Rue Valley : Première approche sur ce RPG narratif à la croisée de Disco Elysium et Outer Wilds
Publié le :
Pas de commentaire
Rédigé par Fauchinou
Owlcat Games, derrière la série de C-RPG Pathfinder ou encore Warhammer 40,000: Rogue Trader, s’est aussi mis dernièrement à éditer des projets. Si Shadow of the Road, RPG narratif au tour par tour, fait partie de l’un d’entre eux, le studio chypriote se retrouve également derrière Rue Valley. C’est d’ailleurs de ce titre développé par l’équipe serbe d’Emotion Spark Studio que nous allons parler. Lui aussi un RPG narratif, mais sans combat, il possède une esthétique et un pitch tels qu’il nous a véritablement intrigué. Un intérêt renforcé par la présentation à laquelle nous avons assisté à la Gamescom, en compagnie de Marko Smiljanic et Branislav Trajković, Chief Creative et Chief Executive Officer du projet.
Jean-Michel apathique
Dans un petit coin paumé et sans histoire du nom de Rue Valley, Eugene Harrow, un homme solitaire, lutte contre ses propres problèmes de santé mentale au cours d’un quotidien insipide. Voilà un pitch qui n’est pas vraiment celui du héros enclin à vivre un destin fabuleux du jour au lendemain. Une originalité qui se vérifie tout de suite au moment de choisir les traits de notre personnage. Car en bon RPG narratif, il convient tout d’abord de bâtir sa personnalité.
Et là aussi, hors des sentiers battus, Rue Valley joue plutôt la carte de l’humanité. Oubliez l’Intelligence ou le Charisme, ici on décide si notre homme est plus impulsif ou calculateur, s’il a tendance à être introverti ou non, ou encore s’il est particulièrement sensible ou au contraire indifférent. Plutôt que de nous rêver en sauveur, la carte de l’identification vis-à-vis de stats sociales est, à notre goût, un choix très intéressant. Libre à nous d’ailleurs de créer un miroir de notre propre personnalité, ou bien au contraire de tester diverses combinaisons.
Attribuer plus de points d’un côté que de l’autre confère d’ailleurs des traits supplémentaires. Par exemple, mettre assez de points du côté Calculateur rend disponibles les traits Indécis ou Paranoïaque. Vous vous en doutez probablement déjà, mais face aux nombreux dialogues et actions à venir, la personnalité choisie aura bien sûr ses conséquences. Une fois satisfait de notre « fiche de personnage », la partie commence dans la salle d’un psychologue, en plein rendez-vous. D’emblée, la signature artistique nous happe. Une musique mélancolique, par petites touches, couplée à un style crayonné affichant une narration écrite façon bulles de comics, le tout fonctionne très bien.
« Pour beaucoup de gens les comics renvoient surtout aux super-héros, mais c’est aussi intéressant de se servir de ces codes graphiques pour raconter l’histoire de quelqu’un de tout à fait normal, et qui au lieu de sauver les autres, essaye surtout de se sauver lui-même. Pour l’animation en low frame des personnages, on a aussi eu cette inspiration du côté des derniers films Spider-Verse », nous précise Marko Smiljanic.
Durant la discussion avec le psy, notre anti-héros semble être là sans vraiment être là. La démotivation et le manque d’énergie semblent tout rendre futile. Au fil de la discussion, on peut déjà voir la multiplicité des choix de dialogue, y compris donc ceux relatifs aux traits de personnalité. Sorti du rendez-vous, où l’on comprend que la route vers la guérison de notre personnage sera longue, il est temps de rejoindre sa chambre de motel.
Boucler la boucle
Une première confrontation face à la réceptionniste du motel nous introduit avec la mécanique d’écoulement du temps. La jeune femme étant occupée au téléphone, il faut tuer le temps avant qu’elle ne soit de nouveau libre. Justement, chaque action contextuelle fait avancer l’heure, de plus ou moins longtemps : une interaction avec un personnage, le fait d’examiner un objet, ou même simplement comme ici le choix de patienter. Une fois la clé de la chambre obtenue, et après un appel aussi inattendu que bizarre, on peut alors aller se coucher.
Et là, une interface assez intrigante se dévoile à nous. Il s’agit d’une sorte de palais mental recensant les événements plus ou moins marquants vécus par Eugene. Sous forme de bulles, on y retrouve les interactions avec la gérante, les réponses effectuées durant l’entretien avec le psychologue, mais aussi des souvenirs plus profonds, comme des traumas, des sensations ou des visions. En examinant ces bulles, il est alors possible de dresser des liens formant une autre case. À ce moment-là, on aura besoin d’investir des sortes de points spéciaux pour révéler ce qui se cache derrière cet amalgame de souvenirs.
Mais la journée n’est pas finie. Eugene se réveille à cause du bruit d’une voiture et un nouvel élément de gameplay intervient : les statuts. Notre homme se réveille « Assoiffé ». Cela a pour effet d’enlever un point du côté Calculateur. On comprend alors que ces statuts auront un rôle clé dans tout le jeu puisque les différents choix auparavant inaccessibles le deviendront en subissant certains statuts. Assez intéressant de s’imaginer par exemple devoir en amont provoquer un état émotionnel peu souhaitable pour aller découvrir de nouveaux éléments d’histoire lors d’une discussion.
Sauf qu’avant de passer plus de temps dehors, le ciel tout entier s’embrase et diffuse une lumière aveuglante. Et à peine le temps de réaliser ce qu’ils se passe, c’est le blackout. Puis, le réveil sonne, il est de nouveau 20h, et on se réveille auprès du psychologue au beau milieu du rendez-vous vécu un peu plus tôt. Nous voilà désormais dans une boucle temporelle, longue de 47 minutes (in game) et au bout de laquelle l’apocalypse nous ramène inlassablement à cette séance de thérapie.
Une question nous est alors venue. Est-ce que l’on ne se trouverait pas devant un titre au croisement entre Disco Elysium et Outer Wilds ? Le premier pour la caméra en isométrique, la profondeur narrative et son côté RPG, et le deuxième pour sa boucle temporelle et la disposition du palais mental. Branislav Trajković et Marko Smiljanic ont tout de suite acquiescé et ce dernier a ajouté : « Oui, c’est sûr qu’il y a des similitudes, même si l’idée du jeu, et pas tout à fait sous cette forme que l’on voit là d’ailleurs, existait avant. Mais il est clair que leur sortie ont influencé un peu la suite. »
Le cœur du jeu se trouve donc là : explorer toutes les possibilités narratives qu’offre le monde de Rue Valley, en vivant les choses différemment grâce à d’autres choix ou à l’utilisation des statuts. Tout ça dans le but de débloquer de nouveaux éléments dans le palais mental et ainsi faire avancer l’intrigue. On l’expérimente déjà via ce « nouveau » rendez-vous avec le psychologue, Eugene étant désormais frappé du statut Appréhension Anxieuse, boostant clairement son côté Calculateur et Sensible. Nouveaux choix, nouvelles possibilités, et donc potentiellement de nouveaux fragments de mémoire à connecter ou approfondir dans le palais mental, afin de mener petit à petit Eugene sur la bonne voie.
Seul un grand danger menace la potentielle réussite de Rue Valley : la gestion de la boucle temporelle au cours de la vingtaine d’heures de jeu promise. Si l’on parvient à jouer en explorant un maximum de situations plus ou moins naturellement, et sans ressentir une forme de lassitude ni être bloqué trop longtemps, le titre d’Emotion Spark s’annonce fort intéressant. D’une humanité profondément sujette à l’empathie grâce à ses thématiques et son message global, le titre affiche en plus un coup de crayon très agréable pour les yeux. On a hâte d’en voir plus sur ce titre à paraître uniquement sur PC pour l’instant, et dont la date de sortie reste inconnue.
Cet article peut contenir des liens affiliés
Date de sortie : N/C