Aperçu : Carbon Warfare, un jeu sur le changement climatique
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Rédigé par Julien Blary
Disponible depuis le mois de novembre dernier sur iOS et Android, Carbon Warfare a été développé par le studio Virtuos en collaboration avec l’économiste du climat Yoram Bauman. Un lancement qui a profité de la COP22 qui s’est déroulée dans la même période.
Cette application cherche à sensibiliser les joueurs sur le réchauffement climatique et à nous montrer les incidences directes sur notre planète. Alors, pari réussi ou non ?
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ToggleCarbon Warfare, Brûlez-les tous !
Carbon Warfare est avant tout un serious game : il cherche à faire comprendre des enjeux importants en nous communiquant les tenants et les aboutissements. Ici, c’est le changement climatique qui est sous l’œil avisé des développeurs de Virtuos.
Cependant, si certains penseraient au premier abord que l’on doit sauver le monde, il n’en est rien. Carbon Warfare souhaite nous mettre dans la peau du méchant en nous proposant un contre-exemple. Et outre le fait que le jeu en est forcément plus attrayant, l’effet sur notre sensibilisation est beaucoup plus efficace qu’on pouvait le croire.
Le topo est assez simple : l’humanité a déjà bien trop tiré sur la corde et ne veut rien connaître du réchauffement climatique. En tant que maître du monde et de son destin, le joueur devra conduire la civilisation à sa perte. Le monde étant condamné par la bêtise humaine, il est en votre devoir de l’aider à accomplir son destin, c’est-à-dire, tout détruire.
Lorsque vous lancez le jeu, un premier didacticiel convaincant est proposé. Cela vous permet d’apprendre les premières mécaniques de gameplay de ce jeu de gestion. Vous devez gérer l’Amérique du Nord et vous occuper d’investir dans des firmes multinationales. Au fil des parties jouées et des missions imposées, vous pourrez ensuite jouer simultanément sur tous les continents et les détruire un à un.
Pour ce faire, de multiples options vous sont présentées. Vous devrez investir dans des industries émettrices de CO2 et voir le monde sombrer dans le chaos après chaque degrés de température supplémentaire obtenu.
I Am The Danger !
Première étape, c’est l’investissement qui importe le plus. Vous allez devoir choisir le continent entre Amérique du Nord, Europe, Asie, Amérique du Sud, Afrique et Océanie et vous décider sur la nature de l’investissement. Vous allez pouvoir par exemple développer l’industrie de l’automobile aux Amériques puis partir sur les logements en Europe. Chaque investissement va vous rapporter un peu de profits, vous permettant de réinvestir à nouveau mais également dégager des émissions de dioxyde de carbone. Bien sûr, plus vous investissez, plus la sensibilisation des gens augmente et si celle-ci est trop importante, elle voudra vous stopper et ralentir vos investissements.
Au début de votre partie, vous allez avoir du mal à savoir s’il faut plutôt investir dans des industries qui rapportent gros ou qui émettent beaucoup de CO2. Bien sûr, plus il y a de pollution, plus la température augmente. Celle-ci, jaugée à droite de votre écran, va définir le temps de réchauffement de la planète, année après année. Plus il fera chaud, plus la population voudra tenter quelque chose à travers des COP annoncées ci et là. Mais à contrario, plus la température sera importante, plus vous aurez la possibilité de causer des catastrophes : après tout, votre objectif est avant tout de tout détruire.
Il est également possible d’investir dans les médias afin de manipuler l’opinion publique et donc de ralentir les actions des scientifiques qui souhaitent imposer un programme de captation du CO2. C’est d’ailleurs votre seul véritable ennemi puisque vous devrez détruire l’ensemble des grandes villes avant que le projet n’atteigne les 100%. Lorsqu’une réunion est réussie, des malus peuvent s’appliquer, comme l’impossibilité d’investir dans l’immobilier ou un ralentissement de l’investissement dans un secteur particulier.
Notons également que si le joueur peut causer lui-même des catastrophes en les choisissant directement, il n’est pas rare que des catastrophes naturelles se produisent d’elles-même une fois une certaine température atteinte. Ainsi, la fonte des glaciers arctiques pourra par exemple, submerger toutes les villes côtières et détruire New York et bien d’autres.
C’est d’ailleurs l’une des actions qui nous touche le plus : si la majeure partie des catastrophes, c’est de votre faute, le fait qu’un événement aléatoire se produise de temps à autre, causant d’importants dégâts et détruisant plusieurs métropoles indépendamment de votre volonté, nous rend complètement démunis. C’est quelque peu l’effet papillon : on investit, on détruit la planète, et finalement, quelques années plus tard, sans rien faire, on a causé la destruction du quart de la planète. Et même si l’on a beau se retenir et limiter la casse, le mal est fait.
Une sensibilisation réussie mais un jeu quelque peu abrupt
Très clairement, Carbon Warfare réussi son objectif qu’est de nous sensibiliser : en nous plaçant dans la peau du méchant, on se sent quelque peu coupable de ce que l’on est en train de faire. On se sent finalement tous responsables et l’on comprend que nos actions d’aujourd’hui, peuvent clairement entacher notre monde de demain.
Dans ce cas, l’application arrive vraiment à nous proposer un enseignement pédagogique réussi. Après chaque ville détruite, on ressent forcément ce sentiment de culpabilité et pourtant, cela ne va pas nous empêcher de continuer à investir pour gagner notre blé. On remarque également que tout est au final très lié entre toutes les nations et qu’aucune n’a vraiment les mains propres, ne faisant rien pour empêcher le désastre arriver.
Mais il n’y a pas que les firmes multinationales qui sont dans le collimateur de cette critique : il y a quelque peu une dénonciation politique derrière Carbon Warfare qui pointe du doigt les hommes qui ont du pouvoir mais qui ne s’en servent pas pour rétablir la situation ou tout du moins, l’empêcher de proliférer.
C’est ainsi qu’après plusieurs années dans le jeu, vous arriverez à détruire l’intégralité de la planète, généralement symbolisée par 33 grandes villes. L’aspect moral joue également sur le temps puisque la fin du monde pourrait arriver de ce fait dans les années 2100/2200, ce qui reste relativement proche de notre époque actuelle. Et là aussi, cela fait son petit effet.
Néanmoins, malgré la réussite de la partie sensibilisation, Carbon Warfare peine quelque peu sur sa partie ludique. S’il possède des qualités indéniables et des mécaniques de gameplay plutôt correctes comme expliquées plus haut, on ressent quelques faiblesses avec une difficulté peu accessible et une approche un tant soit peu abrupte pour les néophytes du genre. Le tactile a également du mal sur certaines actions et l’on a vraiment du mal à comprendre comment faire pour bien jongler entre revenus, investissements et quand est-ce qu’il faut passer à l’offensive pour vraiment tout détruire. Et puis bon, il faut avouer que la collecte d’argent pour l’investissement est fastidieuse.
C’est bien dommage parce que finalement, si la thématique et la mise en oeuvre sont une franche réussite, on se lasse quelque peu du jeu après quelques parties. La progression n’est pas spécialement motivante et n’aide pas non plus puisqu’il faudra collecter des bombes pour débloquer certains niveaux qui ne s’obtiennent que par deux moyens : boucler les niveaux ou passer par la case achat avec de l’argent réel. Le jeu étant déjà tarifé à 2.99€, on n’a pas forcément l’envie de repasser par la case achat.
En conclusion, Carbon Warfare arrive à convaincre. En proposant un contre-exemple en se plaçant du côté des firmes multinationales avides de pouvoir et d’argent, le jeu implique directement le joueur dans les catastrophes liées aux changements climatiques. Il se sent alors coupable et saisit comme il faut les enjeux majeurs de cette cause. La sensibilité est réussie et les mécaniques de gameplay bien pensées. Dommage que l’on ne peut pas en dire autant sur les finitions de la partie ludique en elle-même qui peut potentiellement lassé le joueur assez rapidement.
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