S.T.A.L.K.E.R. : Legends of the Zone – Un petit mot sur cette étrange compilation
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Rédigé par Nathan Champion
De toutes les expériences nées sur PC que les joueurs consoles auront attendu de pied ferme, et auront même milité pour voir apparaître dans leurs salons, Crysis se hisse de loin en tête. Un jeu en avance sur son temps en termes techniques, si pointu à vrai dire qu’il mettait à genoux, en 2007, la majeure partie des configurations de moyenne et haute gamme. Il était donc inutile d’imaginer le voir débarquer sur consoles avant quelques ajustements. Des ajustements qui mettront pas moins de quatre longues années à voir le jour. En résultera une expérience amoindrie, diminuée, comme souvent lorsqu’un titre pensé pour une très grosse configuration était adapté vers les petites machines trônant fièrement sous nos télévisions. Ce qui est probablement l’une des raisons qui expliquent le mieux l’absence de la série S.T.A.L.K.E.R. sur lesdites machines.
Une absence qui aura duré pas moins de dix-sept longues années, au cours desquelles rumeurs en tous genres, tournant surtout autour de la disparition totale de la franchise, verront le jour. S.T.A.L.K.E.R. 2 : Heart of Chornobyl est bien réel, et il arrive d’ailleurs dans une poignée de jours sur PC, mais aussi sur consoles de nouvelle génération. Mais il est le fruit de ce que l’on pourrait grossièrement nommer un miracle. Parce que, exit la guerre en Ukraine et aux portes de la Russie, la situation financière de GSC Gameworld n’a pas été particulièrement fameuse sur la dernière décennie, et le projet semblait plutôt mal parti. Nous avons été nombreux à croire sincèrement que S.T.A.L.K.E.R. 2 ne verrait jamais le jour, et à constater avec un mélange d’admiration et de crainte que, finalement, nous allons bien finir par toucher à cette suite.
Mais en attendant ladite suite, une autre étrangeté attend les fanatiques de l’atome et ses conséquences, de l’Ukraine et de sa zone sécurisée, et bien sûr d’univers post-apocalyptiques que ne renieraient pas Fallout, Rage ou Kojima. Puisque les joueurs consoles n’avaient jamais eu l’occasion de toucher au premier volet de la série S.T.A.L.K.E.R., il semblait temps de leur permettre une première découverte, ou plutôt incursion, dans ce monde malodorant et inhospitalier. Une percée que personne n’avait vraiment vu venir, et que personne n’attendait plus depuis longtemps. Pourtant, S.T.A.L.K.E.R. : Legends of the Zone existe bel et bien, embarquant dans un bundle la totalité des expériences apparues avant le second volet, à savoir un jeu et deux add-on devenus cultes. Mais, l’expérience est-elle toujours aussi mémorable aujourd’hui ? Et qu’en est-il de ce portage ?
Note : Nous avons passé près de douze heures sur les trois titres (environ 6h sur le premier et 3h sur chacun des deux autres) dans leur version Nintendo Switch, principalement en mode TV. Cet article est garanti sans spoiler.
Sommaire
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En 2007, année de sortie de S.T.A.L.K.E.R : Shadow of Chernobyl, la production de GSC Gameworld et du regretté THQ en met plein les yeux. Elle aussi en avance sur son temps, elle propose une immersion totale dans un environnement grisâtre et réaliste, s’offrant plusieurs zones ouvertes pour une sensation de liberté assez neuve à l’époque. On est encore loin de la sortie d’un Far Cry 3 ou même d’un Fallout 3, pour rester dans le même ton. Le titre est beau, impressionnant sur le plan technique et en termes de proposition, et il jouit par ailleurs d’un univers riche, bien écrit, qu’on prend plaisir à parcourir. Du moins, jusqu’à un certain point.
Parce que ce premier volet est connu pour plusieurs choses, parmi lesquelles on retrouve un challenge très corsé, une intransigeance de tous les instants, qui ne quittera pas la franchise par la suite. S.T.A.L.K.E.R. c’est une expérience qui flirte avec la survie autant qu’avec le First Person Shooter à la Far Cry, le soleil et la flore tropicale en moins. Ainsi, si Shadow of Chernobyl marque les esprits à sa sortie, c’est autant pour d’excellentes raisons, que parce que le titre ne manque pas de frustrer les joueurs les moins patients ou dégourdis. D’autant que malgré son avance par rapport à nombre de ses contemporains, le titre souffre d’un système de sauvegarde désuet.
Alors oui, on chipote un peu, et on a conscience de parler d’une expérience vieille de dix-sept ans. Néanmoins, il faut parvenir à comprendre cela avant d’investir dans le titre, ou même ses add-on, sous peine d’être décontenancé par leurs propositions radicales, et surtout datées. En 2007, l’aventure est pleine de bonnes idées, et la liberté qu’elle propose surprend dans le bon sens du terme. Le contenu annexe est plutôt bien pensé par ailleurs, avec un système de missions bien ancrées dans l’univers, et des factions qui réagissent différemment en fonction de nos actions dans le temps et sur l’instant présent. On n’est finalement pas si éloigné de ce que proposait un Fable en 2004, sans tout le système de romance et de karma cela dit.
Orienté action, le premier volet intègre donc quelques éléments de RPG pour un résultat qui, s’il ne flirte pas avec la profondeur d’un Fallout, ne manque pas d’épaisseur pour autant. Toute une économie est en place, nous permettant de nous équiper ou de revendre nos trouvailles. Et bien sûr il est possible de collecter toutes sortes de babioles, mais aussi d’équipements, en fouillant la Zone et les cadavres qui la jonchent après votre passage. Une Zone s’inspirant de Prypiat et sa campagne, et bien sûr du réacteur nucléaire de Tchernobyl et ses alentours. Un endroit tristement célèbre pour abriter la plus forte concentration de radioactivité sur la surface du globe. Ici, les développeurs ont imaginé toute une nouvelle faune, ainsi qu’une véritable société parallèle.
Le résultat, malgré certains écueils récurrents mais surtout une quantité marquée de bugs en tous genres, ce sont trois expériences particulièrement mémorables à l’époque de leurs sorties respectives. Shadow of Chernobyl en met plein les yeux, et sa proposition, bien que punitive (bon courage pour arriver au bout) se révèle addictive. Clear Sky est dans la continuité, et ne souffre finalement que de la comparaison avec son aîné, et de son nombre de bugs là encore. Quant à S.T.A.L.K.E.R : Call of Prypiat, force est de reconnaître qu’il s’agit assurément de l’expérience ultime, arrivant trois ans après le premier volet, ayant pris le temps de corriger tous les bugs, et s’armant d’une profondeur plus maîtrisée.
La version ultime ?
Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est bien sûr l’arrivée de ces trois titres sur consoles de salon, que nous aborderons via le prisme de la version Nintendo Switch. Une version qui ne semble pas très différente de celles auxquelles ont eu droit les machines Xbox et PlayStation, si ce n’est peut-être en matière de résolution native. Mais il faut néanmoins avoir bien conscience de ce point crucial : Legends of the Zone n’est en aucun cas une version remasterisée du premier S.T.A.L.K.E.R. et de ses add-on. On est face à un portage stricto sensu des versions PC, adaptant seulement sa maniabilité. Ce qui n’est pas une très bonne nouvelle.
Alors oui, on retrouve l’intégralité des qualités des trois jeux, parmi lesquelles on retient aujourd’hui principalement leur faculté à immerger le joueur. Ils le doivent à une réalisation qui, bien que vieillotte, possède encore ses qualités visuelles, mais aussi à une bande sonore toujours aussi divine. On n’aurait cependant pas été contre la possibilité de récupérer les doublages anglais, voire ukrainiens, car malgré l’affect que les joueurs francophone peuvent conserver à l’intention des voix françaises, force est d’admettre que les fausses notes sont nombreuses. Cela dit, pour trois jeux aussi datés, le résultat demeure assez impressionnant. Et c’est aussi l’occasion de retrouver certains doubleurs connus, comme le regretté José Luccioni sans qui Marcus Fenix de Gears of War ne sera plus jamais le même.
Mais ce qui frappe le plus en termes de réalisation, c’est assurément l’inconstance des trois jeux. D’abord en matière d’attrait visuel, puisque les différentes zones que l’on visite ne possèdent absolument pas le même intérêt. Les premiers pas dans S.T.A.L.K.E.R : Shadow of Chernobyl sont ainsi plutôt douloureux, puisque nous faisant évoluer dans un lieu assez vide d’identité. Tout le contraire de Clear Sky et Call of Prypiat, qui balancent leurs plus grosses cartouches dès le début, avant de connaître des passages à vide. Si vous connaissez les jeux sur PC, vous serez aussi décontenancé de voir disparaître toutes les options visuelles apparues avec le temps et les mods, notamment en ce qui concerne les ombrages plus réalistes.
Mais surtout, pour rester dans l’inconstance, les trois jeux n’ont corrigé aucun de leurs défauts, ni même de leurs bugs. Alors oui, avec le temps une bonne partie de ceux des premier volets avaient déjà disparu. Mais retrouver les bugs de la version PC tels quels sur consoles a de quoi surprendre et décevoir. Puisque l’on est parti à parler de déception, autant entrer dans le vif du sujet : la maniabilité est assez désagréable. Oui, la prise en mains, à la manette, est passable. Mais une chose a retenu notre attention dès le début : une visée aidée, plaçant le curseur sur les personnages à portée, qui nous dessert plus qu’autre chose en combat. En effet, elle passe sans trop que l’on comprenne comment ni pourquoi d’un adversaire à l’autre en plein affrontement, ce qui est à la fois perturbant et dangereux.
Une option qui, comme son appellation l’indique, peut parfaitement être désactivée, ce qu’on vous recommande d’ailleurs sans hésiter de faire dès les premières minutes de n’importe laquelle des trois aventures. Mais ce n’est pas le cas des autres détails qui gênent, comme l’inventaire qui a pris une sacrée claque, et les interactions dans ce dernier qui sont abominables. Par ailleurs, si les titres ont leur lot de détails qui font moderne, comme la possibilité de marquer un objectif sur sa map, force est de reconnaître qu’évoluer dans leurs mondes se fait parfois dans la douleur. A fortiori dans les zones les plus encombrées en ennemis ou en anomalies dangereuses, puisque la santé de notre bidasse descend à une vitesse folle. Mention spéciale à l’IA, toujours aussi meurtrière, contre laquelle on vous recommande carrément de passer le premier jeu en mode débutant (ce qui peut heureusement se faire à la volée dans les options).
En conclusion
Ne nous faites pas dire ce que l’on n’a pas dit : non, les trois titres ne sont pas devenus mauvais avec le temps. Et d’une certaine manière, cette version consoles est certainement le meilleur moyen de les découvrir aujourd’hui, notamment parce qu’elle s’offre toutes les petites facilités que nos machines de salon proposent, comme la possibilité de pouvoir mettre sa partie en pause sur Switch. On retient aussi une roue des armes fonctionnelle, quoiqu’on aurait aimé qu’elle soit un peu plus que cela évidemment.
Ce que l’on dit, en revanche, et c’est ce sur quoi cet article se terminera afin qu’il ne règne plus aucune confusion sur le sujet, c’est que S.T.A.L.K.E.R. et ses add-on, que ce soit sur consoles ou sur PC, on pris un énorme coup de vieux. Ainsi, on ne peut guère les recommander à ceux qui ne savent pas déjà où ils mettent les pieds, et dans le même temps aux joueurs les plus frileux face aux expériences complexes. Oui, les jeux demeurent bons, mais non, leur découverte ne se fait pas sans heurt en 2024.
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