c’est évidemment l’exceptionnel Metroid Prime Hunters. Hormis ceux-ci, un petit paquet de titres tantôt ambitieux, tantôt discutables, débarquèrent sur la portable aux deux écrans, dont pas moins de trois signés Renegade Kid !
Un studio qui n’est malheureusement plus de ce monde depuis 2016, ce qu’il doit peut-être à ses ambitions étonnantes en ce qui concerne la DS… qui sait ? D’autant que, non content d’avoir investi cette machine avec ses trois projets de FPS, le studio américain n’a pas manqué d’en développer des portages améliorés à destination de la 3DS. Des éditions uniquement disponibles via l’eShop, certes, mais dont le rayonnement médiatique est globalement proche du zéro. Ce qui reste un brin décevant après le bruit qu’a pu faire Dementium : L’asile à sa sortie. Notez que dans sa folie, Renegade Kid a même porté les deux titres sur PC dans des versions dites « HD » qui ne connurent aucune promotion publicitaire. Nous ne sommes peut-être pas passés loin d’un troisième opus plus ambitieux, destiné à une sortie sur consoles et ordinateurs.
Dementium : L’asile, succès critique mais pas commercial ?
C’est en octobre 2007 que Dementium : The Ward débarque sur les Nintendo DS Nord Américaines, avec une campagne de publicité modeste surfant sur l’arrivée de Halloween. Il faudra ensuite attendre avril 2009 pour que l’Europe y ait droit. Entre temps, le Japon y gouttait en juin 2008. Et il est intéressant de le noter, puisque cette édition nippone est la seule des trois à être censurée. Une censure qui n’a rien d’exceptionnel, en un sens, mais qui a surpris malgré tout à l’époque par son motif. Parce que ce ne sont ni les créatures effrayantes, ni l’hémoglobine, ni même les dialogues du titre qui ont été révisés, mais un simple cadavre décapité auquel les joueurs n’ont, de toute façon, pas prêté grande attention. Bizarre !
Pourtant, on sent bien que la censure n’était pas loin de nous tomber sur le coin de la figure à nous aussi. Sortir un titre pareil sur Nintendo DS était culotté, puisque la console se destinait principalement aux jeunes joueurs. Tout le monde aurait compris que des associations telles que Familles de France se soient dressées face à Dementium : L’asile, comme elles ont pu le faire à la sortie de différents GTA par exemple. Pourtant, le titre passe plus ou moins sous leurs radars. C’est toutefois du coté de la critique qu’il fait couler pas mal d’encre, puisqu’il est rapidement reconnu comme étant l’un des meilleurs FPS de la machine, mais surtout une expérience horrifique tout à fait surprenante et efficace.
Dans Dementium, le joueur incarne William Redmoor, un homme se retrouvant, sans comprendre pourquoi ni comment, dans un asile complètement abandonné, où les lumières semblent décidées à rester éteintes. Mais bien qu’il soit vidé de tout son personnel, ou presque, le complexe hospitalier regorge de créatures étranges qui veulent la peau de notre héros. Plus tard, William apprendra, en même temps que le joueur, qu’il subit en réalité une opération du cerveau, et qu’il combat, d’une certaine façon, ses propres démons. Un pitch qui fait pas mal penser à The Evil Within, vous ne trouvez pas ?
Et la comparaison n’est pas dénuée de sens, puisque le titre de Renegade Kid jouit lui aussi d’une ambiance très prenante, et parvient véritablement à faire peur sur la petite DS. Mais aussi, il offre un challenge plutôt corsé à ceux qui auraient le cœur suffisamment accroché pour s’aventurer au delà de son troisième niveau. Coté graphismes, le studio américain fait fort, puisqu’il propose un moteur maison qui fonctionne terriblement bien. Idem du coté de son sound design et de sa bande son. Enfin, malgré des énigmes basiques, la balance entre action et réflexion est plutôt équitable, comme dans un Resident Evil premier du nom. Hormis dans les derniers niveaux, qui se transforment en gros défouloirs très ardus.
Coté gameplay, Renegade Kid ne réinvente pas la roue, et prend globalement exemple sur ce que proposait déjà Metroid Prime Hunters en 2006. L’écran tactile sert donc à diriger la caméra et ouvrir les portes, mais aussi à afficher l’inventaire, la carte ou un bloc notes. Les gâchettes sont quant à elles réservées à l’utilisation de nos armes et de notre lampe torche. C’est évidemment avec la croix directionnelle que l’on déplace notre personnage. L’ensemble fonctionne plutôt bien, comme d’habitude avec les FPS sur DS, à condition bien sûr de ne pas être totalement réfractaire à ce type de gameplay qui change tout de même pas mal.
Là où le titre réalise un véritable tour de force, c’est donc dans son ambiance. Très inspiré par tout ce qui se fait de meilleur dans le milieu de l’horreur à l’époque, le studio Renegade Kid enchaîne les références. Bestiaire faisant écho à Silent Hill, et même Castlevania avec ses têtes volantes. Utilisation constante de la lampe torche, comme dans un Doom 3, poussant à éviter l’ombre comme la peste. Jumpscares efficaces et boss au background dérangeant comme dans Eternal Darkness. Munitions limitées à la Resident Evil. Le titre va même jusqu’à rendre impossible d’emporter des objets de soin, qui seront uniquement utilisables en marchant dessus. Bref, la recette d’un Survival Horror efficace et stressant. Et cela fonctionne étrangement bien sur portable, à condition de se mettre en situation. Idéalement, jouer dans le noir et avec un casque.
Dementium II, ou comment peaufiner son moteur de jeu
Fort du succès de son premier FPS sur DS, Renegade Kid met en chantier un certain Moon, qui rappelle beaucoup Metroid Prime dans ses premiers trailers. Il sort en 2009 et passe relativement inaperçu. Sans être une claque, le titre a malgré tout de gros arguments dans sa manche, notamment un moteur de jeu qui s’est un brin amélioré. Il jouit aussi d’une ambiance oppressante réussie, et son background sympathique est une nouvelle fois bardé de références, cette fois-ci à la Science-Fiction. Un titre plutôt chouette, donc, qui embarque d’ailleurs quelques idées de gameplay plutôt intéressantes du coté de ses énigmes.
Un an plus tard, c’est donc au tour de Dementium II de voir le jour. Sans surprise, le titre reprend là où le précédent s’était arrêté, comme le laissait présager sa cinématique de fin dérangeante. L’opération du cerveau de William Redmoor semble s’être bien déroulée, et celui-ci est placé en observation dans un hôpital. Seulement voilà, très vite il se retrouve plongé dans une version parallèle et démonique du monde dans lequel il s’est réveillé, à la manière d’un Silent Hill. Alternant entre les deux, il va faire des découvertes sur lui-même, mais aussi sur le docteur qui s’est occupé de son opération, à mesure qu’il tentera de s’échapper de cet endroit devenant infernal.
Peut-être un peu trop expérimental, le scénario de ce second volet est par ailleurs plus consistant et présent que dans le premier. Niveau gameplay, rien ne change, ou presque. Ce qui a évolué, cependant, c’est le moteur de jeu maison de Renegade Kid. Celui-ci s’est grandement amélioré, permettant des modèles de personnages bien plus réussis, des textures plus fines, un meilleur framerate… bref, le jeu est plus beau, plus fluide, une vrai prouesse pour la Nintendo DS. Néanmoins, en dépit d’évidentes qualités, Dementium II marque moins les esprits puisqu’il abandonne la peur au profit de l’action, bien qu’il conserve une ambiance malsaine à souhait. On notera toutefois qu’il est bien reçu par les rares testeurs s’y étant essayé.
Pourquoi un retour ?
À ce stade, espérer une suite ne sert à rien, puisque le studio Renegade Kid est mort et enterré. Par ailleurs, il n’y a plus grand chose à raconter au sujet de William Redmoor, du moins pas directement en reprenant l’histoire à partir de la fin discutable du second volet. Finalement, malgré les nombreuses améliorations apportées par Dementium II, c’est bien le jeu original qui fonctionne le mieux. Ce grâce à une ambiance et un sound design très réussis, un certain minimalisme efficace dans ses mécaniques et sa narration, ou encore sa proposition originale sous forme de melting pot de tout ce que l’on a pu aimer dans les Survival Horror de la génération PlayStation 2. Parce que c’est ce qu’il faut retenir de Dementium : L’asile. Il s’agit en réalité d’un savant mélange de références et d’emprunts. Une sorte de fan game, quelque part.
Et c’est justement pour cela qu’on aimerait en voir un retour. Parce qu’en partant sur cette base, il serait tout à fait possible de proposer une revisite de l’aventure horrifique de William Redmoor, en piochant dans tout ce que le Survival Horror a engendré de meilleur ces vingt dernières années.
Pour commencer, il serait intéressant de reprendre ce personnage et son postulat de base : en pleine opération du cerveau, il plonge dans un univers horrifique. Certes, Shinji Mikami a eu une idée très similaire avec The Evil Within, qui est une véritable réussite. Mais il est possible d’aller encore plus loin. Notamment, pourquoi pas, en conservant ce système de passage d’un monde à l’autre que l’on trouvait dans Dementium II, allègrement piqué à Silent Hill. Ensuite, l’utilisation de la lampe torche, comme dans Doom 3 (et plus tard dans Alan Wake) est à garder, au moins dans une partie du jeu. C’est un bon moyen de faire monter le stress et de rendre les éventuels jumpscares plus efficaces. Bref, de permettre à une peur viscérale de s’installer et de perdurer.
On aimerait que l’action constante du second volet disparaisse, que les munitions soient bien moins abondantes, histoire que chaque rencontre avec des ennemis soit un challenge. En somme, on aimerait que le titre nous pousse à éviter l’affrontement, plutôt que de nous donner dès le début un fusil à pompe et une grande quantité de cartouches. Pourquoi pas piocher du coté d’un Outlast, par exemple, lors de quelques séquences supprimant purement et simplement l’armement, dans lesquelles on serait poursuivi par une entité effrayante.
Il serait intéressant de faire revenir quelques monstres du jeu original, dont le design était déjà très travaillé, et évoquait beaucoup de choses. Le boucher emblématique par exemple. Le chirurgien dans son impair noir. Mais aussi les monstres de base, qui évoquaient quelques créatures issues de Silent Hill.
On aimerait aussi que les énigmes soient plus poussées et plus nombreuses. Sans devenir incroyablement complexes pour autant, et sans forcer constamment au backtracking, comme dans un Resident Evil. Construire le titre autour de zones assez grandes à explorer serait une bonne idée, tout en y insérant quelques événements scriptés. Mais il ne faut absolument pas tomber dans les dérives du monde ouvert, comme nous l’expliquions dans notre chronique sur Alan Wake, car c’est un bon moyen de faire tomber à plat une bonne partie des passages censés être effrayants. La linéarité est donc à préconiser, histoire que les jumpscares fonctionnent au mieux.
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