Project Tower : Un Returnal-like avec du Mario Odyssey, notre interview exclusive de Yummy Games
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Rédigé par Fauchinou
Présenté au cours de la sixième édition de l’AG French Direct, Project Tower a probablement évoqué des souvenirs au public ayant joué à Returnal. Un shooter bullet hell à la troisième personne dans un univers impliquant des aliens, il est clair que des rapprochements peuvent être rapidement faits avec le titre de Housemarque. Et grâce à Jonathan Caliari, développeur chez Yummy Games, nous avons pu en apprendre davantage sur ce titre, ses autres inspirations, mais aussi sur le studio en lui-même.
La séquence de gameplay commentée de l’AGFD a pu déjà établir un focus global sur Project Tower. Et au cours de cette interview, Jonathan Caliari aborde à nouveau ces points tout en parlant notamment de Mario Odyssey, de la structure du jeu ainsi que du passage pour le studio du développement de jeux mobiles à un titre de cette envergure.
Sommaire
TogglePrésentation d’un titre aux inspirations marquées
- Tout d’abord, merci pour cette interview ! Pouvez-vous rapidement vous présenter, qui êtes-vous et quel est votre rôle sur Project Tower ?
Merci à vous de partager notre travail ! Je m’appelle Jonathan Caliari, je fais partie du studio Yummy Games. Notre studio est composé de quatre membres que sont Florian Basanta, Marc Botosezzy, Jordan Caliari et moi-même. Personnellement, je m’occupe principalement de la partie animations. J’épaule mon frère sur la partie game design, level design et test.
- Quel est le pitch de ce Project Tower et, surtout, pouvez-vous nous dire qui est ce survivant, dont on ne sait pas grand-chose, et comment est-il arrivé dans cette mystérieuse tour ?
Transformez-vous pour survivre ! Dans ce jeu de tir à la troisième personne qui combine bullet hell et métamorphose, utilisez vos pouvoirs pour copier les compétences de vos ennemis et résoudre des énigmes pour vous échapper de la tour extraterrestre qui vous retient prisonnier.
En ce qui concerne le/la prisonnier, nous avons voulu le garder le plus impersonnel possible pour que le joueur ou la joueuse puisse s’identifier à lui/elle. C’est pour cela que vous n’entendrez jamais sa voix ou son prénom. Un peu comme dans les Souls ou les Zelda !
Ce prisonnier s’est retrouvé esclave de cette tour après que les Hiks, une race alien qui veut étendre sa domination sur toutes les galaxies, ont extrait toutes les ressources de la planète Terre et asservi les survivants humains. Ces derniers sont utilisés par les Hiks pour différents travaux dont l’amélioration de l’armé Hiks dans les tours.
- Vu qu’il s’agit de l’une de vos inspirations principales, Project Tower est clairement visible comme un Returnal à la française. Avec des éléments facilement reconnaissables comme le bullet hell, la troisième personne et le mystère qui semble régner dans cet univers, jusqu’où s’étend cette influence ?
Initialement, nous cherchions une manière amusante de jouer à un jeu de tir. La plupart du temps, dans ce genre de jeu, les sensations de tirs sont présentes mais il manque un petit quelque chose pour avoir une expérience satisfaisante en tout point de vue. Pour nous, le genre du bullet hell vient combler parfaitement ce manque.
Personnellement, Returnal m’a pas mal marqué. C’est le premier jeu de ce genre sur lequel je me suis autant amusé (et sur lequel j’ai aussi beaucoup transpiré !). Il se trouve que Housemarque a très bien adapté le bullet hell, un genre né il y a 60 ans, au AAA moderne. On peut dire que le studio finlandais nous a ouvert les yeux sur l’énorme potentiel du bullet hell.
Cependant, nous n’avons aucunement la prétention d’être le “Returnal à la française”. Nous nous sommes inspirés de l’aspect bullet hell de Returnal car nous trouvons les combats hyper satisfaisants, nous pourrions juste poser la manette et regarder les patterns voler dans les airs. Je ne sais pas si tout le monde aura la référence mais quelque part cela nous fait penser au lecteur de musique Windows quand nous étions petits. Nous pouvions passer un temps fou à observer les patterns un peu kaléidoscopiques qui bougeaient au rythme des musiques.
Project Tower est une aventure singulière qui mélange le genre bullet hell à une mécanique de métamorphose innovante et d’une histoire illustrée par des cinématiques en plan séquence (technique inspirée des derniers God of War).
- Super Mario Odyssey est une autre de vos influences avec ce principe de métamorphose. Comment vous est venue cette idée de la mêler à un gameplay comme celui d’un bullet hell, et comment avoir réussi à l’implémenter ?
Avant cette aventure qu’est Project Tower, nous faisions des jeux pour mobiles. Certes ce n’était pas des jeux aux graphismes incroyables, mais cela permettait de se concentrer sur l’essentiel, les sensations de jeu. Ce marché était ultra compétitif, nous devions inventer des concepts tous les jours pour essayer de nous démarquer. À ce rythme vous développez votre esprit créatif de manière considérable, je pense que cela a bâti l’ADN de Yummy Games.
Nintendo a réalisé un travail incroyable avec Super Mario Odyssey. Nous avions besoin d’une mécanique qui renouvelle l’expérience du joueur et attise sa curiosité. Quelle métamorphose vais-je débloquer au prochain niveau ? Qu’est ce que je vais pouvoir faire ? Ce sont les questions que nous voulions que le joueur se pose.
Implémenter cette mécanique à un gameplay bullet hell n’est pas une mince affaire. Cela demande beaucoup de tests et d’ajustement. Je dirais que, de manière générale, vous pouvez mixer n’importe quelle mécanique avec n’importe quel genre. Je dirais même que cela pousse à la créativité.
- Cette métamorphose, qui offre donc des possibilités de gameplay différentes. influe-t-elle directement sur le level design ? Y a-t-il par exemple un focus particulier sur l’exploration, via des niveaux ouverts ou bien des accès secrets ?
Sans la métamorphose, vous ne pourrez pas atteindre le sommet ! Elle influe donc sur le level design. Nous voulons garder une expérience de jeu fluide. Nous voulons que le joueur soit le plus possible dans le “flow”, ce qui est compliqué dans un jeu TPS/bullet hell.
- Idem, est-ce que certains ennemis ne pourront être vaincus que via la métamorphose ? Est-ce que les boss peuvent être vaincus également sous métamorphose ?
En effet, certains ennemis nécessitent que le personnage soit transformé pour être vaincus.
- Enfin, dernière question au sujet des influences vidéoludiques : parmi celles que vous avez publiquement reconnu, Dead Space ressort également. Sous quel angle le titre de Visceral Games vous a inspirés ?
La mise en scène de Dead Space est parfaitement réalisée, le sentiment d’oppression dans les endroits clos et le sentiment de liberté lorsque les niveaux s’ouvrent ont été très inspirants. Bien sûr, avec un budget aussi restreint, nous ne pouvons pas rivaliser avec le titre de Visceral Games, mais ce fut une source d’inspiration pour nous.
Structure et accessibilité d’une aventure aux allures d’évasion
- Dans Project Tower, il est donc question d’une tour à gravir petit à petit afin de s’en échapper. Comment la progression s’effectue concrètement pour les joueuses et joueurs ? Il s’agit d’une structure roguelite ou bien d’une progression plus classique avec des niveaux qui se suivent et un système de sauvegarde/checkpoint ?
La tour est constituée de plusieurs étages, chaque étage représente un environnement simulé à l’aide de technologies Hiks. Cela leur permet d’entraîner leur armée dans n’importe quelles conditions. Le joueur devra donc traverser chaque étage malgré les conditions changeantes.
Au cours de son ascension, le joueur débloque de nouvelles armes et capacités pour venir à bout des défis de plus en plus ardus. Indépendamment des éléments en jeu, il/elle aiguisera ses réflexes.
C’est assez compliqué de raconter une histoire dans un jeu roguelite/like. C’est pourquoi, malgré une rejouabilité réduite, nous avons opté pour une structure linéaire avec des checkpoints à certains endroits. Cela contribue aussi à l’accessibilité pour les joueurs de tous les niveaux. Nous nous inspirons également beaucoup de gros studios comme Naughty Dog ou Santa Monica. Ces studios mettent toute leur énergie pour faire vivre aux joueurs des aventures mémorables. À notre échelle, c’est ce que l’on a voulu reproduire.
- En parlant de cette accessibilité, est-ce que les joueuses et joueurs occasionnels peuvent justement trouver leur compte avec ce jeu, via un mode Assistance par exemple, là où Returnal a justement rebuté beaucoup de gens à cause de son caractère punitif ?
Nous avons développé Project Tower de sorte à ce qu’un maximum de joueurs puisse arriver au bout de l’aventure. Aujourd’hui, la plupart des joueurs ne finissent pas leur jeu. Cela nous tient à cœur d’offrir aux joueurs une expérience engageante et fluide afin qu’ils aient la satisfaction de terminer ce nouveau voyage.
Je pense que Housemarque a voulu cibler un public précis avec Returnal. Un public auquel ils ont apporté une expérience quasi parfaite !
Avec Project Tower, je pense que tous les types de joueurs peuvent y trouver leur compte. Certes, les joueurs les plus occasionnels auront besoin de plus de temps pour finir le jeu, mais avec un peu d’entraînement et de détermination, ils y arriveront.
- À l’inverse, le challenge est-il au rendez-vous ou compte s’étoffer pour les plus motivés ? Comme de la rejouabilité, un New Game + ou bien des défis corsés avec un score à atteindre ou un temps à battre de prévu ?
Pour le moment nous n’avons pas prévu de NG+ ou de système de score mais j’ai confiance en la créativité des joueurs à la recherche de défis. Au sein de l’équipe nous nous challengeons déjà en faisant la course à qui battra tel ou tel boss sans se faire toucher. Quelque part, ce serait une sorte de victoire pour nous de voir des No Hit run ou des speedrun en tout genre sur internet.
- Comment comptez-vous définir la place de la narration et des Hiks dans Project Tower ? Avec des éléments clairs comme des cutscenes, des dialogues ou des fichiers texte ou audio, ou bien en offrant quelque chose de plus cryptique pour le public ?
La narration fait partie intégrante de Project Tower. L’univers dans lequel le jeu se déroule est assez dense, sans être intrusif. Le joueur, ou la joueuse, pourra très bien ignorer tous les éléments de narration, que ce soit les cutscenes ou le lore gravé dans des objets.
Nous voulions développer un monde qui offre beaucoup de possibilités, dans lequel plusieurs histoires, plusieurs jeux peuvent se dérouler. Je pense que l’univers dans lequel se déroule Project Tower est assez profond et laisse place à la libre interprétation de chacun. L’imagination est parfois le meilleur moyen de transmettre une histoire. C’est aussi ce qui fait la force de Project Tower.
Du jeu au mobile aux possibilités vertigineuses de l’Unreal Engine 5
- Vous dites, en tant que studio, “avoir commencé votre voyage dans le monde des hypercasual games”, et notamment en travaillant sur du jeu mobile. Comment vous en êtes venus à l’idée d’un projet plus ambitieux avec un jeu au gameplay nerveux et exigeant ?
Tout d’abord, c’est un rêve d’enfant de voir notre jeu en magasin. Je ne sais pas combien d’heures nous avons passées dans les magasins de jeux vidéo à regarder les jaquettes, à déterminer quel jeu nous allons choisir. Je ne pense pas que Project Tower puisse voir le jour en version physique mais si ce n’est pas lui, ce sera le prochain !
Dans un registre plus entrepreneurial, quoi de mieux pour entrer dans un nouveau marché qu’un projet qui dénote complètement de nos expériences passées ? C’est un risque que nous aimons prendre, cela nous permet de repousser nos limites. De plus, réaliser un projet complètement nouveau pour nous permet de donner un coup de fouet à notre créativité et nous pousse à une certaine ouverture d’esprit, ce qui est très enrichissant !
Aussi, nous sommes un nouveau studio, très peu de personnes nous connaissent. Cela nous offre la possibilité de partir d’une page blanche.
- Est-ce qu’une certaine pression ne découlerait pas d’ailleurs d’un tel angle de développement, qui plus est pour un premier jeu console + PC, avec une comparaison qui risque d’être immédiatement faite par le public entre Project Tower et le shooter de Housemarque ?
Il y a une certaine pression, c’est sûr. Mais c’est une bonne pression. Nous avons toujours aimé prendre des risques dans notre vie en général. Si nous n’avions pas pris de risque, nous n’en serions pas là aujourd’hui.
La pression découle également du fait que nous sommes une petite équipe de quatre personnes entièrement indépendantes. Souvent, les personnes qui voient notre trailer ou testent notre jeu, pensent que c’est un studio AA derrière ce projet. C’est là que se trouve le plus gros risque. Les attentes auprès des gros studios ne sont pas les mêmes que celles réservées aux studios réellement indépendants.
De nos jours, la notion “indépendante” est complexe, les studios indépendants chapeautés par de grosses entreprises aux moyens importants peuvent se permettre certains choix. Je pense que l’indépendance est la clé de la créativité, où aucune entité externe ne doit interférer avec la vision qu’a un studio, afin de leur permettre de s’exprimer pleinement. Bien sûr, cela a un prix, nous devons faire des choix et des sacrifices au quotidien.
Par exemple, nous avions développé un niveau en monde semi-ouvert avec des passages très intéressants mais, par manque de budget, nous avons dû l’enlever du projet car il ne répondait pas à nos exigences. Nous préférons produire un jeu avec une durée de vie réduite mais dans lequel le joueur se sent engagé du début à la fin, plutôt que de gonfler la durée de vie au détriment de la qualité.
- Aussi, qu’est-ce que l’utilisation de l’Unreal Engine 5 a-t-il pu représenter comme avantages ou comme défi auprès de l’équipe ?
Nous remercions infiniment Epic Games qui réalise un travail monstrueux avec leur moteur Unreal Engine ! Cela donne la possibilité à n’importe qui de réaliser des œuvres incroyables avec très peu de moyens.
Nous avions commencé le projet sur Unreal Engine 4. À l’annonce de l’Unreal Engine 5, nous étions tellement impressionnés par ce qu’offrait cette nouvelle version. Grâce au travail d’Epic Games, la transition d’UE4 à UE5 se fut sans problème majeur. Cela nous a permis de nous concentrer sur les aspects plus créatifs du jeu.
Les plus gros avantages avec UE5 sont Lumen (gestion des lumières), World Partition (aide au level design) et Nanite (méthode de rendu 3D). Ces features soulagent considérablement la charge de travail. Pour une équipe comme la nôtre, c’est essentiel.
Epic Games met à disposition une librairie d’asset gratuit : quixel megascan. Cette librairie ainsi que la marketplace payante nous a permis de gagner du temps sur le développement de Project Tower (nous n’avons pas à modéliser chaque pierre du jeu). De plus nous participons aussi à cet écosystème en créant et vendant nos propres assets pour la communauté Unreal Engine.
Pour résumer, l’Unreal Engine 5 représente plus un remarquable atout qu’un défi.
- Que peut-on attendre de la démo fraîchement disponible sur Steam en termes de contenu et de découverte ?
Avec cette démo, vous ferez vos premiers pas dans la tour et expérimentez les features principales de Project Tower. La démo représente environs les 30 premières minutes du jeu.
- Avez-vous une anecdote ou une histoire insolite à raconter ? Quelque chose qui vous a marqués ou une anecdote de développement sur le jeu ?
Un des événements marquants durant ces 3 dernières années fut la participation à la PAX West à Seattle. Nous avions participé à un concours pour gagner une place parmi le Rising Showcase (une mise en avant de jeux indépendant par la PAX). Nous avions rempli le formulaire de participation en nous disant que l’on avait vraiment très peu de chance d’être sélectionné vu le nombre de participants. Un soir, quelques semaines (voire mois) après avoir rempli le formulaire, nous avons reçu le mail qui disait que nous étions sélectionnés. Ça a été une explosion de joie pour toute l’équipe !
Ce fut le tout premier salon auquel nous participions. Le voyage jusqu’à Seattle, avoir notre stand au milieu de tous les grands noms du jeux vidéo et surtout montrer et faire tester pour la première fois notre jeu au public… Nous y avons même rencontré M. Shuhei Yoshida (ex-président de Sony Interactive Entertainment Worldwide Studios, NDLR) et son équipe particulièrement accueillante, ce fut un véritable honneur. Je me revois étant gamin en train de jouer à Crash Bandicoot ou Spyro, et me dire que les personnes à l’origine de ma passion pour le JV sont venus tester notre démo et en plus de cela l’ont aimé, c’est juste incroyable !
Pour la petite anecdote, je n’avais pas tout de suite reconnu M. Yoshida. Ce n’est que lorsqu’il nous a donné sa carte que j’ai compris ce qu’il se passait ! Tout cela a été une expérience incroyable et je souhaite à tout le monde de vivre ce genre d’événement..
- Un dernier mot pour nos lectrices et lecteurs ?
Tout d’abord, de la part de toute l’équipe Yummy Games, merci à ActuGaming pour cette opportunité. Merci également à tous les lecteurs (et lectrices) de nous avoir accordé un peu de votre temps. Nous espérons que vous avez aimé cette interview. Nous espérons également que cette dernière vous a donné envie d’essayer Project Tower.
Ce projet contient une partie de chacun des membres de l’équipe. N’hésitez pas à nous faire vos retours sur le jeu ou nous poser des questions si vous en avez. Nous y répondrons avec plaisir. Vous pouvez ajouter Project Tower à votre liste de souhait Steam, PlayStation ou encore Epic Games Store, cela nous aidera énormément !
Développer Project Tower a été une expérience infiniment enrichissante. Malgré tous les obstacles que nous avons dû franchir, ce voyage en vaut vraiment la peine. Nous avons beaucoup appris sur l’industrie ainsi que sur nous-mêmes et sommes plus motivés que jamais pour la suite de notre aventure.
Merci beaucoup à Jonathan Caliari pour avoir répondu à nos questions au sujet de Project Tower. Nous approchons doucement mais sûrement de la sortie du jeu, établie à septembre 2024, et comme nous l’a indiqué le développeur, n’hésitez pas à wishlister le jeu sur sa page PlayStation Store, Steam, ou Epic Games.
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Date de sortie : N/C