Return to Monkey Island, God of War Ragnarok… Quand le fanatisme vire au harcèlement
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Rédigé par Jordan
Si vous arpentez un peu les différents sociaux autour du domaine du jeu vidéo, il ne vous aura pas échappé que cette semaine a été particulièrement difficile à vivre pour certains studios et créateurs. Entre le reveal de Return to Monkey Island qui a mal tourné et la non-annonce de la date de sortie de God of War Ragnarok, les « fans » (mettez là les plus gros guillemets possibles) se sont complétement lâchés sur les équipes derrière ces jeux, allant parfois même jusqu’au harcèlement. Une situation grotesque et grave, qui a de fait déjà des répercussion sur l’avenir de la communication autour de ces deux.
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ToggleUne direction artistique qui réveille le pire chez les « fans »
Commençons par Return to Monkey Island. Lorsque ce dernier a été annoncé en avril 2022, aucune ombre au tableau n’était à noter. Tout le monde était heureux de revoir la série, et les fans de la première heure se réjouissait de voir que Ron Gilbert, le créateur de la série, était de retour aux commandes.
Mais ça, c’était avant le premier trailer de gameplay, qui a été diffusé lors du Nintendo Direct Mini Partner Showcase. Cette bande-annonce nous a permis d’avoir un meilleur aperçu de la direction artistique de ce nouvel épisode, qui, on peut le dire, est assez différente de ce à quoi nous avait habitué la série.
Soit. C’est un choix, et ce choix peut très bien ne pas convenir à tout le monde, tout comme il est tout à fait possible d’exprimer son avis à ce sujet. Mais la demi-mesure n’est pas vraiment le sport favori des internautes, et on a pu le voir sur le blog de Ron Gilbert lui-même, où le créateur a reçu des centaines de messages haineux à propos de la direction artistique de cet opus, allant même parfois jusqu’à des menaces personnelles.
En constatant cela et en faisant la modération sur ces messages, Ron Gilbert a alors pris une décision radicale, à savoir de ne plus parler lui-même du jeu :
« Je ferme les commentaires. Les gens sont juste méchants et je dois supprimer les commentaires d’attaque personnelle. C’est un jeu incroyable et tout le monde dans l’équipe en est très fier. Jouez-y ou n’y jouez pas, mais ne le gâchez pas pour tout le monde. Je ne publierai plus rien sur le jeu. La joie du partage m’a été enlevée. »
Bang up job, everybody.
(I've seen a lot of passionate but polite/polite-adjacent discussion going on, but the comments on Ron's blog were a total shitshow.) pic.twitter.com/BUBoPdU1fS
— Dominic Armato (@SkilletDoux) June 30, 2022
Dominic Armato, l’acteur derrière le célèbre personnage de Guybrush Threepwood, a lui aussi pris la parole à ce sujet :
« J’ai vu beaucoup de discussions passionnées mais polies ou presque polies, mais les commentaires sur le blog de Ron étaient un spectacle dégoutant. Quoi que vous vouliez que Monkey Island soit, je vais prendre des risques et suggérer que faire de cela une corvée plutôt qu’une joie pour les développeurs est le moyen le plus rapide de s’assurer que ce ne sera rien pour personne. »
Un bel exemple d’incivilité de la part des soi-disant fans. Il va sans dire que le fait d’attendre ce jeu depuis des dizaines d’années ne donne absolument pas le droit d’aller insulter le travail des personnes derrière ce projet, d’autant plus pour un simple mécontentement à propos d’une direction artistique. Rappelons que pour être fan de Monkey Island, on estime que la moyenne d’âge de ces personnes est logiquement au moins au dessus de la vingtaine (pour avoir connu les premiers jeux), et que c’est encore plus terrible des voir des adultes se comporter de la sorte.
Du harcèlement… pour une date de sortie ? Vraiment ?
Mais on a vu encore pire cette semaine avec God of War Ragnarok. Plusieurs insiders et journalistes fiables s’étaient accordés sur le fait qu’une présentation du jeu devait avoir lieu le 30 juin dernier. Sous quelle forme, on ne sait pas, mais il se murmure qu’un post de PlayStation Blog devait nous annoncer la date de sortie du jeu, qui cristallise beaucoup d’attente.
Cependant, nous sommes maintenant le 1er juillet, et il ne s’est rien passé le 30 juin. Cory Barlog, directeur créatif du studio, avait pris la parole la veille sur Twitter en demandant aux gens d’être respectueux envers l’équipe, étant donné qu’ils ne gèrent pas la communication du jeu eux-mêmes, et que s’ils le pouvaient, ils partageraient bien plus de choses.
Une demande qui n’a visiblement pas été respectée, puisque s’en est suivie une vague de messages impolis, grossiers, insultants, pour ne pas dire stupides sur Twitter, qui exigeaient d’annoncer la date (comme s’ils étaient en droit d’exiger quoi que ce soit). Une haine assez incompréhensible qui en a poussé certains à harceler les membres du studio, notamment les femmes qui y travaillent (personne n’est malheureusement surpris), comme Alanah Pearce, scénariste, ou Estelle Tigani, productrice cinématique.
Pro tip: sending me dick pics asking for the God of War Ragnarok release date will not, in fact, get me to reveal the release date.
To the people who are doing so, when did that ever work for you?! pic.twitter.com/U6Ea1Emi3X
— Estelle Tigani (@estelletigani) June 30, 2022
Cette dernière a même eu droit à à la réception de « dick pics », autrement dit des photos de sexes masculins, afin de la faire craquer mentalement dans l’espoir qu’elle communique la date de sortie plus vite.
Oui, c’est aussi surréaliste que ça en l’air, et hautement condamnable. Aucune excuse ne vient justifier ce harcèlement, qu’importe l’impatience que l’on peut éprouver à propos d’un jeu. On imagine qu’après cela, le studio sera encore nettement moins enclin à communiquer autour du jeu, tant ces comportements peuvent affecter la santé mentale des personnes qui développent le jeu.
Faut-il accuser les insiders et la presse ?
don't.
the answer is not to find someone to blame or focus hate on. maybe just pay it forward and treat the people that make the things we love with some human decency and respect.
this is not a battle, we are not at war. we are just trying to make + enjoy things together.❤️ https://t.co/o1X3WBQyKF
— golrab of the frost (@corybarlog) June 30, 2022
Déjà, non. Pas de suspens ici, les seuls coupables sont les harceleurs, et personne d’autre. Mais le sujet a été abordé par Cory Barlog, étant donné que le studio n’avait jamais rien promis pour le 30 juin, et que tout le monde s’était mis en tête cette date suite à un tweet de The Snitch, un insider plutôt récent dans le milieu qui n’avait jamais eu faux jusqu’à hier.
En réponse à quelqu’un sur Twitter qui blâmait The Snitch et Jason Schreier (journaliste chez Bloomberg) pour toute cette affaire, Barlog répond :
« Ne le faites pas. La réponse n’est pas de trouver quelqu’un à blâmer ou de focaliser la haine sur lui. Peut-être simplement d’aller de l’avant et de traiter les personnes qui fabriquent les choses que nous aimons avec une certaine décence et un certain respect humain. Ce n’est pas une bataille, nous ne sommes pas en guerre. nous essayons juste de faire plus profiter des choses ensemble. »
Une réponse appuyée par Phil Spencer, grand manitou de Xbox en personne, qui vient aussi calmer les centaines de messages qui s’attardent encore sur une guerre des consoles futile en plaçant God of War Ragnarok et Starfield au cœur des débats. Il serait temps de passer à autre chose.
Pas besoin de vous préciser qu’on ne vous encourage pas à participer ni à tolérer ce genre de campagne de harcèlement infâme, et que le fait d’être en désaccord ou d’être impatient de jouer à un jeu n’autorise absolument personne à se comporter de la sorte, envers qui que ce soit, que ce soit envers les développeurs, les journalistes, les insiders, ou même les créateurs de contenu (comme on a pu le voir cette semaine dans le milieu français). Espérons que cela se reproduise le moins possible à l’avenir, même si on n’est pas tout à fait confiants à ce sujet.
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Date de sortie : 09/11/2022